Articles tagués ‘salarié’

Arrêt maladie et congés payés

Écrit par Marie-Thérèse Giorgio le . Dans la rubrique La forme, Perspectives

Épineuse question que celle du devenir des congés payés quand on est en arrêt de travail à cause d’un problème de santé, surtout lorsque celui-ci a tendance à s’éterniser. Si le droit à les conserver était entendu, la durée pendant laquelle cela était possible souffrait d’imprécision. Source de conflits avec certains employeurs, les affaires portées devant les tribunaux ne manquent pas à ce sujet. Nombreux étaient donc ceux qui attendaient avec impatience une décision de la Cour de justice de l’Union européenne en la matière et, pour la première fois, dans un arrêt du 22 novembre 2011, celle-ci a considéré que le report des droits au congé annuel d’un travailleur en incapacité de travail pouvait être limité dans le temps par des dispositions nationales.

Un seul collaborateur libéral par médecin, dentiste ou sage-femme

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Face à faceLe Conseil d’État a tranché : « il n’est loisible à tout médecin que de conclure un seul contrat de collaborateur libéral avec un confrère ». Et le Conseil d’État va même plus loin, puisque cette limitation à un seul contrat de collaborateur libéral s’impose aussi aux autres professions médicales (chirurgien dentiste, sage femme) : « la réglementation de la profession de médecin, ainsi d’ailleurs que celle des autres professions médicales, justifie légalement de limiter le nombre de collaborateurs libéraux dont le praticien peut s’entourer » comme l’explique une décision du 11 octobre 2011 (nº 330296).

Dans cette affaire, un praticien avait trouvé deux confrères souhaitant travailler à temps partiel au sein du cabinet, en parallèle de sa propre activité. Disposant, à cette époque, d’un remplaçant pour ses périodes de congés ou de formation continue, il n’était nullement pour lui question de laisser en d’autres mains les patients qui désiraient être suivis par lui, simplement d’offrir de nouvelles possibilités d’accès aux soins dans une région considérée comme sous médicalisée dans la spécialité qui est la sienne. Pour des raisons pratiques, les collaborateurs libéraux étaient intégrés à une société d’exercice libérale (SEL).
Mais le conseil de l’ordre des médecins ne l’a pas entendu de cette oreille et a refusé le recours à deux collaborateurs libéraux au motif qu’un contrat de collaboration libérale doit être conclu dans le respect des règles régissant la profession aux termes de l’article 18 de la loi nº 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises et que, selon les principes du code de déontologie, le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle, l’exercice de la médecine est personnel, la médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce, tout compérage entre médecins est prohibé et qu’il est interdit à un médecin de faire gérer son cabinet par un confrère.
Des principes qui semblaient compatibles ou très éloignés de l’esprit de la loi du 2 août 2005, comme pouvaient le laisser penser les conclusions du rapporteur public du Conseil d’État. Pour ce dernier, aucune disposition de l’article 18 de la loi du 2 août 2005, ni de l’article R 4127-87 du code de la santé publique ne permettait de limiter le recours à plus d’un collaborateur libéral par praticien ou société de praticiens, ce qui paraissait somme toute logique à la lecture de l’article Un seul collaborateur libéral par cabinet médical ? Pas selon la loi… publié en février 2009. De plus, le rapporteur public estimait que le risque d’atteinte aux principes déontologiques par le recours à deux collaborateurs libéraux n’était pas plus élevé que dans le cadre d’un exercice en société. Une telle limitation constituait même, selon lui, une atteinte à la liberté contractuelle dont seul le législateur pouvait décider.

Le Conseil d’État qui n’est pas lié aux conclusions de son rapporteur public en a donc décidé autrement et a reconnu le bien-fondé de la décision du conseil national de l’ordre des médecins selon laquelle un médecin ne peut recourir aux services que d’un seul collaborateur libéral aux motifs que le cumul de contrats de collaboration serait constitutif d’une gérance de cabinet et d’un exercice de la médecine comme un commerce, sur le fondement de l’article R 4127-91 du code de la santé publique.

