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Vaccination contre l’hépatite B, sclérose en plaques, responsabilité du laboratoire et nouvelle jurisprudence

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Vaccin et lien de causalitéSerait-ce le début d’une nouvelle ère dans la jurisprudence concernant le vaccin contre l’hépatite B et la sclérose en plaques ? La première chambre civile de la Cour de cassation dans une décision du 25 novembre 2010 (pourvoi nº 09-16556) a estimé qu’une cour d’appel pouvait souverainement considérer qu’en l’absence de consensus scientifique en faveur d’un lien de causalité entre la vaccination et les affections démyélinisantes, le fait qu’une patiente ne présente aucun antécédent personnel ou familial et le fait que les premiers symptômes apparaissent quinze jours après la dernière injection ne constituent pas des présomptions graves, précises et concordantes en sorte que n’est pas établie une corrélation entre l’affection de la patiente et la vaccination. Très clairement, même si l’injection immunisante ne date que de quelques semaines quand le patient développe une sclérose en plaques (SEP) et même s’il n’a eu aucun signe avant d’être vacciné ou qu’aucun membre de sa famille n’a eu cette maladie, le vaccin contre l’hépatite B n’est plus systématiquement mis en cause : la seule présomption d’un lien de causalité ne suffit plus à faire pencher la balance de la justice du côté du malade.
La jurisprudence du 25 novembre 2010 rappelle aussi que si le lien de causalité n’est pas établi, le patient ne peut se prévaloir du droit relatif à un produit défectueux.

Il s’agit bien là d’un changement dans l’approche que peuvent avoir les juges de ce problème. Dans une affaire récente, la première chambre civile de la Cour de cassation avait suivi le jugement d’une cour d’appel estimant que l’absence de certitude scientifique, des études concluant à l’absence de lien de causalité, et le fait qu’un patient ne présente pas d’antécédent personnel ou familial de SEP, en plus d’un défaut d’information sur la notice du produit, suffisaient à faire reconnaître la responsabilité du fabricant de vaccins. Quelques mois plus tard, dans une affaire concernant un militaire, le Conseil d’État, quant à lui, estimait qu’une cour d’appel avait eu raison de juger que « le délai qui s’était ainsi écoulé entre la dernière injection et les premiers symptômes constituait un bref délai [4 mois, NDLR] de nature à établir le lien de causalité entre la vaccination et l’apparition de la sclérose en plaques ».

Faut-il y voir là une victoire de la puissante industrie pharmaceutique ? Est-ce une décision qui arrive à point nommé pour protéger l’État d’éventuelles indemnisations en raison de graves effets secondaires liés à un vaccin, qu’il soit destiné à immuniser contre l’hépatite B ou la grippe, par exemple ? Ou est-ce tout simplement le triomphe de la raison et la reconnaissance d’études scientifiques concordantes sur un sujet polémique ? Face à la détresse de ceux qui cherchent à trouver une raison aux malheurs qui les frappent, la question est aussi de savoir s’il faut à tout prix indemniser cette souffrance quand la responsabilité des uns ou des autres est discutable.
Face à des scandales sanitaires comme ceux de l’amiante, du sang contaminé, de l’hormone de croissance ou plus récemment du Mediator, montrant à quel point les enjeux économiques sont puissants face à la santé publique, il est facile de comprendre les doutes des patients et de leur famille. Justice et vérité ne vont pas forcément de pair…

Revue belge du dommage corporel et de médecine légale — numéro 2010/2

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Sommaire du numéro du 2e trimestre 2010

Revue belge du dommage corporel et de médecine légaleAnthemis

 

 

Vaccination contre l’hépatite B et sclérose en plaques

Jean-Luc Fagnart et Isabelle Lutte

La problématique de l’innocuité du vaccin contre l’hépatite B s’est posée aux scientifiques dès 1996. Loin des effervescences médiatiques et du débat juridique, de nombreuses équipes de chercheurs ont apporté une réponse rigoureuse et vérifiée par un grand nombre d’études : il n’y a aucune relation causale entre la vaccination contre l’hépatite B et la sclérose en plaques. Treize ans plus tard, le débat juridique reste vif en France. En témoigne l’arrêt reproduit ci-dessous suivi d’une analyse sans équivoque livrée par Jean-Luc Fagnart et Isabelle Lutte.

