Articles tagués ‘scientifique’

Revues scientifiques et procès en diffamation

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Justice et liberté d'expressionLe 11 novembre 2011, s’est ouvert à Londres un procès en diffamation qui pose, une nouvelle fois, la question de la crédibilité de certaines grandes revues scientifiques et celle de la liberté d’expression de ceux qui oeuvrent à une plus grande transparence dans les domaines scientifiques et médicaux. Le plaignant, Mohamed El Naschie, est un ingénieur égyptien, mathématicien et physicien, ancien éditeur en chef de la revue Chaos, Solitons et Fractals des éditions Elsevier. Il reproche à la célèbre revue Nature de l’avoir accusé dans l’un des articles publiés en 2008 de s’être servi de son poste de rédacteur en chef afin de publier de nombreux articles écrits de sa main sans qu’ils aient été appréciés et validés par ses pairs, comme l’explique le BMJ.

Il faut savoir que les revues scientifiques qui jouissent de la plus grande crédibilité sont, de nos jours, basées sur un système qui oblige les auteurs désireux de faire connaître le résultat de leurs travaux au sein d’une telle revue à soumettre leurs articles à son comité de lecture composé d’experts dans le domaine évoqué. Ce comité est censé relire ces articles avec un oeil critique, s’assurer que les recommandations aux auteurs propres à chaque revue ont bien été respectées, faire des remarques ou émettre des réserves sur la méthodologie employée pour obtenir les données présentées, apprécier la qualité et valider ou non l’ensemble de ce qui a été soumis. En procédant ainsi, une revue scientifique est censée diminuer les risques de faire paraître dans ses colonnes des travaux manquant de rigueur, d’objectivité, voire même des études falsifiées. Qu’une revue dispose d’un comité de lecture ne suffit pas à faire d’elle une publication de référence, mais sans comité de lecture une publication n’a aucune chance, à l’heure actuelle, de devenir une référence.
C’est sur ce principe que reposent, entre autres, les grandes revues médicales ou les publications de référence en droit. En santé, il est d’autant plus important de respecter ces règles de fonctionnement que les articles tirés de ces revues vont ensuite être utilisés pour influencer la politique de santé, permettre à des médicaments de s’imposer ou à des techniques chirurgicales de prendre leur essor.
Même si ne pas soumettre son travail avant publication à la critique de ses pairs ne présage en rien de sa qualité ou de son intérêt, il en va de la crédibilité du système que la procédure soit respectée, tout particulièrement par ceux qui sont à sa tête et qui se doivent de montrer l’exemple.

Pour les éditeurs de Nature, des doutes existent quant à la relecture des travaux de Mohamed El Naschie publiés dans la revue dont il était rédacteur en chef, élément que conteste l’intéressé et qui l’a amené à poursuivre devant les tribunaux le journaliste à l’origine de cette affaire et le Nature Publishing Group, appartenant à la société Macmillan Publishers Limited basée en Angleterre et au Pays de Galles. Pour l’avocat de Nature, il s’agit là d’un « enjeu fondamental pour la liberté d’expression scientifique ». En effet, cette affaire est la dernière d’une série d’actions en diffamation relatives à des questions scientifiques qui, selon cet avocat, nuirait à la liberté des débats au sein de la communauté scientifique. Comment imaginer qu’il ne soit pas possible de remettre en question le travail d’un scientifique, surtout lorsqu’il ne respecte pas les standards de sa profession, sans encourir une plainte pour diffamation ?

Nature a passé deux ans à préparer son dossier et a interrogé plusieurs scientifiques pour recueillir un avis sur les travaux de M. El Naschie. Selon ces derniers, les publications de cet auteur étaient de « mauvaise qualité » et leur relecture laissait à désirer. C’est en se basant sur ces témoignages que la revue Nature a décidé de publier un article à ce sujet.

M. El Naschie, après avoir fait appel à un cabinet d’avocats acceptant de n’être payé qu’en cas de victoire, assure désormais seul sa défense. Bien qu’ayant engagé la procédure, il a informé la cour qu’il ne disposait pas des moyens nécessaires pour se présenter devant elle, d’autant qu’il ne séjournerait en Grande-Bretagne qu’épisodiquement. Pour la revue Nature, l’auteur indélicat partagerait son temps entre l’Égypte, les États-Unis, l’Allemagne, la Suisse et l’Angleterre et tenterait de faire traîner l’affaire. Une situation qui n’est pas favorable à Nature, selon la juge en charge de cette affaire, car même si la revue est reconnue innocente, elle ne pourra vraisemblablement pas obtenir de la partie adverse le remboursement des frais de procédure.

