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Deux échecs en PACES et adieu l’internat de médecine en France

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

ValiseJusqu’à l’été 2011, les candidats qui avaient échoué à deux reprises à la fin de la première année commune des études de santé (PACES), mais qui voulaient à tout prix devenir médecins prenaient l’avion pour faire les deux premiers cycles des études de médecine en Roumanie ou en Croatie avant de revenir passer l’épreuve classante nationale (ECN) afin de réaliser leur troisième cycle (l’internat) et d’obtenir leur diplôme de spécialité dans l’Hexagone. Forts d’une formation médicale de base d’au moins six années ou de 5 500 heures d’enseignement théorique et pratique dispensées dans une université ou sous la surveillance d’une université ayant ouvert une filière francophone à cet effet, rien n’interdisait jusque-là à ces étudiants opiniâtres de s’inscrire à l’examen venu se substituer, il y a quelques années, au concours de l’internat, comme le prévoit l’article 24 de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil de l’Europe du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles. Il n’en est plus de même depuis la parution au Journal Officiel, le 12 août 2011, du décret no 2011-954 du 10 août 2011 modifiant certaines dispositions relatives au troisième cycle des études médicales. Désormais, « nul ne peut se présenter aux épreuves donnant accès au troisième cycle des études médicales s’il a épuisé les possibilités d’être admis à suivre des études médicales en France […] et à les poursuivre en application de la réglementation relative aux premier et deuxième cycles des études médicales ».

Sachant que « nul ne peut être autorisé à prendre plus de deux inscriptions en première année des études de santé, sauf dérogation accordée par le président de l’université sur proposition du ou des directeurs des unités de formation et de recherche de santé concernés », les candidats n’ayant pas réussi à deux reprises (exceptionnellement trois) à figurer en rang utile sur la liste de classement correspondant à la filière médicale à la fin de la PACES, malgré l’augmentation régulière du numerus clausus, ne sont plus autorisés à se présenter à l’ECN. Il en est de même pour les étudiants ayant justifié notamment de certains grades, titres ou diplômes, leur permettant d’accéder directement en deuxième ou troisième année de médecine, mais ayant vu leur dossier refusé (art. L 631-1 du code de l’éducation).

Ces mesures étant entrées en vigueur au lendemain de leur publication au Journal Officiel, les étudiants qui ont fait le choix, ces cinq dernières années, de partir à l’étranger pour faire leurs études de médecine se voient maintenant obligés de finir leur cursus ailleurs qu’en France. Plus question de revenir à la fin de la sixième année réintégrer la filière française et d’obtenir leur doctorat de médecine et leur diplôme de spécialité dans une université hexagonale. Ils devront continuer leurs études dans le pays où ils ont entamé leur formation ou refaire leurs valises pour aller la terminer dans une autre contrée, comme le Québec par exemple. Par contre, une fois leur diplôme de médecin obtenu, rien ne les empêche de faire jouer les équivalences pour qu’il soit reconnu en France où ils pourront alors exercer. Au lieu d’avoir fait une partie de leurs études à l’étranger et leur spécialité en France avant d’y exercer, ces étudiants auront fait tout leur cursus à l’étranger avant de revenir pour visser leur plaque. Si ces mesures compliquent la tâche de ces étudiants, elles ne leur interdisent en rien de devenir, au final, médecins en France.

Les filières francophones basées en Roumanie ou en Croatie vont-elles souffrir de ces nouvelles mesures ? Pas vraiment… Outre le fait que des bacheliers français choisissent de partir se former directement à l’étranger, sans jamais avoir fréquenté les bancs de la PACES, ces filières verront arriver plus d’étudiants n’ayant échoué qu’une fois à cette première année. Il est aussi probable qu’elles s’organiseront afin de proposer un troisième cycle francophone aux étudiants pouvant y mettre le prix.

La France n’est pas la seule concernée par ces filières permettant de faire une partie ou la totalité de ses études de médecine à l’étranger. La Slovaquie offre, par exemple, la possibilité à des étudiants grecs ou suédois de finaliser leur cursus à Bratislava. Voilà qui n’est pas fait pour simplifier les réflexions menées actuellement par les instances européennes pour faire évoluer la reconnaissance des diplômes des filières santé au sein de l’Union, une évolution qui pourrait elle aussi venir bouleverser l’avenir des étudiants en médecine ayant choisi de faire leurs études dans un pays et d’exercer dans un autre.

Les choses ont évolué :

Études de médecine à l’étranger : les restrictions pour passer l’ECN annulées

Les étudiants ayant échoué deux fois en première année commune des études de santé à faire médecine et allant effectuer les deux premiers cycles de ces études à l’étranger peuvent à nouveau se présenter à l’épreuve classante nationale afin de réaliser leur troisième cycle de médecine en France.

De nouvelles sanctions pour les médecins ne télétransmettant pas suffisamment

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Carte vitale 2Après la signature de la nouvelle convention nationale organisant les rapports entre médecins libéraux et assurance-maladie, la lune de miel continue entre l’Union nationale des Caisses d’assurance-maladie et les syndicats signataires. Et, à en croire le sujet du deuxième avenant signé à cette convention, il n’est pas compliqué de savoir qui porte la culotte dans ce couple contre nature. Il y est, en effet, question des sanctions à l’encontre des médecins ne télétransmettant pas de façon systématique les documents de facturation des actes et prestations…

Jusqu’à ces derniers mois, c’est le principe d’une contribution forfaitaire aux frais de gestion payée par les médecins qui avait été retenu. Il était question de faire payer au praticien 0,50 euro par feuille de soins papier au-delà d’un quota variant en fonction de son activité. Cette solution a été abandonnée suite à la modification de l’article L 161-35 du code de la Sécurité sociale par la loi nº 2011-940 du 10 août 2011. Cet article reprend le principe d’une obligation de transmission électronique des documents de facturation des actes et prestations pour les professionnels de santé et instaure « que le manquement à cette obligation de télétransmission donne lieu à l’application d’une sanction dont les modalités de mise en œuvre sont définies par les partenaires conventionnels », comme le rappelle l’avenant dont il est question ici.

Il est donc logique que figure au sein de la nouvelle convention organisant les rapports entre les médecins et l’assurance-maladie un article qui traite des sanctions susceptibles d’être prononcées en cas de ce qui est considéré comme un non-respect des engagements conventionnels. Il s’agit en l’occurrence de l’article 76 de ce texte qui prévoit désormais que le médecin qui s’oppose “systématiquement” à la télétransmission risque « une suspension de la participation des caisses aux avantages sociaux pour les médecins exerçant en secteur à honoraires opposables d’une durée de trois mois en cas de non-respect de manière systématique de l’obligation de transmission électronique des documents de facturation posée à l’article L. 161-35 du code de la Sécurité sociale. Pour les médecins exerçant dans le secteur à honoraires différents ou titulaires du droit à dépassement permanent, cette sanction est d’un montant équivalent à la participation que supporteraient les caisses au financement de leurs avantages sociaux, sur une durée de trois mois, dans les conditions définies aux articles 60 et suivants de la convention, s’ils exerçaient en secteur à honoraires opposables. Dans le cas où ce manquement est de nouveau constaté après qu’une sanction, devenue définitive, a déjà été prononcée pour le même motif, cette sanction peut être portée à six mois de suspension de la participation de l’assurance maladie aux avantages sociaux ou équivalent pour les médecins exerçant dans le secteur à honoraires différents ou titulaires du droit à dépassement permanent. »
À ceci, rien n’interdit de penser que peut venir s’ajouter « une suspension de la possibilité d’exercer dans le cadre de la convention avec ou sans sursis », autre sanction prévue à l’article 76 de la convention.

Les termes « systématique » et « systématiquement » prêtent à sourire lorsque, dans le même temps, les partenaires de l’accord réaffirment qu’ils s’engagent à généraliser la facturation électronique. Cette généralisation est inscrite à l’article 47 de la convention et prévoit que ce n’est que de « manière exceptionnelle » que cette facturation peut s’effectuer par le biais de la feuille de soins sur support papier, selon les modalités prévues à l’article 52 de cette même convention.