Mots clés : Vaccin – Hépatite B – Sclérose en plaques

 

Évaluation des séquelles frontales post-traumatiques

Jacques De Mol et Pierre Lucas

Par leur aspect complexe et polymorphe, les lésions frontales ne sont pas toujours faciles à identifier. Au-delà du diagnostic différentiel avec d’autres pathologies, essentiellement psychiatriques, se posera la question de l’imputabilité.

Après avoir retracé l’évolution du concept de syndrome frontal depuis les travaux de Ajuriaguerra et Hécaen jusqu’aux conceptions de Damasio, les auteurs détaillent les perturbations neurocognitives ainsi que les divers troubles neurocomportementaux pathognomoniques des atteintes frontales.

Les auteurs attirent l’attention sur les difficultés médico-légales qui en résultent avant de passer en revue les différents outils modernes d’évaluation. Ils font le point sur l’expertise du syndrome frontal vrai aujourd’hui.

Mots clés : Syndrome frontal – Traumatisme crânien – Trouble cognitif – Trouble neurocomportemental – Évaluation – Aspects médico-légaux – Barème

Médecine & Droit — Numéro 102

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Revue  Médecine & Droit - numéro 97Sommaire du numéro de mai — juin 2010

Elsevier — Masson

Droit civil
Quel statut pour les banques de sang de cordon ombilical ?
Laurent Marville, Isabelle Haye, Reinhart Marville Torre, Grégory Katz

Santé publique
Chambres d’isolement en psychiatrie : état des lieux en France
Alexandre Baratta, Alexandre Morali

Exercice professionnel
Le partage du pouvoir entre associés exploitants et non exploitants d’une société d’exercice libéral par actions simplifiée de biologistes médicaux : le piège de la liberté statutaire face aux exigences de santé publique
Valérie Siranyan, Olivier Rollux, François Locher

Le nouveau cadre juridique de la biologie médicale
Marie-Catherine Chemtob-Concé

Droit et médicament
Vaccin contre l’hépatite B et sclérose en plaques : retour à la causalité
Roger Mislawski

Vaccin contre l’hépatite B et SEP : les militaires aussi…

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Vaccination et sclérose en plaquesSi sur un plan scientifique le lien de causalité entre vaccin contre l’hépatite B et sclérose en plaques (SEP) fait toujours débat, la justice n’a pas attendu que les experts se mettent d’accord pour savoir s’il convenait d’indemniser ou non les malades. Les préjudices sont reconnus et doivent être réparés, peu importe que le patient soit militaire et que la maladie n’affecte que la pratique de ses loisirs.

Le Conseil d’État, dans une décision du 5 mai 2010 (n° 324895), s’est penché sur le cas d’un élève infirmier militaire contraint de se faire vacciner contre l’hépatite de par ses fonctions et ayant présenté une sclérose en plaques dans les suites de cette immunisation. S’appuyant sur l’article L 3111-9 du code de la santé publique relatif à l’indemnisation des préjudices subis du fait des vaccinations obligatoires, le jeune soldat s’est adressé à la justice pour obtenir réparation, estimant que la vaccination était à l’origine de la SEP dont il souffrait. Après que sa demande d’indemnisation ait été rejetée en première instance, ce jeune homme s’est présenté devant la cour administrative d’appel qui lui a donné raison. L’État, mis en cause dans ce dossier, a alors porté l’affaire devant le Conseil d’État, espérant ainsi ne pas avoir à payer les indemnités pour plus de 250 000 euros auxquelles il se trouvait condamné.

