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Une loi du type Sunshine Act a ses limites

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Billet et hameçonLe projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé a franchi cette semaine une nouvelle étape de la procédure accélérée engagée par le Gouvernement le 19 septembre 2011. Les 26 et 27 octobre 2011, le texte a été amendé au Sénat et la Petite loi est disponible.

Les débats en séance publique au Sénat ont amené ses membres à modifier le texte de ce Sunshine Act à la française voté au Palais Bourbon. En l’état actuel du texte, les personnes soumises à déclaration d’intérêts, au rang desquelles figurent maintenant « les membres des cabinets des ministres », n’ont plus à l’actualiser « dès qu’une évolution intervient concernant ses liens d’intérêts ». Seule reste l’obligation de la mettre à jour « à leur initiative », laissant le soin à un décret en Conseil d’État de préciser ces modalités d’actualisation.
Concernant l’expertise sanitaire, il n’est plus question de charte, mais d’un rapport du Gouvernement, remis au Parlement au plus tard le 30 juin 2012, « portant sur les modalités, le financement et les mécanismes de formation, à mettre en œuvre pour parvenir à la création au 1er janvier 2015 d’un corps d’experts interne à l’agence mentionnée à l’article L 5311‑1 du code de la santé publique [Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ; NDLR], ne présentant aucun lien d’intérêts avec des entreprises dont les activités, les techniques et les produits entrent dans le champ de compétence de l’autorité sanitaire. » D’ici là et si tant est que ce rapport débouche sur quelque chose, les experts sanitaires devront remplir une déclaration d’intérêts et les sénateurs ont prévus des sanctions pénales à leur encontre en cas d’information mensongère qui porte atteinte à la sincérité de la déclaration. Les députés n’avaient pas prévu de telles sanctions, laissant ainsi planer un doute quant à la fiabilité des déclarations d’intérêts des experts sanitaires.
Pour plus de transparence, le Sénat propose que les conventions passées entre les entreprises produisant ou commercialisant des produits de santé et les professionnels de santé ou les associations de patients soient rendues publiques par le biais d’un site Internet accessible à tous. Il est aussi prévu que « Toutes les conventions passées entre les membres des professions médicales et les entreprises […] sont, avant leur mise en application, soumises pour avis au conseil départemental de l’ordre compétent ou, lorsque leur champ d’application est interdépartemental ou national, au conseil national de l’ordre compétent. »

Le Sunshine Act français est donc sur la bonne voie. Malheureusement, dans le même temps, dans le pays qui sert d’exemple à la France pour sa loi visant à renforcer la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, des éléments prouvent qu’un tel texte ne prend tout son sens que s’il s’accompagne de mesures visant à éviter que le lobbying ne se déplace simplement vers les plus hautes sphères du pouvoir. Le New York Times explique que, malgré un discours basé sur la nécessité pour l’administration et les politiciens de ne pas accepter d’argent des lobbyistes, Barack Obama est aidé par l’industrie pharmaceutique pour le financement de sa campagne électorale. Sally Sussman, membre de la direction des laboratoires Pfizer, a réuni plus de 500 000 $ (353 000 €) pour la ré-élection du président démocrate. Elle a aussi aidé à organiser un repas pour lequel chaque convive devait débourser 38 500 $ (plus de 27 000 €) pour dîner aux côtés de M. Obama à Manhattan en juin 2011. Dans le même temps, Mme Sussman a continué ses actions de lobbying pour les laboratoires Pfizer et s’est rendue à la Maison-Blanche à quatre reprises depuis 2009 afin de discuter, entre autres, de problèmes d’exportation. Sally Sussman fait partie de la quinzaine de personnes collectant des fonds pour la campagne du président Obama identifiée par le New York Times comme faisant régulièrement du lobbying pour des sociétés du monde de la finance, de la hight-tech ou de l’industrie pharmaceutique : de quoi se poser des questions quant à la réelle volonté des hommes politiques d’assainir la vie publique, même quand leur discours laisse entendre le contraire.