En parcourant les forums et les sites consacrés à la télétransmission, ou tout simplement en discutant avec les professionnels concernés, il est évident que la question des sanctions est loin d’être une urgence aux yeux d’une grande majorité de médecins, non pas parce qu’ils ne souhaitent pas télétransmettre (87 % des généralistes le font et 67 % des spécialistes), mais parce qu’ils estiment qu’avant de prendre du temps à réfléchir à comment les punir, il serait préférable de leur apporter les réponses et les solutions aux problèmes auxquels ils sont confrontés lorsque, pleins de bonne volonté et soucieux de respecter la loi, ils télétransmettent déjà. Dans ces conditions, ils trouvent pathétique que des syndicats censés les représenter s’empressent de signer un tel avenant. Pour eux, faciliter l’accès aux soins des patients, c’est aussi faciliter les tâches administratives des praticiens afin qu’ils puissent pleinement se consacrer aux soins et non qu’ils perdent des heures à gérer de nouvelles tracasseries ou à tenir compte de nouvelles contraintes visant souvent à soulager le travail des employés des caisses d’assurance-maladie représentés, eux, par de vrais syndicats.

À décharge pour les syndicats signataires, il faut aussi prendre en compte les décisions prises par les autres personnes censées représenter les citoyens médecins que sont députés et sénateurs. En ayant voté la loi prévoyant qu’à défaut de dispositions conventionnelles applicables au titre de l’article L 161-35, le directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie fixe les dispositions relatives aux sanctions dont il est question, elles ont mis un pistolet sur la tempe des syndicats, à moins qu’il ne s’agisse de leur avoir donné une excuse supplémentaire vis-à-vis de leurs adhérents pour signer…

Comme toujours, si les médecins sont sanctionnés, rien n’est prévu pour responsabiliser les patients ou pour contraindre les autres acteurs de la télétransmission (éditeurs de logiciel, administration, assurance-maladie) à apporter des solutions simples aux problèmes quotidiens des praticiens. Quelques exemples : pourquoi ne pas pénaliser le patient qui n’a pas sa carte vitale avec lui, retardant ainsi la télétransmission, voire même l’empêchant s’il ne revient pas la présenter ? Pourquoi ne pas imposer aux caisses d’assurance-maladie des sanctions lorsqu’elles tardent à établir ou à renouveler une carte vitale (principe d’un délai réglementaire, comme celui existant pour la télétransmission par le médecin) ? Quid de la carte vitale pour les enfants dont les parents sont séparés ? Pourquoi ne pas avoir usé plus tôt de coercition, comme on l’a fait vis-à-vis des médecins, auprès des éditeurs de logiciel et des fabricants de matériel pour qu’un seul et même standard soit mis en place et que tous les outils métier n’utilisent qu’un seul et même protocole de télétransmission ? Pourquoi ne pas avoir mis en place un renouvellement automatique de la CPS, à l’instar de ce qui existe pour n’importe quelle carte bancaire ? Pourquoi ne pas permettre un usage simple de la télétransmission par un médecin remplaçant ?
C’est en répondant à ces questions que l’on incitera les médecins à télétransmettre chaque jour un peu plus, pas en se contentant de sanctions négociées au mépris de ceux qui sont censés utiliser un système très imparfait au quotidien…

 

AVENANT Nº 2

À LA CONVENTION NATIONALE ORGANISANT LES RAPPORTS ENTRE LES MÉDECINS LIBÉRAUX ET L’ASSURANCE MALADIE SIGNÉE LE 26 JUILLET 2011

Vu le code de la sécurité sociale, et notamment les articles L. 161-35 et L. 162-5,
Vu la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie signée le 26 juillet 2011, publiée au Journal Officiel du 25 septembre 2011.

Préambule

L’article L. 161-35 du code de la sécurité sociale issu de la loi nº 2011-940 du 10 août 2011 instaure une obligation de transmission électronique des documents de facturation des actes et prestations pour les professionnels de santé. Dans ce cadre, les partenaires conventionnels conviennent de la nécessité de généraliser la facturation par transmission électronique, qui permet un remboursement rapide des actes effectués par les professionnels et contribue à faciliter l’accès aux soins des assurés sociaux. Ce même article prévoit que le manquement à cette obligation de télétransmission donne lieu à l’application d’une sanction dont les modalités de mise en œuvre sont définies par les partenaires conventionnels.
Les partenaires conventionnels s’accordent sur le fait que le non-respect de manière systématique de l’obligation de transmission électronique des documents de facturation des actes et prestations par un médecin constitue un manquement aux engagements conventionnels au sens des articles 75 et suivants de la convention nationale susceptible de conduire à la mise en œuvre de la procédure conventionnelle définie aux mêmes articles et à l’annexe XXII de la convention.
Le présent avenant a pour objet de définir la sanction conventionnelle applicable en cas de non-respect de manière systématique de cette obligation de télétransmission et les conditions de sa mise en œuvre.

Les parties signataires de la convention nationale conviennent de ce qui suit :

Article 1

L’article 75 de la convention nationale est ainsi modifié : après : « le non respect du droit à la dispense d’avance des frais au profit des bénéficiaires de la CMUC et de l’ACS » est ajouté l’alinéa suivant : « — le non-respect de manière systématique de l’obligation de transmission électronique à l’assurance maladie, posée à l’article L. 161-35 du code de la sécurité sociale, des documents de facturation des actes et prestations ».

Article 2

L’article 76 de la convention nationale est ainsi modifié : après les mots « six ou douze mois » est ajouté l’alinéa suivant : « — suspension de la participation des caisses aux avantages sociaux pour les médecins exerçant en secteur à honoraires opposables d’une durée de trois mois en cas de non-respect de manière systématique de l’obligation de transmission électronique des documents de facturation posée à l’article L. 161-35 du code de la sécurité sociale. Pour les médecins exerçant dans le secteur à honoraires différents ou titulaires du droit à dépassement permanent, cette sanction est d’un montant équivalent à la participation que supporteraient les caisses au financement de leurs avantages sociaux, sur une durée de trois mois, dans les conditions définies aux articles 60 et suivants de la convention, s’ils exerçaient en secteur à honoraires opposables. Dans le cas où ce manquement est de nouveau constaté après qu’une sanction, devenue définitive, a déjà été prononcée pour le même motif, cette sanction peut être portée à six mois de suspension de la participation de l’assurance maladie aux avantages sociaux ou équivalent pour les médecins exerçant dans le secteur à honoraires différents ou titulaires du droit à dépassement permanent. »

Article 3

À l’article 78, après les mots « d’une durée inférieure ou égale à six mois », il est ajouté un alinéa rédigé dans les termes suivants : « — suspension de la participation de l’assurance maladie aux cotisations sociales ou sanction financière équivalente dans les conditions définies à l’article 76, en cas de non-respect de manière systématique de l’obligation de transmission électronique des documents de facturation posée à l’article L. 161-35 du code de la sécurité sociale. »

Article 4

L’annexe XXII de la convention nationale est ainsi modifiée :
À l’article 1er à la fin du paragraphe 1.1 relatif à la procédure préalable d’avertissement il est ajouté la phrase suivante :
« Dans le cas du non-respect de manière systématique de l’obligation de transmission électronique des documents de facturation posée à l’article L. 161-35 du code de la sécurité sociale, le médecin dispose d’un délai de trois mois à compter de cet avertissement pour modifier sa pratique ».
À l’article 1er au premier alinéa du paragraphe 1.2 relatif au relevé de constatation préalable après les mots « à l’issue d’un délai d’au moins un mois » il est ajouté les termes suivants : « ou de trois mois en cas de non-respect de manière systématique de l’obligation de transmission électronique des documents de facturation ».

