Le médecin traitant, acteur majeur de l’information du futur donneur d’organes

Écrit par Bertrand Hue le . Dans la rubrique Variations

Il n’y a rien de sentimental dans cette déclaration, simplement une situation due à l’évolution de la loi et du devoir d’information du médecin traitant. Il n’est pas le seul praticien concerné par cette mesure qui concerne les jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans. Cela va-t-il permettre à la France de sortir de la situation de pénurie en matière de dons d’organes dans laquelle elle se trouve ?


Avec 22,2 prélèvements par million d’habitants en 2005, la France n’a jamais connu un résultat aussi élevé1. Entre l’Espagne (35,1) et le Danemark (11,6), notre pays est dans la moyenne avec la Belgique (23,8) ou l’Italie (21). 4426 greffes ont été réalisées en 2006, représentant une augmentation constante depuis ces dernières années. Mais le nombre de patients sur les listes d’attente augmente lui aussi. Cette situation ne doit pas faire oublier que l’an dernier 229 patients ont perdu la vie faute d’avoir obtenu un greffon à temps sur les 12 400 qui en ont eu besoin. Ont été comptabilisées 2572 greffes de rein, 1024 greffes hépatiques, 339 greffes cardiaques, 21 greffes cardio-pulmonaires, 205 greffes pulmonaires et 92 greffes pancréatiques et quelques greffes d’intestin selon le bilan des activités de prélèvements et de greffe en France.

De nombreuses greffes de tissus (comme la cornée, par exemple) ont aussi été réalisées. Les greffes de moelle osseuse ne doivent pas être oubliées, mais elles sont régies par des articles spécifiques du Code de la santé publique.

Information par le médecin traitant

 

C’est dans ce cadre qu’est paru le Décret n° 2006-1620 du 18 décembre 2006 relatif à l’information par les médecins des personnes âgées de seize à vingt-cinq ans sur les modalités de consentement au don d’organes à fins de greffe et modifiant le Code de la santé publique.

Maintenant la loi dispose que :

 Article R1211-50

« Tout médecin traitant qui suit un patient âgé de seize à vingt-cinq ans s’assure, à un moment qu’il juge opportun, de sa connaissance de la possibilité du don d’organes à fins de greffe, ainsi que des modalités de consentement à ce don, prévues par les dispositions du titre Ier et du chapitre II du titre III du livre II de la première partie du présent code.
Le médecin précise au jeune patient les sources d’information disponibles émanant de l’Agence de la biomédecine, notamment l’existence de son site internet2. Il l’invite à accéder lui-même à ce site, et, s’il l’estime souhaitable, lui remet personnellement une version imprimée des pages spécialement éditées par l’agence à destination des jeunes. Il répond, le cas échéant, aux demandes d’information complémentaires. »

Le mot est un peu fort, mais on serait tenté de parler de prosélytisme pour les dons d’organes. Le médecin va devancer la demande du patient. Convaincre les jeunes pour assurer le futur, voilà une nouvelle mission demandée aux praticiens.  Tâche délicate pour un médecin d’évoquer le décès d’un patient qu’il mettra tout son dévouement à soigner. Difficile aussi de donner une idée de ce peut être le moment où un praticien se dirige vers une famille pour lui demander son consentement à prélever alors qu’elle est dans un instant de grande douleur, surtout pour un omnipraticien qui n’a peut-être pas été confronté à cette situation durant sa formation. Sauver ou améliorer la vie de l’un des nôtres n’est pas qu’une émulation médicale. Il ne faut pas oublier que la loi de bioéthique de 2004 a fait du prélèvement et de la greffe d’organe une priorité nationale.

Le rôle de la médecine scolaire

Le médecin traitant, qui n’est pas obligatoirement un spécialiste en médecine générale, ne va pas être le seul à devoir informer, l’article R 1211-51 prévoit :
« Les médecins de l’éducation nationale et les médecins de médecine préventive des établissements d’enseignement supérieur apportent leurs concours à l’action d’information des élèves et des étudiants âgés de seize à vingt-cinq ans sur le don d’organes à fins de greffe et les modalités de consentement à ce don prévues par les dispositions du titre Ier et du chapitre II du titre III du livre II de la première partie du présent code.
Ils mettent en œuvre les modalités d’information prévues au deuxième alinéa de l’article R. 1211-50, vis-à-vis des élèves et étudiants de seize à vingt-cinq ans, dans toute circonstance jugée opportune. »

Les médecins ne sont pas les seuls à relayer l’information puisque tous les assurés (45 millions) qui recevront une carte vitale 2 auront, par la même occasion, une information sur le don d’organes et pourront décider d’y faire figurer leur décision.

Consentement présumé

En France, la loi bioéthique de 2004 retient le principe du consentement présumé fondé sur la solidarité nationale. Les personnes opposées au don conservent la possibilité de s’inscrire sur le registre national des refus. Ils peuvent aussi témoigner de leur refus auprès de leurs proches. Il s’agit d’une décision personnelle. Un sondage, en juin 2006, réalisé par l’Agence de la biomédecine a montré que 82 % des Français se déclarent favorables au don de leurs propres organes, mais que seuls 40 % ont fait part de leur position à leurs proches. En cas de décès, le médecin demandera à la famille si la personne avait exprimé son refus de son vivant. Il est toujours possible de garder sur soi une carte de donneur. Elle n’est pas obligatoire, mais rend les choses plus faciles pour ceux qui souhaitent donner leurs organes. Cette démarche ne dispense pas d’informer ses proches de ce désir. Bien entendu, il est légitime d’avoir le désir inverse. Le registre des refus a été créé pour cela et tout un chacun peut s’y inscrire. Dans un cas, comme dans l’autre, toutes les informations peuvent être trouvées sur le site de l’Agence de biomédecine.

Il ne faut pas confondre donner un ou des organes et donner son corps à la science, choix qui consiste à léguer son corps à la Faculté pour que les étudiants en médecine apprennent l’anatomie. Cela est aussi susceptible de permettre à des équipes de faire de la recherche médicale. Dans ce cas, le corps n’est pas rendu à la famille. La Faculté de médecine de votre région vous donnera les démarches à entreprendre si tel est votre souhait.

Mais il ne faut pas oublier que le donneur n’est pas systématiquement décédé. Le don par une personne vivante (membre de la famille, donneur compatible) est prévu par la loi dans des conditions strictes.

Gratuité et anonymat

En plus du consentement présumé, la loi reconnaît aussi deux autres grands principes : la gratuité et l’anonymat, tant pour le donneur que pour le receveur.

Les textes prévoient l’organisation du système (listes d’attente, répartition des dons, instances de contrôle) et enfin des sanctions pour ceux qui organiseraient des trafics d’organes.

Le Code de la santé publique a beaucoup évolué ces dix dernières années sur le sujet du don d’organes. La société aussi a beaucoup évolué. La médecine a fait de gros progrès et l’on peut penser qu’elle continuera dans cette voie. C’est à chacun de faire un choix et surtout de le faire connaître.

 


1 : Principaux chiffres de l’Agence de biomédecine

2 : www.agence-biomedecine.fr (note de l’auteur)


En complément, nous vous invitons à vous référer à notre article « Les articles de loi concernant les dons d’organes en 2007 »

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