Une décision surprenante, d’autant plus qu’elle est susceptible de s’appliquer à toutes les professions médicales, quand on sait que le décret nº 2009-168 du 12 février 2009 portant modification de diverses dispositions du code de la santé publique relatives à l’exercice de la profession de chirurgien-dentiste, publié au Journal officiel du 14 février 2009 a assoupli la restriction à un seul collaborateur qui pesait sur les chirurgiens-dentistes. Une décision qui laisse aussi songeur à un moment où l’on encourage les praticiens à travailler en équipe au sein de maisons médicales ou à développer le principe du travail aidé en collaborant avec des professionnels paramédicaux.
Les arguments retenus laissent penser que le cumul de contrats de collaboration salariée serait aussi constitutif d’une gérance de cabinet ou de l’exercice de la médecine comme un commerce pour le secteur libéral. Deux pas en avant, trois pas en arrière ?

Statut professionnel, arrêt de travail et chirurgie du canal carpien

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Début 2010, l’assurance-maladie a distribué aux médecins concernés des référentiels d’arrêt maladie concernant les suites de la chirurgie du canal carpien. Ce référentiel, basé sur des travaux réalisés pour le système de santé anglais (le NHS) et d’autres études réalisées outre-Manche, ainsi que sur des données de l’Anaes (l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé, ancêtre de la Haute Autorité de santé)1, conseille aux médecins de prescrire un arrêt de travail compris entre 7 jours et 56 jours, en fonction de la technique chirurgicale utilisée et du travail effectué par le patient (Tableau I).

 

Tableau I : seuil fixé pour un arrêt de travail après chirurgie du canal carpien
Suite à une chirurgie par voie endoscopique Suite à une chirurgie à ciel ouvert
Sédentaire –> 7 jours

Travail physique léger / Sollicitation modérée de la main / Charge ponctuelle < 10 kg charge répétée < 5 kg –> 14 jours

Travail physique modéré / Sollicitation modérée de la main / Charge ponctuelle < 25 kg charge répétée < 10 kg –> 21 jours

Travail physique lourd / Forte sollicitation de la main / Charge > 25 kg –> 28 jours

Sédentaire –> 14 jours

Travail physique léger / Sollicitation modérée de la main / Charge ponctuelle < 10 kg charge répétée < 5 kg –> 28 jours

Travail physique modéré / Sollicitation modérée de la main / Charge ponctuelle < 25 kg charge répétée < 10 kg –> 42 jours

Travail physique lourd / Forte sollicitation de la main / Charge > 25 kg –> 56 jours

 

La Haute Autorité de santé a été saisie à ce sujet par la Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés (Cnamts). La HAS a fait remarquer que le rapport d’évaluation technologique de l’Anaes réalisé en l’an 2000, travail comparant les techniques à ciel ouvert et endoscopique dans le cadre de la prise en charge chirurgicale du syndrome du canal carpien, n’avait montré aucune différence en termes d’efficacité clinique ni de sécurité d’utilisation en fonction de la méthode utilisée. Ce rapport propose de réserver l’utilisation de la technique endoscopique à des chirurgiens expérimentés. La HAS explique que la recherche bibliographique portant sur les recommandations de pratique clinique publiées en France ou au niveau international n’a pas permis d’identifier de préconisations concernant les durées d’arrêt de travail après intervention chirurgicale du canal carpien.La lumière sur la chirurgie du canal carpien Néanmoins, pour la Société française de chirurgie de la main, le travail ou l’activité sont repris selon le type d’occupation, en général après 15 à 21 jours et pour le Royal College of Surgeons of England, la durée d’arrêt de travail varie entre 1 et 10 semaines selon le type d’activité (sédentaire : 1 à 2 semaines / travail manuel léger : 2 à 4 semaines / travail manuel moyen : 4 à 6 semaines / travail manuel lourd : 6 à 10 semaines). « Dans tous les cas, le type de technique chirurgicale n’apparaît pas comme un facteur discriminant. »