En Angleterre, selon le BMJ, le montant élevé des frais engagés pour se défendre d’une plainte en diffamation et l’issue judiciaire incertaine de telles affaires ont amené le gouvernement à réfléchir à une réforme des procédures afin qu’elles ne soient pas utilisées pour nuire à la liberté d’expression et à la santé publique. Une arme qui n’est pas propre aux Anglais à en juger par des affaires comme celle du médecin australien attaqué par le fabricant d’un produit amaigrissant, celle du chercheur ayant critiqué l’excès de sel dans les produits alimentaires ou dans le cas du Mediator et maintenant du Protelos.

Un médecin poursuivi en diffamation après avoir critiqué un produit amaigrissant

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Le poids dans la balance de la justiceAlors que l’affaire du Mediator bouleverse le landernau français, Ken Harvey, un médecin australien militant pour un marketing éthique des médicaments et autres produits pour la santé continue à être poursuivi en justice pour diffamation par la société commercialisant un produit amaigrissant, le SensaSlim, qu’il a osé critiquer sur Internet et dénoncer auprès des autorités sanitaires. La cour suprême de la Nouvelle-Galles du Sud a décidé, le 14 juin 2011, de le faire comparaître en août pour juger l’affaire au fond en refusant de rejeter de la plainte dont il fait l’objet. S’il est condamné, il risque une amende de 590 000 €.

Selon les dirigeants de la société vendant le SensaSlim, ils ont engagé des poursuites contre le docteur Harvey afin de protéger leurs intérêts et de faire respecter leurs droits. Ils contestent les conclusions des études défavorables à leur produit mises en ligne par cet universitaire à la retraite et estiment qu’il a agi de façon déloyale, portant ainsi atteinte à l’image de leur entreprise. Pour le porte-parole de la société, il n’est pas question d’interdire à ce médecin de critiquer leur ligne de produits amaigrissants, mais de l’empêcher de continuer à dénoncer sur Internet la publicité qu’il présente comme mensongère pour le SensaSlim sans avoir laissé le temps à cette société de se défendre devant les tribunaux comme la loi l’y autorise. « Il ne s’agit pas bâillonner le Dr Harvey. Nous continuerons à poursuivre notre droit de protéger nos franchisés et leur investissement dans notre produit », ce dernier étant vendu en pharmacie, salons de beauté et dans le commerce sans ordonnance. Il est vrai que cette contre-publicité risque de compromettre l’argumentaire de cette société quand elle promet un bénéfice pouvant aller jusqu’à quinze millions de dollars à ceux qui deviendraient ses distributeurs exclusifs de par le monde.

Pourtant cette affaire ressemble bien à une nouvelle attaque contre un médecin dénonçant un produit amaigrissant et rappelle le combat qu’a eu à mener Irène Frachon contre le laboratoire Servier et le Mediator. Un combat auquel l’agence gouvernementale de santé locale, The Australian Therapeutic Goods Administration, équivalent de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), semble préférer ne pas être mêlée. Si elle reconnaît avoir reçu plusieurs plaintes à l’encontre du SensaSlim, y compris celle de Ken Harvey, elle explique ne pas pouvoir donner un avis tant que la justice ne s’est pas prononcée. La plainte en diffamation et l’enquête qui s’en est suivi bloqueraient l’action de l’agence de santé, selon sa porte-parole dans une déclaration au BMJ. Pour les médecins qui ont signalé la campagne publicitaire et dénoncé les arguments scientifiques servant à promouvoir le SensaSlim, il s’agit là d’une aberration du système de vigilance nécessitant qu’il soit réformé. On comprend facilement leur demande quand on sait que le Dr Capehorn, médecin qui avait scientifiquement cautionné la campagne publicitaire pour l’amaigrissant, a depuis peu reconnu ne jamais avoir pris connaissance des études cliniques censées prouver l’efficacité du produit promise par son fabricant. Comment accepter qu’un produit amaigrissant, vendu dans dix-sept pays de l’hémisphère nord et ailleurs sur la planète, puisse continuer à induire en erreur les consommateurs ?
Certes, il ne s’agit pas là d’effets indésirables graves mettant en jeu la vie des patients, mais il est tout de même question d’intérêts financiers, de santé et d’intimidation pour faire taire ceux qui dénoncent un produit au mieux inefficace et au pire dangereux…

Une association australienne, Australian Skeptics, connue pour lutter contre ceux qui usent d’arguments pseudoscientifiques ou paranormaux pour faire la promotion de leurs produits ou de leurs méthodes thérapeutiques, a pris parti pour le docteur Harvey. Elle collecte actuellement des fonds pour lui permettre d’assurer sa défense dans les meilleures conditions possible.

