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Ne pas respecter le règlement intérieur d’un hôpital peut valoir une condamnation pour homicide involontaire

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Panneau hôpitalRares sont les médecins qui s’intéressent de près au règlement intérieur de l’établissement hospitalier au sein duquel ils travaillent. À leur décharge, les tâches administratives auxquelles ils sont de plus en plus souvent soumis font qu’ils préfèrent consacrer leur temps restant à assurer leur formation continue, sans pour autant négliger la prise en charge des malades. Une jurisprudence du début de l’année 2010 montre qu’ils feraient néanmoins mieux de relire ce règlement intérieur et de le respecter.

Un soir de février 2003, une jeune femme de 35 ans chute lourdement sur sa terrasse dans le sud de la France. C’est suite à ce traumatisme qu’elle est admise en urgence, dans la nuit, dans une antenne du centre hospitalier universitaire de sa région. À son arrivée au service des urgences, seul un interne est présent, le médecin senior de cette unité de soins n’est pas là. Comme c’est d’usage, ce dernier ne se déplace qu’à la demande du service. Nombreux sont les services qui fonctionnent ainsi et le médecin senior a l’autorisation de son chef de service pour agir de la sorte. Habituellement tout se passe bien, l’interne prend en charge le patient, prescrit les examens complémentaires, fait le diagnostic, instaure le traitement et oriente le patient vers le service où il sera hospitalisé. Mais en cet hiver 2003, les choses ne se passent pas de cette façon…
À son arrivée au service des urgences, la jeune femme n’est pas dans un état préoccupant et il n’est donc pas fait appel au médecin senior. Elle est envoyée en radiologie par l’interne. À son retour aux urgences, après la prise des clichés, malgré des signes d’hémopneumothorax (du sang et de l’air dans des régions du thorax où l’on ne devrait pas en trouver), l’interne ne juge toujours pas nécessaire d’appeler le médecin senior. Erreur d’appréciation ou peur de se faire rabrouer par son supérieur comme c’est parfois le cas, il gère seul la situation alors que le pronostic vital de la jeune femme est en jeu. Le protocole adéquat n’est pas mis en place et la patiente décède deux jours plus tard d’un arrêt cardiocirculatoire. Tout le monde s’accorde à dire que « cette faute patente est la cause indirecte et certaine du décès ».

C’est sur le règlement intérieur de l’hôpital que s’est appuyée, le 9 mars 2010 (pourvoi nº 09-80543), la Cour de cassation pour confirmer l’arrêt de la cour d’appel ayant déclaré coupable le centre hospitalier du délit d’homicide involontaire. Pour la Cour, il y a eu défaillance dans l’organisation de l’établissement. Cette défaillance consiste en l’absence de médecin senior dans ce service alors que le titulaire était autorisé à s’absenter par son supérieur hiérarchique, responsable de toutes les unités des services des urgences, et ce, en infraction au règlement intérieur de l’établissement qui impose la seniorisation dans chaque unité sectorisée de ces services ainsi que l’accueil par un médecin senior de chaque patient à charge pour lui, éventuellement, sous sa responsabilité d’attribuer le suivi de ce patient à un interne ou faisant fonction. Cette désorganisation fautive n’a pas permis de prendre, dès l’arrivée de la patiente, les mesures appropriées qu’un médecin senior aurait dû mettre en oeuvre, mais surtout dès le retour de cette dernière du service des radiographies puisque c’est à ce moment-là que le processus vital s’est enclenché pour défaut de mise en place d’un protocole adéquat qui aurait permis d’éviter l’arrêt cardiocirculatoire alors que l’existence de la pathologie majeure était révélée.