L’uniformisation des durées d’arrêt de travail est discutable lorsque l’on part du principe que chaque patient est unique, mais on comprend aisément l’intérêt de telles pratiques quand il est question d’économies de santé. S’il fallait s’en convaincre, il suffirait de se référer à une étude publiée en 2001 par une équipe de chirurgiens de la main nantais, intitulée « Interruption professionnelle et chirurgie des syndromes du canal carpien. Résultats d’une série prospective de 233 patients ». Réalisée pour évaluer les liens entre protection sociale et interruption professionnelle après chirurgie des syndromes du canal carpien, ses résultats sont particulièrement intéressants. Pour un même protocole thérapeutique, réalisé par le même chirurgien, chez 233 malades, ce travail montre que le type de couverture sociale des patients a une influence sur la durée de l’interruption professionnelle postopératoire dans le cadre de la chirurgie des syndromes du canal carpien idiopathique. Même s’il a été recommandé à tous les patients une mobilisation active des doigts et l’utilisation de la main opérée, dans la limite des douleurs, dès les premières heures postopératoires, pour les non-salariés, l’interruption de travail est en moyenne de 17 jours ; pour ceux du secteur privé, elle est de 35 jours ; pour les fonctionnaires et assimilés, elle passe à 56 jours. Ces différences sont statiquement significatives.
Les patients du régime maladie interrompent en moyenne leur travail 32 jours, alors que l’arrêt est de 49 jours lorsque c’est le régime des maladies professionnelles qui est concerné.
Si l’activité manuelle ou non entraîne une différence significative pour les non-salariés et les employés du secteur privé, cette différence disparaît quand on s’intéresse aux fonctionnaires et assimilés sans qu’un état pathologique particulier (douleurs spontanées, douleurs cicatricielles, diminution de la force de prise) ait pu être mis en évidence.

Même si des études à grande échelle seraient très éloignées du politiquement correct ambiant, on voit l’intérêt qu’elles auraient sur un plan économique et surtout l’impact qu’elles pourraient avoir sur l’émergence d’une assurance sociale tendant à motiver tous les patients dans leurs efforts de rééducation, leur permettant ainsi de retrouver leur indépendance plus rapidement et de lutter contre une sédentarité délétère. Voilà qui donne à réfléchir…

 


1- Medical Disability Advisor, 5th Edition, 2008 ; Official Disability Guidelines, 14th Edition, 2009, NHS ; Royal College of Surgeons ; Anaes 2000

 

 


 

Droit-medical.com tient à remercier le Dr Virginie Berard, chirurgien de la main à Rouen, pour l’aide qu’elle a apportée à la rédaction de cet article.

 

Congé d’allaitement pour les pères salariés

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Père s'endormant en donnant le biberonLa Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a tranché : les pères salariés ont droit à un congé dit « d’allaitement » indépendamment du statut professionnel de la mère de leur enfant.

C’est une nouvelle fois au motif de « discrimination par le sexe » que la Cour s’est prononcée dans une affaire (C 104/09) opposant un salarié espagnol à son employeur. La loi ibérique, dans le cas où les deux parents travaillent, prévoit que les mères ou les pères peuvent, pendant les neuf premiers mois suivant la naissance de leur enfant, bénéficier d’un congé dit « d’allaitement », congé qui permet de s’absenter du lieu de travail pendant une heure ─ celle-ci pouvant être divisée en deux fractions ─ ou de réduire la journée de travail d’une demi-heure. Conformément à ce texte, un salarié a demandé ce congé d’allaitement à la société qui l’emploie. Cet avantage, prévu par la loi, lui a été refusé au motif que sa femme était travailleuse indépendante. En effet, le texte espagnol relatif au congé d’allaitement précise que les deux parents doivent être salariés pour que le père puisse bénéficier du congé. L’employé a décidé de faire appel à la justice pour ce qu’il estimait être une discrimination.

La Cour supérieure de justice de Galice (Tribunal Superior de Justicia de Galicia), saisie en instance d’appel, a relevé que « les évolutions réglementaires et jurisprudentielles nationales ont détaché ce congé du fait biologique de l’accouchement. Alors qu’il avait été institué en 1900 pour faciliter l’allaitement naturel de la mère, il peut être octroyé, depuis quelques années, même en cas d’allaitement artificiel. Désormais, il doit être considéré comme un simple temps d’attention à l’enfant et comme une mesure de conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle à l’issue du congé de maternité. Néanmoins, aujourd’hui encore, ce n’est que si la mère est une travailleuse salariée et jouit donc, à ce titre, du droit au congé d’allaitement, que le père peut bénéficier du congé à sa place. »

Subodorant le caractère potentiellement discriminatoire d’un tel texte, la cour espagnole a préféré utiliser une procédure de renvoi préjudiciel avant de prendre sa décision. En agissant ainsi, elle a pu interroger la CJUE sur l’interprétation du droit européen en la matière. Il existe, en effet, des directives relatives à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail, la dernière en date étant la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006.