 

En France, l’Afssaps vérifie « chaque année pour plus de 10 000 dossiers le contenu des messages promotionnels des firmes. […] La publicité de produits présentés comme bénéfiques pour la santé prévus à l’article L 5122-14 du code de la santé publique, à savoir les produits autres que les médicaments présentés comme favorisant le diagnostic, la prévention ou le traitement des maladies, des affections relevant de la pathologie chirurgicale et des dérèglements physiologiques, le diagnostic ou la modification de l’état physique ou physiologique, la restauration, la correction ou la modification des fonctions organiques » fait l’objet d’un contrôle a priori dénommé visa PP.

Le remboursement de l’homéopathie à nouveau sur la sellette

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Granules homéopathiquesAlors que tous les organismes d’assurance maladie des États européens cherchent à faire des économies sur des thérapeutiques éprouvées pour réduire leurs déficits, des voix s’élèvent pour faire passer sous les fourches caudines le remboursement des produits dont l’efficacité ne cesse de faire débat, produits au rang desquels figure l’homéopathie.

En France, partisans et adversaires du remboursement de l’homéopathie se sont déjà affrontés au début des années 2000 lorsque le taux de prise en charge par la Sécurité sociale des produits homéopathiques est passé de 65 à 35 %. Bien que ces thérapeutiques soient inscrites pour certaines depuis 1965 à la pharmacopée, nombreuses ont été les voix critiquant vivement que l’on puisse accorder un remboursement à des produits n’ayant pas fait leurs preuves. Pour eux, seul un déremboursement pur et simple devait être envisagé et non une demi-mesure. Il faut dire qu’à l’époque les arguments de l’Académie nationale de médecine sur le sujet et une étude intitulée Are the clinical effects of homoeopathy placebo effects? publiée dans le prestigieux journal The Lancet avaient déjà de quoi faire réfléchir sur l’efficacité de l’homéopathie, d’autant que plusieurs pays de l’Union européenne avaient décidé de ne plus ou de ne pas rembourser ces produits. Mais dans un pays où est installé le premier fabricant mondial de “médicaments” homéopathiques, employant plus de 2 800 personnes et ayant généré un chiffre d’affaires de plus de 526 millions d’euros en 2009, des avis en faveur des propriétés thérapeutiques de l’homéopathie n’ont pas manqué de venir s’opposer à ceux de ses détracteurs. Il faut aussi prendre en considération que plusieurs milliers de médecins prescrivent ces produits dans l’Hexagone.

Après avoir fait rage en France, c’est au Royaume-Uni que le débat a été relancé. En juin 2010, la British Medical Association (BMA) s’est exprimée en faveur l’arrêt de la mise à disposition des patients de produits homéopathiques par le National Health Service (NHS) au moment où celui-ci va connaître une petite révolution dans son mode de fonctionnement. Cette association, équivalant à l’Académie nationale de médecine en France, va même plus loin puisqu’elle demande à ce qu’aucun poste de médecins en formation au Royaume-Uni ne soit en rapport avec l’homéopathie et à ce que les pharmaciens n’exposent plus ces produits sur les mêmes présentoirs que ceux destinés aux médicaments, mais sur des étagères portant clairement la mention “placebos”.
Tout comme dans l’Hexagone, des avis divergents n’ont pas manqué de s’exprimer. Quand les uns parlent de “sorcellerie”, les autres parlent de besoins des patients et avancent l’argument selon lequel ce n’est pas parce que l’on ne réussit pas à prouver scientifiquement l’efficacité d’un produit, qu’il ne l’est pas…

