L’archivage du dossier médical au cabinet
Quel que soit l’exercice pratiqué, l’archivage du dossier médical du patient est un problème important, bien souvent négligé.
Sont en cause :
– la qualité des soins ;
– les droits des patients ;
– la responsabilité.
Une mise au point et une réflexion sont nécessaires sur ce sujet souvent mal connu.
Les textes qui régissent actuellement le problème de l’archivage du dossier médical en cabinet privé sont les suivants :
– Code de déontologie (Article 45) ;
– loi du 4 mars 2002 sur les droits du malade et son décret n° 2002-637 du 29 avril 2002 ;
– Code civil et Code pénal.
Est-on obligé de tenir un dossier du patient ?
La réponse est oui.
– Le Code de déontologie y fait référence dans l’article 45.
Indépendamment du dossier de suivi médical prévu par la loi, le médecin doit tenir pour chaque patient une fiche d’observation qui lui est personnelle ; cette fiche est confidentielle et comporte les éléments actualisés, nécessaires aux décisions diagnostiques et thérapeutiques. |
Commentaire de l’ordre des médecins concernant l’article 45 Dossier médical Fiche d’observation |
– La loi du 4 mars 2002 et son décret d’application le légalisent.
Art. L. 1111-7. – Toute personne a accès à l’ensemble des informations concernant sa santé détenues par des professionnels et établissements de santé, qui sont formalisées et ont contribué à l’élaboration et au suivi du diagnostic et du traitement ou d’une action de prévention, ou ont fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels de santé […] |
Que doit contenir le dossier du patient ?
Le dossier médical n’est pas à confondre avec la fiche d’observation définie à la question précédente.
Loi du 4 mars 2002 Art. L. 1111-7. – Toute personne a accès à l’ensemble des informations concernant sa santé […] notamment des résultats d’examen, comptes rendus de consultation, d’intervention, d’exploration ou d’hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en oeuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé, à l’exception des informations mentionnant qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers. |
Il est à noter que la loi est bien plus précise en ce qui concerne ce que doit contenir le dossier du patient pris en charge par un établissement de soins public ou privé. Il est important que le médecin prenne conscience que le dossier constitué au cabinet médical n’est pas équivalent au dossier de la clinique dans laquelle il peut être amené à opérer le patient. Le thème du dossier du patient est trop vaste pour que nous puissions aborder ici tous ses aspects.
A quoi sert ce dossier et selon quelles modalités ?
– Thérapeutique et recherche
Le dossier du patient fait désormais partie de la démarche qualité de soins. En plus de son rôle de recueil des informations utile au traitement et au suivi du patient, le dossier doit pouvoir servir de bases de données permettant d’obtenir des éléments rétrospectifs indispensables à la réalisation de grandes cohortes ou d’études au long terme.
– Judiciaire : se défendre !
Il faut comprendre que le dossier servira au médecin à justifier ses prises de décisions et ses choix thérapeutiques. Avec un nombre croissant de réclamations ou de plaintes à l’encontre des praticiens, avec une évolution législative qui rend frileux les assureurs, il convient d’apporter un soin particulier à la constitution de ce dossier.
Délais de prescription en matière pénale – Crimes : Article 7 Code de Procédure pénale
– Délits : Article 8 du Code de procédure pénale
– Contraventions Délais de prescription en matière civile Délai de recours : trente ans. |
– Droits du patient qui peut y accéder.
Faut-il archiver ce dossier ?
Le dossier médical doit être archivé.
Code de déontologie Article 45 |
Combien de temps le garder ?
Le délai de conservation du dossier est le plus long des trois délais inhérents à son usage.
– Concernant thérapeutique et recherche, ce délai est évidemment variable.
– En matière judiciaire, il est de trente ans.
– Mais il existe un problème concernant les droits du patient: aucun délai n’a été défini ! Ni dans la loi, ni dans les discussions parlementaires et sénatoriales. Elles ont concerné le délai pour accéder aux informations mais aucune limitation dans le temps n’a été fixée.
Comparaison avec les hôpitaux et les cliniques Le règlement de 1968 (arrêté interministériel du 11 mars 1968) précise que les délais d’archivage sont les suivants. Le décret du 31 mars 1992 définit le contenu du dossier médical des patients accueillis dans les établissements de santé publics ou privés et définit les règles de conservation selon le statut de l’établissement (public, privé participant au service public hospitalier, privé ne participant pas au service public hospitalier) |
Le patient peut-il accéder aux dossiers antérieurs au 4 mars 2002 ?
Oui, le patient peut accéder à tous les dossiers existants, en sachant que la tenue de ceux-ci était inscrite dans le code de déontologie.
La question se pose pour les dossiers qui auraient été détruits puisque aucun texte n’a jamais limité leur durée de conservation dans les cabinets privés (rien dans le code de déontologie), à la différence du secteur public.
De plus, la loi du 4 mars 2002 n’est pas rétroactive et un patient ne peut donc pas attaquer un médecin qui lui aurait refusé l’accès direct à son dossier avant son application.
Combien de temps ce droit s’exerce-t-il ?
C’est la question majeure. Et la loi ne la résout pas !
Faut-il s’inspirer des délais pratiqués dans les établissements d’hospitalisation?
Le délai de vingt ans est trop court. Trente ans est le minimum en raison des données juridiques évoquées précédemment.
Mais, encore une fois, aucun texte ne fixe la durée de conservation des informations !
Quelles sont les difficultés d’application de ces délais?
Pour les archives des établissements d’hospitalisation, le délai court à la clôture du dossier (soit la date du document le plus récent) mais, dans ce cas, le délai de 70 ans (pour les maladies chroniques notamment) semble inapproprié.