C’est la responsabilité pénale du centre hospitalier en tant que personne morale qui a ainsi été reconnue. C’est bien le non-respect du règlement intérieur qui, pour les juges, est à l’origine de la faute directement responsable du décès de la patiente. Mieux vaut donc prendre quelques minutes pour relire ce règlement si l’on est amené à intervenir dans un établissement de soins…

Le retard d’hospitalisation en cas de grippe est une perte de chance

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Trouver le bon équilibreHors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés au code de la santé publique, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute. C’est ce que prévoit l’article L 1142-1 de ce même code. Un tribunal va donc s’évertuer à rechercher la faute d’un praticien lorsque la responsabilité de ce dernier est mise en cause par un patient ou sa famille, mais il ne doit pas pour autant négliger les autres éléments du dossier…

Si la grippe est une affection le plus souvent bénigne, malgré la présentation qui en a pu être faite à l’occasion de la pandémie survenue en 2009, il arrive parfois qu’un patient soit atteint d’une forme maligne de cette maladie. C’est ce qui est arrivé à une femme en décembre 2003, sans que rien ne laisse présager pour autant que son état de santé allait se dégrader brutalement et qu’elle décéderait d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë. La famille a porté plainte contre le médecin qui n’a pas hospitalisé la malade pensant que tout allait rentrer dans l’ordre rapidement.

Dans un premier temps, la cour d’appel a débouté la famille de sa demande en responsabilité du médecin. Certes si le praticien avait délivré à la patiente des soins consciencieux, attentifs et diligents, son hospitalisation serait intervenue plus tôt, mais que rien ne dit pour autant que l’évolution de la pathologie eût été différente ; l’administration de l’antibiothérapie aurait été avancée mais aucun élément médical ne permettait de dire que cela aurait évité la dégradation brutale de l’état de santé de la malade et son décès, dans la mesure où la cause du syndrome de détresse respiratoire aiguë dont elle était décédée n’avait pu être déterminée, de sorte qu’il n’était pas établi que la faute du médecin eût fait perdre à la patiente une chance de survie.

Mais la Cour de cassation, dans un arrêt du 14 octobre 2010 (pourvoi nº 09-69195), ne l’a pas entendu de cette façon. Pour cette dernière, la perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable, de sorte que ni l’incertitude relative à l’évolution de la pathologie, ni l’indétermination de la cause du syndrome de détresse respiratoire aiguë ayant entraîné le décès n’étaient de nature à faire écarter le lien de causalité entre la faute commise par le médecin, laquelle avait eu pour effet de retarder la prise en charge de la patiente, et la perte d’une chance de survie pour cette dernière. En hospitalisant plus tôt la patiente pour sa grippe, le praticien ne lui aurait pas fait perdre une chance de survivre, peu importe que ce soit ou non cette maladie qui soit à l’origine de son décès…

La réalité juridique est parfois très éloignée du discours de terrain. D’un côté, les médecins sont de plus en plus encouragés, pour ne pas dire contraints, économies de santé obligent, à ne pas hospitaliser des patients pour des maladies qui sont, chez la très grande majorité des patients, peu sévères, surtout si ces maladies sont virales ou infectieuses afin d’éviter de contaminer inutilement les services de soins. De l’autre, les praticiens se retrouvent avec une véritable épée de Damoclès au dessus de la tête, le plus petit retard d’hospitalisation en cas d’aggravation brutale et imprévisible de la maladie chez un patient ne présentant pas de facteur de risque particulier suffisant à les faire condamner pour faute. Pas facile de travailler sereinement, chaque jour, à l’aplomb d’un précipice…

Infection nosocomiale et devoir d’information

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Boîte de PetriConformément à l’article L 1111-2 du code de la santé publique, toute personne a le droit d’être informée, préalablement à toute investigation, tout traitement ou toute action de prévention qui lui est proposé, sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent. Si une infection nosocomiale n’est pas de survenue fréquente, elle n’en est pas moins souvent grave, surtout à une époque où des germes multirésistants aux antibiotiques se répandent de par le monde. Mais il est vrai qu’il arrive à un praticien qui intervient depuis parfois plusieurs dizaines d’années, qui a traité des milliers de patients sans aucun problème de cette nature, qui a toujours fait preuve de la plus grande rigueur quand il est question de désinfection et d’asepsie, peut inconsciemment minimiser l’importance d’informer le patient de ce risque, à tel point qu’il ne l’évoque pas systématiquement avec chacun des malades qu’il doit prendre en charge.