En Allemagne, c’est l’inverse. La Bundesärztekammer, fédération des médecins, est favorable au maintien du remboursement de l’homéopathie par des compagnies publiques d’assurance maladie. Suite à la parution d’un article dans le très populaire Der Spiegel qui s’interrogeait sur l’intérêt des produits homéopathiques au regard des positions anglaises, le président de cette association, Jörg-Dietrich Hoppe, a défendu les traitements homéopathiques dans une déclaration officielle. Selon lui, malgré l’absence de preuves scientifiques de son efficacité, l’homéopathie est un élément important de la médecine. Elle serait particulièrement efficace dans le traitement du mal des transports, par exemple, et jouerait un rôle dans la prévention de certaines maladies. Il a aussitôt été soutenu par le ministre fédéral de la santé, Philipp Rösler, qui veut maintenir le statu quo en Allemagne, pays où l’homéopathie a vu le jour à la fin du XVIIIe siècle.
Karl Lauterbach, président de la commission parlementaire allemande de la santé, est d’un avis différent. Il a pour sa part appelé les compagnies d’assurance santé à cesser de financer les remèdes homéopathiques. Selon lui, de nombreux patients croient que l’assurance maladie ne prend en charge que des traitements qui ont fait leurs preuves et il est donc d’intérêt public de mettre fin à cette pratique. Il soutient que « Les assureurs santé crédibilisent les homéopathes en agissant ainsi ». Les compagnies d’assurance ne se prononcent pas sur la polémique et se contentent de répondre que ces offres leur permettent d’attirer plus de clients et de percevoir plus de primes, expliquant que c’est pour la bonne cause puisque le système est basé sur la solidarité…

Bien entendu, personne ne demande l’interdiction de l’homéopathie, seul le remboursement par les assurances maladie prête à discussion à un moment où les déficits chroniques remettent en cause la prise en charge de traitements médicamenteux “classiques” sur le principe du service médical rendu et sur celui de la médecine basée sur les preuves. Un débat qui n’est pas prêt de prendre fin…

Des publicités de Danone pédalent dans le yaourt

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Une enfant en pleine santéSi les produits lactés Actimel et Activia sont censés aider « à soutenir les défenses naturelles de l’organisme » ou « de vos enfants », il semble bien qu’ils viennent de nuire pour quelques semaines à la santé financière du géant de l’agroalimentaire Danone.

Qui ne connaît pas la célèbre formule publicitaire « scientifiquement prouvée » reprise des millions de fois sur les écrans de télévision du monde entier ? Une publicité pourtant jugée trompeuse dans de nombreux pays, malgré 23 études menées sur plus de 6.000 personnes de tous âges, dont huit sur des enfants âgés de 16 ans au plus, présentées par Danone à l’appui de ses spots télévisés. En octobre 2009, par exemple, l’Advertising Standards Authority (ASA), autorité de la publicité au Royaume-Uni, en avait interdit la diffusion au pays de sa gracieuse Majesté, estimant que ces allégations publicitaires n’étaient pas suffisamment étayées. Il faut dire qu’alors que les spots télévisés montraient de jeunes bambins en bonne santé, rien n’expliquait que certaines de ces études scientifiques avaient été menées sur des enfants hospitalisés en Inde ou avec des doses journalières deux fois supérieures à celles recommandées par Danone…

Cette société, qui fait partie des quarante premiers annonceurs du marché publicitaire français, avec un investissement de l’ordre de 100 millions d’euros uniquement dans les médias, a aussi connu un revers aux États-Unis l’an passé. Elle a dû débourser 35 millions de dollars [26 millions d’euros] pour indemniser des consommateurs américains ayant déposé une plainte collective à son encontre pour avoir surestimé les bienfaits sanitaires sur les emballages des yaourts Activia et Actimel.

Comment ne pas s’étonner que des publicités basées sur des études contestées quant à leur pertinence vis-à-vis de la cible visée puissent être diffusées pendant de nombreux mois, réussissant ainsi à ancrer un message trompeur dans le subconscient des consommateurs, avant que des décisions ne soient prises ? Peut-être parce que la santé publique représente un frein à l’essor commercial de l’industrie et que la législation, tant nationale qu’européenne, a toujours mis du temps pour réagir à de telles situations. Un temps précieux pour les vendeurs et ceux qui les protègent…

 

Le 15 avril 2010, selon une dépêche de l’AFP, « Danone a annoncé jeudi le retrait en Europe de toutes allusions aux bénéfices pour la santé de ses laitages Activia et Actimel dans ses campagnes publicitaires déjà modifiées en France, aux États-Unis, et en Grande-Bretagne, où elles ont été jugées trompeuses. […] Parallèlement, Danone a indiqué qu’il retirait sa demande de validation auprès de l’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) des produits Activia et Actimel, ces deux laitages devant faire l’objet d’un avis du gendarme européen dans les « semaines à venir ». […] En février, l’EFSA avait déjà émis des doutes sur des allégations santé avancées par Danone à propos des effets de l’immunofortis, un cocktail de prébiotiques incorporé dans les aliments pour bébés et censé renforcer leur système immunitaire. »

 

Informations fiables sur la grippe A(H1N1) : où les trouver ?

