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TVA des actes médicaux et paramédicaux : les précisions de l’administration fiscale

Écrit par Bertrand Hue le . Dans la rubrique Actualités, Evolution

Séparer profit et taxes

Séparer profit et taxesJusqu’au 1eroctobre 2012, conformément à la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes, du 17 mai 1977, « en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme », puis à l’article 132-1-c) de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, « les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l’exercice des professions médicales et paramédicales telles qu’elles sont définies par l’État membre concerné » étaient exonérées de TVA (taxe sur la valeur ajoutée). Cette disposition avait été transposée au 1° du 4 de l’article 261 du code général des impôts (CGI) selon lequel les soins dispensés aux personnes, notamment par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées par le code de la santé publique, mais aussi les praticiens autorisés à faire usage légalement du titre d’ostéopathe et les psychologues, psychanalystes et psychothérapeutes titulaires d’un des diplômes requis, à la date de sa délivrance, pour être recrutés comme psychologue dans la fonction publique hospitalière, étaient exonérés de TVA. Les actes effectués par ces professionnels, agissant à titre indépendant, soit lorsqu’ils exploitent des cabinets privés où ils reçoivent directement de leur clientèle le montant de leurs honoraires, soit lorsqu’ils exercent leur activité dans le cadre de sociétés civiles professionnelles, ne nécessitaient donc aucun traitement comptable particulier, qu’ils soient pris en charge ou non par l’assurance-maladie.

Alors que tout semblait simple et fait pour faciliter la tâche des soignants, deux arrêts de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) du 20 novembre 2003 (affaires C-307/01 et C-212/01) ont totalement remis en question ce mode de fonctionnement. Dans ces arrêts, la CJCE a, en effet, précisé ce qu’il fallait entendre par « soins à la personne » en matière d’exonération et il en est ressorti que seules les prestations ayant pour finalité principale la protection, y compris le maintien ou le rétablissement, de la santé d’une personne pouvaient en bénéficier. En d’autres termes, d’un point de vue fiscal européen, « seules les prestations à finalité thérapeutique, entendues comme celles menées dans le but de prévenir, de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir des maladies ou anomalies de santé sont susceptibles de bénéficier de l’exonération de TVA. »

Ce n’est pourtant que le 10 avril 2012 que l’administration fiscale a eu à répondre à un rescrit lui demandant quelles étaient les conditions d’éligibilité à l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue par l’article 261-4-1° du CGI des actes de médecine esthétique. Pour la première fois, cette administration a précisé dans sa réponse que les actes de médecine et de chirurgie esthétique non pris en charge par l’assurance-maladie, ne pouvant être considérés comme poursuivant un but thérapeutique, devaient être soumis à la TVA.
En réponse à la vive émotion des praticiens effectuant ces actes au vu de la complexification de leur comptabilité impliquée par ce texte, un arbitrage a été décidé comme la loi le permet. La Direction de la législation fiscale a alors engagé des discussions avec des représentants des professionnels de santé concernés. Suite à ses échanges, le 27 septembre 2012, une publication au sein du Bulletin officiel des finances publiques — Impôts (BOFIP — Impôts), bulletin regroupant « dans une base unique, consolidée et versionnée l’ensemble de la doctrine fiscale de la Direction générale des finances publiques (DGFIP) », est venue confirmer que « les seuls actes [de médecine et de chirurgie esthétiques, NDLR] qui bénéficient de l’exonération de TVA sont ceux qui sont pris en charge totalement ou partiellement par l’assurance-maladie, c’est-à-dire notamment les actes de chirurgie réparatrice et certains actes de chirurgie esthétique justifiés par un risque pour la santé du patient ou liés à la reconnaissance d’un grave préjudice psychologique ou social. » Néanmoins, cette « interprétation ne donnera lieu ni à rappel, ni à restitution s’agissant des actes de médecine et de chirurgie esthétique effectués antérieurement au 1er octobre 2012. »