À la fin du paragraphe 1.4 de l’article 1er, relatif à la décision et notification de la sanction est ajouté l’alinéa suivant :
« Dans le cas d’une sanction prononcée à l’encontre des médecins exerçant dans le secteur à honoraires différents ou titulaires du droit à dépassement permanent pour non-respect de manière systématique de l’obligation de transmission électronique des documents de facturation, la notification précise qu’à défaut de paiement de la sanction dans le délai imparti le directeur de la caisse procède à son recouvrement dans les conditions de droit commun ».
À l’article 2 dans le paragraphe 2.1.1 relatif au cas d’appel devant la Commission Paritaire Régionale, il est inséré après le terme « six mois » un alinéa rédigé dans les termes suivants :
« • de suspension de la participation de l’assurance maladie aux cotisations sociales ou d’une sanction financière équivalente dans les conditions définies à l’article 76, en cas de non-respect de manière systématique de l’obligation de transmission électronique des documents de facturation posée à l’article L. 161-35 du code de la sécurité sociale. »
À l’article 2, au paragraphe 2.3.5 relatif à la notification de la décision par les caisses à l’issue du recours consultatif, il est ajouté à la fin du dernier alinéa la phrase suivante :
« Dans le cas d’une sanction prononcée à l’encontre des médecins exerçant dans le secteur à honoraires différents ou titulaires du droit à dépassement permanent pour non-respect de manière systématique de l’obligation de transmission électronique des documents de facturation, la notification précise qu’à défaut de paiement de la sanction dans le délai imparti le directeur de la caisse procède à son recouvrement dans les conditions de droit commun ».

 

Fait à Paris le 24 novembre 2011

Pour l’Union nationale des caisses d’assurance maladie :

Le Directeur Général,
Frédéric van Roekeghem

 

Au titre des généralistes

Le Président de la Confédération des Syndicats Médicaux Français,
Docteur Michel Chassang

Le Président de la Fédération Française des Médecins Généralistes
Docteur Claude Leicher

Le Président du Syndicat des Médecins Libéraux,
Docteur Christian Jeambrun

Au titre des spécialistes

Le Président de la Confédération des Syndicats Médicaux Français,
Docteur Michel Chassang

Le Président du Syndicat des Médecins Libéraux,
Docteur Christian Jeambrun

 

Mise à jour du 4 mai 2012
L’avis relatif à l’avenant nº 2 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie signée le 26 juillet 2011 est paru au Journal officiel de la République française nº 0064 du 15 mars 2012.

Combien coûtent les évènements indésirables associés aux soins à l’hôpital ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Unité de soins intensifsLes évènements indésirables associés aux soins dans les établissements de santé ne sont plus un sujet tabou depuis quelques années. Si la transparence est encore loin d’être totale en ce domaine, certains indicateurs de sécurité des patients permettent, depuis peu, de se faire tout de même une idée de leur ampleur. Clément Nestrigue et Zeynep Or, chercheurs à l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes), ont ainsi pu estimer le surcoût de ces évènements indésirables et viennent de publier les résultats de leur étude dans le numéro de décembre 2011 de la revue Questions d’économie de la santé, à l’image de ce qui s’est fait aux États-Unis dès la fin des années 90.

Cette étude, basée sur neuf indicateurs de sécurité des patients développés outre-Atlantique, « fournit de premières estimations nationales du coût de prise en charge d’une partie des événements indésirables associés aux soins qui surviennent à l’hôpital, en exploitant les données hospitalières collectées en routine. » Si la qualité et la sécurité des soins sont mises en avant pour justifier de nouvelles contraintes au sein des établissements hospitaliers, il faudrait être naïf pour croire que le poids des conséquences financières de ces évènements est négligeable dans les décisions qui sont prises par les pouvoirs publics. Ce travail est donc des plus intéressants.

Un évènement indésirable associé aux soins (EIS) « est défini comme un événement défavorable pour le patient, consécutif aux stratégies et actes de diagnostics et de traitements, et qui ne relève pas d’une évolution naturelle de la maladie ». Si certains évènements indésirables associés aux soins sont sans doute liés à l’état du patient et qu’il n’est pas possible de s’y soustraire, d’autres sont considérés comme “évitables”. C’est à ces derniers que sont associés les indicateurs de sécurité des patients. Neuf d’entre eux, au rang desquels figurent les corps étrangers oubliés pendant une procédure de soins, les septicémies postopératoires ou les escarres de décubitus, ont été choisis par les chercheurs de l’Irdes, en collaboration avec la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), pour mener à bien cette étude. Ces indicateurs ont permis d’en arriver à la conclusion qu’en 2007, dans l’Hexagone, 0,5 % des séjours hospitaliers (établissements publics, privés ou participant au service public hospitalier) était associé à l’un des évènements indésirables retenus.
Les désordres physiologiques et métaboliques postopératoires sont les EIS les plus fréquents, le plus rare étant l’oubli d’un corps étranger dans le corps d’un patient à l’occasion des soins.

Toujours pour 2007, c’est un surcoût moyen de près de 700 millions d’euros pour les neuf événements indésirables choisis qui a pu être estimé. Si le coût moyen de prise en charge des traumatismes obstétricaux du vagin lors d’un accouchement par voie naturelle est voisin de 500 euros, il se monte à près de 20 000 euros quand il est question des septicémies. Quatre des évènements indésirables étudiés représentent à eux seuls 90 % du surcoût calculé : les désordres physiologiques et métaboliques postopératoires ; septicémies postopératoires ; les escarres de décubitus et les embolies pulmonaires postopératoires. Il est donc vraisemblable que les efforts à venir porteront plus particulièrement sur ces EIS.

Selon Clément Nestrigue et Zeynep Or, leur étude « montre que les défaillances dans l’organisation et le processus de soins à l’hôpital, qui peuvent se manifester par la survenue d’événements indésirables, représentent un coût économique significatif. Dans le contexte actuel de contrainte budgétaire des établissements de santé, il est essentiel d’explorer comment améliorer la qualité des soins tout en renforçant le rapport coût-efficience des établissements. » 

Sachant que ces chiffres ne portent que sur neuf évènements indésirables associés aux soins, il est probable que les économies susceptibles d’être réalisées puissent être bien plus importantes. Sans compter celles qui pourraient aussi être faites en s’intéressant aux coûts liés aux évènements indésirables liés aux médicaments, EIS qui n’ont pas été pris en compte faute de mesures standardisées, à la perte de productivité ou au nombre de jours non travaillés.

Autre élément à ne pas oublier : les évènements indésirables associés aux soins dans les établissements de santé ont un coût pour la justice et pour les assurances. À l’origine, chaque année, d’un nombre de plaintes non négligeable, les ESI à l’origine de ces affaires chronophages et dispendieuses doivent bénéficier du plus grand intérêt. Certes, ils sont souvent à l’origine de jurisprudences ou de textes faisant progresser le droit de la santé, mais au regard de la souffrance de ceux qui en sont victimes, mieux vaut tout faire pour qu’ils soient encore plus rares au fil des ans.

Si l’approche économique des EIS a tendance à les déshumaniser, elle n’en est pas moins nécessaire pour faire évoluer les pratiques. L’étude de l’Irdes montre que de gros progrès restent à faire.

Revues scientifiques et procès en diffamation

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Justice et liberté d'expressionLe 11 novembre 2011, s’est ouvert à Londres un procès en diffamation qui pose, une nouvelle fois, la question de la crédibilité de certaines grandes revues scientifiques et celle de la liberté d’expression de ceux qui oeuvrent à une plus grande transparence dans les domaines scientifiques et médicaux. Le plaignant, Mohamed El Naschie, est un ingénieur égyptien, mathématicien et physicien, ancien éditeur en chef de la revue Chaos, Solitons et Fractals des éditions Elsevier. Il reproche à la célèbre revue Nature de l’avoir accusé dans l’un des articles publiés en 2008 de s’être servi de son poste de rédacteur en chef afin de publier de nombreux articles écrits de sa main sans qu’ils aient été appréciés et validés par ses pairs, comme l’explique le BMJ.