Pour la CJUE, « ces directives s’opposent à une mesure nationale qui prévoit que les mères travailleuses salariées peuvent bénéficier d’un congé d’allaitement alors que les pères travailleurs salariés ne peuvent en bénéficier que lorsque la mère de leur enfant est également une travailleuse salariée. » Pour la Cour, il y a bien là une discrimination fondée sur le sexe, discrimination qui « ne peut être justifiée ni par des objectifs de protection de la femme ni par la promotion de l’égalité de chances entre hommes et femmes. » Pas question non plus pour la CJUE de rester sur une vision passéiste du rôle du père au sein de la famille : « le fait que seule la mère salariée soit titulaire du droit de bénéficier du congé, alors que le père ayant le même statut ne peut pas en bénéficier directement, est de nature à perpétuer une distribution traditionnelle des rôles, en maintenant les hommes dans un rôle subsidiaire en ce qui concerne l’exercice de leur fonction parentale. »

Messieurs, à vos biberons !

Santé, travail et indépendance médicale

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Être indépendant...L’impartialité des médecins est depuis de nombreuses années un sujet sensible lorsqu’il est question de santé et de travail. Qu’il s’agisse de l’indépendance des praticiens de santé au travail vis-à-vis des entreprises pour lesquelles ils interviennent ou de la possible complaisance de certains médecins qui signent des arrêts maladie larga manu. Deux évolutions législatives relatives à ces sujets ont d’ailleurs amené le conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) à faire des remarques et à émettre des recommandations à ce propos.

Personne n’ignore que la réforme des textes régissant la santé au travail est en cours de discussion et devrait déboucher sur une refonte de la loi. Lors de sa session plénière du 25 juin 2010, le CNOM s’est donc penché sur cette question et l’a mesuré à son aune. Un rapport présentant ses recommandations et intitulé La réforme de la santé au travail passée au crible de la déontologie médicale résume ces travaux.
Dès la première recommandation, c’est l’indépendance des médecins de santé au travail qui est abordée : « L’indépendance des médecins du travail ne doit pas être altérée par de nouvelles règles de gouvernance des services de santé au travail. Il ne peut appartenir au directeur du service de santé au travail de définir de son propre chef les orientations et objectifs médicaux du service. » Nouvelle remarque quelques lignes plus bas : « Le législateur doit prendre toute mesure pour garantir le respect effectif de l’indépendance professionnelle du médecin du travail. Le législateur doit prendre toute mesure pour garantir la confidentialité absolue des données de santé à l’égard des employeurs dès lors que la consultation du DMP par le médecin du travail pourrait le conduire à en reporter des éléments dans le dossier médical de médecine du travail ». Il est, en effet, question que le médecin de santé au travail puisse accéder directement au DMP (dossier médical personnel : celui tenu par le médecin traitant ou les autres spécialistes auxquels l’employé fait appel dans sa sphère privée), d’où les craintes de certains : des employeurs indélicats pourraient tenter d’utiliser ces informations au mépris du secret médical et faire pression dans ce sens sur les médecins du travail. Pas seulement sur les praticiens d’ailleurs puisque qu’il est aussi question des employés dans le rapport du CNOM : « Tout comportement d’un employeur visant directement ou indirectement à faire pression auprès d’un salarié pour qu’il donne accès à son DMP doit être sévèrement puni. »