Pour le Conseil d’État, la cour d’appel a eu raison d’estimer que « le délai qui s’était ainsi écoulé entre la dernière injection et les premiers symptômes constituait un bref délai [4 mois, NDLR] de nature à établir le lien de causalité entre la vaccination et l’apparition de la sclérose en plaques ». La cour n’a pas commis d’erreur de droit en condamnant l’État à réparer le préjudice d’agrément résultant pour l’intéressé des conséquences de son affection après avoir relevé que ses handicaps le privaient de la possibilité de pratiquer les activités de loisirs auxquels il s’adonnait ».

Il est intéressant de noter que le calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2010 selon l’avis du Haut Conseil de la santé publique, publié au Bulletin officiel santé du 15 mai 2010, rappelle les risques professionnels liés à l’hépatite B et le caractère obligatoire de cette vaccination. « L’article L 3111-4 du code de la santé publique (CSP) rend obligatoire la vaccination contre l’hépatite B pour les personnes exerçant une activité professionnelle les exposant à des risques de contamination dans un établissement ou organisme de soins ou de prévention, public ou privé dont la liste est précisée par l’arrêté du 15 mars 1991.
Les deux arrêtés du 6 mars 2007 visent à protéger ces personnels mais également à protéger les patients vis-à-vis de la transmission de ce virus par un soignant qui en serait porteur chronique. Le premier, relatif à la liste des élèves et étudiants des professions médicales et pharmaceutiques et des autres professions de santé, dresse la liste des études qui imposent une obligation vaccinale pour les étudiants. Cette liste est la suivante :
– professions médicales et pharmaceutiques : médecin ; chirurgien-dentiste ; pharmacien ; sage-femme ;
– autres professions de santé : infirmier ; infirmier spécialisé ; masseur kinésithérapeute ; pédicure podologue ; manipulateur d’électroradiologie médicale ; aide-soignant ; ambulancier ; auxiliaire de puériculture ; technicien en analyses biomédicales.
Il n’y a plus d’obligation vaccinale contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite à l’entrée dans les filières de formation pour les audioprothésistes, ergothérapeutes, orthophonistes, orthoptistes, psychomotriciens. Il n’en demeure pas moins que les personnes exerçant ces professions peuvent être soumises à l’obligation vaccinale lorsqu’elles les exercent dans l’un des établissements dans lequel le personnel exposé doit être vacciné si le médecin du travail évalue que l’exposition de cette personne au risque le justifie. »

Même s’il n’est pas question de vaccination obligatoire, il va être intéressant de suivre la jurisprudence concernant le vaccin contre la grippe A(H1N1) recommandé, voire même parfois imposé, à des agents de l’État ou aux citoyens, et la sclérose en plaques. Les premières interrogations se posent et des plaintes pourraient être déposées…

Notice du vaccin contre l’hépatite B et sclérose en plaques

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Sclérose en plaques et notice du vaccin contre l'hépatite B Si rares sont ceux qui lisent la notice du vaccin qu’ils vont se faire injecter, elle a pourtant son importance si l’on s’en réfère à la décision de la 1re chambre civile de la Cour de cassation du 9 juillet 2009 (pourvoi nº 08-11073).

En juillet et en août 1997, une patiente se fait vacciner contre l’hépatite B. En octobre 2007, elle commence à présenter des troubles neurologiques qui conduisent au diagnostic de sclérose en plaques (SEP) en avril 2001. La patiente décide alors de rechercher la responsabilité du fait d’un produit défectueux du laboratoire fabriquant le vaccin utilisé pour l’immuniser. Le laboratoire pharmaceutique est déclaré responsable de la SEP survenue chez cette femme et condamné à réparer les préjudices par la cour d’appel de Lyon en novembre 2007. Il se pourvoit alors en cassation.