Concernant les actes de médecine ou de chirurgie purement esthétique, c’est donc à partir du 1er octobre 2012 que les professionnels de santé concernés doivent adapter leur comptabilité. Ils doivent désormais faire figurer sur les factures remises aux patients pour de tels actes le montant de la TVA, dissocier au sein de leur comptabilité les actes exonérés de TVA de ceux qui ne le sont pas (colonne ou compte spécifique pour chacun de ces deux types de recettes), gérer les déductions de TVA (sous certaines conditions) payée sur leurs dépenses ou leurs achats d’immobilisations avant de reverser la TVA perçue au Trésor public, et enfin, souscrire des déclarations de TVA (CA12 pour le régime simplifié ; CA3 pour le régime réel normal).
Il faut aussi savoir que :
— si les recettes soumises à TVA n’excèdent pas 32 600 € HT en 2012, les professionnels concernés seront en situation de «franchise en base de TVA » et n’auront aucune obligation particulière en 2012 ;
— si les recettes soumises à TVA excèdent 34 600 € HT en 2012, ils se trouveront de plein droit concernés par les obligations ci-dessus à compter du 1er jour du mois de dépassement du seuil ;
— si les recettes soumises à TVA excèdent 32 600 € HT sans dépasser 34 600 € HT en 2012, ils se trouveront de plein droit concernés par les obligations ci-dessus à compter du 1er janvier 2013.1

L’administration fiscale précise que « Les membres des professions médicales ou paramédicales qui demandent à un confrère de les remplacer, à titre occasionnel, sont autorisés à ne pas soumettre à la TVA les sommes perçues à ce titre qui sont, le plus souvent, qualifiées d’honoraires rétrocédés.
Cette mesure s’applique quels que soient les motifs pour lesquels le titulaire du cabinet fait appel à un remplaçant (maladie, congé, formation post-universitaire, exercice d’un mandat électif auprès d’une organisation professionnelle, etc.), dès lors que ce remplacement revêt un caractère occasionnel.
La situation est différente lorsque deux ou plusieurs praticiens ont conclu un contrat de collaboration et exercent conjointement la même activité dans les mêmes locaux. Dans ce cas, les redevances versées au propriétaire du cabinet en rémunération de la mise à disposition de ses installations doivent être soumises à la TVA. »

Il est évident que ce surcroît de travail en comptabilité ne manquera pas d’avoir un coût pour le praticien et qu’il va rendre bien plus complexe son travail administratif au détriment de son activité de soins. Il est aussi évident que, bien que le rescrit dont il est question au BOFIP-Impôts du 27 septembre 2012 ne réponde qu’à une question relative aux actes de médecine et de chirurgie esthétique, tous les actes qui ne concourent pas à l’établissement des diagnostics médicaux ou au traitement des maladies humaines aux yeux de l’administration fiscale sur les bases du remboursement ou non par l’assurance-maladie doivent aussi être soumis à la TVA et impliquent une comptabilité appropriée. Si les médecins et les chirurgiens pensent que seuls leurs confrères pratiquant des actes de médecine ou de chirurgie esthétique sont concernés, ils pourraient très vite perdre leurs illusions.

Dernier point qu’il convient d’évoquer : il n’y a aucune raison pour que les praticiens ne répercutent pas la TVA sur le prix de leurs prestations. Au final, c’est donc le patient qui voit le prix de l’intervention à laquelle il aspire augmenter. À un moment où le tourisme médical est en plein essor, il est probable que cette mesure pousse un peu plus encore les patients à aller se faire opérer dans un pays de l’Union européenne où la TVA est plus basse (en attendant son harmonisation) ou dans des pays non communautaires où le niveau de sécurité sanitaire est moins élevé, mais les prix très attractifs.

 

Pour les informations relatives à la TVA des prestations des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes, ainsi que par des membres des professions paramédicales réglementées (masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, infirmiers ou infirmières, orthoptistes, orthophonistes, etc.) ; des praticiens autorisés à faire usage légalement du titre d’ostéopathe ; des psychologues, psychanalystes et psychothérapeutes titulaires d’un des diplômes requis, à la date de sa délivrance, pour être recruté comme psychologue dans la fonction publique hospitalière, le lecteur peut se référer directement à la publication au BOFIP — Impôts du 27 septembre 2012, citée ci-dessus.
Il en va de même pour les médecins propharmaciens, les médecins-experts, les médecins-conseils. Les chiropracteurs sont aussi concernés.
Le cas des conventions d’exercice conjoint entre membres d’une profession médicale ou paramédicale, des praticiens exerçant leur activité dans des maisons de santé ou des cliniques, des travaux d’analyses de biologie médicale et des opérations effectuées par les prothésistes dentaires est aussi évoqué dans ce document de référence.

 


1- Source : Supplément ARAPL Infos n° 192 – avril 2012