Deuxième évolution législative déjà consommée celle-là : la mise en place d’une nouvelle procédure visant à mieux contrôler les arrêts maladie des salariés du régime général et du régime agricole. Le décret n° 2010-957 du 24 août 2010 relatif au contrôle des arrêts de travail a fait réagir l’Ordre. Ce texte fixe les délais nécessaires à la mise en œuvre de deux dispositifs ayant pour objet de mieux contrôler les arrêts de travail dus à une maladie ou un accident.
Le premier dispositif concerne les salariés qui ont fait l’objet, pendant leur arrêt de travail, du contrôle d’un médecin mandaté par leur employeur. Lorsque ce médecin conclut à l’absence de justification de l’arrêt de travail, le médecin-conseil de l’assurance maladie peut demander à la caisse de suspendre les indemnités journalières. Le salarié dispose alors d’un délai de dix jours francs à compter de la notification de la décision de suspension des indemnités journalières pour demander à la caisse de sécurité sociale dont il relève un examen de sa situation par le médecin-conseil. Ce dernier doit se prononcer dans un délai de quatre jours francs à compter de la saisine du salarié.
Le second dispositif prévoit que tout arrêt de travail prescrit dans les dix jours francs suivant une décision de suspension des indemnités journalières est soumis à l’avis du médecin-conseil de l’assurance maladie qui dispose d’un délai de quatre jours francs pour se prononcer.
Le CNOM conteste ce décret d’application relatif à la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 de financement de la sécurité sociale pour 2010. Pour l’Ordre, ce texte veut dire que le service médical de l’assurance maladie peut demander la suspension du versement des indemnités journalières de l’assurance maladie sur la seule base d’un contrôle effectué par un médecin mandaté par l’employeur. L’examen de l’assuré par le médecin-conseil n’est plus obligatoire, il se borne alors à valider l’avis du médecin contrôleur patronal.
En relisant les débats parlementaires, l’esprit de la loi semble être respecté par ce décret. En effet, pour venir en aide à un système de contrôle institutionnel vraisemblablement débordé et dans un souci d’économies, le législateur a mis en place un système faisant appel à un médecin privé, mandaté par l’employeur qui rend normalement un avis en toute indépendance. Dans ces conditions, pourquoi suspecter cet avis et refuser qu’il soit utilisé par un confrère, fut-il médecin-conseil ? Parce qu’il s’agit d’un médecin contrôleur “patronal” ?
Le CNOM s’insurge aussi contre l’une des dispositions de ce texte qui, selon lui, « jette une suspicion inacceptable sur la justification médicale de l’arrêt de travail qui est présumé avoir été prescrit par simple complaisance ». S’il est scandaleux de présumer qu’un médecin qui donne un arrêt maladie peut agir par complaisance, en quoi est-ce légitime de soupçonner un médecin contrôleur patronal de rendre un avis partial ? Et si cet avis est indépendant, pourquoi ne pourrait-il pas être utilisé par le service de contrôle de l’assurance-maladie pour suspendre les indemnités journalières ? La Sécurité sociale ne se fonde-t-elle pas chaque jour sur l’avis de médecins extérieurs à ses services pour accorder ou refuser des prestations aux assurés sociaux ? L’article 69 du code de déontologie médicale précisant que « L’exercice de la médecine est personnel ; chaque médecin est responsable de ses décisions et de ses actes » ne doit-il s’appliquer que quand il est question de refus ?

Plus que l’indépendance de tous les médecins, c’est celle des praticiens payés par une entreprise qui semble poser problème. Mais, en dehors de tout aspect idéologique, doit-il vraiment exister une suspicion légitime à l’égard des médecins de santé au travail ou des praticiens contrôleurs “patronaux” ?

Le montant de la visite médicale de santé au travail peut-il être déduit du salaire d’un employé ?

Écrit par Marie-Thérèse Giorgio le . Dans la rubrique La forme

Beaucoup de services de santé au travail facturent les visites médicales qui ne sont pas annulées au moins 48 h à l’avance. Certaines entreprises déduisent parfois cette pénalité du salaire de l’employé qui a oublié de se présenter à la visite médicale programmée : cette pratique est-elle légale ?

Obligation de prendre soin de la santé et de la sécurité de ses collègues

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Prévention des accidents de travailLa chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé dans une décision du 23 juin 2010 (pourvoi n° 09-41607) qu’il incombait à chaque travailleur, au titre de l’article L 4122-1 du code du travail, « de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail ».