La Cour de cassation va confirmer la condamnation du laboratoire pour deux raisons :
— Au moment où la patiente a reçu l’injection, la notice du vaccin ne mentionnait pas dans les effets indésirables la possible survenue d’une sclérose en plaques. « […] la cour d’appel a constaté que le dictionnaire médical Vidal, comme la notice actuelle de présentation du vaccin, fait figurer au nombre des effets secondaires indésirables possibles du produit la poussée de sclérose en plaques, quand la notice de présentation du produit litigieux ne contenait pas cette information ; qu’elle en a exactement déduit que le vaccin présentait le caractère d’un produit défectueux au sens de ce texte [l’article 1386-4 du code civil relatif à un produit défectueux, NDLR]. » ;
— Ce n’est pas parce que le laboratoire verse au dossier des études ne mettant pas en évidence une augmentation statistiquement significative du risque relatif de sclérose en plaques ou de démyélinisation après vaccination contre l’hépatite B avec son produit que cela exclut, pour autant, un lien possible entre cette vaccination et la survenance d’une démyélinisation de type sclérose en plaques. Dans ces conditions, face à des premières manifestations de la sclérose en plaques moins de deux mois après la dernière injection du produit ; étant donné qu’aucun membre de la famille de la patiente n’avait souffert d’antécédents neurologiques, et que dès lors aucune autre cause ne pouvait expliquer cette maladie ; avec le témoignage du médecin traitant affirmant que « le lien avec la vaccination relevait de l’évidence », la cour d’appel, qui a souverainement estimé que ces faits constituaient des présomptions graves, précises et concordantes, a pu en déduire un lien causal entre la vaccination et le préjudice subi par la patiente.

À quelques semaines de la sortie du vaccin contre la grippe A(H1N1), cette décision de la Cour de cassation ne peut qu’encourager les patients à lire et à conserver la notice du produit qui leur sera injecté, ainsi que tous les documents qui pourront leur être remis. Juste au cas où…

Prédisposition génétique à la sclérose en plaques, délai de survenue et vaccination contre l’hépatite B

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Vaccin contre l'hépatite B et Sclérose en plaquesUne décision du Conseil d’État en date du 24 juillet 2009 (nº 308876) vient de mettre fin aux espoirs d’une infirmière de voir sa sclérose en plaques (SEP) indemnisée comme maladie professionnelle suite, selon elle, à la vaccination contre l’hépatite B obligatoire dont elle a fait l’objet de janvier 1993 à février 1994 alors qu’elle travaillait dans un établissement public de santé.

Après avoir reçu cinq injections de vaccin contre l’hépatite B, cette professionnelle de santé s’est plainte de « troubles divers », mais ce n’est qu’au cours de l’année 1995 que le diagnostic de sclérose en plaques a été porté suite à une fatigue importante et à des douleurs au niveau de plusieurs articulations.

Le Conseil d’État a considéré que « si l’existence d’une prédisposition génétique à une affection démyélinisante n’est pas de nature, par elle-même, à exclure l’imputabilité d’une telle affection à la vaccination contre l’hépatite B, elle ne permet pas en revanche de regarder cette imputabilité comme établie dans l’hypothèse où la survenue des premiers symptômes de l’affection ne serait pas séparée de l’injection du vaccin par un bref délai ». Même si un patient est prédisposé à être atteint d’une sclérose en plaques, rien n’interdit de penser que le vaccin contre l’hépatite B peut être à l’origine de sa maladie, comme chez n’importe quel autre patient. Par contre, que la maladie intervient longtemps après la dernière injection n’implique, chez un malade prédisposé, que le vaccin soit obligatoirement en cause.
Pour le Conseil d’État, l’allégation, « à la supposer fondée », selon laquelle la patiente « présenterait une prédisposition génétique à l’affection dont elle souffre et la circonstance que l’État a accepté de l’indemniser sur le fondement de sa responsabilité au titre des dommages causés par les vaccinations obligatoires » ne suffisent pas à imputer l’origine de la maladie au vaccin obligatoire reçue par l’infirmière. Que les symptômes soient apparus un an et demi après la dernière injection représente « un long délai » qui ne permet pas de considérer que le vaccin est à l’origine de la maladie et d’affirmer le caractère professionnel de cette dernière.