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Variations

Entre le “sensationnalisme” des médias grand public et « la voix de son maître » de certains sites institutionnels, il peut être difficile pour un internaute de trouver des informations scientifiques lui permettant de se faire une idée précise et dépassionnée sur un sujet comme la grippe A(H1N1). Ces informations doivent, de préférence, être fiables et ne pas avoir été interprétées par une tierce personne, afin que le lecteur puisse se forger sa propre opinion. Cet article tente de l’y aider.

Des doutes sur les revues médicales à comité de lecture

Écrit par Matthew Robinson le . Dans la rubrique Evolution

Manipulation de la presse médicale ?Une enquête du magazine des sciences de la vie The Scientist, reprise par Pharmacritique, remet sérieusement en cause la fiabilité des revues d’un grand éditeur de la presse médicale. C’est la revue Australasian Journal of Bone and Joint Medicine (AJBJM) qui est à l’origine de cette affaire. Présentée comme une revue à comité de lecture, cette publication a, en fait, été créée et financée par un grand laboratoire pharmaceutique. Elle n’est pas la seule puisque d’autres publications dans la série des Australasian Journals of sont basées un principe assez semblable. Les laboratoires pharmaceutiques achètent des annonces publicitaires et obtiennent ainsi un puissant droit de regard sur la ligne éditoriale de la revue qui les intéresse. Pendant cinq ans, ces revues médicales n’auraient quasiment publié que des articles choisis et financés pour servir les intérêts de l’industrie, sous couvert de journaux présentés comme indépendants et impartiaux. Certains numéros ont même été distribués gracieusement à tous les généralistes australiens.

Si les médecins sont habitués à garder un oeil critique vis-à-vis des divers journaux et revues qu’ils reçoivent gracieusement, ils attachent plus de crédit aux revues à comité de lecture publiées par les grands éditeurs médicaux, surtout quand celles-ci bénéficient d’un impact factor. Les experts médicaux du monde entier et les juristes vont aussi régulièrement chercher leurs sources dans cette littérature scientifique pour estimer quelles sont les données acquises de la science. Contrôler le contenu éditorial de revues censées être indépendantes, c’est avoir le pouvoir d’influencer des prescriptions, des recommandations de bonne pratique et, parfois, la décision d’un magistrat ou d’une institution. Que les bureaux d’un grand éditeur médical se prêtent à de tels agissements pour voir augmenter son chiffre d’affaires fait planer un doute sur la crédibilité de ce système.

Les revues à comité de lecture sont l’un des pilliers de la diffusion du savoir auprès des professionnels de santé. Elles ont néanmoins certaines limites. Le phénomène de la littérature grise est l’une d’elles. Spontanément, certaines équipes préfèrent ne pas publier les résultats d’études n’étant pas favorables à un traitement dans ces revues pour ne pas avoir à subir la pression d’un laboratoire. Cette autocensure influence même les recommandations de bonne pratique, comme l’a montré un article du Lancet.
La médecine n’a pas encore son générateur automatique d’articles, comme c’est le cas pour l’informatique, mais elle a aussi son lot d’auteurs publiant de fausses études, acceptées par les comités de lecture. Scott S. Reuben, par exemple, chef de service d’un centre anti-douleur du Massachusetts, a utilisé de fausses informations dans ses recherches, publiées dans plusieurs journaux scientifiques entre 1996 et 2008, permettant à des médicaments contestés de rester en vente plus longtemps.

Face à de telles pratiques, il n’est pas certain que les cours de « lecture critique » mis en place au sein des facultés de médecine soient suffisants. Ils ont néanmoins le mérite de faire prendre conscience aux futurs praticiens qu’il faut toujours savoir remettre en question la parole de ses maîtres.

Risque inconnu et faute médicale

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

QuestionsLe Conseil d’État s’est prononcé, le 24 octobre 2008 (no 297994), sur ce qu’il fallait penser de la responsabilité médicale face à un risque inconnu.

