Articles tagués ‘Slovaquie’

Les médecins hospitaliers slovaques vont gagner plus

Écrit par Radoslava Dvorska le . Dans la rubrique Presse

Chirurgie ambulatoire slovaque

En décembre 2011, une majorité de médecins hospitaliers slovaques avaient signé leur lettre de démission afin d’aller exercer hors des frontières de leur pays. Ils en étaient arrivés à cette extrémité suite à un bras de fer avec leur gouvernement qui refusait d’augmenter leurs salaires, bien qu’ils soient particulièrement bas, vestige d’une époque où la santé d’État fonctionnait sur un modèle propre à de nombreux pays de l’Est.
Si certains ont estimé qu’une telle attitude n’était pas compatible avec la déontologie médicale, d’autres ont compris que la situation dans laquelle se trouvaient ces praticiens sous-payés n’était pas favorable à la qualité des soins et pouvait engendrer des dérives incompatibles avec un système de santé performant. Face à la détermination des praticiens, prêts à s’expatrier en République tchèque dont la langue est proche et les rémunérations plus élevées dans les établissements de soins, le gouvernement slovaque avait fini par signer un accord visant à revaloriser leurs salaires.

Wikileaks : pots-de-vin et pots à pharmacie

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Reflet sur la vitrine d'une pharmacie slovaqueQui n’a pas entendu parler de l’affaire Wikileaks et de ses centaines de milliers de documents confidentiels de la diplomatie américaine mis à la disposition des médias internationaux, puis du grand public, par Julian Assange ? Les 251 000 câbles diplomatiques révèlent au fil de leur dépouillement bien des secrets. L’un des derniers en date concerne les pharmacies slovaques et vient de l’ambassade des États-Unis à Bratislava, capitale de la Slovaquie, comme l’explique The daily.sk dans son édition en ligne du 5 septembre 2011. Il y est question de l’achat du vote de parlementaires de ce pays par un groupe financier afin que soit adoptée une loi permettant d’ouvrir le capital des officines libérales à des investisseurs ne disposant pas du statut de pharmacien, alors que jusque-là, seule une personne possédant un diplôme d’apothicaire pouvait détenir une pharmacie.

Le groupe financier Penta aurait offert, à partir d’avril 2005, environ 66 000 euros à plusieurs députés indépendants pour les amener à voter pour l’adoption de six textes de loi visant à réformer le système de santé slovaque, selon l’ambassade américaine. Cette dernière s’appuie sur des informations provenant d’une source digne de confiance ayant des liens avec Penta, d’après le câble diplomatique.

Scott Thayer, chargé d’affaires à l’ambassade à cette époque, fait état de conjectures sur ces achats de vote par Penta, société contrôlant indirectement trois des cinq assureurs santé slovaques à cette époque et se tenant prêt à acquérir plus d’une centaine d’officines dans le pays.

Voilà qui arrive à point nommé pour les pharmaciens slovaques qui tentent de s’opposer à cette réforme doit être à nouveau débattue en septembre au parlement. Ils entendent lutter contre la possibilité offerte aux grands groupes financiers de créer des chaînes de pharmacies offrant à leurs clients des primes de fidélité ou des rabais en tout genre. Ils estiment que les exploitants de pharmacie ne doivent être autorisés à n’en posséder qu’une, comme c’est la règle dans la plupart des pays de l’Union européenne. Ils disent craindre pour leur survie et pour la qualité de service offerte aux clients. Un argument que semble confirmer le câble dévoilé par Wikileaks dans lequel il est précisé qu’une telle ouverture du marché des pharmacies viserait à en exclure, à terme, les pharmaciens indépendants.

La société Penta s’est empressée de démentir ces informations. Elle n’a d’intérêts que de 80 pharmacies (sous l’enseigne Dr. Max) sur les 1 800 que compte le pays et dit ne pas vouloir voir disparaître les officines indépendantes.

L’ouverture du capital officinal à des non-pharmaciens est un débat sur lequel la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a déjà eu à se pencher (affaires jointes C-171/07 et C-172/07, 19 mai 2009), estimant que c’étaient aux législations nationales que revenait le choix. Au regard des enjeux financiers, il est évident que les uns et les autres ne vont pas manquer de continuer à exercer diverses pressions sur les instances politiques en fonction des intérêts qui leur sont propres. Reste à espérer que les intérêts de la santé publique et des patients ne soient pas oubliés dans tout ça.

Conflits d’intérêts et médicaments : la Slovaquie devrait légiférer

Écrit par Radoslava Dvorska le . Dans la rubrique Evolution

Des médicaments et des eurosAlors que les assises du médicament, annoncées par Xavier Bertrand suite à l’affaire Mediator, ont déjà commencé leurs travaux et que la gestion de la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1) n’en finit pas de faire des remous dans l’Hexagone, le ministre de la santé de la République slovaque, Ivan Uhliarik, vient d’annoncer qu’il allait soumettre au parlement de son pays un projet de loi visant à en finir avec les “liens d’amitié” pouvant exister entre les médecins exerçant en Slovaquie et l’industrie pharmaceutique.