Il faut savoir que les revues scientifiques qui jouissent de la plus grande crédibilité sont, de nos jours, basées sur un système qui oblige les auteurs désireux de faire connaître le résultat de leurs travaux au sein d’une telle revue à soumettre leurs articles à son comité de lecture composé d’experts dans le domaine évoqué. Ce comité est censé relire ces articles avec un oeil critique, s’assurer que les recommandations aux auteurs propres à chaque revue ont bien été respectées, faire des remarques ou émettre des réserves sur la méthodologie employée pour obtenir les données présentées, apprécier la qualité et valider ou non l’ensemble de ce qui a été soumis. En procédant ainsi, une revue scientifique est censée diminuer les risques de faire paraître dans ses colonnes des travaux manquant de rigueur, d’objectivité, voire même des études falsifiées. Qu’une revue dispose d’un comité de lecture ne suffit pas à faire d’elle une publication de référence, mais sans comité de lecture une publication n’a aucune chance, à l’heure actuelle, de devenir une référence.
C’est sur ce principe que reposent, entre autres, les grandes revues médicales ou les publications de référence en droit. En santé, il est d’autant plus important de respecter ces règles de fonctionnement que les articles tirés de ces revues vont ensuite être utilisés pour influencer la politique de santé, permettre à des médicaments de s’imposer ou à des techniques chirurgicales de prendre leur essor.
Même si ne pas soumettre son travail avant publication à la critique de ses pairs ne présage en rien de sa qualité ou de son intérêt, il en va de la crédibilité du système que la procédure soit respectée, tout particulièrement par ceux qui sont à sa tête et qui se doivent de montrer l’exemple.

Pour les éditeurs de Nature, des doutes existent quant à la relecture des travaux de Mohamed El Naschie publiés dans la revue dont il était rédacteur en chef, élément que conteste l’intéressé et qui l’a amené à poursuivre devant les tribunaux le journaliste à l’origine de cette affaire et le Nature Publishing Group, appartenant à la société Macmillan Publishers Limited basée en Angleterre et au Pays de Galles. Pour l’avocat de Nature, il s’agit là d’un « enjeu fondamental pour la liberté d’expression scientifique ». En effet, cette affaire est la dernière d’une série d’actions en diffamation relatives à des questions scientifiques qui, selon cet avocat, nuirait à la liberté des débats au sein de la communauté scientifique. Comment imaginer qu’il ne soit pas possible de remettre en question le travail d’un scientifique, surtout lorsqu’il ne respecte pas les standards de sa profession, sans encourir une plainte pour diffamation ?

Nature a passé deux ans à préparer son dossier et a interrogé plusieurs scientifiques pour recueillir un avis sur les travaux de M. El Naschie. Selon ces derniers, les publications de cet auteur étaient de « mauvaise qualité » et leur relecture laissait à désirer. C’est en se basant sur ces témoignages que la revue Nature a décidé de publier un article à ce sujet.

M. El Naschie, après avoir fait appel à un cabinet d’avocats acceptant de n’être payé qu’en cas de victoire, assure désormais seul sa défense. Bien qu’ayant engagé la procédure, il a informé la cour qu’il ne disposait pas des moyens nécessaires pour se présenter devant elle, d’autant qu’il ne séjournerait en Grande-Bretagne qu’épisodiquement. Pour la revue Nature, l’auteur indélicat partagerait son temps entre l’Égypte, les États-Unis, l’Allemagne, la Suisse et l’Angleterre et tenterait de faire traîner l’affaire. Une situation qui n’est pas favorable à Nature, selon la juge en charge de cette affaire, car même si la revue est reconnue innocente, elle ne pourra vraisemblablement pas obtenir de la partie adverse le remboursement des frais de procédure.

En Angleterre, selon le BMJ, le montant élevé des frais engagés pour se défendre d’une plainte en diffamation et l’issue judiciaire incertaine de telles affaires ont amené le gouvernement à réfléchir à une réforme des procédures afin qu’elles ne soient pas utilisées pour nuire à la liberté d’expression et à la santé publique. Une arme qui n’est pas propre aux Anglais à en juger par des affaires comme celle du médecin australien attaqué par le fabricant d’un produit amaigrissant, celle du chercheur ayant critiqué l’excès de sel dans les produits alimentaires ou dans le cas du Mediator et maintenant du Protelos.

Affaire Mediator : de plus en plus de médecins entendus par la police

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Justice et menottes« Depuis quelques jours certains médecins sont convoqués devant les services de police à Amiens, Montpellier, dans le Berry, le Cantal … pour interrogatoire au sujet de leurs prescriptions hors AMM de Benfluorex (Mediator®). » C’est ainsi que commence la lettre d’information de la cellule juridique de la Fédération des médecins de France (FMF) du 29 octobre 2011. Selon cette dernière, c’est le juge en charge du dossier mettant en cause le laboratoire Servier suite à l’affaire du Mediator qui, depuis son bureau de Nanterre, serait à l’origine de ces convocations.

Les praticiens entendus par la police n’ont, semble-t-il, pas été choisis au hasard. Ils auraient tous subi ces dernières années un contrôle du service médical des caisses d’assurance-maladie traitant leurs prescriptions de Benfluorex hors AMM (autorisation de mise sur le marché) au motif qu’ils n’avaient pas inscrit « NR » sur celles-ci. En effet, la mention « NR », abréviation de « Non remboursable », permet d’indiquer aux services de la Sécurité sociale que le produit délivré n’a pas à être pris en charge puisque prescrit pour un usage sortant du cadre de son autorisation de mise sur le marché et hors de tout accord préalable ou disposition particulière en prévoyant malgré tout le remboursement. Pouvant identifier assez facilement les patients souffrant de diabète grâce à leur prise en charge liée à l’affection de longue durée (ALD), il n’est pas très difficile pour la Sécurité sociale de suspecter la prescription hors AMM et non remboursable d’un antidiabétique, connu pour être utilisé comme coupe-faim, en étudiant les dossiers des assurés. Une fois les indus mis en évidence et après avoir entendu le praticien, l’assurance-maladie a la possibilité d’engager des poursuites à l’encontre du médecin au regard des griefs initialement notifiés si elle estime qu’il y a abus. C’est alors à la section de la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre, dite section des affaires sociales, qu’est confiée l’affaire (art. L 145-1 du code de la Sécurité sociale).
Selon la FMF, tous les médecins actuellement entendus par la police au sujet du Mediator dans les régions précédemment citées avaient fait l’objet ces dernières années d’une procédure devant la section des affaires sociales de leur conseil régional de l’Ordre suite à l’absence de mention « NR » sur des prescriptions de Benfluorex hors AMM. Ce serait par le biais d’une commission rogatoire lui permettant d’obtenir du conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) la liste des médecins ainsi poursuivis que le juge de Nanterre a pu remonter jusqu’à eux.

D’après la Fédération des médecins de France, aucun des médecins entendus n’a, pour l’instant, été mis mis en examen. Rien ne dit qu’ils le seront, même s’il leur est conseillé d’être prudent. Ces médecins savaient-ils qu’ils mettaient en danger la vie des patients alors que les effets délétères du Benfluorex ne figuraient pas sur sa notice jusqu’à son retrait du marché en 2009 ? Ont-ils fait preuve de négligence ? Ont-ils vraiment omis d’informer les malades des risques à utiliser un médicament hors AMM ? Ou ont-ils plutôt été trompés par le discours du laboratoire et de sa force de vente ? On peut penser que c’est cette dernière hypothèse que le juge cherche à confirmer étant donné les circonstances. Faut-il s’en étonner ? Pas vraiment. La justice est censée travailler en toute indépendance et peut demander à entendre les personnes susceptibles de l’éclairer.

