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Le gouvernement de la santé remanié

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Dérouler le tapis rougeTout le monde l’attendait depuis plusieurs semaines… Un nouveau gouvernement Fillon a été annoncé le 14 novembre 2010, en plein débat à l’Assemblée nationale du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2011.

Tout d’abord, Roselyne Bachelot-Narquin quitte l’avenue de Ségur, dont elle était locataire depuis le 18 mai 2007, pour s’occuper du ministère des solidarités et de la cohésion sociale. Fidèle de François Fillon, sa parfaite gestion de la campagne de vaccination contre la pandémie grippale et son soutien sans faille aux médecins libéraux qui a renforcé la cohésion au sein de la profession, en totale solidarité avec l’industrie pharmaceutique française qui était durement touchée par la crise, lui valent d’être reconduite au sein d’un gouvernement qui devrait gérer les affaires de l’État jusqu’aux prochaines élections présidentielles de 2012. Omnipraticien de la politique, Roselyne Bachelot-Narquin qui, d’après Wikipedia, a été déléguée à l’information médicale au sein du laboratoire ICI Pharma de 1969 à 1976, puis titulaire d’une pharmacie à Angers de 1984 à 1991 et, en parallèle, chargée des relations publiques chez Soguipharm de 1984 à 1989, devrait pouvoir mettre son expérience du contact au service de ses nouvelles fonctions.

La ministre de la santé et des sports tire sa révérence, place au ministère du travail, de l’emploi et de la santé et à un secrétariat d’État à la santé.
À la tête de ce grand ministère, un homme à la hauteur de la tâche, connu pour dormir très peu, qui sait à quoi il s’attaque puisqu’il a déjà été ministre de la santé dans le gouvernement Fillon 1 : Xavier Bertrand. Cet homme du Président a la lourde tâche de reprendre les affaires et le travail d’Éric Woerth, de décharger Christine Lagarde et Laurent Wauquiez de la charge que représentait l’emploi pour eux, tout en assurant le suivi de la santé.
Dans ce dur labeur, Xavier Bertrand sera secondé par Nora Berra qui devrait sans difficulté trouver les mots qui réconfortent la population médicale vieillissante depuis qu’elle a occupé les fonctions de secrétaire d’État aux aînés. Fille d’un tirailleur algérien, nul doute qu’elle mènera un combat acharné pour défendre les intérêts de la santé. Pour Wikipedia, elle a grandi « dans le quartier des RZD et dans la banlieue de Lyon, étudié au lycée Ampère avant de partir faire médecine à Oran. De retour en France, elle travaille à partir de 1991, au service d’immunologie à l’hôpital Édouard Herriot de Lyon, puis dans divers laboratoires pharmaceutiques entre 1999 et 2009. » Dans sa biographie officielle, encore en ligne pour quelques heures sur le site du secrétariat d’État aux aînés, il est facile de trouver les précisions sur son parcours sont un peu différentes : « Après avoir fait son internat en pharmacologie clinique à l’hôpital Édouard Herriot, elle devient à 1992 praticien attaché au service d’exploration fonctionnelle rénale. De 1992 à 1999, elle a enseigné notamment dans deux écoles d’infirmières lyonnaises et a parallèlement encadré des internes et des étudiants.
Elle travaillera pendant 10 ans, de 1999 à 2009, en tant que médecin des affaires médicales au sein de laboratoires pharmaceutiques français et internationaux dans les domaines d’expertise suivants : VIH, Hépatite B et cancer du col de l’utérus.
Par ailleurs, de 1991 à 2009, Nora Berra est également praticien attaché au service d’immunologie clinique à l’hôpital Édouard Herriot, s’occupant principalement des patients atteints du VIH. Elle poursuit son engagement en étant membre du réseau ville-hôpital, réseau entre professionnels de santé, dans le cadre de la formation des médecins libéraux dans la prise en charge de la pathologie du VIH.
Elle poursuit ses travaux de recherche en étant investigatrice des essais de recherche clinique, à travers une dizaine de publications. » Seules trois d’entre elles semblent être reprises par PubMed, dont une lettre publiée dans le Lancet en 1992 relative aux effets bénéfiques des immunoglobulines en intraveineux chez les patients atteints par le sida.

La fin du mois de novembre devrait être chargée pour le ministre et la secrétaire d’État : reprises des débats sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2011, remise du rapport de la mission confiée à Élizabeth Hubert par le chef de l’État sur la médecine de proximité, etc. De quoi se faire rapidement une idée de l’orientation que souhaite donner ce nouveau gouvernement à la politique de santé dans les deux années qui viennent.

Photocopier une feuille de soins ?

Écrit par Thomas Rollin le . Dans la rubrique La forme

Le médecin peut-il utiliser la photocopie d’une feuille de soins papier (formulaire CERFA 12541*01) quand il n’arrive plus à en obtenir auprès des organismes servant les prestations de l’assurance-maladie ? C’est à cette question qu’il peut être intéressant de répondre alors qu’il semble que des praticiens se plaignent d’avoir du mal à être approvisionnés en feuilles de soins papier (FSP) à quelques semaines de la mise en place de la contribution forfaitaire aux frais de gestion due par les professionnels de santé qui n’assurent pas la transmission électronique pour la facturation de leurs actes aux organismes d’assurance-maladie obligatoire.