Le projet de loi relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique a été déposé le 27 juillet 2011 et n’a jamais été mis à l’ordre du jour parlementaire depuis. Le projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé a été déposé le 1er août 2011 et, dans quelques semaines, le texte sera définitivement adopté et la loi promulguée. Tout le monde n’a pas les mêmes priorités.

Facultés intellectuelles et droit de vote

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

vote et personne protégéePersonne n’ignore que l’âge moyen de la population française, comme celui dans de très nombreux autres pays industrialisés, dont l’Angleterre, ne cesse d’augmenter. Accès aux soins facilité, campagne de prévention, progrès de la médecine, les raisons à ce vieillissement de la population sont multiples. Malheureusement, elle s’accompagne aussi de nouveaux maux pour lesquels les réponses thérapeutiques ne sont pas encore totalement satisfaisantes. Si une maladie comme la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) peut être réellement handicapante pour la personne qui en est atteinte, elle n’altère pas pour autant les facultés intellectuelles du patient. Il n’en est pas de même pour toutes les pathologies en rapport avec l’usure du temps et la maladie d’Alzheimer en est un bel exemple.

Même si beaucoup de nos aînés gardent toute leur lucidité jusqu’à leur dernier souffle et que des traitements commencent à améliorer des situations cliniques jusque-là désespérées, le grand âge s’accompagne souvent d’une diminution des facultés intellectuelles. D’autres maladies peuvent, quant à elles, altérer les facultés mentales d’individus bien plus jeunes. Un article intitulé Voting and mental capacity, publié le 25 août 2010 dans le BMJ, s’intéresse tout particulièrement à la question du droit de vote chez les patients qui « n’ont plus toute leur tête » Outre-Manche. Les auteurs de ce travail s’interrogent sur la capacité à participer aux élections des 700 000 Anglais atteints de démence et des 1,2 millions présentant des troubles de l’apprentissage. Lors des dernières grandes élections au Royaume-Uni en 2010, Marcus Redley pense qu’un certain nombre de patients qui présentent de tels problèmes de santé n’ont pas eu l’opportunité de voter alors qu’ils avaient encore les capacités pour ce faire. Il estime qu’aux vues des travaux de Gill Livingston, le médecin finira par être consulté pour savoir si un patient est en mesure d’exprimer son suffrage ou non quand il souffre de troubles intellectuels. Selon lui, si les gens se voient refuser la possibilité de voter (car ils ne sont pas encouragés à s’inscrire ou parce que le vote n’est pas facilitée) leurs droits de citoyens s’en trouvent restreints. Par contre, parce que les façons de voter (et par conséquent de voter frauduleusement) se diversifient, la démocratie risque d’être compromise si cela permet de faire voter quelqu’un qui n’en a pas ou plus la capacité intellectuelle.
Au Royaume-Uni, la loi électorale a récemment aboli la notion de droit commun qui voulait que l’on soit considéré comme incapable de voter en cas de désordre mental diagnostiqué. Le Mental Capacity Act 2005, qui s’applique à l’Angleterre et au Pays de Galles, interdit explicitement qu’une personne décide pour une autre en matière de vote. La Commission électorale précise que, si une probable incapacité mentale n’est pas un obstacle à l’inscription sur les listes électorales ou au vote, les agents le vote par procuration est interdit à ceux qui n’en sont plus mentalement capables. C’est dans ce cadre que les médecins pourraient être invités à évaluer les capacités mentales d’une personne.

Une étude au Royaume-Uni a confirmé que les personnes ayant des troubles de l’apprentissage sont sous-représentés dans les sondages. Ce travail a également révélé que les adultes souffrant de ces mêmes troubles étaient six fois plus susceptibles de voter s’ils vivaient avec au moins un autre adulte participant au vote, confirmant les conclusions d’une équipe norvégienne sur le même sujet.
Aux États-Unis, des recherches ont montré que, bien que beaucoup de gens atteints d’une démence légère à modérée votent, ils tendent plus facilement à le faire si leur accompagnateur est leur conjoint plutôt que qu’un fils ou une fille. Dans une enquête menée auprès de 100 patients ambulatoires souffrant de démence, 60 % d’entre eux participent aux élections. Plus grave est la démence, moins les patients ont tendance à voter. Dans les maisons de repos et de logements-services, environ 29 % des résidents votent, avec d’importantes variations entre les résidences, d’après une autre étude rapportée par Marcus Redley.