Ne pas informer ne veut pas dire être négligent au moment du geste médical ou chirurgical. C’est ce que tend à prouver l’affaire qu’a eu à examiner la 1re chambre civile de la Cour de cassation en avril 2010 (pourvoi no 08-21058, paru au bulletin de cette même cour du 15 septembre 2010) : alors qu’un patient ayant subi une infiltration intra-articulaire au niveau d’un genou a présenté une arthrite septique, reconnue comme infection nosocomiale, aucune preuve d’un défaut fautif d’asepsie imputable au praticien dans la réalisation de l’acte médical n’a pu être mise en évidence par le patient. Il n’y a rien d’étonnant à cela : une contamination peut intervenir après le geste, au moment des soins de pansement ou à l’occasion de l’application d’un traitement complémentaire au niveau local effectués par du personnel paramédical ou le patient lui-même. Pour la cour d’appel, cette absence de faute était suffisante pour qu’il ne puisse être reproché au praticien de n’avoir pas informé son patient d’un risque qui n’était pas lié à l’intervention préconisée. Mais la Cour de cassation a décidé qu’il n’en était pas ainsi : pour elle, « il incombe au médecin, tenu d’une obligation particulière d’information vis-à-vis de son patient, de prouver qu’il a exécuté cette obligation ; qu’en conséquence, en cas de litige, il appartient au médecin d’établir que les complications qui sont survenues et dont il n’avait pas préalablement informé son patient du risque, sont sans lien avec l’acte médical qu’il a pratiqué ». Pas question de faire peser sur le patient, pour apprécier les contours de l’obligation d’information du médecin, la charge de prouver que l’infection nosocomiale était en lien avec l’intervention pratiquée.

Pour la Cour de cassation, en vertu de l’article L 1111-2 du code de la santé publique, « une cour d’appel ne peut retenir qu’il ne saurait être reproché à un médecin ayant pratiqué sur un patient une infiltration du genou, à la suite de laquelle ce dernier avait contracté une arthrite septique, de ne pas l’avoir informé du risque d’infection nosocomiale scientifiquement connu comme étant en rapport avec ce type d’intervention, au seul motif qu’aucune faute d’asepsie n’était intervenue dans la réalisation de l’acte ».

Avant tout acte médical ou chirurgical, qu’il s’agisse de prévention, de diagnostic ou de traitement, le praticien doit informer le patient d’un risque d’infection nosocomiale. Que le médecin estime qu’une infection nosocomiale est imprévisible et dépend de multiples facteurs importe peu : il doit informer le patient et, surtout, être en mesure de prouver qu’il en a bien parlé au patient au cours de l’entretien individuel prévu à cet effet par la loi, la bonne foi et la parole du médecin ne suffisant plus depuis bien longtemps.

Des codes-barres sur les ordonnances

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

C’est en pleine période estivale qu’a été signé l’arrêté du 10 août fixant les caractéristiques permettant la lecture automatique des éléments d’identification du prescripteur sur les ordonnances. Publié le 1er septembre 2010 au Journal officiel de la République française, ce texte qui ne permet plus aux médecins d’imprimer eux-mêmes leurs ordonnances semble pourtant ne pas susciter de vives protestations de la part des praticiens qui préfèrent sans doute faire la sourde oreille à une nouvelle mesure administrative leur compliquant la tâche pour simplifier celle des pharmaciens, des services de la Sécurité sociale ou des mutuelles. C’est d’ailleurs le directeur de la Sécurité sociale qui est chargé de l’exécution de cet arrêté.

Extrait de l’arrêté du 10 août 2010 fixant les caractéristiques permettant la lecture automatique des éléments d’identification du prescripteur sur les ordonnances

 

Article 1

Afin de garantir la fiabilité des informations transmises et permettre leur lecture automatique, les éléments d’identification du prescripteur figurant sur l’ordonnance établie sur support papier sont conformes aux caractéristiques suivantes :

1° Utilisation d’un procédé d’impression de type code à barres :

Les identifiants sont apposés au moyen d’un procédé d’impression de type code à barres, conforme au code 128 tel que défini par la norme NF EN 799.

Afin de vérifier le strict respect des spécifications techniques détaillées de cette norme, notamment en ce qui concerne la lisibilité du code, des contrôles réguliers sont effectués à l’initiative et sous la responsabilité du producteur des supports d’ordonnances.

