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Exposition à une molécule litigieuse et responsabilité des laboratoires pharmaceutiques

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Effets indésirables des médicamentsIl n’est pas toujours facile pour un patient de prouver qu’un médicament est bien à l’origine du dommage qu’il a subi, voire même qu’il a bien été exposé à la molécule dont l’un des effets indésirables connus est identique au problème qu’il a eu à affronter.

Une patiente stérile de 40 ans dont la mère avait pu être exposée au cours de sa grossesse à l’hormone de synthèse dénommée dyéthylstilbestrol (DES), plus connue sous le nom de Distilbène®, était dans ce cas. Cela ne l’a pas empêchée d’intenter un procès au principal fabricant de cette molécule, ainsi qu’à titre subsidiaire à un autre laboratoire ayant distribué le produit sous un autre nom, connue pour être à l’origine de stérilité chez les enfants des femmes exposées. Une affaire délicate puisqu’à aucun moment dans le dossier de la mère de la plaignante il n’est évoqué la prise de DES ; seule « une grossesse surveillée spécialement du fait de l’insuffisance hormonale » est mentionnée par un médecin décédé depuis. Il lui était donc impossible de prouver de façon directe qu’elle avait bien été exposée à cette molécule.

Pour la première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 28 janvier 2010 (pourvoi no 08-18837), la preuve de l’exposition directe à une « molécule litigieuse » n’est pas indispensable pour qu’un laboratoire soit mis en cause. « […] lorsque la victime établit que la pathologie ou la malformation dont elle est atteinte est attribuée communément au DES, qu’elle a été conçue en France à une période où ce principe actif y était massivement prescrit aux femmes enceintes et qu’il n’existe pas d’autre cause connue de ses dommages qui lui soit propre, il appartient alors au laboratoire, dont la responsabilité est recherchée, de prouver que celle-ci n’a pas été exposée au produit qu’il a mis sur le marché français à cette époque ». Étant née en 1970, période à laquelle le Distilbène® était habituellement prescrit, et présentant une malformation de la cavité utérine (utérus hypoplasique) à l’origine de fausses couches récurrentes, symptômes caractéristiques d’une exposition au DES, la patiente n’avait pas à apporter la preuve que sa mère avait bien été exposée.

La preuve de l’imputabilité du dommage au produit que vendaient exclusivement les deux laboratoires défendeurs pouvant résulter de présomptions précises, graves et concordantes, les documents produits, notamment les comptes-rendus de radiologie, de coelioscopie et d’échographie gynécologique, ainsi que les études scientifiques sur la forte probabilité d’imputabilité de la pathologie doivent pouvoir suffire à une cour pour mettre en cause la molécule.

De plus, la Cour de cassation estime que « lorsqu’un dommage est causé par un membre indéterminé d’un groupe, tous les membres identifiés en répondent solidairement sauf pour chacun d’eux à démontrer qu’il ne peut en être l’auteur ; que forment en ce sens un groupe les laboratoires qui ont mis sur le même marché et à une même époque sous des noms différents une même molécule à laquelle il est reproché d’avoir causé des dommages à la santé et qui ont tous commis la même faute consistant en l’absence de surveillance du produit et de ses effets nocifs ». Pour la Cour, « en cas d’exposition de la victime à la molécule litigieuse, c’est à chacun des laboratoires qui a mis sur le marché un produit qui la contient qu’il incombe de prouver que celui-ci n’est pas à l’origine du dommage ».

Il est même question d’un manque à l’obligation de vigilance des laboratoires qui n’ont pas procédé à une surveillance des risques pesant sur les enfants par l’administration à leur mère du DES nés après les années cinquante, période laquelle ces risques ont été identifiés, basé sur le principe selon lequel « celui qui par sa faute crée un risque pour la santé humaine doit répondre des dommages qui apparaissent comme la réalisation normale et prévisible du risque ainsi créé ».

Si la pharmacovigilance et les tribunaux de première instance donnent parfois l’impression d’être favorable à l’industrie, la Cour de cassation semble quant à elle rétablir l’équilibre en faisant pencher les plateaux de sa balance du côté des patients…

Gestation pour autrui : entrain de sénateurs

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Procréation et gestation pour autruiCe n’est pas une, mais deux propositions de loi « tendant à autoriser et encadrer la gestation pour autrui » qui ont été enregistrées à la présidence du Sénat le 27 janvier 2010. L’une des propositions émane de sénateurs appartenant au groupe socialiste, l’autre de sénateurs du groupe Union pour un mouvement populaire, mais en fait les deux textes sont strictement identiques ! Au-delà du ridicule d’une telle situation, voilà au moins qui pourrait simplifier les débats…

Reconnue comme une pratique séculaire pour pallier l’infertilité d’une femme et longtemps tolérée tant qu’elle restait discrète, la gestation pour autrui a vu sa pratique évoluée avec les progrès de la génétique pour en arriver à la procréation pour autrui. La mère génétique n’est plus obligatoirement la mère utérine et la paternité n’est plus simplement déclarative, mais peut être connue avec certitude grâce à de simples examens de laboratoire. Ces changements conduisent petit à petit à révolutionner le droit de la filiation dans les États occidentaux.

« La gestation et la procréation pour autrui sont des pratiques strictement prohibées en France — la loi de bioéthique de 1994 les a rendues passibles de sanctions civiles et pénales —, au nom des principes de l’indisponibilité du corps humain et de l’état des personnes, de la volonté d’empêcher l’exploitation des femmes démunies et de l’incertitude qui pèse sur leurs conséquences sanitaires et psychologiques pour l’enfant à naître et la femme qui l’a porté. » C’est pour ces raisons que le tourisme médical dans ces domaines s’était développé au fil du temps, mais la Cour de cassation est venue mettre un frein à la reconnaissance par l’état civil des enfants nés dans des pays où la gestation et la procréation pour autrui sont légales ou tolérées. « L’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 25 octobre 2007 qui avait validé la transcription sur les registres de l’état civil français des actes de naissance américains de jumelles nées en Californie en application d’une convention de gestation pour autrui a été récemment cassé par un arrêt de la Cour de cassation du 17 décembre 2008 [pourvoi n° 07-20468, NDLR]. Cet arrêt énonce que le ministère public justifiait d’un intérêt à agir en nullité des transcriptions des actes de naissance californiens qui ne pouvaient résulter que d’une convention portant sur la gestation pour autrui. » Le sort des enfants nés en violation de la loi française étant particulièrement préoccupant, les sénateurs ont décidé d’agir sans attendre la réforme de la loi de bioéthique prévue en 2010.

En plus d’offrir une définition claire de la gestation pour autrui (fait, pour une femme, de porter en elle un ou plusieurs enfants conçus dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation en vue de les remettre, à leur naissance, à un couple demandeur), le texte prévoit d’autoriser, sous des conditions strictes énoncées dans la proposition de loi, la gestation pour autrui.

Mais comment financer les éventuelles conséquences pécuniaires résultant pour l’État de l’application de cette loi ? Grâce à des dons en nature ? Pas du tout… Une nouvelle taxe est tout simplement prévue.