La probabilité d’aller voter semble donc dépendre en partie du soutien social dont bénéficie le patient, d’où d’importantes variations. Les données indiquent également que ce sont les accompagnants qui décident si quelqu’un doit voter ou non. Savoir qui évalue la capacité d’un patient à voter a donc toute son importance. En Australie, où le vote est obligatoire, un électeur peut être retiré des listes électorales si un médecin certifie qu’il ou elle est « aliéné », incapable de comprendre la nature et l’importance du vote. Dans la pratique, il est difficile de savoir qui est exclu et les droits de recours dont ces personnes disposent.

Aux États-Unis, certains états refusent systématiquement le droit de vote aux citoyens sous tutelle pour démence, mais ceci fait débat. Un outil d’évaluation pour juger de la compétence fonctionnelle d’une personne à voter a été développé. Un tel test, s’il est utilisé au Royaume-Uni et s’adressent uniquement aux personnes ayant un diagnostic de démence, de troubles d’apprentissage, ou d’une autre déficience mentale, serait probablement contraire à la loi interdisant toute discrimination envers les personnes handicapées (Disability Discrimination Act 2005), selon l’auteur de l’article.

Tout cela est étonnant quand on sait que, depuis 2006, la Convention relative aux droits des personnes handicapées de l’Organisation des nations unies (ONU) garantit aux citoyens avec ou sans handicap les mêmes droits civiques, « estimant que les personnes handicapées devraient avoir la possibilité de participer activement aux processus de prise de décisions concernant les politiques et programmes, en particulier ceux qui les concernent directement ». Néanmoins, une enquête récente n’a recensé que quatre Etats démocratiques (Canada, Irlande, Italie et Suède) n’ayant pas de restrictions juridiques au droit de vote des adultes mentalement handicapés, d’après l’article du BMJ. Le Kenya s’est aussi mis en conformité avec l’article 29 de la Convention de l’ONU offrant plusieurs garanties aux personnes handicapées quant à leur participation à la vie politique et à la vie publique. Il convient de rappeler que « par personnes handicapées on entend des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres. » La démence, qu’elle soit sénile ou autre, entre tout à fait dans ce cadre, par exemple.

En France, le code électoral en son article L5 précise que « Lorsqu’il ouvre ou renouvelle une mesure de tutelle, le juge statue sur le maintien ou la suppression du droit de vote de la personne protégée. » C’est le juge qui décide de laisser ou non le droit de vote à une personne dont les facultés mentales sont altérées, le médecin n’intervenant que pour ce qui est des constatations prévues pour la mise en place de la protection juridique. L’article 425 du code civil est clair : « Toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté peut bénéficier d’une mesure de protection juridique […] ». L’article 440 du code civil précise pour sa part que « La tutelle n’est prononcée que s’il est établi que ni la sauvegarde de justice, ni la curatelle ne peuvent assurer une protection suffisante. »

Pouvoir voter librement est l’un des fondements de la démocratie. Défendre cette valeur est le devoir de chaque citoyen, c’est ce qui fait toute la difficulté des rapports entre facultés mentales altérées et droit de vote.

À quand une taxe sur les sodas riches en sucre ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Cannettes videsQui se souvient encore du rapport sur la pertinence et la faisabilité d’une taxation nutritionnelle, de Véronique Hespel, inspectrice générale des finances, et de Marianne Berthod-Wurmser, membre de l’Inspection générale des affaires sociales, ou de celui intitulé Faire de la lutte contre l’épidémie d’obésité et de surpoids une grande cause nationale de la députée Valérie Boyer ? Quasiment plus personne depuis que les parlementaires ont enterré les mesures qui devaient être à l’occasion du vote de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) et l’idée d’une taxe sur les “mauvais” aliments.