Dans l’affaire portée en cassation, il est question d’une mezzanine récupérée sur un autre site d’exploitation présentant un défaut de stabilité et des oscillations suspectes suite à son remontage alors que des employés étaient amenés à travailler sur et sous cet ouvrage. Pour ne pas avoir pris les mesures qui s’imposaient, un chef magasinier, devenu chef du magasin, s’est vu licencié pour faute grave. La Cour de cassation a estimé que ce licenciement était justifié, car conformément à l’article L 4122-1 du code du travail, cet employé ayant reçu une délégation de pouvoir « à l’effet de prendre toutes mesures et toutes décisions en vue d’appliquer et de faire appliquer les prescriptions d’hygiène et de sécurité pour le personnel et les tiers dans le dépôt », il aurait dû prendre de mesure pour prévenir un accident, par exemple en interdisant l’accès à cette mezzanine ou en faisant procéder au retrait des marchandises qui y étaient entreposées.
En l’espèce, le chef du magasin s’est contenté de demander un devis au fabricant de la mezzanine pour la mise en conformité de la stabilité de celle-ci. Le montant des travaux ne s’élevant qu’à 180 euros, et bien que le fabricant ait indiqué qu’ils étaient impératifs pour rendre stable l’ouvrage, le responsable du dépôt ne les a pas fait réaliser. Pour lui, « la nature et la modicité des travaux préconisés par le fabricant de cette mezzanine faisaient naître un doute sur le niveau de danger présenté par l’installation défectueuse ».
Pour la Cour, le fait « de n’avoir ni commandé ces travaux de mise en conformité après l’obtention du devis, ni alerté sa hiérarchie sur la non-conformité de cette mezzanine, ni pris de mesure pour prévenir un accident » est bien constitutif de faute grave, d’autant plus s’il a été investi d’une délégation de pouvoir en ce sens. Même s’il ne l’avait pas été, « les manquements du salarié à son obligation de prendre soin de sa sécurité et de celle d’autrui engagent sa responsabilité et peuvent constituer une faute grave ».

Un « salarié investi d’une délégation de pouvoir en matière de sécurité et tenu, à ce titre, de veiller au respect des règles de sécurité dans un établissement, doit prendre toute mesure nécessaire pour assurer le respect de ces règles et prévenir tout accident du travail ; qu’en particulier, en présence d’une installation non conforme aux règles de sécurité, il doit prendre toute mesure nécessaire pour remédier à cette défectuosité et, dans l’attente de la mise en conformité de cette installation, prévenir tout accident en interdisant l’accès à cette installation ».

La prévention est un facteur essentiel en matière de santé et d’accident au travail.

Vers un accès du médecin du travail au dossier médical privé de l’employé

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Un médecin au travailDans un rapport adopté lors de la session du Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) du 25 juin 2010, ce dernier ne s’oppose pas, sur un plan déontologique, à ce que les médecins du travail puissent avoir accès en lecture, comme en écriture, au dossier médical personnel des employés des entreprises pour lesquels ils sont amenés à intervenir. C’est dans le cadre de la réforme annoncée de la santé au travail que le CNOM a adopté des préconisations qu’il souhaiterait voir reprises dans le projet de loi actuellement en chantier.

Pour le conseil de l’ordre, l’accès au dossier médical personnel (DMP) « présente un intérêt indiscutable pour la santé du salarié », même s’il aimerait que des conditions soient posées à cet accès : « Le salarié doit donner un consentement exprès, renouvelé, libre et éclairé au médecin du travail Le consentement ou l’absence de consentement du salarié ne peut, sous quelque forme que ce soit, être porté à la connaissance d’une tierce personne. Tout comportement d’un employeur visant directement ou indirectement à faire pression auprès d’un salarié pour qu’il donne accès à son DMP doit être sévèrement puni.
Le législateur doit prendre toute mesure pour garantir le respect effectif de l’indépendance professionnelle du médecin du travail.
Le législateur doit prendre toute mesure pour garantir la confidentialité absolue des données de santé à l’égard des employeurs dès lors que la consultation du DMP par le médecin du travail pourrait le conduire à en reporter des éléments dans le dossier médical de médecine du travail.
Il faut également envisager que le médecin du travail puisse compléter le DMP pour que le médecin traitant du salarié ait connaissance des risques professionnels auxquels est exposé le patient qu’il prend en charge. »