L’ordonnance est identifiée au moyen de deux codes à barres correspondant :

― à l’identifiant personnel du prescripteur autorisé à exercer (numéro d’inscription au répertoire partagé des professionnels de santé ou RPPS) ;

― à l’identifiant de la structure d’activité au titre de laquelle est établie l’ordonnance. Ce numéro est le numéro d’inscription au fichier national des établissements sanitaires et sociaux (FINESS) pour les établissements sanitaires et sociaux. Dans les autres cas, y compris les activités libérales exercées en milieu hospitalier, c’est le numéro établi par l’assurance maladie appelé « numéro assurance maladie, AM ».

L’ordonnance peut comporter les codes à barres correspondant aux numéros personnels d’identification d’un ou plusieurs autres prescripteurs exerçant au sein d’une même structure d’activité, sous réserve :

― du respect d’un espacement minimal de trente millimètres entre chaque code à barres ;

― que le code à barres correspondant à l’identifiant personnel du prescripteur qui établit l’ordonnance soit mis en évidence de façon à ce que sa lecture automatique soit immédiate et sans ambiguïté pour le professionnel de santé qui exécute la prescription.

2° Indications associées aux codes à barres :

Avec chaque code à barres, sont apposées les indications suivantes :

― immédiatement au-dessus de chaque code à barres, avec utilisation d’une taille de caractères au moins égale à 1 millimètre, une ligne de légende correspondant à la définition de l’information sous-jacente :

a) pour l’identifiant personnel du prescripteur : « N° RPPS » ;

b) pour l’identifiant de la structure d’activité, selon le cas : « N° FINESS » ou « N° AM » ;

― immédiatement au-dessous de chaque code à barres, avec utilisation d’une taille de caractères au moins égale à 2 millimètres, une ligne de légende correspondant à la traduction en clair de celui-ci.

Article 2

Le directeur de la sécurité sociale est chargé de l’exécution du présent arrêté, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Pour le médecin qui fait appel à un imprimeur pour la réalisation de ses ordonnanciers, outre le fait que son stock actuel n’est plus utilisable faute de faire apparaître le code-barre à moins d’y ajouter des étiquettes autocollantes spécialement créées à cet effet, il peut s’attendre à ce que ces nouvelles spécifications engendrent un surcoût à l’achat, l’imprimeur ne manquant pas de répercuter sur son client ces nouvelles contraintes.

Pour le médecin qui utilise l’imprimante reliée à son ordinateur et d’un clic lance l’impression depuis le dossier électronique du patient de sa prescription, il va devoir s’assurer que son logiciel et son matériel sont en mesure de respecter le code 128 de la norme française et européenne NF en 799. Cette dernière prévoit un jeu de polices spécifique qui ne figure pas dans ceux fournis habituellement avec les traitements de texte et oblige à une qualité d’impression qui ne souffre aucun défaut. Le praticien étant, quand il imprime son ordonnance, considéré comme le producteur du support, il supporte de nouvelles responsabilités relatives à la lisibilité du code et à son contrôle. Et comment effectuer ces contrôles sans disposer d’un lecteur ? En plus de l’achat de ce dernier, le praticien ne devra pas oublier de consigner le résultat de ses contrôles réguliers afin de minimiser le risque de voir sa responsabilité engagée en cas de problème. 

Pourquoi avoir choisi cette norme ? Tout simplement parce que c’est celle qui est déjà utilisée actuellement pour les vignettes sur les médicaments, sur des imprimés administratifs ou, normalement, sur certains supports de prescription pour les établissements de santé ayant des médecins salariés (no FINESS géographique sur des bons de transport ou des formulaires d’arrêt maladie, très utile pour assurer un suivi plus précis des dépenses de santé, par exemple). Les pharmaciens et les services administratifs n’auront donc pas à modifier leur matériel pour lire ces codes. Il est intéressant de noter que sur l’avis aux fabricants et distributeurs de produits ou prestations remboursés par la Sécurité sociale, il est précisé que « les spécifications techniques détaillées de la norme doivent être scrupuleusement respectées pour garantir la fiabilité de la lecture. Elles portent notamment sur la largeur minimum du plus petit élément, la hauteur du code, les marges qui doivent l’entourer et le contraste ; les barres doivent être imprimées en noir mat 100 % ».