Pour la FMF, « l’avenir des prescriptions hors AMM en France en sera à jamais affecté. » Il est vrai que, jusqu’à cette affaire, les médecins n’avaient pas pris conscience à quel point leur responsabilité est engagée lorsqu’ils prescrivent une spécialité hors AMM. Si beaucoup le font bien souvent sans le savoir, de nombreux médicaments étant utilisés depuis des dizaines d’années, sans aucun souci, pour le traitement ou le diagnostic de pathologies pour lequel ils n’ont pas l’AMM, il est possible que certains abusent de ce type de prescription par complaisance ou par intérêt. Si les premiers n’ont pas à être condamnés, les seconds ne doivent pas s’étonner d’être inquiétés.

L’utilisation hors AMM est une pratique que l’on trouve choquante quand une affaire comme celle du Mediator survient, mais qui est pourtant couramment utilisée par les Français quand il est question d’automédication. C’est aussi une pratique qui fait évoluer l’AMM de certains produits lorsqu’à l’usage, l’expérience montre qu’ils peuvent soigner un problème de santé pour lequel ils n’avaient pas été initialement prévus.

Qui est responsable dans l’affaire du Mediator ? Le laboratoire ? Les autorités de santé et leurs tutelles ? Les médecins ? Les patients ? Si la réponse à cette question est évidente pour chacun, elle n’est pas prête de faire l’unanimité. Il faut juste espérer que la justice triomphera avant que ce scandale ne soit oublié…

Dépassements d’honoraires des médecins : qu’en pensent le gouvernement et les députés ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Médecin refusant un dépassement d'honorairesLe projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2012 est en pleine discussion à l’Assemblée nationale. Si le sujet d’une éventuelle réduction des indemnités journalières a fait les gros titres des journaux à cette occasion, le texte comporte une multitude de mesures qui intéressent tant les patients que les médecins. Si, parmi celles-ci, beaucoup font débat, le sort réservé aux dépassements d’honoraires paraît faire l’objet d’un consensus entre le gouvernement et les députés de la majorité. Les élus de l’opposition, quant à eux, dénoncent ce qu’ils estiment souvent être le symbole d’une médecine à deux vitesses.

Les dépassements d’honoraires donnent une certaine liberté tarifaire aux médecins conventionnés du secteur 1 lorsqu’ils sont encore titulaires du droit permanent à dépassement (DP) ou des médecins à honoraires différents (secteur 2). Ils sont mis en cause régulièrement, car ils sont souvent mal compris par les patients et vilipendés par les mutuelles ou les complémentaires santé à qui ils coûtent cher. Ils sont aussi un sujet de dissension entre les praticiens du secteur 1 et du secteur 2. Leur limitation ou leur suppression est donc un argument politique plus ou moins démagogique en fonction des intérêts défendus.

Il est important de rappeler que les dépassements d’honoraires ne sont pas pris en charge par l’Assurance-Maladie et que tous les patients sont libres de choisir un médecin à honoraires opposables (secteur 1) s’ils ne souhaitent pas avoir à régler un dépassement d’honoraires. Les patients disposant d’une mutuelle ou d’une complémentaire santé peuvent, en fonction du contrat souscrit, voir une partie ou la totalité du montant d’un éventuel dépassement d’honoraires remboursée par l’organisme auprès duquel ils ont contracté. Enfin, les patients titulaires de la couverture maladie universelle (CMU) ne font pas l’objet de dépassements d’honoraires pour les actes pris en charge par l’Assurance-maladie quand ils consultent un médecin secteur 1 avec DP ou d’un médecin secteur 2.

Les extraits des séances publiques ayant eu lieu entre le 25 octobre 2011 et le à l’Assemblée nationale présentés ci-dessous permettent de se faire une idée de la teneur des débats et du point de vue des principaux intervenants au sujet des dépassements d’honoraires. Si certains parlementaires évoquent les dépassements excessifs, d’autres semblent condamner le principe même de ces dépassements. Pour les internautes qui souhaitent plus de précisions, il est toujours possible de se référer à l’intégralité des débats disponible sur le site du Palais Bourbon.

1re séance du mardi 25 octobre

 C’est principalement le ministre de la santé, Xavier Bertrand, qui s’est exprimé au sujet des dépassements d’honoraires : « En outre, pour répondre structurellement à la question des dépassements d’honoraires, qui, j’en suis conscient, peuvent entraîner des retards dans les soins, voire des renoncements aux soins, j’ai dit que j’étais très favorable à la prise en charge, dans les meilleurs délais, de ces dépassements pour les trois spécialités de chirurgie, d’anesthésie-réanimation et de gynécologie obstétrique. Plus précisément, sur les bases d’un accord intervenu entre les différentes parties prenantes, au moins 30 % de l’activité devrait se faire à tarif opposable ; les dépassements supérieurs à 50 % du tarif remboursable ne seraient pas pris en compte ; et il s’agit d’avoir un nombre d’actes suffisant pour garantir la qualité des soins.
En l’absence d’un accord avec l’UNOCAM [Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire, NDLR] – je le déplore profondément, mais il n’est pas trop tard – le Gouvernement prendra ses responsabilités et proposera au Parlement de mettre en place cette prise en charge par la loi, avec une prise en charge obligatoire du secteur optionnel dans les contrats responsables, à hauteur de 150 %.
Je proposerai que ce secteur optionnel soit ouvert au secteur 2, afin de prendre en charge les dépassements et de ne pas ouvrir de nouvelles possibilités de dépassement.
J’aurais préféré un accord, mais il n’est pas trop tard. Pour l’instant, nous nous en tenons à notre proposition. Si un accord intervient, tant mieux. Si tel n’est pas le cas, nous aurons renforcé l’accès aux soins et la prise en charge des dépassements pour nos concitoyens.
Cette mesure sera accompagnée d’autres mesures de lutte contre les dépassements. L’assurance maladie va, à notre demande, lancer de nouveaux contrôles sur les professionnels ne respectant pas le tact et la mesure, en ville comme à l’hôpital. Nous y reviendrons pendant la discussion.
Le Conseil national de l’ordre des médecins que j’ai vu vendredi est prêt à nous suivre dans cette voie. Par ailleurs, le Gouvernement s’est déjà engagé, dans la loi de financement de la sécurité sociale 2011, à élargir la couverture pour les plus modestes, en augmentant le plafond de ressources ouvrant droit à l’aide complémentaire santé – l’ACS – à 30 % du plafond CMU-C [couverture maladie universelle complémentaire, NDLR] au 1er janvier 2012 : cela permettra ainsi de passer de 532 000 bénéficiaires à 760 000 bénéficiaires. C’est encore insuffisant.
Le président de votre commission [des affaires sociales, NDLR], Pierre Méhaignerie, a proposé de relever à nouveau ce plafond, à 35 % du plafond CMU-C cette fois, ce qui devrait porter le nombre de bénéficiaires à quasiment un million. Je salue cette initiative et je la soutiendrai – un amendement sera déposé – parce qu’elle va permettre d’élargir la couverture des plus modestes. Ceux qui ne sont pas assez riches pour se payer une bonne mutuelle, mais trop riches pour être pris en charge par la CMU-C, auront droit à l’aide complémentaire santé que nous avons mise en place depuis 2004. »

2e séance du mardi 25 octobre

Pour Pierre Méhaignerie, membre du groupe Union pour un mouvement populaire (UMP), en plus d’un objectif régional des dépenses de santé (ORDAM) qui responsabilise et laisse de l’autonomie, « il faut également affronter les dépassements d’honoraires excessifs. »

Pour Anny Poursinoff, membre du groupe Gauche démocrate et républicaine et de la commission des affaires sociales, « les dépassements d’honoraires ne cessent d’augmenter » et l’Inspection des affaires sociales (IGAS) les dénonce.