Mais compter à partir de l’ouverture du dossier serait aussi inapproprié (certains dossiers de vieux de vingt ans ne sont pas clos !)
Que se passe-t-il en cas de cessation d’activité, de cession de clientèle ou d’informatisation du dossier?
Le dossier doit rester accessible, aussi bien au médecin pour soigner ou se défendre, qu’au patient. En cas de cessation d’activité ou de cession de clientèle, les commentaires du Conseil de l’Ordre à l’article 45 du code de déontologie sont les suivants .
Lors de l’arrêt brutal et définitif de l’activité d’un médecin provoqué par la maladie ou la mort, son successeur doit transmettre les dossiers médicaux, ou à défaut les fiches d’observation, aux médecins désignés par les patients qui ne désirent pas être suivis par lui. Dans ce dernier cas, il revient au successeur de ne pas transmettre les éléments trop personnels qui y figureraient. Si le médecin n’a pas de successeur, c’est au conseil départemental d’assurer la transmission des documents demandés par les patients, dans les mêmes conditions que le successeur, et de confier le fichier restant aux archives départementales ou à l’établissement de santé public le plus proche, au terme d’un an par exemple.
Lors de la cession d’un cabinet, la transmission automatique de l’intégralité du fichier au médecin successeur ne peut être acceptée comme une règle. D’une part, parce que la « présentation du successeur à la clientèle » n’empêche nullement les malades de décider du choix d’un autre médecin et de demander en conséquence que leur dossier médical, ou à défaut leur fiche d’observation, lui soit transmis. D’autre part, parce qu’il incombe au médecin d’effectuer un tri dans son fichier et de détruire dans ses notes personnelles, tout ce qui n’a pas besoin d’être transmis, dans l’intérêt des malades, à son successeur.
En cas d’informatisation, les données doivent être accessibles et protégées, qu’elles soient conservées par le médecin ou par un hébergeur extérieur. Cependant, dans certaines conditions, un fichier peut faire preuve (loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique et décret n° 2001-272 du 30 mars 2001 pris pour l’application de l’article 1316-4 du code civil et relatif à la signature électronique).
Et si les dossiers sont détruits ?
Que cette destruction intervienne antérieurement ou postérieurement à la loi du 4 mars 2002, le médecin se doit de prévenir le Conseil de l’Ordre de cet état de fait.
La loi, son décret d’application et le code de déontologie sont muets quant aux éventuelles sanctions qu’encourrait un médecin n’ayant pas fait cette déclaration ou n’étant pas en mesure de fournir un dossier demandé.
L’archivage informatisé
A l’heure où la plupart des praticiens sont informatisés, il est important d’insister sur la notion de sauvegarde des données. Une panne informatique ne pourra vraisemblablement pas justifier la perte de données médicales. La sauvegarde doit se faire régulièrement sur des supports fiables.
D’autres questions se posent aussi : le médecin doit-il, par exemple, transférer les données anciennes archivées sur un support désuet? Qu’en est-il du praticien qui change de logiciel et dont les bases de données de l’ancien programme sont incompatibles avec celles du nouveau? Là encore il s’agit d’un sujet à part entière car sur le plan légal de nombreuses lacunes existent encore dans ce domaine.
Une solution : faire héberger ses données ?
Cet article n’a pas pour but de faire le point sur les moyens, les matériels ou les lieux les plus appropriés à l’archivage du dossier du patient mais il convient tout de même de dire un mot des possibilités offertes par des sociétés de service, spécialisées dans l’archivage des données médicales. Un praticien est autorisé à confier ses informations à de telles sociétés. Ces dernières devront avoir obtenu une certification spécifique à cette activité. Quoiqu’il en soit ceci ne décharge pas le médecin de ses obligations :
Art. 8. – Pour l’application des dispositions mentionnées aux troisième à sixième alinéas de l’article L. 1111-7 du code de la santé publique, les informations de santé qui ont été déposées auprès d’un hébergeur par un professionnel ou un établissement de santé ne peuvent être communiquées par cet hébergeur à la personne qu’elles concernent qu’avec l’accord du professionnel de santé ou de l’établissement qui en a le dépôt. |
L’archivage des dossiers est une affaire sérieuse
Au moment où le patient peut avoir un accès direct à son dossier et où certains rêvent de dossier unique stocké sur une puce ou sur Internet, il serait bon que plus de précisions légales soient apportées quant à l’archivage du dossier médical.
De son côté, le praticien doit comprendre que l’archivage du dossier du patient, en raison de l’évolution de la loi, doit être pris bien plus au sérieux qu’il ne l’était, peut être, jusque-là.
Remerciements à Valérie Poinsotte, Maître de conférence en archivistique à l’université d’Angers, ancienne responsable des archives de l’APHP, pour son aide à la réalisation de cet article.
Tags :cabinet, dossier, responsabilité
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Commentaires (1)
Botnaru Andrei
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Bonjour,
Quel est le delai de la cloture d’un dossier medica? Plus precisement, le delai entre la sortie du patient de la Clinique ou l’Hopital, et l’Archivage du dossier?
J’ai vu un avocat et il m’a conseiller de ne depasser 6 mois pour cloturer les dossiers….
Dans certains situations (secretaire malade, vacances, maladies de medecin, etc.) et certains circonstances ( charges de travail tros elevees, dossier non-disponible dans l’immediat, etc.) on pourrait avoir des delais pour cloturer le dossier ( mise en place des CRO, CRO Anapath, Cotation pour la fiche DIM, etc.)……Quel est le delai prevu par la loi, ou acceptable?
Je vous remercie de votre opinion ou la reponse,
Dr Botnaru Andrei
abotnar@yahoo.fr
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