Quoi qu’il en soit, même si certains praticiens grognent et pointent du doigt les aberrations de ce texte, d’autres semblent se résigner et cherchent déjà des solutions pour obtempérer…

Trois interventions, deux chirurgiens, une infection nosocomiale

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Plusieurs chirurgiensLes infections nosocomiales sont une source de jurisprudences intarissable à notre époque. La décision de la première chambre de la Cour de cassation du 1er juillet 2010 (pourvoi no 09-69151) en est un nouvel exemple.

Tout commence en avril 1989. Une patiente se fracture la cheville et doit subir une intervention orthopédique pour cette raison. Elle est prise en charge à cet effet par un chirurgien qui l’opère dans une clinique proche de la capitale. Malheureusement pour elle, les suites ne sont pas simples et une deuxième intervention est réalisée en juillet de la même année. Son état n’étant toujours pas satisfaisant, elle doit subir une troisième opération en septembre 1989 pour laquelle elle s’adresse à un autre chirurgien, professeur de son état, intervenant dans une clinique du 16e arrondissement de Paris. Tout aurait pu s’arrêter là si un staphylocoque doré n’avait pas été mis en évidence à l’occasion d’un prélèvement, signant ainsi une infection nosocomiale. Ce n’est que six ans plus tard, en 1995, qu’il a pu être mis fin aux nombreux traitements qu’a nécessités l’éradication de ce germe.
Estimant avoir subi un préjudice, la patiente a demandé réparation au chirurgien ayant initialement réparé sa fracture. Estimant ne pas être responsable de l’infection qui « n’était ni présente ni en incubation » aux dires des experts après ses deux interventions, ce dernier a mis en cause la clinique dans laquelle avait eu lieu la troisième opération.
La cour d’appel, allant dans le sens de ce que faisait valoir le premier chirurgien et sans se prononcer sur la responsabilité de celui-ci le mettant ainsi hors de cause, a condamné la clinique parisienne où l’infection nosocomiale a été contractée.

La Cour de cassation ne l’a pas entendu de cette oreille. Pour elle, « lorsque la faute d’un médecin dans la prise en charge d’une personne a rendu nécessaire une intervention au cours de laquelle celle-ci a contracté une infection nosocomiale dont elle a demandé réparation à la clinique où a eu lieu l’intervention, au titre de son obligation de résultat, cette dernière, obligée à indemniser la victime pour le tout, est fondée à invoquer la faute médicale initiale pour qu’il soit statué sur la répartition de la charge de la dette ». Rien n’interdit donc à une clinique mise en cause de rechercher la responsabilité d’un chirurgien étant préalablement intervenu dans un autre établissement en cas d’infection nosocomiale.

La Cour a aussi pris en compte que « le caractère nosocomial de l’infection étant établi, la circonstance qu’une faute, commise antérieurement, ait rendu nécessaire l’intervention au cours de laquelle celle-ci a été contractée, si elle est susceptible, le cas échéant, de faire retenir la responsabilité de son auteur à l’égard de la victime, ne saurait, dès lors qu’il n’est pas allégué qu’elle aurait rendu l’infection inévitable, constituer une cause étrangère, seule de nature à exonérer l’établissement des conséquences de la violation de son obligation de résultat ». Ce n’est pas parce qu’une intervention est inévitable à la suite d’une erreur commise dans un autre établissement, que la clinique qui prend en charge un patient peut s’exonérer de son obligation de sécurité de résultat en matière d’infection nosocomiale en arguant d’une « cause étrangère », seul motif lui permettant de ne pas être condamnée.

Dernier élément intéressant de cette jurisprudence : la patiente est décédée en 2005, pour des raisons étrangères à cette infection nosocomiale bien entendu, mais c’est sa fille, unique héritière, qui a repris l’instance et c’est à elle que sera versée la somme en réparation du préjudice.

Obligation de prendre soin de la santé et de la sécurité de ses collègues

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Prévention des accidents de travailLa chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé dans une décision du 23 juin 2010 (pourvoi n° 09-41607) qu’il incombait à chaque travailleur, au titre de l’article L 4122-1 du code du travail, « de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail ».