Pour Jean-Luc Préel, membre du groupe Nouveau centre et vice-président de la commission des affaires sociales, « certes, il est possible de contester les prévisions économiques sur lesquelles est bâti ce projet de loi. Il est permis de regretter que cette loi de financement ne soit pas votée en équilibre, mais avec un déficit qui, aujourd’hui, n’est pas financé. Nous pourrions également vouloir régler les problèmes que rencontrent nos concitoyens, comme la répartition des professionnels de santé sur le territoire, la permanence des soins ou les dépassements d’honoraires. Mais c’est en débattant des amendements – avec l’espoir qu’ils soient adoptés –, que nous pouvons peut-être faire bouger le texte. »
« Les dépassements d’honoraires n’existeraient sans doute pas si – Xavier Bertrand le répète souvent – les rémunérations avaient été revues régulièrement en tenant compte des évolutions des charges, si la CCAM clinique avait été mise en place et si la CCAM technique était réactualisée régulièrement, mais aujourd’hui ces dépassements existent et atteignent parfois des sommes importantes.
Le secteur optionnel est prévu depuis 2004 ; il vient d’être confirmé par la nouvelle convention médicale. Mais les assurances complémentaires ne semblent pas vouloir honorer leur signature, perturbées à juste titre par l’augmentation sans concertation de la taxe qui s’applique à elles à hauteur de 1,1 milliard. […]
Ce secteur n’est toutefois pas la panacée. Tout d’abord, il ne concerne que les spécialistes à plateau technique, qui ne sont pas les plus défavorisés, et c’est là un euphémisme. Qu’en sera-t-il pour les autres, notamment les spécialistes cliniques, comme les psychiatres, les pédiatres, les endocrinologues ? Ensuite, il ne concerne que le secteur 2 ; qu’en sera-t-il des professionnels du secteur 1 ? Il demande de soigner 30 % de la clientèle à tarif remboursable ; quels sont ces 30 % ? Il prévoit la prise en charge par les complémentaires des dépassements d’honoraires limités à 50 %. Or, dans certains départements, les dépassements sont inférieurs à 50 % ; n’y aura-t-il pas un effet d’aubaine ?
Dans d’autres départements, à Paris, en PACA, les dépassements peuvent atteindre 400 ou 500 % des tarifs remboursables. » 

Pour Marisol Touraine, membre du groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche, et de la commission des affaires sociales, le gouvernement a renoncé à protéger nos concitoyens face à l’explosion des dépassements d’honoraires et essaye de forcer la décision sur le secteur optionnel qui ne serait en rien une solution. « Tel que le système est conçu, il va se traduire par des dépassements en plus. Il permettra à des médecins actuellement en secteur 1, donc qui pratiquent des tarifs opposables, de dépasser, alors que ceux qui dépassent beaucoup en secteur 2 ne seront nullement incités à baisser leurs trafics.
Plus préoccupant encore, le système du secteur optionnel fait tout simplement du dépassement d’honoraires la règle, les organismes complémentaires étant appelés à en assurer le paiement. »
Elle affirme enfin que « l’encadrement et le plafonnement des dépassements d’honoraires seront une priorité pour le futur gouvernement de gauche. »

Pour Jean Mallot, membre du groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche, et secrétaire de la commission des affaires sociales, « entre 2005 et 2010, le reste à charge pour les ménages est passé de 9 % à 9,4 %. Tout cela résulte d’une série de déremboursements et de franchises, ainsi que de la multiplication des dépassements d’honoraires. »

Pour Jacqueline Fraysse, membre du groupe Gauche démocrate et républicaine et secrétaire de la commission des affaires sociales, « en 2010, 29 % de nos concitoyens déclaraient avoir renoncé à se soigner pour des raisons financières. D’autres contractent des microcrédits. Des maladies d’un autre âge resurgissent, que l’on croyait disparues, comme la tuberculose ou la gale.
Ce sont là des conséquences des nombreuses participations forfaitaires, franchises médicales, forfaits hospitaliers, forfaits de 18 euros et autres déremboursements de médicaments, qui visent, selon vous, à responsabiliser les patients, comme s’ils étaient responsables de leur maladie et du coût des traitements qui leur sont prescrits.
C’est également l’effet des dépassements d’honoraires, contre lesquels l’inaction du Gouvernement est patente et qui ont encore augmenté de 6 % par rapport à 2009. Sur dix ans, leur augmentation est de 50 %.
Si cette situation traduit l’abus d’un certain nombre de médecins, elle traduit surtout la déconnexion entre les tarifs opposables remboursés par l’assurance-maladie, qui sont insuffisamment revalorisés, et les tarifs pratiqués par les médecins. Le secteur optionnel que vous appelez de vos vœux n’est pas une solution : il va juste siphonner ce qui reste du secteur 1 et inciter les médecins à considérer le plafond de dépassement comme le nouveau tarif de référence.
L’augmentation conjointe des franchises et des dépassements d’honoraires conduit mécaniquement à une augmentation du reste à charge pour les patients. Je sais que M. Bertrand récuse cette affirmation, allant même jusqu’à indiquer que ce reste à charge baisse, passant de 9,7 % en 2008 à 9,4 % aujourd’hui.
Ce chiffre ne rend pas compte de la réalité, car c’est une moyenne qui inclut les patients en ALD, lesquels concentrent 60 % des dépenses de remboursement : la vérité, c’est que, hors ALD, le reste à charge avoisine les 45 %, et ce chiffre n’intègre pas les complémentaires santé, rendues obligatoires par le désengagement de la sécurité sociale, dont le coût est en augmentation constante.
Cette augmentation, conséquence directe des déremboursements et dépassements d’honoraires que les complémentaires santé doivent prendre en charge, est encore accentuée par la hausse continue des taxes auxquelles elles sont soumises. Ainsi, entre 2005 et 2012, la fiscalité sur les contrats d’assurance santé aura été multipliée par plus de sept. Et il est illusoire de penser, mais vous le savez, bien sûr, que les complémentaires santé ne répercuteront pas la nouvelle hausse de leur taxe. La Mutualité française parle d’ailleurs de 4,7 % d’augmentation. »

Pour Michel Heinrich, membre du groupe Union pour un mouvement populaire et de la commission des affaires sociales, le problème du secteur 2 est « mal compris et très peu accepté par les patients. Je sais bien qu’un nombre important d’actes n’ont pas été revalorisés depuis longtemps, mais certains praticiens, on le voit bien, ne pratiquent pas le dépassement d’honoraires avec tact et mesure, rendant de ce fait difficile l’accès aux soins. J’ai bien entendu l’engagement de Xavier Bertrand de mettre en place le secteur optionnel, et je m’en réjouis, car il y a urgence. Mais il faudra se méfier des effets d’aubaine, notamment pour les médecins demeurés dans le secteur 1, ou pour ceux du secteur 2 qui ne pratiquaient pas des dépassements d’honoraires supérieurs à 50 %. »

Une loi du type Sunshine Act a ses limites

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Billet et hameçonLe projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé a franchi cette semaine une nouvelle étape de la procédure accélérée engagée par le Gouvernement le 19 septembre 2011. Les 26 et 27 octobre 2011, le texte a été amendé au Sénat et la Petite loi est disponible.

