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L’avis de la HAS sur des référentiels d’arrêts maladie

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Evolution

Chaque patient est différentTout le monde se souvient que l’assurance-maladie a décidé début 2010 de distribuer aux médecins concernés des référentiels d’arrêts de travail. Se doutant que cette décision ne ferait peut-être pas l’unanimité et le cadre de l’article L 161-39 du code de la Sécurité sociale, la Haute Autorité de santé (HAS) a été saisie par la Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés (CNAM-TS) afin qu’elle rende un avis sur six référentiels proposant des durées indicatives d’arrêt de travail avant même qu’ils ne commencent à être distribués. Ces documents concernent six pathologies ou procédures : la lombalgie commune ; les pathologies anxio-dépressives mineures ; la gastro-entérite virale ; les varices après intervention (ligature ou stripping) ; le syndrome du canal carpien après intervention ; la ligamentoplastie du ligament croisé antérieur du genou. Ces avis ont été publiés et expliquent la méthodologie retenue et surtout ses limites dans le temps imparti par la législation dans le cadre de cette procédure : « L’analyse de la littérature disponible n’a pas permis d’identifier de données probantes ou de recommandations sur des durées d’arrêt de travail optimales pour les pathologies examinées. Par ailleurs, le mode de sollicitation des sociétés savantes n’a pas permis d’aller au-delà d’une simple présentation des quelques réponses obtenues. »

On comprend la difficulté pour l’HAS à répondre quand on analyse le document. Il semble exister un décalage entre les intérêts pour la Sécurité sociale à développer de tels documents et la réalité de la pratique professionnelle : par exemple, les pathologies anxio-dépressives mineures n’existent pas dans la littérature médicale. Dans un tel cas, la HAS « considère qu’en l’absence de définition claire et unanimement reconnue des troubles anxio-dépressifs mineurs, les durées d’arrêt de travail indicatives proposées sont inopérantes.
Par ailleurs, les sociétés savantes interrogées soulignent la difficulté de déterminer une durée d’arrêt de travail en l’absence d’un diagnostic individuel précis, notamment quant au contexte de survenue des troubles anxio-dépressifs mineurs. »

La HAS émet aussi des réserves concernant la durée des arrêts de travail après une gastro-entérite virale, celle relative au syndrome du canal carpien après intervention et à la lombalgie commune…

Tout cela n’a pas empêché l’assurance-maladie de distribuer les référentiels et, sans doute, de s’en servir dans son appréciation du travail des professionnels de santé. L’avenir dira si les référentiels seront adaptés aux réalités médicales et si la CNAM-TS tiendra compte des avis de la HAS et travaillera en amont d’une telle saisine avec cette institution comme le souhaite son président. Il n’est décidément pas pratique que les patients ne réagissent pas tous aux traitements de la même façon et ne nécessitent pas tous les mêmes soins. Malgré tout, la standardisation peut paraître plus importante que la réalité lorsque l’on a besoin d’atteindre des objectifs économiques…

Rien n’interdit à un pays de l’Union européenne de réserver les officines aux seuls pharmaciens

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Le profit n'est pas ce qui prime pour les pharmaciensLa cour de justice des communautés européennes (CJCE) a rendu, le 19 mai 2009, des décisions favorables aux pharmaciens pour ce qui est de savoir si un pays de l’Union pouvait réserver la détention et l’exploitation d’une pharmacie aux seuls pharmaciens.

Il est intéressant de noter que c’est sur la sécurité et la qualité que repose la décision de la cour. « Les législations italienne et allemande prévoyant une telle règle sont justifiées par l’objectif visant à garantir un approvisionnement en médicaments de la population sûr et de qualité ». Plutôt que de céder à la pression commerciale qui avait poussé le Land de la Sarre à autoriser une société anonyme néerlandaise à exploiter une pharmacie à Sarrebruck, la CJCE a choisi de privilégier la santé publique.

Les dispositions du traité européen relatives à la liberté d’établissement ne s’opposent donc pas aux législations nationales réservant les officines aux seuls pharmaciens. Certes, dans les arrêts, la cour relève que l’exclusion des non-pharmaciens de la possibilité d’exploiter une pharmacie ou d’acquérir des participations dans des sociétés d’exploitation de pharmacies constitue une restriction à la liberté d’établissement et à la libre circulation des capitaux, mais la sécurité et la qualité de l’approvisionnement en médicaments de la population priment cette restriction. Le raisonnement de la cour est expliqué dans le communiqué que les services de la CJCE ont fait paraître. « Lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à l’importance de risques pour la santé des personnes, il importe que l’État membre puisse prendre des mesures de protection sans avoir à attendre que la réalité de ces risques soit pleinement démontrée. En outre, l’État membre peut prendre les mesures qui réduisent, autant que possible, un risque pour la santé publique, y compris, plus précisément, un risque pour l’approvisionnement en médicaments de la population sûr et de qualité.
Dans ce contexte, la Cour souligne le caractère très particulier des médicaments, les effets thérapeutiques de ceux-ci les distinguant substantiellement des autres marchandises.
Ces effets thérapeutiques ont pour conséquence que, si les médicaments sont consommés sans nécessité ou de manière incorrecte, ils peuvent gravement nuire à la santé, sans que le patient soit en mesure d’en prendre conscience lors de leur administration.
Une surconsommation ou une utilisation incorrecte de médicaments entraîne, en outre, un gaspillage de ressources financières qui est d’autant plus dommageable que le secteur pharmaceutique engendre des coûts considérables et doit répondre à des besoins croissants, tandis que les ressources financières pouvant être consacrées aux soins de santé ne sont, quel que soit le mode de financement utilisé, pas illimitées.
Compte tenu de la faculté reconnue aux États membres de décider du niveau de protection de la santé publique, ces derniers peuvent exiger que les médicaments soient distribués par des pharmaciens jouissant d’une indépendance professionnelle réelle. »

Que les apothicaires fassent du commerce n’y change rien. La CJCE estime que les pharmaciens ne sont pas des commerçants comme les autres et qu’il n’exerce pas son métier dans le seul but de faire des bénéfices. La cour met en avant la formation, l’expérience professionnelle et la responsabilité de ces professionnels de santé. L’éthique s’invite ainsi dans les réflexions de la CJCE. Pour un pharmacien, la légitime recherche du profit est contrebalancée par les règles légales et déontologiques auxquelles il est soumis. Ces éléments offrent des garanties aux citoyens

De telles décisions contrastent fortement avec certaines politiques nationales, ou avec les discours de complémentaires santé pensant surtout aux profits de leurs actionnaires, fustigeant les médecins, les dentistes ou les pharmaciens. La CJCE fait confiance aux professionnels de santé soumis à un code de déontologie pour prendre conscience des risques qu’ils encourent en privilégiant le lucre à l’éthique. Elle reconnaît la valeur ajoutée liée à la formation et à l’expérience dans le domaine de la santé. La Cour comprend qu’un État puisse estimes que les équivalents dans l’univers du commerce n’offrent pas les mêmes garanties à la population. Elle trouve tout aussi légitime l’idée qu’un professionnel de santé tel que le pharmacien puisse perdre de son indépendance s’il dépend financièrement d’un organisme unique, comme cela peut être le cas d’un salarié.

Pour la cour de justice des communautés européennes, « les libertés d’établissement et de circulation des capitaux ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui empêche des personnes n’ayant pas la qualité de pharmaciens de détenir et d’exploiter des pharmacies ». En fonction de l’évolution des législations nationales, les citoyens européens peuvent maintenant savoir si leur pays privilégie la santé publique ou le commerce…