La rapidité d’apparition des symptômes de la SEP après la vaccination contre l’hépatite B est bien, pour cette juridiction, un élément déterminant pour décider si les injections peuvent être à l’origine ou non de la maladie.

Vaccin contre l’hépatite B et sclérose en plaques : le Conseil d’État dit oui

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Hépatite B, vaccin et sclérose en plaquesAlors que le calendrier vaccinal vient d’affirmer qu’il n’y avait pas de lien entre la vaccination contre l’hépatite B et la sclérose en plaques, le Conseil d’État maintient sa jurisprudence de 2007 (décision no 267635), selon laquelle « le lien direct entre la vaccination contre l’hépatite B et la sclérose en plaques doit être regardé comme établi lorsque la maladie apparaît dans un bref délai à la suite de l’injection du vaccin alors que le patient était en bonne santé et ne présentait aucun antécédent à cette pathologie antérieurement à sa vaccination » pour un agent du secteur public.

Dans une décision du 10 avril 2009 (no 296630), le Conseil d’État confirme que « Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport de l’expert commis au titre du règlement amiable, que Mme A n’a présenté aucun antécédent de la sclérose en plaques avant de recevoir les trois premières injections du vaccin les 27 juillet, 9 septembre et 19 octobre 1988 ; que les premiers symptômes de l’affection ultérieurement diagnostiquée qui aient fait l’objet de constatations cliniques ont été ressentis dès les mois de novembre et décembre 1988, soit dans un bref délai après la troisième injection ; que dans ces conditions, l’affection doit être regardée comme imputable à la vaccination ; qu’il revient dès lors à l’État, en application des dispositions précitées, de réparer les dommages subis par Mme A du fait de cette affection ».

Le Conseil d’État ne donne, bien entendu, pas un avis scientifique. Il constate que la sclérose en plaques a été imputée au vaccin par la cour, suivant l’avis de l’expert. Cette décision montre bien qu’il faut tenir compte des délais entre l’expertise, le jugement et le passage devant le Conseil d’État. La justice suit l’avis de l’expert jusqu’au bout de la procédure, même si l’on sait que cet avis, au cours de ce lent processus, peut évoluer, au point de s’inverser, en fonction de la progression des connaissances scientifiques.

Vaccination contre l’hépatite B et sclérose en plaques : jurisprudences et doutes scientifiques

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Pourquoi les dernières jurisprudences en matière de sclérose en plaques (SEP) et de vaccination obligatoire contre l’hépatite B vont-elles à l’encontre des données scientifiques actuelles ?

SeringueCet article n’a pas pour but de prendre parti pour les défenseurs du vaccin ou pour ses détracteurs. Il n’est pas question non plus d’oublier la détresse des patients atteints par cette maladie et qui estiment qu’elle est due à cette injection ou de s’interroger sur la mise en examen, en début d’année, de deux fabricants de vaccins. Il a juste pour objet de confronter la jurisprudence aux données actuelles de la science.

Que dire de la relation entre le vaccin et la SEP ?