Aides de l’industrie de santé aux associations de patients

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Où vont les aides des industriels de santé ?C’est la première fois depuis le vote de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) et de son article 74 que la Haute Autorité de santé rend publique les déclarations des aides versées par les industriels de santé aux associations de patients. En 2009, ces dernières auraient reçu plus de cinq millions de l’industrie.

Conformément à ce qui est devenu l’article L 1114-1 du code de la santé publique et à compter de 2010, les entreprises fabriquant et commercialisant des produits de santé mentionnés au même code (comme les fabricants de médicaments à usage humain, de dispositifs médicaux ou les entreprises produisant aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales, par exemple) devaient déclarer, avant le 30 juin, auprès de la Haute Autorité de santé, la liste des associations de patients qu’elles soutiennent et le montant des aides de toute nature qu’elles leur ont procurées l’année dernière. Cette obligation se répète chaque année et concerne systématiquement l’année précédente, la Haute Autorité de santé devant publier les informations déclarées. Que l’entreprise distribue ou non des aides, la loi prévoit donc qu’elle remplisse une déclaration et la transmette à la HAS.

Après avoir consulté les industriels commercialisant des produits de santé, la HAS a publié un Guide pour la déclaration des aides versées aux associations de patients et d’usagers de la santé. Déclaration par Internet, mais « dans une optique de sécurisation, les déclarants ont également eu la possibilité de confirmer leur déclaration par courrier recommandé ». Malgré l’obligation légale et la chance donnée aux industriels que n’ont pas toujours tous les intervenants du monde de la santé quand il est question d’appliquer une loi, de pouvoir être consultés et de se concerter avec la HAS, seules 81 déclarations ont été reçues sur un minimum de 900 entreprises concernées par la loi… Il est vrai que le texte n’ayant prévu aucune sanction en cas de non-déclaration, c’est la bonne volonté et l’esprit citoyen qui prévalent.
Le montant total des aides déclarées atteint 5,1 millions d’euros versés à 308 associations de patients différentes. Sur les 81 entreprises, 9 disent ne pas avoir versé d’aides. Sur les 72 restantes, 10 % semblent avoir demandé une contrepartie économique au versement de ces subsides, sachant qu’une seule entreprise a pu financer d’une à trente-neuf associations différentes.

Ces résultats posent de nombreuses questions. Les entreprises qui n’ont rien donné ne se sont-elles celles qui n’ont pas pris la peine de déclarer ? Celles qui ont décidé de ne pas respecter la loi sont-elles coutumières du fait ? Quel serait le montant total des aides si les plus de 900 sociétés avaient répondu à leur obligation légale ? Parmi celles qui n’ont rien déclaré, combien d’entre elles demandent une contrepartie économique aux associations ?
Quand on connaît la véhémence de Christian Saout, président du collectif inter associatif sur la santé (CISS), à l’égard des médecins et de leur manque de déontologie, il serait aussi intéressant de savoir quelles sont les associations qui ont accepté de renvoyer l’ascenseur à l’industrie en acceptant une contrepartie économique, d’autant que nombreuses sont les associations appartenant au CISS à avoir reçue des aides.
De la même façon, même si la loi anticadeau s’applique et qu’elle prévoit, quant à elle, des sanctions pénales pour les contrevenants, il est dommage que la publication du montant des aides versées par les industriels aux associations s’adressant à des professionnels de santé (sociétés savantes, recherche, formation professionnelle) ne soit pas prévue. La HAS ne tient pas compte non plus des aides versées aux associations composées de professionnels agissant à destination des patients (réseaux et centres de soins prenant en charge des patients, secteur médico-social avec ou sans hébergement, etc.). Les fondations de recherche, organisations non-gouvernementales et humanitaires, structures institutionnelles et prestataires de services sont aussi exclues du champ législatif.

À l’examen des déclarations pour 2009, il est évident qu’une évolution de la législation pourrait être intéressante. La HAS l’appelle d’ailleurs de ses voeux. Elle aimerait que soit élaborée une définition précise des associations de patients, ainsi qu’une définition positive du périmètre des aides. L’absence de cette dernière pour l’année 2010 a conduit la HAS à distinguer 2 cas de figure qui ont eu pour conséquence d’inclure dans le périmètre de la déclaration les subventions ou dons ; d’exclure les financements issus de contrats commerciaux sauf si leur valeur est sans rapport avec le service rendu. Pour la Haute Autorité, l’appréciation de la qualification des financements est laissée au déclarant, ce qui est conforme au texte, mais pose des difficultés d’application. Elle reconnaît aussi que l’absence de sanction en cas de non-déclaration rend le texte par nature peu contraignant.

Pour 2009, la transparence est encore loin d’être évidente…

Actualité juridique des produits de santé

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Congrès

Portrait de René Descartes par Frans HalsPlusieurs membres de l’Institut droit et santé (IDS) de l’université Paris Descartes et des avocats internationaux du cabinet Clifford Chance se retrouveront le 23 novembre 2010 pour animer un séminaire sur le thème de « L’actualité juridique des produits de santé », l’industrie étant, quant à elle, représentée par les directeurs juridiques des laboratoires Pfizer et Bayer.

