Lunettes, permis de conduire et chirurgie réfractive

Écrit par Bertrand Hue le . Dans la rubrique La forme

Tout le monde se souvient d’un célèbre slogan de la prévention routière qui claironnait qu’« au volant, la vue, c’est la vie ». Ne pas bien voir au guidon de sa moto ou derrière son volant fait courir un risque tant au conducteur qu’aux autres usagers de la route. Ce n’est donc pas un hasard si les affections visuelles sont parfois incompatibles avec l’obtention du permis de conduire ou avec son maintien. Contrôle par l’examinateur au moment de passer le permis de conduire, visite médicale en cas d’affection et sanctions pour ceux qui roulent sans leur correction optique : la loi ne laisse que peu de latitude quand il est question de troubles visuels et de conduite d’un véhicule à moteur. Même ceux qui ont subi une chirurgie réfractive doivent tenir compte des textes s’ils ne veulent pas être verbalisés.

 

Conduire

La directive 2009/112/CE de la Commission européenne relative au permis de conduire, ainsi que la 2009/113/CE, prévoit que « tout candidat à un permis de conduire devra subir les examens appropriés pour s’assurer qu’il a une acuité visuelle compatible avec la conduite des véhicules à moteur. S’il y a une raison de penser que le candidat n’a pas une vision adéquate, il devra être examiné par une autorité médicale compétente. Au cours de cet examen, l’attention devra porter plus particulièrement sur l’acuité visuelle, le champ visuel, la vision crépus­culaire, la sensibilité à l’éblouissement et aux contrastes et la diplopie ainsi que sur d’autres fonctions visuelles qui peuvent compromettre la sécurité de la conduite. » Et ces directives ne concernent pas seulement l’obtention du permis de conduire, mais aussi son maintien dans les circonstances prévues par la loi. C’est dans ce cadre qu’a été pris l’arrêté du 31 août 2010 modifiant l’arrêté du 21 décembre 2005 fixant la liste des affections médicales incompatibles avec l’obtention ou le maintien du permis de conduire ou pouvant donner lieu à la délivrance de permis de conduire de durée de validité limitée.

Le minimum requis concernant l’acuité visuelle

Lorsque l’on est myope, hypermétrope ou astigmate, le port des lunettes peut être indispensable pour répondre aux exigences minimales de la loi en matière d’acuité visuelle. Pour les véhicules légers, l’acuité visuelle en binoculaire (les deux yeux en même temps) doit être supérieure ou égale à 5/10 ; pour les véhicules lourds, il y a « incompatibilité si l’acuité visuelle pour l’oeil le meilleur est inférieure à 8/10 et à 1/10 pour l’oeil le moins bon. Si les valeurs de 8/10 et de 1/10 sont atteintes par correction optique, il faut que l’acuité non corrigée de chaque oeil atteigne 1/20, ou que la correction optique soit obtenue à l’aide de verres correcteurs d’une puissance ne dépassant pas + ou – 8 dioptries, ou à l’aide de lentilles cornéennes (vision non corrigée égale à 1/20). La correction doit être bien tolérée. » Pour les véhicules légers ou lourds, l’acuité est mesurée avec correction optique si elle existe déjà.

Il faut savoir que l’acuité visuelle n’est pas le seul critère pris en compte et que d’autres altérations de la vision peuvent entraîner une incompatibilité à l’obtention ou au maintien du permis de conduire, que ce soit pour les véhicules légers – permis A, A1, B, B1, E(B) – ou pour les véhicules lourds – permis C, D, E(C), E(D). D’autres affections, pouvant entraîner ou non des troubles de la vision, peuvent aussi avoir une incidence.