Dans l’affaire portée en cassation, il est question d’une mezzanine récupérée sur un autre site d’exploitation présentant un défaut de stabilité et des oscillations suspectes suite à son remontage alors que des employés étaient amenés à travailler sur et sous cet ouvrage. Pour ne pas avoir pris les mesures qui s’imposaient, un chef magasinier, devenu chef du magasin, s’est vu licencié pour faute grave. La Cour de cassation a estimé que ce licenciement était justifié, car conformément à l’article L 4122-1 du code du travail, cet employé ayant reçu une délégation de pouvoir « à l’effet de prendre toutes mesures et toutes décisions en vue d’appliquer et de faire appliquer les prescriptions d’hygiène et de sécurité pour le personnel et les tiers dans le dépôt », il aurait dû prendre de mesure pour prévenir un accident, par exemple en interdisant l’accès à cette mezzanine ou en faisant procéder au retrait des marchandises qui y étaient entreposées.
En l’espèce, le chef du magasin s’est contenté de demander un devis au fabricant de la mezzanine pour la mise en conformité de la stabilité de celle-ci. Le montant des travaux ne s’élevant qu’à 180 euros, et bien que le fabricant ait indiqué qu’ils étaient impératifs pour rendre stable l’ouvrage, le responsable du dépôt ne les a pas fait réaliser. Pour lui, « la nature et la modicité des travaux préconisés par le fabricant de cette mezzanine faisaient naître un doute sur le niveau de danger présenté par l’installation défectueuse ».
Pour la Cour, le fait « de n’avoir ni commandé ces travaux de mise en conformité après l’obtention du devis, ni alerté sa hiérarchie sur la non-conformité de cette mezzanine, ni pris de mesure pour prévenir un accident » est bien constitutif de faute grave, d’autant plus s’il a été investi d’une délégation de pouvoir en ce sens. Même s’il ne l’avait pas été, « les manquements du salarié à son obligation de prendre soin de sa sécurité et de celle d’autrui engagent sa responsabilité et peuvent constituer une faute grave ».

Un « salarié investi d’une délégation de pouvoir en matière de sécurité et tenu, à ce titre, de veiller au respect des règles de sécurité dans un établissement, doit prendre toute mesure nécessaire pour assurer le respect de ces règles et prévenir tout accident du travail ; qu’en particulier, en présence d’une installation non conforme aux règles de sécurité, il doit prendre toute mesure nécessaire pour remédier à cette défectuosité et, dans l’attente de la mise en conformité de cette installation, prévenir tout accident en interdisant l’accès à cette installation ».

La prévention est un facteur essentiel en matière de santé et d’accident au travail.

Infection nosocomiale, établissements de santé et responsabilité

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Infection nosocomialeÀ qui revient la responsabilité de l’infection nosocomiale qui emporte un patient qui a passé les cent neuf derniers jours de sa vie dans six établissements de santé différents qui lui ont prodigué des soins et où il a subi divers examens ? C’est à cette question que vient de répondre la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 17 juin 2010 (pourvoi no 09-67011).

Pour la Cour, « lorsque la preuve d’une infection nosocomiale est apportée mais que celle-ci est susceptible d’avoir été contractée dans plusieurs établissements de santé, il appartient à chacun de ceux dont la responsabilité est recherchée d’établir qu’il n’est pas à l’origine de cette infection ».

C’est le 21 mai 1996 (pourvoi no 94-16586) que la Cour de cassation énonce pour la première fois qu’une clinique est présumée responsable d’une infection contractée par un patient lors d’une intervention pratiquée dans une salle d’opération, à moins de prouver l’absence de faute de sa part. Cet arrêt marque un revirement de jurisprudence en la matière puisqu’avant cet énoncé la victime de l’infection nosocomiale contractée dans une salle d’opération devait faire la preuve de son origine. La charge de la preuve de la faute s’est ainsi vue renversée.

Depuis le 29 juin 1999 (pourvois no 97-14254, 97-15818, 97-21903), c’est même une présomption de faute renforcée qui pèse sur les établissements de soins en matière d’infection nosocomiale. « Un établissement de santé […] est tenu vis-à-vis de son patient, en matière d’infection nosocomiale, d’une obligation de sécurité de résultat dont il ne peut se libérer qu’en rapportant la preuve d’une cause étrangère. »

Tout le monde s’accorde à dire qu’établir, pour un établissement de santé, que la contamination provient d’une source qui lui est étrangère est une preuve particulièrement difficile à rapporter pour ce dernier et que la jurisprudence est donc favorable aux patients en ce domaine.