Séances plénières et tables rondes sont au programme pour faire le point sur des sujets comme la législation comparée et des retours d’expérience dans le domaine de l’éducation thérapeutique, les nouveaux réseaux de distribution des produits de santé (vente directe aux pharmaciens, Internet, etc.) ou le développement durable et les produits de santé.
Il sera aussi question des spécificités des régimes français, allemand et espagnol en matière d’allégations nutritionnelles de santé, l’expérience d’un industriel de l’alimentation venant illustrer les propos des intervenants.

Pas de professionnels de santé en exercice, mais une association de patients dédiée à l’amélioration des connaissances sur les maladies inflammatoires chroniques intestinales (maladie de Crohn et recto-colite hémorragique) sera présente pour donner le point de vue des utilisateurs et commenter si nécessaire un an de jurisprudence du droit des produits de santé.

Les débats et conférences se dérouleront en français et en anglais, de 14 à 18 h. Ils auront lieu dans les locaux du cabinet Clifford Chance, 9 place Vendôme, dans le premier arrondissement de Paris. Il est dès à présent possible de s’inscrire en ligne, le nombre de places étant limité.

Le retard d’hospitalisation en cas de grippe est une perte de chance

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Trouver le bon équilibreHors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés au code de la santé publique, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute. C’est ce que prévoit l’article L 1142-1 de ce même code. Un tribunal va donc s’évertuer à rechercher la faute d’un praticien lorsque la responsabilité de ce dernier est mise en cause par un patient ou sa famille, mais il ne doit pas pour autant négliger les autres éléments du dossier…

Si la grippe est une affection le plus souvent bénigne, malgré la présentation qui en a pu être faite à l’occasion de la pandémie survenue en 2009, il arrive parfois qu’un patient soit atteint d’une forme maligne de cette maladie. C’est ce qui est arrivé à une femme en décembre 2003, sans que rien ne laisse présager pour autant que son état de santé allait se dégrader brutalement et qu’elle décéderait d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë. La famille a porté plainte contre le médecin qui n’a pas hospitalisé la malade pensant que tout allait rentrer dans l’ordre rapidement.

Dans un premier temps, la cour d’appel a débouté la famille de sa demande en responsabilité du médecin. Certes si le praticien avait délivré à la patiente des soins consciencieux, attentifs et diligents, son hospitalisation serait intervenue plus tôt, mais que rien ne dit pour autant que l’évolution de la pathologie eût été différente ; l’administration de l’antibiothérapie aurait été avancée mais aucun élément médical ne permettait de dire que cela aurait évité la dégradation brutale de l’état de santé de la malade et son décès, dans la mesure où la cause du syndrome de détresse respiratoire aiguë dont elle était décédée n’avait pu être déterminée, de sorte qu’il n’était pas établi que la faute du médecin eût fait perdre à la patiente une chance de survie.

Mais la Cour de cassation, dans un arrêt du 14 octobre 2010 (pourvoi nº 09-69195), ne l’a pas entendu de cette façon. Pour cette dernière, la perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable, de sorte que ni l’incertitude relative à l’évolution de la pathologie, ni l’indétermination de la cause du syndrome de détresse respiratoire aiguë ayant entraîné le décès n’étaient de nature à faire écarter le lien de causalité entre la faute commise par le médecin, laquelle avait eu pour effet de retarder la prise en charge de la patiente, et la perte d’une chance de survie pour cette dernière. En hospitalisant plus tôt la patiente pour sa grippe, le praticien ne lui aurait pas fait perdre une chance de survivre, peu importe que ce soit ou non cette maladie qui soit à l’origine de son décès…

La réalité juridique est parfois très éloignée du discours de terrain. D’un côté, les médecins sont de plus en plus encouragés, pour ne pas dire contraints, économies de santé obligent, à ne pas hospitaliser des patients pour des maladies qui sont, chez la très grande majorité des patients, peu sévères, surtout si ces maladies sont virales ou infectieuses afin d’éviter de contaminer inutilement les services de soins. De l’autre, les praticiens se retrouvent avec une véritable épée de Damoclès au dessus de la tête, le plus petit retard d’hospitalisation en cas d’aggravation brutale et imprévisible de la maladie chez un patient ne présentant pas de facteur de risque particulier suffisant à les faire condamner pour faute. Pas facile de travailler sereinement, chaque jour, à l’aplomb d’un précipice…

Développement professionnel continu et protocole de coopération entre professionnels de santé

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Coopération entre les professionnels de santéDepuis la parution de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) et son article 51, le code de la santé publique prévoit que, par dérogation, les professionnels de santé peuvent s’engager, à leur initiative, dans une démarche de coopération ayant pour objet d’opérer entre eux des transferts d’activités ou d’actes de soins ou de réorganiser leurs modes d’intervention auprès du patient. Ils interviennent dans les limites de leurs connaissances et de leur expérience ainsi que dans le cadre de ces protocoles.
La loi HPST a aussi prévu que la Haute Autorité de santé (HAS) peut étendre un protocole de coopération à tout le territoire national et que les protocoles ainsi étendus peuvent être intégrés à la formation initiale ou au développement professionnel continu (DPC) des professionnels de santé selon des modalités définies par voie réglementaire.