S’il n’est pas étonnant que la question du secret médical soit au coeur des débats, car c’est souvent un élément de litiges entre employés, médecins du travail et employeurs, d’autres aspects de la réforme annoncée ont été abordés dans ce rapport.
Pour le CNOM, la délégation de tâches aux infirmiers, censée apporter un bénéfice aux salariés et libérer du temps médical en cette période de disette démographique, pourrait comprendre des actes médicaux « bien identifiés », sur le principe d’un protocole de coopération médecin-infirmier validé par la HAS qu’a déjà instauré la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) dans le monde libéral.
La reconnaissance du statut d’assistant de santé au travail est plébiscitée par l’ordre. « Dès lors que les assistants de santé au travail bénéficieront d’une formation standardisée et validée, au plan national, rien ne s’oppose à ce que la réalisation d’examens non invasifs (spirométrie, audiométrie…) leur soit déléguée sous réserve d’une procédure encadrée par le médecin du travail. » Si les mesures prises pour la médecine libérale inspirent la santé au travail, pourquoi ne pas envisager des assistants de santé dans les cabinets des libéraux ?

Toujours dans la perspective de la réforme de la santé au travail, le CNOM souhaite que les médecins généralistes puissent faire bénéficier d’un suivi médical certaines catégories de salariés qui y échappent à l’heure actuelle (travailleurs à domicile, saisonniers, etc.) » à condition qu’ils interviennent au sein des services de santé au travail, charge à ces derniers de les former et de leur donner les moyens pour que leurs « visites médicales et examens cliniques ne soient pas déconnectés d’une connaissance du milieu de travail et des postes de travail ».

Sans doute échaudé par la réforme de l’hôpital, le CNOM insiste enfin sur la nécessaire indépendance des médecins du travail qui ne doit pas être altérée par de nouvelles règles de gouvernance des services de santé au travail : « Il ne peut appartenir au directeur du service de santé au travail de définir de son propre chef les orientations et objectifs médicaux du service. »

Que restera-t-il de toutes ces préconisations après le passage du texte entre les mains des parlementaires ? Très certainement pas grand-chose si l’on se réfère aux récents textes adoptés par les élus…

Examen médical et inaptitude au travail

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Visite de reprise du travailUn arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 8 avril 2010 (pourvoi n° 09-40975) vient préciser les mesures légales propres aux consultations de médecine du travail à l’origine d’un avis d’inaptitude.

« Selon l’article R 4624-31 du code de travail, sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude qu’après avoir réalisé deux examens médicaux de l’intéressé espacés de deux semaines. » Par contre, « ce texte n’impose pas que la constatation de l’inaptitude soit faite lors d’un examen médical de reprise consécutif à une suspension du contrat de travail, le médecin du travail pouvant la constater après tout examen médical qu’il pratique au cours de l’exécution du contrat de travail. »

Dans l’affaire jugée, le salarié estimait qu’ayant demandé lui-même l’examen médical auprès de la médecine du travail, sur les conseils de son médecin traitant, sept semaines après avoir repris ses activités à la suite d’un premier arrêt de travail ne résultant pas d’un accident du travail et étant d’une durée inférieure à vingt et un jours, cette visite médicale ne pouvait pas être considérée comme une visite de reprise (ce en quoi il avait raison) et que les constations réalisées à cette occasion ne pouvaient donc pas concourir à l’inaptitude prononcée après une deuxième visite suite à un nouvel arrêt deux semaines plus tard (ce en quoi il se trompait). Que l’examen médical après suspension du contrat de travail pour maladie soit effectué à l’initiative du seul salarié ou prévu par la loi, et qu’il s’agisse ou non d’une visite de reprise, importe peu : les constations réalisées à cette occasion peuvent servir à déclarer le travailleur inapte.
Pour la cour de cassation l’inaptitude a donc été régulièrement constatée et, dans un tel cas, il appartenait au salarié, en cas de désaccord, d’exercer le recours prévu par l’article L 4624-1 du code du travail, ce qu’il n’a pas fait.

Ces précisions sont importantes puisque cet avis d’inaptitude a conduit cet employé à être licencié faute de reclassement possible.