Le projet de directive relative aux soins de santé transfrontaliers avance

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Union européenneIl aura fallu une proposition de compromis faite par l’Espagne, qui assure actuellement la présidence de l’Union européenne, pour que les ministres de la santé des États membres finissent par se mettre d’accord sur le projet de directive relative aux soins de santé transfrontaliers qui sera soumis en deuxième lecture au Parlement européen. Lancé en 2008, ce projet n’a eu de cesse d’être repoussé pour de multiples raisons. Les précédentes négociations sous la présidence suédoise avaient principalement achoppé sur le problème du remboursement des soins prodigués par les professionnels de santé non conventionnés et sur celui des soins des retraités résidant à l’étranger. Deux autres points ne faisaient pas non plus l’unanimité : l’interopérabilité des systèmes de technologies de l’information et de la communication dans le domaine des soins de santé et la part de la compétence exclusive des États dans le domaine de la santé que le traité leur reconnaît, compétence mise à mal par la jurisprudence de la Cour de justice européenne au nom du principe du marché intérieur.

Le projet de directive ayant fait l’objet du compromis reprend pour commencer quelques fondamentaux : « Dans la présente directive, on entend par soins de santé l’ensemble des services de santé fournis par des professionnels de la santé aux patients pour évaluer, maintenir ou rétablir leur état de santé. Cependant, il est clair que l’obligation de rembourser le coût des soins de santé transfrontaliers doit se limiter aux soins de santé auxquels la personne assurée a droit conformément à la législation de son État membre d’affiliation. » Le texte ne s’applique pas aux services dont le but est d’aider les personnes qui ont besoin d’aide pour accomplir des tâches quotidiennes courantes, comme les prestations de soins de longue durée dispensées dans des maisons de retraite ou des foyers-logements (« maisons de soins ») par des services de soins à domicile ou dans des résidences offrant des services. Il ne concerne pas non plus à l’attribution et à l’accès aux organes aux fins des transplantations.
« Aux fins du remboursement des soins de santé transfrontaliers, la présente directive devrait couvrir non seulement la situation du patient qui reçoit des soins de santé dispensés dans un État membre autre que l’État membre d’affiliation, mais également la prescription, la préparation et la délivrance de médicaments et de dispositifs médicaux lorsque ceux-ci sont fournis dans le cadre d’un service de santé. La définition des soins de santé transfrontaliers devrait couvrir à la fois la situation du patient qui achète ces médicaments et dispositifs médicaux dans un État membre autre que l’État membre d’affiliation et la situation du patient qui achète ces médicaments et dispositifs médicaux dans un État membre autre que celui où la prescription a été établie.
La présente directive n’affecte pas les dispositions réglementaires des États membres relatives aux ventes de médicaments et dispositifs médicaux par Internet. »

Les professionnels de santé ont tout intérêt à lire ce projet, car certaines propositions risquent de les interpeller.
Les médecins, au même titre que les autres « prestataires de soins de santé », se verraient, par exemple, contraints de remettre une « facture transparente » aux patients et une information sur sa « couverture d’assurance ou tout autre moyen de protection personnelle ou collective au titre de la responsabilité professionnelle », couverture assurantielle qui pourrait connaître une certaine harmonisation européenne. Des mesures visant à faciliter le dépôt de plainte ou la demande de réparation des patients devraient être prises par les différents États.
Une prescription de médicaments, par exemple, aurait une valeur transfrontalière : avec une ordonnance établie dans un pays de l’Union, un patient pourrait se faire délivrer son traitement dans un autre pays membre. Il en serait de même pour les dispositifs médicaux.
Des réseaux européens de référence devraient être mis en place.

Le compromis a pu être trouvé grâce à la possibilité donnée aux États de mettre en place un système d’autorisation préalable relatif au remboursement de certains soins transfrontaliers et de refuser cette autorisation « si ces soins de santé peuvent être dispensés sur son territoire dans un délai acceptable sur le plan médical, compte tenu de l’état de santé du moment de la personne concernée et de l’évolution probable de sa maladie », par exemple. Les États ont aussi obtenu que la directive précise qu’ils peuvent limiter l’application des règles relatives au remboursement des soins de santé transfrontaliers « pour des raisons impérieuses d’intérêt général telles que le risque de porter gravement atteinte à l’équilibre financier du système de sécurité sociale ou pour satisfaire à l’objectif de maintenir un service médical et hospitalier équilibré et accessible à tous ».
Le remboursement des soins transfrontaliers par télémédecine est aussi évoqué dans le compromis.