L’arrêté du 8 février 1999 relatif aux conditions d’établissement, de délivrance et de validité du permis de conduire stipule que « lors de l’épreuve pratique [de l’examen du permis de conduire, NDLR], l’examinateur procède à un test de la vue du candidat, destiné à déceler une éventuelle déficience. » Il est aussi prévu qu’« à l’issue de l’examen, le dossier du candidat est renvoyé au préfet avec l’avis de l’examinateur quant à l’aptitude du candidat au point de vue technique. L’examinateur, compte tenu des constatations qu’il a faites au moment de l’examen concernant le port par le candidat d’un dispositif de correction de la vision ou d’un appareil de prothèse, propose au préfet que mention codifiée en soit faite sur le permis comme condition restrictive d’usage.
L’examinateur peut demander au préfet que le candidat subisse un examen médical si, au cours de l’épreuve pratique, il a estimé qu’il semblait présenter une incompatibilité avec la conduite des véhicules automobiles. » Réussir l’épreuve n’est parfois pas suffisant puisque « le certificat d’examen du permis de conduire n’est pas remis au candidat qui a obtenu un résultat satisfaisant, dès lors que l’examinateur estime nécessaire qu’il subisse un examen médical. »

Mention inscrite sur le permis de conduire

Étant donné ces impératifs, pour les autorités compétentes, « en cas de port de lunettes correctrices ou de lentilles de contact, la mention « port de verres correcteurs obligatoire » (lunettes correctrices, lentilles cornéennes ou verres de contact) figure sur le permis ». En effet, l’arrêté du 31 août rappelle dans ses principes que « Tant pour le groupe léger que pour le groupe lourd, le permis de conduire ne doit être ni délivré ni renouvelé au candidat ou conducteur atteint d’une affection, qu’elle soit mentionnée ou non dans la présente liste [celle en annexe de l’arrêté, NDLR], susceptible de constituer ou d’entraîner une incapacité fonctionnelle de nature à compromettre la sécurité routière lors de la conduite d’un véhicule à moteur. La décision de délivrance ou de renouvellement du permis par l’autorité préfectorale est prise suite à l’avis de la commission médicale départementale ou d’un médecin agréé. L’avis adressé au préfet peut contenir, si les conditions l’exigent pour la sécurité routière, des propositions de mentions additionnelles ou restrictives sur le titre de conduite. »
Voir avec des lunettesL’arrêté du 8 février 1999 déjà cité explique, pour sa part, que la demande adressée au préfet à cette occasion par toute personne désirant obtenir le permis de conduire doit comporter une déclaration sur l’honneur indiquant que le candidat n’est pas atteint, à sa connaissance, d’une infirmité d’un ou de plusieurs membres, d’une affection susceptible d’être incompatible avec l’obtention ou le maintien du permis de conduire, ou susceptible de donner lieu à la délivrance d’un permis de conduire de durée de validité limitée. Le candidat tenu de subir un examen médical demande préalablement au préfet un formulaire de certificat médical, sur lequel il appose un timbre fiscal correspondant au montant du droit d’examen médical. S’il a été reconnu physiquement apte, le candidat adresse alors au préfet sa demande accompagnée du dossier réglementaire prévu à cet effet.
Que l’on porte une correction optique ou non, le fait d’être atteint de la perte totale de la vision d’un oeil oblige à subir un examen médical préalable. Les conducteurs frappés d’une affection temporaire ou permanente incompatible avec le maintien du permis de conduire et survenue postérieurement à l’obtention de celui-ci peuvent, quant à eux, être soumis à un examen médical occasionnel.
Selon cet arrêté, les mentions additionnelles ou restrictives doivent normalement être indiquées sur le titre de conduite sous forme codifiée (01 correspondant au code utilisé pour un dispositif de correction et/ou de protection de la vision).

Que risque-t-on en ne portant pas sa correction ?

Cet arrêté rappelle aussi que le code de la route (art. R 412-6) prévoit que « tout conducteur de véhicule doit se tenir constamment en état et en position d’exécuter commodément et sans délai toutes les manœuvres qui lui incombent » ; un article qui précise que le contrevenant peut être puni d’une amende prévue pour les contraventions de la deuxième classe et peut même voir son véhicule immobilisé.
L’article R 221-1 du même code prévoit, quant à lui, que « le fait de conduire un véhicule sans respecter les conditions de validité ou les restrictions d’usage du permis de conduire est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe », contravention qui donne lieu de plein droit à la réduction de trois points du permis de conduire. L’immobilisation du véhicule peut être prescrite et le conducteur en infraction risque, en plus, une suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle ; une interdiction de conduire certains véhicules terrestres à moteur, y compris ceux pour la conduite desquels le permis de conduire n’est pas exigé, pour une durée de trois ans au plus ; l’obligation d’accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière. Mieux vaut donc porter sa correction optique si la mention « port de verres correcteurs obligatoire » ou le code 01 figure sur son permis de conduire. Les huit millions de Français qui prennent le volant avec un défaut visuel non corrigé feraient bien d’y réfléchir à deux fois…