Si l’on en croit l’Académie de médecine et son communiqué du 12 février 2008, intitulé « Sur la vaccination de l’hépatite B en France« , un lien de causalité n’a pas pu être mis en évidence. « 8 études nationales et internationales ont démontré l’absence de relation statistiquement significative entre la SEP et la vaccination contre l’hépatite B. Une étude publiée en 2004 par Hernan 1 a soulevé des questions, mais sa méthodologie a été réfutée par les experts de l’OMS 2,3. Deux réunions de consensus nationales en 2003 et 2004 ont confirmé les recommandations de vaccination prioritaire des nourrissons et de rattrapage des enfants et adolescents non vaccinés 4,5. Tout récemment ont été publiées deux études des services de neuro-pédiatrie français (KIDSEP) chez l’enfant et l’adolescent (2007) : la première démontre l’absence d’influence du vaccin de l’hépatite B sur le risque de passage à la SEP après le premier épisode de maladie démyélinisante ; la deuxième montre qu’il n’y a pas d’augmentation du risque de première poussée de SEP après une vaccination contre l’hépatite B dans les 3 années précédentes 6,7 « .

Toutes ces études ne semblent pas aller dans le sens de l’indemnisation des patients. Bien entendu, il ne faut pas en rester là et il convient de prendre aussi en compte le point de vue de ceux qui estiment que le travail d’Hernan ne doit pas être réfuté et que, selon ses résultats, le risque de faire une SEP dans les trois années qui suivent la vaccination est 3,1 fois plus grand qu’en l’absence de vaccination. Le vaccin pourrait alors être considéré comme un produit défectueux au sens juridique du terme.

Dans un cas, comme dans l’autre, il s’agit d’un débat d’experts qui semble très difficile à appréhender 8. Une seule étude a donc fait renaître le doute. Il en faut habituellement plus pour emporter l’avis des juges, mais, dans ce cas, les certitudes des patients et des médias viennent amplifier ce doute.  Normalement, le doute doit bénéficier à l’accusé, sauf dans les cas d’indemnisations médicales où c’est au patient que le doute profite. Il faut dire que les moyens dont dispose le patient face à ceux dont disposent les assureurs des praticiens, des établissements de soins ou de l’État ne sont pas du même ordre. L’affaire du sang contaminé n’est pas étrangère à ces nouvelles habitudes, y compris dans des situations totalement différentes. Le lien de causalité entre les transfusions sanguines et la transmission du virus de l’immunodéficience humaine n’a pas vraiment été remis en cause. Il a été ignoré malgré les études qui l’identifiaient.
L’objectivité du monde médicale, dans une telle situation, est mise à mal, car la théorie du complot, de praticiens vendus à l’industrie ou aux ordres des instances gouvernementales refait instantanément surface. Cela n’a rien d’étonnant après les scandales sanitaires de la fin du XXe siècle (VIH, amiante, etc.) Mais, c’est oublier que ces scandales n’ont pu être dénoncés que grâce au travail de nombreux médecins à l’origine de nombreuses études documentées et indiscutables. Que tous les médecins aient les mêmes intérêts concernant le vaccin contre l’hépatite B serait surprenant.

Les plateaux de la balance judiciaire ne sont plus à l’équilibre

Il ne sera vraisemblablement jamais possible de dire qu’il est certain qu’il n’existe aucun lien de causalité entre le vaccin et la SEP. Les statisticiens continueront à affirmer qu’ils ne réussissent pas à mettre ce lien en évidence, ce qui est une réponse en soi, mais qui ne semble pas convenir aux juges. Il faut donc considérer que le doute va persister et que cette interrogation va continuer à bénéficier au patient. Les preuves scientifiques laissent la place aux convictions des magistrats. Cela peut expliquer l’évolution actuelle des jurisprudences. L’attitude des juges peut faire penser à une espèce de principe de précaution tendant à condamner par excès. La justice ne peut se contenter de dire qu’elle ne sait pas et préfère s’engager aux côtés des patients, de peur de ne pas condamner le plus fort financièrement au profit du plus faible, malade qui plus est.

Tous les juristes qui ont analysé les trois décisions 9 de la Cour de cassation du 22 mai 2008 parlent d’un revirement de la jurisprudence qui va plus loin que ce qui existait jusque-là. Le lien de causalité n’a plus à être établi, les présomptions suffisent. Pour la Cour, « si l’action en responsabilité du fait d’un produit défectueux exige la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité entre le défaut et le dommage, une telle preuve peut résulter de présomptions, pourvu qu’elles soient graves, précises et concordantes ».