Le décret n° 2010-1204 du 11 octobre 2010 relatif aux modalités d’intégration des protocoles de coopération étendus dans le développement professionnel continu et la formation initiale des professionnels de santé est paru au Journal officiel de la République française du 13 octobre 2010.
Concernant l’intégration d’un protocole de coopération entre professionnels de santé étendu par la Haute Autorité de santé au développement professionnel continu, il y est précisé que celle-ci peut intervenir selon deux types de modalités : au niveau national, l’objet du protocole de coopération étendu est pris en compte dans les orientations annuelles ou pluriannuelles du développement professionnel continu qui sont arrêtées par le ministre chargé de la santé après avis de chacune des commissions scientifiques indépendantes des professions concernées par le protocole ; au niveau régional, les orientations en matière de développement professionnel continu fixées par l’agence régionale de santé, en cohérence avec le projet régional de santé, prennent en compte l’objet du protocole de coopération étendu si celui-ci n’a pas été retenu dans les orientations nationales prévues au cas précédent.
Les orientations nationales et, le cas échéant, régionales se déclinent en programmes qui sont mis en œuvre par des organismes concourant à l’offre de développement professionnel continu.
Les employeurs publics et privés prennent les dispositions utiles pour inscrire les protocoles de coopération étendus dans le plan de développement professionnel continu des professionnels de santé qui mettent en œuvre ces protocoles.

Pour ce qui est de l’intégration d’un protocole de coopération entre professionnels de santé étendu par la Haute Autorité de santé à la formation initiale des professionnels de santé, le décret précise qu’elle est subordonnée à la modification préalable des dispositions du code de la santé publique définissant le champ d’intervention de ces professions de santé.
Cette intégration met fin à l’application du protocole. En effet, la loi étant modifiée, les transferts d’activités ou les actes de soins font alors partie du champ d’intervention des professionnels de santé et un protocole dérogatoire n’est plus nécessaire.
Contrairement à ce qui a été mis en place pour les protocoles régionaux, les ordres professionnels peuvent être consultés par le ministre chargé de la santé sur l’intégration d’un protocole de coopération étendu dans les dispositions du code de la santé publique relatives aux professions de santé. Il ne s’agit en rien d’une obligation et le transfert d’actes de soins pourra s’effectuer sans qu’à aucun moment un conseil de l’ordre n’ait été consulté.

Comme l’a précisé Jean-Michel Chabot, conseiller médical de la Haute Autorité de santé, lors de la première journée consacrée à la coopération entre professionnels de santé organisée par le syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF), le 18 septembre 2010 à Orly, il devrait falloir attendre au moins un an après la mise en place des premiers protocoles pour que la HAS en étende certains au niveau national, rien ne semblait donc imposer une parution aussi rapide de ce décret. Alors que le développement professionnel continu n’en finit pas de réussir à remplacer de la formation médicale continue (FMC), il est déjà question de lui faire prendre en compte les protocoles étendus. Voilà qui semble montrer une nouvelle fois toute l’importance qu’attache le gouvernement aux transferts d’activités et d’actes de soins entre professionnels de santé.

2011, année des patients et de leurs droits

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Informer les patientsTambours et trompettes pour une nouvelle opération gouvernementale, « 2011, année des patients et de leurs droits », lancée le 5 octobre depuis les hautes sphères ministérielles de l’avenue de Ségur. « Défendre les droits des patients, leur garantir une prise en charge respectueuse de leur singularité, mieux prendre en considération les nouvelles attentes des citoyens vis-à-vis de leur santé », tel est le programme de cette année, centrée sur tous ceux qui auront besoin de soins un jour ou l’autre… Un discours très éloigné des recommandations de bonne pratique qui laissent penser qu’une approche unique est la meilleure solution au respect de la singularité des patients.

Une présidente de charme est chargée de mener les travaux de cette année : Marina Carrère d’Encausse, médecin échographiste, mais aussi journaliste et co-présentatrice de l’émission Le Magazine de la santé sur France 5, chaîne du service public. Habituée des médias et ancienne animatrice du Disney club, Marina Carrère d’Encausse n’a eu aucun mal à exposer à ses confrères de la presse les trois principales orientations retenues pour cette année des patients et de leurs droits. Il est question de réflexion et d’action pour prendre en considération « les nouvelles attentes du citoyen, acteur de santé », pour promouvoir « la bientraitance à l’hôpital » et pour « faire vivre les droits des patients ».
Aux côtés de Marina Carrère d’Encausse, on retrouve Christian Saout, président du collectif interassociatif sur la santé (CISS) et Christine d’Autume, inspectrice générale des affaires sociales. Le choix ministériel de Christian Saout n’est pas vraiment étonnant puisque c’est un habitué de l’émission Bonjour, docteur, cette désignation ne laissant, par ailleurs, aucun doute sur l’orientation que souhaite donner le gouvernement à cette initiative.