Lentilles de contact et/ou lunettes ?

Si, auparavant, la loi obligeait un conducteur porteur de lentilles de contact à toujours avoir avec lui ses lunettes, les textes ont évolué et ce n’est plus le cas de nos jours, comme cela est expliqué dans l’article intitulé « Législation, conduite automobile et lentilles de contact ». Il s’agit néanmoins d’une recommandation de bon sens qui ne s’applique d’ailleurs pas que dans le domaine de la conduite automobile.

Et après chirurgie réfractive ?

Or myopes, hypermétropes et astigmates savent qu’il est maintenant possible de se faire opérer du défaut visuel qui les gène dans leur vie de tous les jours. Excimer, lasik, femtoseconde, chirurgie du cristallin clair et autres techniques sont connus du public. Rassurés de savoir que des ophtalmologistes et leurs proches se font maintenant opérer sans hésitation, les patients sont chaque jour plus nombreux à se laisser tenter. Vivre sans lunettes est un plaisir que l’on ne saurait bouder. Mais voilà, pour la plupart d’entre eux, figure sur leur permis de conduire la mention « port de verres correcteurs obligatoire ». Une fois opérés, alors qu’ils n’ont plus besoin de leurs lunettes ou de leurs lentilles de contact pour pouvoir conduire sans correction, ils se trouvent dans une situation délicate en cas de contrôle par les forces de l’ordre. Que doivent-ils faire pour éviter d’en arriver là ?

Contrairement à une idée reçue, avoir sur soi un certificat médical indiquant que l’on a été opéré et que le port de la correction n’est plus nécessaire, qu’il ait ou non été rédigé par un ophtalmologiste, même agréé par la préfecture, n’est pas suffisant. Il leur faut faire modifier leur permis de conduire par la préfecture dont ils dépendent pour que la mention relative au port obligatoire de verres correcteurs soit supprimée. Dans un tel cas, c’est à l’autorité préfectorale de prendre la décision sur proposition d’un médecin agréé hors commission (alors que jusqu’au 1er septembre 2012, seule la commission médicale des permis pouvait réaliser cette visite médicale) après examen du conducteur et formulation d’un avis. En pratique, c’est la commission médicale primaire qui est sollicitée par le préfet, comme prévu par l’arrêté du 8 février 1999 déjà cité et par l’arrêté du 7 mars 1973 relatif aux commissions médicales départementales chargées d’apprécier l’aptitude physique des candidats au permis de conduire et des conducteurs. Le demandeur doit subir un examen médical occasionnel à cette occasion.

Le décret nº 2011-1475 du 9 novembre 2011, portant diverses mesures réglementaires de transposition de la directive 2006/126/CE relative au permis de conduire impliquant que les documents attestant de la possession du permis de conduire délivrés à partir du 19 janvier 2013 auront une validité limitée à quinze ans, ne modifie pas les dispositions précédemment citées qui prévaudront à chaque renouvellement.

 

Plus d’informations

Le document réalisé par le centre d’études et de recherches en médecine du trafic et la Prévention routière, avec le soutien de la Fédération française des sociétés d’assurances et du conseil national de l’ordre des médecins : Le médecin et son patient conducteur.

 

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Commentaires (1)

  • Aiglon

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    Selon le code de la route, Pour conduire il faut avoir un total de 5/10 pour l’ensemble des deux yeux, sauf dans le cas ou un œil à une visibilité nulle, l’autre doit avoir au moins 6/10.

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