Les débats en séance publique au Sénat ont amené ses membres à modifier le texte de ce Sunshine Act à la française voté au Palais Bourbon. En l’état actuel du texte, les personnes soumises à déclaration d’intérêts, au rang desquelles figurent maintenant « les membres des cabinets des ministres », n’ont plus à l’actualiser « dès qu’une évolution intervient concernant ses liens d’intérêts ». Seule reste l’obligation de la mettre à jour « à leur initiative », laissant le soin à un décret en Conseil d’État de préciser ces modalités d’actualisation.
Concernant l’expertise sanitaire, il n’est plus question de charte, mais d’un rapport du Gouvernement, remis au Parlement au plus tard le 30 juin 2012, « portant sur les modalités, le financement et les mécanismes de formation, à mettre en œuvre pour parvenir à la création au 1er janvier 2015 d’un corps d’experts interne à l’agence mentionnée à l’article L 5311‑1 du code de la santé publique [Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ; NDLR], ne présentant aucun lien d’intérêts avec des entreprises dont les activités, les techniques et les produits entrent dans le champ de compétence de l’autorité sanitaire. » D’ici là et si tant est que ce rapport débouche sur quelque chose, les experts sanitaires devront remplir une déclaration d’intérêts et les sénateurs ont prévus des sanctions pénales à leur encontre en cas d’information mensongère qui porte atteinte à la sincérité de la déclaration. Les députés n’avaient pas prévu de telles sanctions, laissant ainsi planer un doute quant à la fiabilité des déclarations d’intérêts des experts sanitaires.
Pour plus de transparence, le Sénat propose que les conventions passées entre les entreprises produisant ou commercialisant des produits de santé et les professionnels de santé ou les associations de patients soient rendues publiques par le biais d’un site Internet accessible à tous. Il est aussi prévu que « Toutes les conventions passées entre les membres des professions médicales et les entreprises […] sont, avant leur mise en application, soumises pour avis au conseil départemental de l’ordre compétent ou, lorsque leur champ d’application est interdépartemental ou national, au conseil national de l’ordre compétent. »

Le Sunshine Act français est donc sur la bonne voie. Malheureusement, dans le même temps, dans le pays qui sert d’exemple à la France pour sa loi visant à renforcer la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, des éléments prouvent qu’un tel texte ne prend tout son sens que s’il s’accompagne de mesures visant à éviter que le lobbying ne se déplace simplement vers les plus hautes sphères du pouvoir. Le New York Times explique que, malgré un discours basé sur la nécessité pour l’administration et les politiciens de ne pas accepter d’argent des lobbyistes, Barack Obama est aidé par l’industrie pharmaceutique pour le financement de sa campagne électorale. Sally Sussman, membre de la direction des laboratoires Pfizer, a réuni plus de 500 000 $ (353 000 €) pour la ré-élection du président démocrate. Elle a aussi aidé à organiser un repas pour lequel chaque convive devait débourser 38 500 $ (plus de 27 000 €) pour dîner aux côtés de M. Obama à Manhattan en juin 2011. Dans le même temps, Mme Sussman a continué ses actions de lobbying pour les laboratoires Pfizer et s’est rendue à la Maison-Blanche à quatre reprises depuis 2009 afin de discuter, entre autres, de problèmes d’exportation. Sally Sussman fait partie de la quinzaine de personnes collectant des fonds pour la campagne du président Obama identifiée par le New York Times comme faisant régulièrement du lobbying pour des sociétés du monde de la finance, de la hight-tech ou de l’industrie pharmaceutique : de quoi se poser des questions quant à la réelle volonté des hommes politiques d’assainir la vie publique, même quand leur discours laisse entendre le contraire.

Le projet de loi relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique a été déposé le 27 juillet 2011 et n’a jamais été mis à l’ordre du jour parlementaire depuis. Le projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé a été déposé le 1er août 2011 et, dans quelques semaines, le texte sera définitivement adopté et la loi promulguée. Tout le monde n’a pas les mêmes priorités.

Médecine & Droit — Numéro 110

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Médecine & Droit

Sommaire du numéro de septembre — octobre 2011

CouvertureElsevier — Masson

 

Droit civil — Protection de la personne
État du droit sur le transsexualisme en France et en Europe
Emmanuel Pierrat et Clémence Lemarchand

Responsabilité pénale
Dissimulation d’un dictaphone dans la rampe d’éclairage du hall d’accueil d’un cabinet médical : la tentative d’atteinte à la vie privée est constituée
Pierre-Laurent Vidal

Exercice professionnel
Société de biologistes : actualités jurisprudentielle
Valérie Siranyan et François Locher

Droit et médicament
La rétrocession de médicaments par les hôpitaux : quels bénéfices pour les acteurs ?
Inna Gridchyna et Marine Aulois-Griot

Licences obligatoires de médicaments pour les pays connaissant des problèmes de santé publique : mythe ou réalité juridiques ?
Caroline Mascret

Vers un réel renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Vote et transparenceVa-t-on enfin voir un nouveau jour se lever sur la transparence dans le monde du médicament et des produits de santé en France ? L’équivalent d’un Sunshine Act est-il prêt à faire disparaître les zones d’ombre qui ont dissimulé pendant de nombreuses années dans l’Hexagone des affaires comme celle du Mediator ? C’est ce que l’on pourrait penser en s’intéressant au projet de loi adopté par l’Assemblée nationale, le 4 octobre 2011, en première lecture après engagement de la procédure accélérée, relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.

En l’état actuel du texte, les réformes proposées sont diverses et variées, mais elles ont toutes pour but de rendre plus transparents les rapports entre l’industrie des produits de santé, les autorités sanitaires et les professionnels de santé. Loin de se contenter de simples obligations, elles prévoient des sanctions claires à l’encontre de ceux qui ne respecteraient pas les nouvelles règles que ce projet de loi prévoit d’instaurer en matière de déclaration d’intérêts.

Les membres des commissions et conseils siégeant auprès des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ainsi que les dirigeants, personnels de direction et d’encadrement et les membres des instances collégiales, des commissions, des groupes de travail et conseils des autorités et organismes des comités de protection des personnes ; de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ; de l’Établissement français du sang (EFS) ; de l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail ; de l’Institut de veille sanitaire ; de l’Institut national du cancer ; de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) ; de l’Agence de la biomédecine ; des agences régionales de santé (ARS) ; de l’établissement public chargé de la gestion des moyens de lutte contre les menaces sanitaires graves ; de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), seront tenus, lors de leur prise de fonctions, d’établir une déclaration d’intérêts.
Sont aussi concernés les mêmes personnels travaillant pour la Haute Autorité de santé (HAS), l’Office de protection contre les rayonnements ionisants et l’Institut de protection et de sûreté nucléaire, ainsi que les membres du collège de l’Autorité de sûreté nucléaire et une liste d’agents de ces différentes instances mentionnés sur une liste établie par décret en Conseil d’État.

Par intérêts, il faut entendre « leurs liens, directs ou indirects personnels, de leurs conjoints, de leurs ascendants ou descendants, établis au cours des cinq dernières années avec les entreprises, établissements ou organismes dont les activités, les techniques ou les produits entrent dans le champ de compétence de l’instance au sein de laquelle l’intéressé siège, ainsi qu’avec les sociétés ou organismes de conseil intervenant dans ces secteurs. » Les déclarations d’intérêts seront rendues publiques et devront être actualisées, à l’initiative de l’intéressé, dès qu’une évolution intervient concernant ses liens d’intérêts.

Pas question pour les personnes mentionnées de prendre part aux travaux, aux délibérations ou aux votes des instances ci-dessus si elles ont un intérêt, direct ou indirect, à une affaire examinée ou si elles n’ont pas souscrit ou actualisé leur déclaration. Si l’une d’elles vient malgré tout à le faire, elle pourra encourir une peine prévue à l’article 432-12 du code pénal (cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende pour prise illégale d’intérêts). La peine sera moins lourde (30 000 euros d’amende) pour celles qui omettront sciemment d’établir ou de modifier une déclaration d’intérêts afin d’actualiser les données qui y figurent ou de fournir une information mensongère qui porte atteinte à la sincérité de la déclaration, alors qu’elles n’ont pas pris part aux travaux, aux délibérations ou aux votes.