Il est donc question de « faire vivre les droits des patients », car ils sont actuellement insuffisamment connus si l’on en croit le ministère. Malgré la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, malgré le CISS, le pôle santé du Médiateur de la République, le pôle démocratie des agences régionales de santé, les campagnes de l’assurance-maladie ou les émissions télévisées consacrées à ce sujet, les patients manquent d’informations sur leurs droits. Cette année sera donc l’occasion de porter à la connaissance du public, cette fois de façon efficace, un maximum d’indications sur ses droits en tant que patient. Une nouvelle fois, il n’est question que de droits : pas un mot sur les devoirs que peut avoir le patient vis-à-vis du système de santé et rien sur le respect des acteurs du soin…

Concernant « la bientraitance à l’hôpital », une mission a deux mois pour établir des propositions qui seront soumises à discussion lors de six débats en région, partout en France, au premier semestre 2011, suivis d’un colloque de restitution en mai. L’accueil du patient et de ses proches, l’assistance dans certains besoins fondamentaux tels que la toilette ou repas, l’annonce d’une mauvaise nouvelle, le soin invasif et bien d’autres sujets devront être au coeur de réflexions, car il semble que nombre d’équipes hospitalières ne sont pas au point dans ces domaines…

Une autre mission, tout aussi courte, sera menée sur « les nouvelles attentes du citoyen, acteur de santé ». Il est question d’éducation thérapeutique du patient (ETP) et d’évolution de la relation médecin-patient liée à Internet, par exemple, mais « là aussi, la ministre a souhaité que soit traitée la question des inégalités devant la capacité à s’informer et à agir vis-à-vis de sa santé. »

Enfin, un colloque d’ouverture de « 2011, année des patients et de leurs droits » est prévu à la fin du mois de janvier, tout comme la deuxième édition du Prix des droits des patients, dans le cadre de la Journée européenne des droits des patients qui se tient chaque 16 avril, et un site Internet dédié et participatif sera créé en début d’année.

L’information étant un droit pour le patient et le citoyen, il sera sans doute aisé de connaître le coût de cette année des patients et de leurs droits, de son site Internet, de son rapport et des différentes missions. Après les déboires connus par Christine Boutin quant à sa rémunération pour une mission tout aussi capitale pour le pays et à un moment où la recherche médicale indépendante peine à trouver des fonds, il paraît fondamental que de telles données soient facilement accessibles. Sur le site dédié, peut-être ?

Contrôle des arrêts de travail : tous les fonctionnaires ne sont pas concernés

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Des jumelles pour contrôlerIl n’aura échappé à personne que le décret no 2010-1095 du 17 septembre 2010 portant création d’un traitement de données à caractère personnel relatif au contrôle à titre expérimental des congés de maladie des fonctionnaires de l’État est venu compléter les mesures prévues par la loi no 2009-1646 du 24 décembre 2009 de financement de la sécurité sociale pour 2010 et son article 91 précisant qu’ « Afin d’harmoniser les règles et modalités de contrôle des assurés se trouvant dans l’incapacité physique médicalement constatée de continuer ou de reprendre le travail, le contrôle des arrêts de travail dus à une maladie d’origine non professionnelle des personnes mentionnées à l’article 2 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État est confié, à titre expérimental et par dérogation à l’article 35 de la même loi, aux caisses primaires d’assurance maladie et aux services du contrôle médical placés près d’elles. » La Commission nationale de l’informatique et des libertés avait donné son accord en avril 2010 à la création de ce fichier, mais il aura fallu attendre plusieurs mois avant que tout ne soit mis en place et les textes publiés au Journal officiel.
Des personnes ayant un emploi permanent à temps complet et titularisées dans un grade de la hiérarchie des administrations centrales de l’État, des services déconcentrés en dépendant ou des établissements publics de l’État vont donc pouvoir être contrôlées par des agents de la Sécurité sociale, composée majoritairement par des organismes de droit privé exerçant une mission de service public contrairement à beaucoup d’idées reçues, et non plus exclusivement par d’autres agents de l’État.

Alors que tous les médias semblent présenter ces mesures législatives comme définitives, il n’en est rien. Elles ne sont qu’expérimentales et prévues pour deux ans. Et loin d’être nationales, elles sont géographiquement très limitées puisqu’elles ne concernent que les échelons locaux du contrôle médical placés auprès des caisses primaires d’assurance-maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme, du Rhône, des Alpes-Maritimes, d’Ille-et-Vilaine, de Paris et du Bas-Rhin.
De plus, le décret prend soin de préciser que la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône et l’échelon local du contrôle médical placé auprès de cette caisse participent également à cette expérimentation en ce qui concerne le contrôle à domicile des heures de sortie autorisées. Ce qui laisse penser que les autres CPAM vont se contenter de convoquer les patients en arrêt maladie dans leurs locaux…

Limitation supplémentaire : l’expérimentation ne s’applique pas à tous les fonctionnaires pouvant être concernés par l’article 91 de la loi de financement de la Sécurité sociale 2010, elle ne concerne que les fonctionnaires des services déconcentrés de l’État, des établissements publics locaux d’enseignement, des établissements publics locaux d’enseignement agricole, des écoles maternelles et élémentaires situés dans le ressort géographique de chacune des caisses primaires d’assurance maladie énumérées au paragraphe précédent, excepté pour la ville de Paris pour laquelle sont seuls concernés par l’expérimentation les fonctionnaires des services centraux des ministères sur lesquels le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État et le ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ont une autorité exclusive ou conjointe dont la liste figure en annexe à la convention prévue à l’article 91 de la loi du 24 décembre 2009 déjà citée.