Le Conseil d’État a lui aussi considéré, le 4 juillet 2008 10, que l’État devait indemniser, sur le principe de l’article L 3111-9 du code de la santé publique, l’apparition d’une sclérose en plaques apparue après des injections de vaccin contre l’hépatite B, imposée à l’agent du service public qui n’avait pas de problème de santé auparavant. Cette institution va plus loin, puisqu’elle ne s’arrête pas à la SEP, mais étend l’indemnisation à la sclérose latérale amyotrophique 11 ou à une fibromyalgie 12.

Mais la justice ne va pas au bout de cette logique. La décision de la cour administrative d’appel de Bordeaux 13, le 1er juillet 2008, considère qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 3111-4 du code de la santé publique : « Une personne qui, dans un établissement ou un organisme public ou privé de prévention de soins ou hébergeant des personnes âgées, exerce une activité professionnelle l’exposant à des risques de contamination doit être immunisée contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la grippe » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 3111-9 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date de la décision rejetant la demande d’indemnisation de la requérante : « Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation d’un dommage imputable directement à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent chapitre, est supportée par l’État  » ; il résulte de ces dispositions qu’il incombe au demandeur souhaitant obtenir réparation d’un dommage sur leur fondement d’apporter la preuve de l’imputabilité directe de son préjudice à la vaccination obligatoire. La cour retient un délai supérieur à deux ans entre la vaccination et l’apparition des premiers signes de sclérose en plaques pour rejeter la demande de la patiente d’être indemnisée. Pourquoi ce délai de deux ans alors que l’étude d’Hernan considère que le risque est augmenté pendant trois ans ?

 

À quand un nouvel équilibre dépassionné et empreint de raison ?

 

 

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1 – Hernán M.A, Jick S.S, M.J. Olek , Jick H. Recombinant hepatitis B vaccine and the risk of multiple sclerosis . A prospective study. Neurology 2004; 63: 838–42.

2 – Naismith R.T, Cross A.H. Does the hepatitis B vaccine cause multiple sclerosis? Neurology 2004;63:772–773.

3 – Comité consultatif mondial de l’organisation mondiale de la santé sur la sécurité des vaccins: réponse à l’article de Hernan et al. intitulé « vaccin hépatite B recombinant et risque de sclérose en plaques » et publié le 14 septembre 2004 dans la revue Neurology. OMS. Hépatite B. GACVS. www.who.int

4 – Réunion de consensus : vaccination contre le virus de l’Hépatite B. 11 et 12 septembre 2003. Paris. www.inserm.fr

5 – AFSSAPS, ANAES, INSERM. Audition publique. Vaccination contre le virus de l’Hépatite B et sclérose en plaques. Etat des lieux. Paris 9 novembre 2004. Rapport. www.inserm.fr

6 – Mikaeloff Y, Caridade G, Assi S, Tardieu M., Suissa S, on behalf of the KIDSEP study group of the French Neuropaediatric Society.  Hepatitis B vaccine and risk of relapse after a firstchildhood episode of CNS inflammatory demyelination . Brain 2007 ;130 :1105-10.

7 – Mikaeloff Y, Caridade G, Rossier M, Suissa S, Tardieu M. Hepatitis B Vaccination and the Risk of Childhood-Onset Multiple Sclerosis. Arch Pediatr Adolesc Med. 2007;161:1176-82.

8 – Guennebaud. Vaccin hépatite B et scléroses en plaques : peut-on y voir plus clair ? sur le site Agoravox.fr

9 – Première chambre civile, no de pourvoi 05-20317, 06-10967, 06-14962.

10 – No 298832.

11 – No 289763, le 11 juillet 2008.

12 – No 305685, le 11 juillet 2008.

13 – No 07BX00660.