Cette déclaration d’Ivan Uhliarik fait suite aux révélations du premier groupe privé d’assurance santé slovaque selon lesquelles des praticiens semblaient faire preuve d’une préférence difficilement justifiable pour les produits d’un laboratoire plutôt que pour ceux des autres. C’est en analysant les prescriptions des médecins qui ont passé un contrat d’affiliation avec elle que la compagnie Dôvera (confiance, en slovaque) a mis en évidence de troublantes coïncidences. Un exemple : les 3/4 des médicaments présents sur les ordonnances de certains de ces praticiens avaient un seul et unique fabricant…
Pour Alžbeta Arvaiová, responsable de la politique du médicament au sein de cet assureur santé, les médecins seraient encouragés à prescrire les produits d’un laboratoire plutôt que ceux d’un autre à l’aide de cadeaux, de voyages ou d’invitations à des congrès.

Ce n’est pas un hasard si cette compagnie d’assurance privée dénonce ces pratiques : elle estime que ces médicaments sont souvent plus chers que des produits fabriqués à partir du même principe actif. En Slovaquie, comme ailleurs, les organismes privés d’assurance santé ont tout intérêt à ce que ce soit les génériques qui soient prescrits plutôt que le médicament princeps. Et comme ailleurs, plutôt que de parler du surcoût lié au remboursement de ces produits néfaste à leurs bénéfices, les responsables de ces compagnies préfèrent mettre en avant la somme que doit débourser le patient au moment où il se rend chez le pharmacien et ce qui est susceptible de rester à sa charge en fonction du contrat qu’il a souscrit.
Sensible à ce discours, Ivan Uhliarik a donc décidé de rédiger un projet de loi obligeant les médecins à n’indiquer sur leurs prescriptions que le nom du principe actif, charge au patient de choisir avec le pharmacien parmi les médicaments correspondants celui qu’il désire acheter. « Cela devrait régler le problème », selon la porte-parole du ministre de la santé Katarína Zollerová.

Un avis que ne partage pas la présidente de l’association de protection des droits des patients, Eva Madajová. En effet, elle s’interroge sur la façon dont s’effectuera le choix du patient en compagnie du pharmacien, surtout quand le malade est déjà habitué à un produit. Comment garantir aux patients qu’au lieu d’être soumis aux liens d’intérêts des médecins, leur choix ne sera pas influencé par ceux du pharmacien ? Le patient devrait pouvoir consulter chez le pharmacien la liste des produits les moins chers correspondant à la prescription qu’il présente, liste qui devrait aussi être disponible en ligne sur le site du ministère de la santé.

Les mesures annoncées ne sont pas sans rappeler le droit de substitution entre médicaments génériques et princeps accordé aux pharmaciens par la loi de financement de la Sécurité sociale du 23 décembre 1998 et l’incitation faite aux médecins de prescrire en DCI (dénomination commune internationale) en France depuis 2002.

Forte des résultats de son enquête, la compagnie Dôvera prévoit de résilier le contrat qui la lie à 170 médecins, estimant que ces praticiens font des prescriptions qui ne répondent pas au mieux aux intérêts financiers des ses assurés. « Nous informerons les patients que nous avons rompu le contrat avec le médecin pour qu’ils puissent en trouver un autre », a expliqué Miroslav Žilinek, l’un des représentants de Dôvera. Selon ses calculs, en procédant ainsi, la compagnie d’assurance pourrait ainsi faire une économie de 22 millions d’euros, somme dont personne ne sait si elle bénéficiera d’une façon ou d’une autre aux assurés…
En Slovaquie, comme en France, les médecins n’ont pas l’obligation d’être agréés par l’assurance-maladie publique, ce qui équivaut au conventionnement hexagonal. Les médecins peuvent consulter hors de tout agrément avec une assurance publique ou privée, mais ils peuvent aussi décider de passer un accord avec un assureur santé privé. En signant un contrat avec une compagnie privée, un praticien sait que cette société imposera à ses assurés de le consulter lui plutôt qu’un autre pour être remboursés. Cela garantit au praticien de voir plus de patients avec à la clé plus de revenus, même si cet accord s’accompagne souvent d’une clause imposant au médecin un tarif choisi par l’assureur quand il prend en charge un malade couvert par cette compagnie. Perdre ce contrat peut donc avoir des conséquences non négligeables pour un médecin.

L’autre grande compagnie privée d’assurance santé — Union — n’envisage pas quant à elle une résiliation massive de contrats avec des médecins avec qui elle travaille, bien qu’elle soit confrontée au même problème. Elle préfère négocier avec les intéressés au cas par cas, selon son porte-parole Judita Smatanová.
La Caisse d’assurance-maladie générale, organisme public, prévoit pour sa part de présenter un rapport sur la question la semaine prochaine ayant elle aussi constaté ce type de prescriptions tendancieuses.