Enfin, le fichier créé par le décret du 17 septembre 2010 a pour objectif de ne contrôler que les congés de maladie accordés en raison d’une maladie non professionnelle, pour une durée inférieure à six mois consécutifs et ne relevant pas du régime des congés de longue maladie ou de longue durée. Il a aussi pour but d’évaluer les résultats de ces contrôles par service, établissement public local d’enseignement ou établissement public local d’enseignement agricole et ressort des caisses primaires d’assurance-maladie participant à cette expérimentation.

Des textes sont prévus pour les fonctionnaires hospitaliers et les fonctionnaires territoriaux. Ils feront l’objet d’un prochain article, mais ils n’ont, eux aussi, pour but que d’orchestrer des expérimentations qui ne deviendront peut-être jamais pérennes.

Comparées à celles concernant les employés du secteur privé, les mesures mises en place à titre expérimental pour les fonctionnaires paraissent donc être très modérées. Malgré le battage médiatique, il ne semble vraiment pas y avoir de quoi en faire une maladie…

Des précisions sur la coopération entre professionnels de santé et ses protocoles

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Coopération entre professionnels de santéL’article 51 de la loi 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) constitue une petite révolution dans le monde de la santé. Il prévoit, en effet, que les professionnels de santé peuvent, à leur initiative, s’engager dans une démarche de coopération ayant pour objet de transférer entre eux, des activités ou des actes de soins ou de réorganiser leurs modes d’intervention auprès des patients. Jusque-là, c’était la notion de “compétences” qui prévalait : un professionnel de santé qui réalisait un acte attaché à une autre profession de santé prenait le risque de se voir condamné, même s’il réalisait cet acte sous la responsabilité d’une personne légalement autorisée à l’exécuter. Cette notion ne disparaît pas, mais elle ne représente plus une limite à la réalisation d’actes de soins réservés à certaines professions. Le pudique « transfert de tâches » évoqué par certains pour ne pas choquer n’est rien d’autre qu’un transfert d’actes médicaux ou paramédicaux. Certes, chacun ne peut intervenir que dans les limites de ses connaissances et de son expérience et les accords entre professionnels de santé devront, dans certains cas, s’accompagner d’un volet formation, mais il n’y a là rien d’insurmontable. L’obligation de mettre en adéquation son contrat d’assurance responsabilité civile professionnelle, prévue par la loi, ne devrait pas non plus poser un réel problème, à condition de régler une prime plus élevée pour celui qui va se voir confier de nouvelles responsabilités et donc de nouveaux risques de sinistres.

Les textes législatifs existent

Avec l’adoption de la loi HPST, les professionnels de santé, intéressés par ces protocoles maintenant définis aux articles L 4011-2 et L 4011-3 du code de la santé publique, peuvent se lancer dans l’aventure. L’arrêté du 31 décembre 2009 relatif à la procédure applicable aux protocoles de coopération entre professionnels de santé, publié au Journal officiel du 15 janvier 2010, donne même le modèle de protocole à utiliser. Le tout tient en quelques pages et paraît simple. Mais, il n’en est rien. Pour s’en convaincre, il suffisait d’être présent à la première journée consacrée à la coopération entre professionnels de santé organisée par le syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF), le 18 septembre 2010 à Orly. Réservée aux adhérents de cette organisation syndicale, la journée était aussi ouverte à la presse. Sur invitation, il était même possible de suivre les débats en direct sur Internet.

Les ophtalmologistes et leur syndicat réfléchissent depuis plus de dix ans à la question du transfert des actes médicaux en raison d’une pénurie annoncée de praticiens de cette spécialité chirurgicale dans certaines régions et de l’allongement du temps nécessaire à l’obtention d’un rendez-vous hors des cas urgents. Dès 2003, le professeur Yvon Berland dans son rapport Coopération des professions de santé : le transfert de tâches et de compétences basait une partie de ses conclusions sur l’une des très rares expériences en médecine libérale qui existait à cette époque : une coopération entre ophtalmologistes et orthoptistes dans le département de la Sarthe.
En relisant ce rapport, il est intéressant de noter à quel point les idées ont évolué depuis. Le Pr Berland expliquait, en effet, que « la délégation de compétences pour être efficace et efficiente doit impérativement s’appuyer sur une collaboration étroite entre les différents acteurs. Cette collaboration passe par une unité de lieu d’exercice géographique ou virtuelle (cas de professionnels intervenant en zones démédicalisées et reliées par télé-médecine au cabinet médical) des différents intervenants qui devront être regroupés au sein de structures de soins pluridisciplinaires. » Il insistait sur le fait que « Le médecin qui transfère l’activité médico-technique doit garder la responsabilité de la prescription et des actes » et expliquait qu’ « il serait en effet totalement inopérant de permettre à plusieurs acteurs de niveaux de formation totalement différents de pouvoir directement effectuer les mêmes actes. Très rapidement cela aboutirait d’une part à une concurrence non souhaitable mais également à la multiplication des actes. Les patients pourraient en effet dans un grand nombre de cas aller consulter d’abord un acteur para-médical puis un acteur médical pour le même motif. » En 2010, il est bien question d’un transfert des actes et de la responsabilité qui en dépend. Même le droit de prescription et le principe qui voulait qu’il soit dissocié d’une vente ont été aménagés par le décret n° 2007-553 du 13 avril 2007 relatif aux conditions d’adaptation de la prescription médicale initiale de verres correcteurs dans le cadre d’un renouvellement et aux règles d’exercice de la profession d’opticien-lunetier.