Enfin, une ébauche de dossier médical européen pourrait voir le jour et il est question qu’il existe « une liste non exhaustive de données à faire figurer dans le dossier des patients et pouvant être partagées par les professionnels de la santé pour permettre la continuité des soins et promouvoir la sécurité des patients par-delà les frontières ». Il faut espérer que ces mesures seront véritablement axées sur la santé et non sur l’aspect économies de santé, facteur qui n’a toujours pas permis au dossier médical personnel (DMP) à la française de prendre de l’essor.

Malgré l’apparente volonté des États de conserver leur compétence exclusive dans le domaine de la santé, c’est une nouvelle fois à l’échelon européen que les futures évolutions du droit de la santé se jouent. Si les industriels l’ont compris depuis bien longtemps, les professionnels de santé doivent en prendre conscience le plus rapidement possible et s’organiser en conséquence s’ils veulent que leur point de vue soit pris en compte au moment de la deuxième lecture du projet de directive au Parlement européen.

 


Pour aller plus loin :
Les Vingt-sept s’accordent sur le compromis espagnol par Sophie Petitjean sur le site Europolitique
UE : Accord pour le remboursement des soins transfrontaliers par Damien Dozol sur le site News-assurances


Certificat médical et divorce

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Rupture et divorceOn ne compte plus, chaque année, le nombre de médecins mis en cause pour avoir rédigé un certificat médical, tout particulièrement lorsque ce document va être utilisé par un patient ou par son avocat dans une procédure de divorce. Cet acte, qui paraît souvent anodin au praticien, engage pourtant sa responsabilité au même titre qu’un acte diagnostic ou thérapeutique.

La section du contentieux du Conseil d’État, dans une décision du 26 mai 2010 (requête n° 322128), résume bien ce qui caractérise le médecin imprudent.

En août 2006, un généraliste du sud-est de la France remet à la mère d’un jeune garçon de quatorze ans qu’il vient d’examiner un certificat médical dans lequel il constate que cet adolescent présente des troubles psychosomatiques. Alors que les parents sont en instance de divorce, ce même praticien un mois plus tard délivre « un second certificat médical présentant ces troubles comme en rapport avec des problèmes relationnels avec son père et prescrivant qu’il ne se rende pas chez ce dernier pendant un mois, sans invoquer d’éléments nouveaux et sans avoir eu de contact avec le père ». Réaction immédiate du père qui demande au conseil de l’ordre dont dépend le praticien une sanction à l’égard de ce dernier. Après la procédure habituelle, le médecin se voit infliger un blâme. Cette peine, contestée par le généraliste, ayant été confirmée par la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins, il a formulé une requête devant le Conseil d’État.

Pour la section du contentieux, « en jugeant qu’en ne se bornant pas à relater les constatations médicales qu’il avait pu effectuer sur son patient et en mettant en cause la responsabilité du père, le Dr B s’est immiscé dans les affaires de famille et a établi un certificat tendancieux, la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins n’a pas entaché sa décision d’erreur de qualification juridique au regard » de l’article R 4127-28 du code de la santé publique (art. 28 du code de déontologie) qui précise que « La délivrance d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance est interdite » et de l’article R 4127-51 du même code (art. 51 du code de déontologie) disant que « Le médecin ne doit pas s’immiscer sans raison professionnelle dans les affaires de famille ni dans la vie privée de ses patients ».

Un certificat médical doit être basé sur un examen clinique réalisé par le médecin lui-même et préciser la date à laquelle cet examen a eu lieu si le praticien ne veut pas voir sa responsabilité engagée. Revoir son diagnostic a posteriori sans nouvel examen ou sans élément nouveau et délivrer un autre certificat à cette occasion est une faute, surtout quand une tierce personne est mise en cause par cet acte. Lorsqu’il est question de divorce, le médecin doit être particulièrement prudent et son ressenti ne doit pas influencer ses actes s’il veut continuer à exercer en toute sérénité.