« Considérant, que lorsqu’un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l’existence est connue, mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l’exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l’état initial du patient comme avec l’évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d’extrême gravité ;

Considérant qu’il résulte des pièces soumises au juge du fond, et notamment des constatations de l’expertise ordonnée par le tribunal administratif, que la cour a relevé « qu’il résulte de l’instruction et notamment de ce rapport que la perte de l’oeil droit dont a été victime Mme A, de l’expérience de l’expert et des différentes lectures dans toutes les revues spécialisées, ne constitue pas une complication connue et que, si ledit rapport mentionne également qu’il s’agit d’une complication considérée par les différents spécialistes comme étant rarissime voire même exceptionnelle, il ne résulte pas de l’instruction que la complication dont demeure atteinte Mme A ait fait l’objet de recension dans des revues scientifiques de la spécialité ou soit documentée statistiquement » ; qu’en en déduisant que la perte de l’oeil droit dont a été victime Mme A ne pouvait être regardée comme un risque dont l’existence était connue des spécialistes qui ont pris en charge la patiente au sein du service de neurochirurgie du Groupe hospitalier S la cour n’a pas dénaturé les faits soumis à son examen […] ».

C’est dans les revues scientifiques et les statistiques qu’il faut chercher si un risque lié à un geste est connu ou non. Lorsque rien ne figure dans ces documents, le risque peut être considéré comme inconnu et la responsabilité du praticien ou de l’établissement n’a pas à être mise en cause.

Santé et valorisation des actes : conceptions cliniques ou économiques ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Congrès

SffemC’est le thème retenu pour la 8e journée scientifique de la Société française et francophone d’éthique médicale. Cet évènement est prévu le jeudi 2 octobre 2008 et se déroulera dans le grand amphithéatre de l’Université Paris Descartes, 12 rue de l’école de médecine, dans le 6e arrondissement de la capitale.

C’est le professeur Alain Grimfeld, président du Comité consultatif national d’éthique, qui est chargé de la conférence d’ouverture en revenant sur l’avis de son institution intitulé « Santé, éthique et argent : les enjeux éthiques de la contrainte budgétaire sur les dépenses de santé en milieu hospitalier » de juin 2008.
Plusieurs sujets seront abordés sous forme de tables rondes parmi lesquels on peut noter « Les prescriptions et actes les plus appropriés en la circonstance », « De la gestion des patients à la promotion de la santé » ou « Vers quelles nouvelles prises en charge et participation : Enjeux éthiques ? »

A cette occasion seront remis les prix senior Yves Pélicier et junior Jean Bernard de la Société française et francophone d’éthique médicale.

Qui écrit les articles médicaux ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Qui écrit ?Y a-t-il des nègres qui écrivent des articles scientifiques pour les leaders d’opinion du monde médical ?

C’est que l’on peut penser à la lecture de l’article intitulé « Le “ghostwriting” ou l’écriture en sous-main des articles mécicaux » sur le site Formindep.
Le « ghostwritting » consiste pour un auteur à ne pas apparaître parmi les signataires d’un article alors qu’il a participé de façon majeure à l’étude à l’origine de la publication. Il va laisser sa place. Et cette place ne va pas rester vacante…
Les publications sont un élément important pour la carrière d’un chercheur et il peut être tentant de se contenter de signer un article « tout fait ». Cette situation est d’autant plus ennuyeuse qu’il arrive régulièrement que l’auteur « officiel » n’ait même pas accès aux données des études dont les résultats sont donnés dans la publication. Il n’est donc pas capable d’apprécier la qualité du travail qu’il cautionne.

Ce phénomène touche des revues de référence et permet ainsi à l’industrie pharmaceutique d’influencer les recommandations de bonne pratique. En influençant les lectures des experts, elle va aussi indirectement agir sur la justice.

Nos informations sur le sujet nous laissent penser que cette pratique ne touche pas seulement les revues internationales et les articles « papier ». Elle concerne aussi les revues gratuites nationales, pseudo scientifiques, ayant des intérêts commerciaux avec les laboratoires et les fabricants de matériel. Les communications orales sont aussi concernées sous la forme, par exemple, d’un diaporama fourni par le laboratoire sans qu’aucune déclaration d’intérêts ne soit faite.

L’éthique est l’une des bases de la médecine. Elle cède parfois la place à l’amitié pour un représentant d’un laboratoire, à la facilité de n’avoir qu’à cautionner les résultats d’une étude réalisée par d’autres ou à la cupidité… Il est du devoir de tous de lutter contre ce type de pratiques.