La légalisation du dérogatoire en pratique

Tout d’abord, il ressort des débats que les protocoles pluriprofessionnels et l’article 51 ont été mis en place pour « légaliser du dérogatoire » et passer outre, en toute légalité, les décrets de compétences des professions médicales ou paramédicales pour fluidifier des files de patients ou apporter une offre de soins dans des territoires où elle est insuffisante. Tous ont cherché à convaincre que ceci était possible dans le respect de la qualité des soins et que la volonté de réaliser des économies de santé n’était pas le souci premier de cette réforme.

S'unirConcernant la simplicité des protocoles de coopération, les intervenants issus d’horizons différents (Haute Autorité de santé, Agence régionale de santé d’Île-de-France, Union régionale de médecins, syndicats d’orthoptistes, assurance-maladie) ont tout de même conseillé d’étudier avec attention deux documents récemment mis en ligne par la Haute autorité de santé (HAS) : le premier est consacré aux conditions de succès de la coopération entre professionnels de santé et propose un retour sur les expérimentations menées entre 2004 et 2007 ; le second, réalisé conjointement avec la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), est consacré à l’élaboration d’un protocole de coopération.
En pratique, seuls les dossiers qui auront été étudiés par l’Agence régionale de santé (ARS) dont ils dépendent et la HAS avant le dépôt officiel d’une demande de validation d’un protocole auprès de l’ARS auront une chance d’être acceptés dans les deux mois prévus par l’arrêté du 31 décembre 2009 cité plus haut. Déposer un protocole sans s’être assuré au préalable qu’il est recevable ne laisse au demandeur que peu d’espoir de le voir accepté.
Il semble aussi très clair pour le représentant de l’ARS et celui de l’assurance-maladie qui étaient présents que, même si la loi n’a rien prévu en ce sens, les services de Sécurité sociale seront consultés à un moment ou à un autre du processus dans une optique d’économies de santé.

Autre élément intéressant : la loi a prévu qu’un protocole ayant fait ses preuves dans une région puisse être secondairement généralisé à l’ensemble du territoire national, sans préciser la durée au bout de laquelle le protocole serait évalué. Pour le conseiller médical de la HAS, ce délai serait au minimum d’un an.
Pour ce qui est de l’avis conforme donné par la HAS, elle entend continuer à privilégier la qualité avec l’aide des collèges professionnels, qui réunissent à parité hospitaliers et libéraux, pour valider ou non les projets de coopérations. Il a été aussi question des unions professionnelles régionales pour donner un avis sur les protocoles avant qu’ils ne soient acceptés, mais pas des sociétés savantes, des syndicats ou du conseil de l’ordre des professions qui en disposent.

Un levier pour dynamiser d’autres éléments du système de santé

La télémédecine et de nouveaux modes de rémunération sont indispensables à la mise en place de certains protocoles et l’article 51 représente une réelle opportunité de voir les choses évoluer à ce propos. La formation doit évoluer, elle aussi, à un rythme plus soutenu et le passage à une filière du type LMD (licence, master, doctorat) au sein d’universités de santé pour tous les professionnels de santé doit être accéléré, avec même une première année santé commune à toutes ces professions, en élargissant ainsi la première année de santé. Le développement professionnel continu doit aussi prendre en compte les protocoles de coopération afin de s’adapter aux nouvelles opportunités ainsi créées.

Tout devrait aller très vite, maintenant, puisque la directrice générale de l’offre de soins (DGOS), Annie Podeur, souhaite voir les premiers protocoles de coopération entre professionnels de santé mis en place avant la fin de l’année 2010. Pour cela, il est question, par exemple, de la publication du nouveau décret relatif à la formation des orthoptistes avant la fin de l’année, les décrets relatifs au développement professionnel continu devant être, quant à eux, publiés le mois prochain.

La réforme de la santé au travail cachée dans celle des retraites

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Médecin de santé au travailQui aurait pu penser que la réforme de la santé au travail, dont on parle depuis plusieurs mois, se cacherait au sein du projet de loi portant réforme des retraites… Loin de la sérénité qui aurait pu être nécessaire à des décisions qui vont engager l’avenir de la médecine du travail, c’est en plein brouhaha social et médiatique concernant les retraites, sans parler des pressions subies par le ministre du travail dans le cadre de ce que l’on appelle l’affaire Bettencourt, que les débats parlementaires concernant la santé au travail ont eu lieu.

