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Structure de soins la plus proche et remboursement des transports par la Sécurité sociale

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Une ambulanceCes dernières années, l’assurance-maladie a renforcé ses contrôles dans le domaine des prestations en nature versées aux assurés et tout particulièrement ce qui concerne les frais de transport de ces derniers. Contrairement à une idée reçue, un bon de transport n’est pas un dû et sa remise au patient par le médecin répond à des règles strictes. En signant ce document, le praticien engage sa responsabilité et il peut lui arriver d’être poursuivi en demande de remboursement d’indu lorsqu’il prescrit un transport dans des conditions qui ne sont pas celles prévues par la loi.

Plusieurs articles du code de la Sécurité sociale sont consacrés aux frais de déplacement des assurés au rang desquels figure l’article L 322-5, précisant que « les frais de transport sont pris en charge sur la base du trajet et du mode de transport les moins onéreux compatibles avec l’état du bénéficiaire. […] », et l’article R322-10-5, venant compléter le précédent, à savoir que « le remboursement des frais de transport […] est calculé sur la base de la distance séparant le point de prise en charge du malade de la structure de soins prescrite appropriée la plus proche. »

Or cette « structure de soins prescrite appropriée la plus proche » est parfois à l’origine de contentieux. Par exemple, un praticien peut estimer que le patient est susceptible d’être mieux pris en charge au centre hospitalier universitaire de la région voisine de celle dont dépend l’assuré pour de multiples raisons (service ayant développé un pôle de compétences particulier, nouveau matériel offrant plus de sécurité pour le patient, etc.) Dans une telle situation, pensant agir dans l’intérêt du patient, il l’adresse à cette structure de soins un peu plus éloignée, rendant ainsi le coût du transport plus onéreux. Peu importe que sa décision justifiée puisse entraîner une réduction du coût des soins, l’assurance-maladie, constatant ce fait, peut souverainement décider ou non d’appliquer les textes et d’engager une procédure à l’égard du prescripteur, le plus souvent après avoir remboursé l’assuré. Cette procédure ne concerne habituellement que le surcoût du transport : la différence de prix entre ce que le transport a réellement coûté et ce qu’il aurait dû coûter s’il avait été effectué vers la structure la plus proche. Cette différence n’est parfois que de quelques euros, mais répétée sur de multiples transports et le nombre d’assurés qui en bénéficient, cette source d’économies n’est pas négligeable et elle peut donc se justifier.
Il faut reconnaître que cela n’est pas systématique et que certaines caisses d’assurance-maladie, lorsque le transport a été prescrit pour des soins spécifiques, interrogent la structure de soins où aurait dû être adressé le patient (la plus proche) pour lui demander si elle était en mesure de prendre en charge le patient dans ce contexte. Des procédures inutiles sont ainsi évitées et l’intérêt du malade est préservé. Si cet exemple fait état d’un centre hospitalier, il est valable pour les autres structures de soins que sont un établissement de soins privé, comme une clinique, le cabinet d’un médecin spécialiste ou les locaux d’une infirmière ou d’un kinésithérapeute.

Jusqu’à présent, l’indépendance de chaque caisse primaire d’assurance-maladie équivalait à des prises en charge non homogènes des transports ne s’effectuant pas vers la structure de soins la plus proche. Il est vraisemblable que la décision de 2e chambre civile de la Cour de cassation (pourvoi nº 09-67960) du 23 septembre 2010 vienne mettre un peu d’ordre dans tout cela. Plutôt que de baser la prise en charge sur des éléments subjectifs ou idéologiques ayant pour seul but de faire des économies de santé, la Cour de cassation a vu l’aspect médical de la demande de transport et subsidiairement de sa prise en charge.

Dans cette affaire, une patiente atteinte d’une affection de longue durée et invalide à 80 % avec assistance d’une tierce personne a vu la clinique proche de son domicile, où elle était prise en charge régulièrement pour des soins de kinésithérapie, fermer. L’équipe de kinésithérapeutes en qui elle avait toute confiance s’est installée à plusieurs kilomètres de là et c’est alors que la malade a souhaité continuer à être prise en charge pour les professionnels auxquels elle était habituée. Or, cette migration du centre de kinésithérapie a fait que, selon la Sécurité sociale, ce centre n’était plus celui se situant au plus proche du domicile de la patiente. C’est pour cette raison que la caisse primaire d’assurance maladie dont dépend la malade a décidé de limiter le remboursement des frais des transports.
Objectivement, cette décision de la caisse d’assurance-maladie est compréhensible. Cette dernière n’interdit pas à la patiente de continuer à être suivie par les professionnels de santé, mais elle lui demande de prendre à sa charge le surcoût engendré par ce choix. La liberté de choix du patient est respectée, mais il doit en assumer les conséquences… Mécontente de cette décision, la patiente a porté l’affaire devant le tribunal des affaires de sécurité sociale qui a donné raison à l’assurance-maladie.

La Cour de cassation n’a pas choisi cette voie. La patiente disposant d’un certificat médical attestant un état chronique rhumatologique, neurologique et respiratoire depuis plus de dix ans nécessitant de faire poursuivre les soins par la même équipe de kinésithérapeutes, il existait « une difficulté d’ordre médical sur le point de savoir si l’assurée pouvait recevoir les soins appropriés à son état dans une structure de soins plus proche de son domicile ». Pour la Cour, « Constitue une contestation d’ordre médical relative à l’état du malade, sur laquelle le tribunal des affaires de sécurité sociale ne peut statuer qu’après mise en oeuvre d’une expertise médicale prévue à l’article L 141-1 du code de la sécurité sociale, le point de savoir si l’établissement désigné par le médecin traitant de l’assuré constitue la structure de soins appropriée la plus proche ».

Cette décision renforce un peu plus le caractère médical de la prescription du transport. Si les médecins et les patients peuvent se réjouir d’une telle chose, il est essentiel pour les praticiens de bien comprendre qu’il engage leur responsabilité en signant le bon de transport et qu’ils doivent être en mesure d’apporter une justification médicale à leur choix. Si tel n’est pas le cas, l’expertise sera susceptible de le mettre en évidence ce qui devrait encourager la caisse, forte de cet avis médical, à se tourner vers le praticien qui risque alors de devoir rembourser les indus, mais aussi de se voir mis en cause devant les instances ordinales pour avoir réalisé des prescriptions non justifiées.