Les médecins généralistes interdits de Cs

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

La médecine libérale dans un cul de sacLa Cour de cassation a tranché le 8 avril 2010 : en l’état actuel du droit, même si la médecine générale est devenue une spécialité à part entière depuis 2004 et que de nombreux praticiens ont fait qualifier leur diplôme comme tel auprès de leur conseil de l’ordre, les médecins généralistes n’ont pas le droit d’utiliser la lettre-clé Cs (pour consultation spécialisée) pour coter leurs actes. Ils doivent continuer à utiliser pour le remboursement Sécurité sociale la lettre-clé C et le tarif à 22 euros qui s’y attache. Il en va de même pour les lettres-clé V et Vs (pour les visites à domicile).

Dans son arrêt (pourvoi n° 09-13772), la Cour de cassation a décidé qu’un médecin généraliste n’exerçait pas, à titre exclusif, une spécialité relevant des termes prévus par la convention nationale signée entre les médecins et l’assurance-maladie ou par les nombreux autres textes relatifs à la qualification des praticiens. Que le médecin est fait valider son diplôme comme qualifiant pour la spécialité de médecine générale n’y change rien.

Voilà qui ne devrait pas satisfaire ces praticiens qui espéraient une reconnaissance juridico-financière de leur “nouvelle” spécialité. Ils leur restent à s’en remettre au chef de l’État qui, au lendemain d’élections régionales qui n’ont pas été favorables au parti dont il est issu et sans doute après en avoir analysé les résultats par catégories socioprofessionnelles, a affirmé que la médecine de proximité était l’une des priorités de la politique qu’il entendait mener dans un futur proche.

La médecine générale est actuellement en crise, tout comme les autres composantes de la médecine libérale. Le burn-out des praticiens, le choix du salariat ou de modes d’exercice alternatifs et une démographie savamment orchestrée depuis de nombreuses années pour aboutir à une pénurie de médecins censée générer des économies de santé en réduisant l’offre ou en obligeant au transfert des tâches (plus que des compétences) vers des professionnels paramédicaux ou de la santé commerciale (comme les opticiens ou les audioprothésistes) à moindre coût expliquent en grande partie la frustration qui s’exprime actuellement si l’on en croit nombre de généralistes ou de spécialistes.

Jean-Luc Maupas explique, dans le bulletin d’information de janvier 2010 du conseil départemental de l’ordre des médecins de Seine-Maritime qu’il préside, que depuis 1997 « le nombre de nouveaux inscrits choisissant l’exercice salarié a dépassé celui des jeunes confrères optant pour l’exercice libéral, exercice séculairement dominant en France. » Il contacte aussi qu’en 2009, le tableau départemental, comme le tableau national de l’ordre des médecins, montre que cinq nouveaux inscrits seront rémunérés par un salaire et un seulement par des honoraires. Pour lui, « C’est, à l’évidence, un véritable changement de la pratique médicale qui, sans infléchissement choisi ou imposé, fait penser que le XXIe siècle sera celui du salariat médical dominant et, peut-être, qui sait, un jour exclusif. » À l’opposé des discours des principaux syndicats de médecins qui donnent l’impression de vouloir défendre l’exercice libéral, ce constat d’instances ordinales semble résigné et fataliste. Il s’accompagne d’ailleurs d’un appel aux médecins salariés pour qu’ils s’investissent plus au sein de l’ordre, sans doute pour pallier le désintérêt qu’ont montré les libéraux pour les élections ordinales, à l’image de celui des Français pour les élections régionales. Beaucoup ont l’impression d’être coupés de décisions nationales plus politiciennes qu’en prise directe avec les réalités de leur vie quotidienne. La crise de confiance est réelle.

Dans ces conditions, des praticiens en viennent même à se demander dans quelle mesure le rapport confié par le chef de l’État au président du conseil national de l’ordre des médecins sur une réforme de l’exercice libéral, surtout après avoir imposé la présence au sein du groupe de travail chargé de le rédiger de Christian Saout, n’est pas là pour éloigner un peu plus les futurs médecins du choix de l’exercice libéral. Remplacer des libéraux, souvent dociles, mais parfois frondeurs, par des praticiens salariés au service exclusif d’une politique sociale, est un rêve pour beaucoup. Peu importe que les régimes qui ont choisi cette voie n’aient pas fait leurs preuves, seule compte parfois l’idéologie, la volonté d’affirmer son pouvoir ou la démagogie…