Les députés ont adopté le 15 septembre 2010 en première lecture le projet de loi portant réforme des retraites, après l’avoir amendé. Il doit maintenant être examiné au Sénat et rien ne dit qu’il restera en l’état, mais il est néanmoins intéressant de savoir à quoi ressemble le texte après les premiers débats.
C’est dans le cadre de la pénibilité du parcours professionnel, à l’article 25 et subsidiaires, que l’évolution législative relative à la médecine du travail trouve sa place. Il est d’abord prévu la création d’un carnet de santé au travail : il est constitué par le médecin du travail et doit retracer, dans le respect du secret médical, les informations relatives à l’état de santé du travailleur, aux expositions auxquelles il a été soumis, ainsi que les avis et propositions du médecin du travail, notamment les mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, à la résistance physique ou à l’état de santé physique et mentale des travailleurs. Ce carnet ne peut être communiqué qu’au médecin de son choix, à la demande de l’intéressé. En cas de risque pour la santé publique ou à sa demande, le médecin du travail le transmet au médecin inspecteur du travail. Ce carnet peut être communiqué à un autre médecin du travail dans la continuité de la prise en charge, sauf refus du travailleur. Le travailleur, ou en cas de décès de celui-ci, toute personne autorisée par le code de la santé publique, peut demander la communication de ce carnet.
Parallèlement à ce carnet, il est prévu que pour chaque travailleur exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels déterminés par décret et liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur sa santé, l’employeur consigne dans une fiche, selon des modalités déterminées par décret, les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est exposé et la période au cours de laquelle cette exposition est survenue. Cette fiche individuelle est établie en cohérence avec l’évaluation des risques, prévue à l’article L 4121-3. Elle est communiquée au service de santé au travail. Elle complète le carnet de santé au travail de chaque travailleur. Le modèle de cette fiche est fixé par arrêté du ministre chargé du travail.
Une copie de ce document est remise au salarié à son départ de l’établissement, en cas d’arrêt de travail excédant une durée fixée par décret ou de déclaration de maladie professionnelle. En cas de décès du travailleur ou d’incapacité supérieure à un taux fixé par décret, le conjoint, le concubin, la personne avec laquelle il a signé un pacte civil de solidarité ainsi que ses ayants droit peuvent obtenir, dans les mêmes conditions, cette copie.

Conformément à la loi actuelle, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces dernières devront maintenant tenir compte de la pénibilité au travail.
Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, quant à lui, procède déjà à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs de l’établissement ainsi qu’à l’analyse des conditions de travail. Il procède également à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposées les femmes enceintes. Il est prévu qu’il procède aussi à l’analyse de l’exposition des salariés à des facteurs de pénibilité.

Le médecin de travail n’est plus que l’un des éléments des services de santé au travail avec ce projet. Il est maintenant plutôt question d’équipes pluridisciplinaires.
Les services de santé au travail ont pour mission exclusive : de conduire des actions de santé au travail visant à préserver la santé physique et mentale des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel ; de conseiller, notamment dans le cadre de leur action en milieu de travail, les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin d’éviter ou de diminuer les risques professionnels et d’améliorer les conditions de travail, de prévenir ou de réduire la pénibilité au travail et de contribuer au maintien dans l’emploi, notamment des personnes âgées et des travailleurs en situation de handicap ; d’assurer la surveillance de l’état de santé des travailleurs en fonction des risques concernant leur sécurité et leur santé au travail, de la pénibilité au travail et de leur âge ; de participer au suivi des expositions professionnelles et à la veille sanitaire et de contribuer à la traçabilité de ces expositions professionnelles.

Dans les services de santé au travail d’entreprise, d’établissement, interétablissements ou communs à des entreprises constituant une unité économique et sociale, les missions des services de santé sont exercées par les médecins du travail, en lien avec les employeurs et les salariés désignés pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels ou les intervenants en prévention des risques professionnels.
Pour les services de santé au travail interentreprises, les missions des services de santé au travail sont assurées par une équipe pluridisciplinaire de santé au travail composée au moins de médecins du travail, d’intervenants en prévention des risques professionnels, d’infirmiers et, le cas échéant, d’assistants des services de santé au travail. Les services de santé au travail comprennent un service social du travail ou coordonnent leurs actions avec celles des services sociaux du travail externes. Toujours pour les services de santé au travail interentreprises, les missions de service de santé au travail sont précisées, en fonction des réalités locales, dans le cadre d’un contrat d’objectifs et de moyens conclu entre le service d’une part, l’autorité administrative et les organismes de sécurité sociale compétents d’autre part, après avis des organisations d’employeurs et des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et des agences régionales de santé.
De nombreuses autres mesures pour les services interentreprises sont prévues par le projet de loi adopté à l’Assemblée.

Un accord collectif de branche étendu peut prévoir des dérogations aux règles relatives à l’organisation et au choix du service de santé au travail ainsi qu’aux modalités de surveillance de l’état de santé de certains travailleurs (artistes, techniciens intermittents du spectacle, mannequins, salariés du particulier employeur, voyageurs, représentants et placiers) dès lors que ces dérogations n’ont pas pour effet de modifier la périodicité des examens médicaux définie par le code du travail. Pour les mannequins et les salariés du particulier employeur, des médecins non spécialisés en médecine du travail peuvent signer cette convention.

Il est prévu que ce soit un décret qui détermine les règles relatives à l’organisation, au choix et au financement du service de santé au travail ainsi qu’aux modalités de surveillance de l’état de santé des travailleurs comme les salariés temporaires ou les travailleurs éloignés exécutant habituellement leur contrat de travail dans un département différent de celui où se trouve l’établissement qui les emploie, par exemple.

Dernier point intéressant, un décret pourra fixer les conditions dans lesquelles les services de santé au travail peuvent recruter à titre temporaire un interne de la spécialité.

Le conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) a immédiatement réagi au texte adopté, estimant l’indépendance des médecins de santé au travail compromise. La lecture qui sera effectuée au Sénat sera donc décisive.