Le dossier médical de Google

Écrit par Bertrand Hue le . Dans la rubrique Variations

Les créateurs de Google ont toujours souhaité mettre Internet au service de la population dans le but d’améliorer la vie de tout un chacun. Le domaine de la santé leur est cher et ils ont décidé de se lancer dans la gestion des données de santé en collaboration avec la Cleveland Clinic.


Le dossier médical personnel, son hébergement et sa mise en place connaissent bien des déboires depuis quelques années en France. Malgré un budget conséquent, des choix politiques ont été faits pour privilégier un outil économico-démagogique plutôt qu’un outil au service des professionnels de santé pour une meilleure prise en charge du patient. Toutes les pistes actuelles et les modifications législatives votées ces dernières années ont pour but de surveiller une rationalisation des soins dans l’espoir de réaliser des économies de santé et de sauver un système de protection sociale que l’on sait déjà condamné. Pourtant, tous les professionnels de santé ont pris conscience depuis de nombreuses années du formidable potentiel que représente pour la qualité des soins un dossier informatisé et hébergé. Un véritable dossier médical, comme il existe aujourd’hui sous forme papier, auquel le patient a accès librement (mais dans lequel il n’écrit pas et qu’il ne censure pas) et qui ne sert pas à un contrôle économique qu’il soit institutionnel ou non. L’absence de ce dernier ne veut pas dire absence d’économies, car ce type de dossier permet aux médecins d’éviter des dépenses de santé inutiles, en évitant les examens redondants ou en ayant accès aux antécédents et au traitement, sans exception, du malade.

La santé en ligne

L’informatisation est, de nos jours, indissociable de l’Internet. L’accès à un dossier informatisé est prévu grâce à des connexions haut-débit sécurisées, les informations étant stockées chez un hébergeur de données. La loi le prévoit et personne ne remet plus cette solution en cause. L’idée d’une carte à puce contenant ce dossier n’est plus crédible en raison des capacités de stockage limitées de ce dispositif. Une telle carte peut servir de sésame pour réguler l’accès aux données, mais ne peut plus être le contenant unique.

Google, moteur de recherche devenu quasiment hégémonique, est à l’origine d’une société en pleine expansion qui a réussi à révolutionner l’Internet au début du XXIe siècle. La santé a été l’un des principaux axes de développement de cet outil de recherche. Au service du patient comme au service des professionnels de santé, il permet d’avoir accès à une synthèse rapide sur un sujet médical donné (association de symptômes, maladies rares, recherche pharmacologiques, etc.) ou sur un point du droit de la santé, par exemple.

 

Google stet

 

Il faut savoir qu’il n’existe pas un seul Google, mais une multitude de possibilités dérivées du moteur originel. Des solutions offertes par Google lui-même ou des solutions adaptées par des tiers, à l’aide de ce moteur de recherche. Il y en a un spécifiquement développé pour le grand public et pour les professionnels de santé existant en français, par exemple.

Il ne s’agit pas du sujet de cet article, mais concernant la fiabilité de Google dans le domaine de l’information santé, il est intéressant de lire l’article intitulé « Google, moteur de recherche médical ?« , expliquant les limites du système.
Pour ce qui est de l’Internet en général, les lecteurs familiers de la langue de Shakespeare pourront se reporter à l’ouvrage de William Hersh (professeur responsable du département d’informatique médicale et d’épidémiologie clinique de l’université de médecine de l’Oregon) « Information Retrieval:  A Health & Biomedical Perspective (Second Edition) » et surtout à sa mise à jour régulière.

Un nouvel intérêt pour les données de santé

Google intéresse le monde de la santé depuis longtemps. La réciproque est tout aussi vraie et la multinationale nous le prouve, dix-huit mois après avoir choisi d’accroitre l’accessibilité des données médicales, en concrétisant son projet par une collaboration avec la Cleveland Clinic, centre d’enseignement médical multidisciplinaire à but non lucratif, basé dans l’Ohio, mais aussi en Floride, au Canada et à Abu Dhabi.

La Cleveland Clinic offre déjà aux patients qui lui font confiance des outils qui aident ceux-ci à gérer leurs données médicales en ligne. Ils peuvent ainsi utiliser ce système pour coordonner leur prise en charge par leurs médecins. Solution gratuite, le système de Google va s’interfacer avec le système existant à la Cleveland Clinic. En s’alliant à ce complexe médical, Google va pouvoir travailler sur des données de santé concrètes et effectuer un test en situation réelle auprès de « vrais » malades. Le nombre de patients inclus dans ce panel sera compris entre 1 500 et 10 000. Google devrait permettre à ces volontaires de se libérer des outils spécifiques au système de la Cleveland Clinic sans en compromettre la confidentialité, permettant ainsi d’en faire bénéficier un plus grand nombre de professionnels de santé.

Cette étude, qui doit durer six à huit semaines, est réalisée afin d’offrir dans un second temps de nouvelles solutions de gestion de ces données à n’importe quel patient (américain, pour l’instant) ayant choisi n’importe quel fournisseur de soins. Cette offre sera gratuite, tant pour les professionnels ou les établissements de santé que pour le patient.

Un choix du patient facilité par la gratuité

Par cette association la Cleveland Clinic, outre un formidable coup publicitaire, dit vouloir créer un accès national aux données électroniques de santé grâce à un modèle ouvert, mais néanmoins sécurisé. Google s’associe à cette volonté en mettant le patient au centre du système et en lui permettant d’être la tour de contrôle des différents échanges entre les destinataires à qui il aura choisi d’ouvrir son dossier grâce à un portail Internet disponible à tout heure du jour et de la nuit, 365 jours par an.

Google n’est pas le seul à se lancer dans l’aventure, Microsoft a déjà lancé le sien appelé HealthVault sous une forme différente. Des initiatives privées, avec des fonds privés, sans intervention étatique, menées par des médecins et des patients dans un pays où le respect de la vie privée est un sujet des plus sensibles. Y aurait-il un exemple à suivre ?

De par son système économique « révolutionnaire », offrant à tous un accès libre et gratuit à ses services, matiné de liens publicitaires commerciaux savamment placés, Google a rapidement réussi à supplanter la concurrence (gratuite ou payante) dans bien des domaines, pour ne pas dire dans tous les domaines auxquels cette société s’est intéressée. En sera-t-il de même dans celui des données de santé ?

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