Le gouverneur de l’état de New York, sans doute plus sensible à la santé publique qu’aux intérêts de l’industrie agroalimentaire et ayant besoin de boucler son budget, n’a pas hésité, lui, à proposer dès la fin 2008 une taxe sur les sodas et autres boissons riches en sucre. Mais la tâche s’avère tout aussi ardue outre-Atlantique face des intérêts financiers des fabricants et des vendeurs de boissons sucrées.
Une étude de l’université de Columbia vient pourtant de montrer qu’une taxe sur ces boissons de 27 centimes d’euro par litre serait susceptible d’éviter au moins 145 000 cas d’obésité dans l’état de New York dans les dix ans à venir. Une telle mesure éviterait aussi l’apparition d’au moins 37 000 cas de diabète de type 2 sur la même période, le tout pouvant permettre de réaliser à terme plus de 2 milliards de dollars d’économies. Dans le seul état de New York, une telle taxe permettrait de faire chuter de 134 milliards le nombre de calories consommées chaque année… Il faut dire que cet état est particulièrement concerné par cette question, car les trois cinquièmes de sa population sont en surpoids ou obèses et que 40 % des enfants scolarisés dans cette région présentent ce type de problèmes.
Comme aux États-Unis, il est rarement question d’augmenter les taxes sans contre-parties, le gouverneur se propose de diminuer dans le même temps celles sur les eaux en bouteille, sur les sodas allégés et sur les boissons peu caloriques.

Le Vieux Continent devrait-il suivre l’exemple de Manhattan et de ses environs ? Oui, si l’on en croit les rapports cités plus haut et les données dont on dispose pour le Royaume-Uni. Les jeunes Anglais grossissent en effet deux fois plus vite que leurs cousins d’Amérique et plus d’un enfant sur trois de la catégorie des 5-13 ans est en surpoids ou obèse, avec les risques que comporte une telle situation pour la santé. Pendant ce temps, les députés européens tergiversent sur l’utilité de mettre un étiquetage plus sévère sur les produits alimentaires riches en calories, alors de là à envisager une taxe…

L’adoption du projet de loi HPST est proche : quelques mesures phares prises par la commission mixte paritaire

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Le rapport nº 463 de MM. Alain Milon, sénateur et Jean-Marie Rolland, député, concernant le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), fait au nom de la commission mixte paritaire a été publié le 20 juin 2009. Droit-medical.com en a sélectionné quelques éléments de ce texte.

Procédure d’urgence pour le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Seul le résultat compteAvant même le début des débats parlementaires, le gouvernement a déclaré l’urgence, le 22 octobre 2008, sur le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires. Le gouvernement juge donc qu’il existe des circonstances pressantes et il les invoque pour accélérer le cours des délibérations parlementaires et la discussion entre les assemblées en se servant pour cela de l’article 45 de la Constitution. La commission mixte paritaire se réunira donc après une seule lecture. Les amendements adoptés par le Sénat ne seront même pas examinés par l’Assemblée.

Le gouvernement craint-il une nouvelle fronde des parlementaires ? Quoiqu’il arrive, il garde constamment la maîtrise de la situation. Il peut stopper la procédure à tout moment ou la poursuivre, mais surtout le texte de la commission paritaire mixte soumis aux deux assemblées ne peut être modifié que par les amendements proposés ou acceptés par le gouvernement.

Cela devrait aussi laisser moins de temps aux citoyens qui veulent s’opposer au texte pour s’organiser.

L’enjeu pour la santé doit être majeur, car c’est la même procédure que celle qu’emploie le gouvernement pour la loi « Création et Internet » qui va servir à instituer la riposte graduée, pourtant rejetée par le parlement européen, afin de protéger la musique du téléchargement sauvage, tout particulièrement les disques de la première chanteuse de France. C’est pour dire si la situation est grave !