Si ces personnels sont tenus au secret et à la discrétion professionnels dans les mêmes conditions que celles définies pour les fonctionnaires, les séances des commissions, conseils et instances collégiales d’expertise auxquelles elles participent, dont les avis fondent une décision administrative, seront intégralement rendues publiques et leurs débats seront intégralement enregistrés et publiés en ligne sur les sites internet du ministère chargé de la santé et des autorités ou des organismes mentionnés plus haut, à l’exclusion de toute information présentant un caractère de confidentialité commerciale ou relevant du secret médical, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

Il s’agit donc là d’un élargissement majeur des règles instaurées par la loi nº 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite loi Kouchner. Les nombreux décrets en Conseil d’État prévus par ce texte et nécessaires à son application devront néanmoins appeler à la plus grande prudence avant de clamer qu’un réel progrès a été fait quant à la transparence du système.

Autre volet important de ce projet de loi, l’obligation faite entreprises produisant ou commercialisant des produits dont s’occupe l’Afssaps (médicaments, produits contraceptifs, dispositifs médicaux, lait maternel collecté, produits d’entretien des lentilles de contact, lentilles de contact non-correctrices, produits de tatouage, etc.) ou assurant des prestations associées à ces produits de rendre publique l’existence des conventions qu’elles concluent avec la majorité des acteurs du monde de la santé.

Sont ainsi concernés les professionnels de santé relevant de la quatrième partie du code de la Santé publique (du médecin à l’ambulancier, en passant par le pharmacien, l’infirmier, l’orthoptiste, l’opticien-lunetier ou l’aide-soignant) ; les associations de professionnels de santé ; les étudiants se destinant aux professions relevant de la quatrième partie du même code ainsi que les associations et groupements les représentant ; les associations d’usagers du système de santé ; l’immense majorité des établissements de santé ; les fondations, les sociétés savantes et les sociétés ou organismes de conseil intervenant dans ce secteur des produits ou prestations ; les entreprises éditrices de presse, les éditeurs de services de radio ou de télévision et les éditeurs de services de communication au public en ligne ; les éditeurs de logiciels d’aide à la prescription et à la délivrance.
La même obligation s’appliquera, au-delà d’un seuil fixé par décret, à tous les avantages en nature ou en espèces que les mêmes entreprises procurent, directement ou indirectement, aux personnes, associations, établissements, fondations, sociétés, organismes et organes mentionnés ci-dessus.

Là aussi des sanctions sont prévues si ces obligations ne sont pas remplies. Le fait d’omettre sciemment de rendre publique l’existence des conventions pourra être puni de 45 000 euros d’amende, ainsi que d’autres sanctions comme l’interdiction, pour une personne physique, de fabriquer, de conditionner, d’importer et de mettre sur le marché, pendant cinq ans, les produits dont s’occupe l’Afssaps.

La mise en place d’une charte de l’expertise sanitaire est aussi prévue par ce projet de loi. Approuvée par décret en Conseil d’État, elle s’appliquera aux expertises réalisées dans les domaines de la santé et de la sécurité sanitaire à la demande du ministre chargé de la santé ou à la demande des autorités et des organismes concernés par les déclarations d’intérêts évoquées au début de cet article. Elle précisera les modalités de choix des experts, le processus d’expertise et ses rapports avec le pouvoir de décision, la notion de lien d’intérêts, les cas de conflit d’intérêts, les modalités de gestion d’éventuels conflits et les cas exceptionnels dans lesquels il peut être tenu compte des travaux réalisés par des experts présentant un conflit d’intérêts.
En l’état actuel du texte, ces experts ne semblent pas encourir de sanctions s’ils ne remplissent pas ou remplissent incorrectement la déclaration d’intérêts spécifique qui leur sera demandée. Il n’y a donc là qu’une transparence de façade, alors qu’il s’agit d’un volet pourtant essentiel dans des décisions prises à l’heure actuelle pour les produits de santé. Le terme même de “charte” dans ce contexte reflète d’ailleurs bien le manque de contraintes associées à cette proposition.
À quoi bon avec des commissions dont les membres n’ont pas de liens d’intérêts avec l’affaire dont ils s’occupent, si c’est pour qu’ils écoutent l’avis d’experts qui, eux, peuvent dissimuler les leurs sans crainte d’être sanctionnés ?

Si la transparence tend à s’améliorer, elle n’est pas encore à la hauteur de ce que peuvent espérer les citoyens, surtout ceux qui ont été victimes des manquements du système en place jusque-là. D’autant plus que projet de loi relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique n’avance pas et qu’il est évident que si ce dernier est voté sans prévoir de sanctions à l’égard des décideurs politiques, comme le ministre de la santé ou les parlementaires par exemple, ne déclarant pas leurs intérêts, l’argent visant à influencer telle ou telle décision ne fera qu’être réparti de façon différente. Ce n’est pas un hasard si le Physician Sunshine Act n’est qu’un texte parmi de nombreux autres imposant la transparence dans la plupart des secteurs de la vie politique et économique des États-Unis d’Amérique.

La Corse n’oubliera pas Tchernobyl

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Nuage corsePas question pour l’Assemblée de Corse d’oublier la catastrophe de Tchernobyl et de faire comme-ci le nuage de particules radioactives, qui a survolé l’Île de beauté en faisant d’elle l’une des régions occidentales parmi les plus exposées, en avril et mai 1986, n’avait pas eu de conséquences sur la santé de ses habitants sans en avoir des preuves scientifiques impartiales.

C’est ce qui ressort d’une motion adoptée par la collectivité territoriale de Corse à l’occasion de sa 2e session ordinaire, réunie les 6 et 7 octobre 2011. Cette motion avec « demande d’examen prioritaire » a été déposée par la Commission “Tchernobyl” à la suite de la décision de non-lieu de la cour d’appel de Paris, le 7 septembre 2011 concernant l’unique volet judiciaire de ce qui est, pour beaucoup, un scandale sanitaire de plus.

Pour l’Assemblée de Corse, la décision de la cour d’appel de Paris a été prononcée « alors même que l’on demeure dans l’attente des résultats de deux démarches de nature scientifique visant à établir la vérité : d’une part l’expertise ordonnée par le juge d’instruction, et d’autre part l’enquête épidémiologique diligentée à l’initiative de » cette même assemblée. « À travers cette demande de non-lieu, on a voulu manifestement imposer une vérité judiciaire au moment où la vérité scientifique était à portée de main ».

Les élus corses s’accordent à dire que « les informations déjà acquises – à travers notamment un premier rapport divulgué il y a peu – cette vérité scientifique semble aller dans un sens diamétralement opposé à celui emprunté par la cour d’appel de Paris ». Pour eux, il s’agit là d’une démarche politique et non d’une démarche judiciaire dont ils remettent en cause l’indépendance dans cette affaire. Ils entendent dénoncer cette situation lors d’une conférence de presse “internationale” qui devrait se tenir prochainement dans la capitale.

Dans le même temps, l’Assemblée de Corse a adopté à l’unanimité le rapport du président de son conseil exécutif relatif au « financement de l’enquête épidémiologique relative aux conséquences du passage du nuage radioactif de Tchernobyl en Corse ». Ce rapport explique les motivations à l’origine de cette enquête épidémiologique, la principale étant « la carence des réponses des autorités publiques au moment des faits, que ce soit dans l’information et la mise en œuvre de contre-mesures, conjuguées à l’insuffisance des enquêtes chargées d’établir le niveau de contamination et son impact pathologique, ont contribué à générer doutes et inquiétudes au sein de la population. »

400 000 euros ont été débloqués pour financer une enquête « destinée à apporter un éclairage objectif et précis sur l’impact sanitaire de cette catastrophe nucléaire dans l’île et confiée à un organisme indépendant par appel d’offres européen. » Elle a quatre objectifs principaux : analyser la prévalence des pathologies thyroïdiennes survenues dans la période postérieure au passage du nuage radioactif ; évaluer l’impact de ce nuage sur la catégorie la plus vulnérable, les enfants âgés de moins de six ans au moment des faits ; définir et mettre en œuvre un registre des cancers ; étudier des facteurs spécifiques de vulnérabilité tels que le statut tabagique et la carence en iode de la population.

On n’a jamais autant parlé d’un nuage sous le soleil corse.