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Bataille juridique autour des vaccins contre le H1N1 en Pologne pendant que l’Allemagne revend les siens

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

L'argent de la grippe A(H1N1)Après avoir envisagé d’acheter quatre millions de vaccins contre la grippe A(H1N1) pour immuniser les groupes à risque, le gouvernement polonais a renoncé à cette dépense face aux exigences des laboratoires et à la gravité très modérée de la grippe pandémique de 2009 comparée des grippes saisonnières habituelles. La ministre de la santé polonaise, Ewa Kopacz, médecin généraliste pendant plus de vingt, a même un brin ironisé en conseillant aux citoyens de ce pays de plus de 38 millions d’habitants le thé associé au jus de framboise pour lutter efficacement contre la maladie.
Bien que le taux de mortalité en Pologne (24 décès) ne soit pas significativement plus élevé qu’ailleurs en Europe, et particulièrement en France (124 décès pour plus de 62 millions d’habitants) où une campagne de vaccination de masse a été mise en place, des voix se sont élevées pour que les citoyens aient le choix de se faire immuniser ou non. Plus que de simples protestations, l’affaire a pris un tour juridique avec la plainte déposée par Janusz Kochanowski, avocat et commissaire aux droits civiques. Ce dernier s’oppose au gouvernement du premier ministre Donald Tusk, arguant que chaque Polonais doit être libre de choisir s’il veut ou non être vacciné. Il estime que les pouvoirs publics mettent en danger la vie de la population et, qu’à l’avenir, une telle situation ne doit pas se reproduire. Reste à savoir quelle suite donnera le procureur de la République à cette demande de poursuites…

Même s’il a conseillé à ses ressortissants l’immunisation, le gouvernement allemand a, quant à lui, laissé le choix à ses citoyens de se faire vacciner ou non. Cinquante millions de doses ont été achetées, mais le ministre de la santé, Philipp Rösler, a reconnu hier que seuls 5 % de la population avait accepté d’être immunisée. Les professionnels de santé allemands eux-mêmes, groupe considéré à risque comme en France ou ailleurs, ne sont que 15 % à avoir répondu à l’appel. Résultat, plus de 40 millions de doses achetées et qui doivent être payées risquent de ne pas être utilisées. Les États régionaux allemands ont donc demandé au gouvernement fédéral de revendre les doses excédentaires, plutôt que de voir leur budget ainsi amputé pour rien. Avec 86 décès pour une population de 82 millions d’habitants, l’Allemagne, sans aucune campagne de vaccination agressive, affiche des chiffres rassurants comparés à ceux des grippes saisonnières, et le pouvoir fédéral a donc répondu favorablement à la demande des régions. Reste à savoir qui va les acheter.

L’Ukraine pourrait être un bon client puisque l’absence de vaccins dans ce pays a pris, là aussi, une tournure plus politique que sanitaire. Après une polémique sur les masques de protection et les antiviraux, comme le Tamiflu, en nombre insuffisant le gouvernement ukrainien se divise au sujet des vaccins.
La France est loin de tous ses problèmes. Le gouvernement fait bloc et de nouvelles dispositions ont été prises pour que le Tamiflu soit délivré “gratuitement” en pharmacie. Il faut dire qu’un gros stock a été constitué en 2005, suite à l’alerte liée à la grippe aviaire, dont la dangerosité était bien plus élevée que celle de la grippe A(H1N1). Son fabricant semblant regretter que les ventes restent modestes dans l’Hexagone, les médecins ne le prescrivant que lorsqu’ils l’estiment nécessaire, suivant ainsi les recommandations officielles réservant ce produit aux personnes avec une forme de grippe « grave d’emblée ou compliquée » et à celles présentant des facteurs de risque particuliers ou une infection avec un début brutal « si la forme clinique est jugée sévère par le médecin », ces dernières devraient être élargies. L’arrêté du 3 décembre 2009 relatif à la distribution de kits destinés au traitement des patients atteints par le virus de la grippe de type A (H1N1) 2009 prévoit, quant à lui, qu’un traitement antiviral et une boîte de masques anti-projections issus du stock national, est délivré gratuitement sur prescription médicale par les officines de pharmacie.
Dans le même temps, une publication scientifique parue début décembre 2009 remet en cause l’efficacité de ce produit sur le virus de l’actuelle pandémie, allant même jusqu’à évoquer un accroissement de l’activité virale avec le Tamiflu. Ces données ne vont pas manquer de relancer la polémique sur les conflits d’intérêts des différents experts à l’origine des recommandations des agences de santé “indépendantes” françaises et sur le caractère économique des décisions prises par les pouvoirs publics.

Si tout ceci n’était pas aussi sérieux, il serait tentant de citer Raymond Devos : « La grippe, ça dure huit jours si on la soigne et une semaine si on ne fait rien. »