Mandat de protection future : le rôle particulier du médecin

Écrit par Éléonore Fréneau le . Dans la rubrique La forme

Figure juridique nouvelle introduite par la loi nº 2007-308 du 5 mars 2007, le mandat de protection future émane d’une volonté législative libérale qui tend à développer le droit volontaire.

La loi du 5 mars 2007 ne donne pas de définition précise du mandat de protection future mais il est généralement défini comme un mandat de représentation d’une personne physique, lorsque celle-ci, hors d’état de manifester sa volonté, ne peut plus pourvoir seule à ses intérêts.
Il s’agit d’un mode volontaire de protection, le mandat doit être une traduction fidèle, précise et complète de la volonté de la personne.

La personne représentée

Le mandat de protection futureD’une manière générale, l’article 477 du code civil dispose que toute personne majeure ou mineure émancipée ne faisant pas l’objet d’une mesure de tutelle peut charger une ou plusieurs personnes, par un même mandat, de la représenter pour le cas où, pour l’une des causes prévues à l’article 425 du code civil (altération des facultés soit mentales, soit corporelles empêchant l’expression de la volonté), elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts.

Dans l’esprit du législateur, le mandat de protection future est donc d’abord conçu pour soi-même. Cependant, il a envisagé la possibilité d’un mandat pour autrui. Il s’agit de l’hypothèse de parents, ne faisant pas l’objet d’une mesure de tutelle ou de curatelle, titulaires de l’autorité parentale sur leur enfant mineur handicapé qui souhaitent organiser l’avenir de celui-ci après leur décès. Pour ce faire, les parents doivent avoir la charge matérielle et affective de l’enfant. Cette condition pourra s’avérer difficile à apprécier en pratique, d’autant que rien n’a été prévu par le législateur sur ce point.

Le mandataire

En vertu de l’article 480 du code civil, le mandataire peut être une personne physique ou une personne morale inscrite sur la liste des mandataires judiciaires à la protection de majeurs, tenue par le préfet du département.
Cette personne doit elle-même, être capable.

L’objet du mandat

Le mandat de protection future peut recevoir un double objet, alternatif ou cumulatif.

La protection patrimoniale

Mise en avant par le législateur en 2007, la protection patrimoniale doit s’entendre comme une véritable alternative à une mesure légale de protection telles la tutelle ou la curatelle.

Les pouvoirs du mandataire dépendent de la forme donnée au mandat :

— S’il s’agit d’un mandat sous seing privé, la protection ne peut porter que sur les actes d’administration nécessaires à la gestion du patrimoine de la personne, c’est-à-dire aux actes qu’un tuteur peut accomplir sans autorisation du juge des tutelles, comme la conclusion, le renouvellement ou la résiliation d’un bail, par exemple ;

— S’il s’agit d’un mandat conclu par acte notarié, le mandat inclut tous les actes patrimoniaux que le tuteur a le pouvoir d’accomplir seul ou avec une autorisation (actes d’administration et de disposition), comme l’ouverture de tout nouveau compte ou livret au nom de la personne protégée, par exemple.

La protection personnelle

Aux termes de l’article 459 du code civil et toujours dans un esprit d’autonomie de la volonté, la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le lui permet.
Lorsque le mandat s’étend à la protection de la personne, les droits et obligations du mandataire sont définis par les articles 457-1 à 459-2 du code civil.
Le mandataire ne pourra consentir aux actes qui impliquent un consentement strictement personnel de la personne protégée telle la déclaration de naissance d’un enfant (liste des actes à l’article 458 du code civil).

Conditions de forme

Exception faite du mandat conclu par des parents pour leur enfant mineur ou majeur handicapé qui est nécessairement notarié, le principe est la liberté de choix entre les deux formes possibles.

Le mandat sous seing privé

Il doit être daté et signé de la main du mandant. Le mandataire doit l’accepter en y apposant sa signature.
Le mandat de protection future doit, soit être contresigné par un avocat, soit respecter le modèle défini par le décret nº 2007-1702 du 30 novembre 2007.

Le mandat notarié

Le législateur a visiblement favorisé cette forme de mandat en lui accordant de plus larges effets. Le mandant et le mandataire comparaissent devant le notaire, qui vérifie l’identité, la capacité et le consentement des intéressés. Après avoir donné les explications nécessaires, le notaire signe l’acte et engage par sa signature sa responsabilité professionnelle. L’acte notarié donne force probante au contenu du mandat qui vaut jusqu’à inscription en faux. Le mandat est, en conséquence, doté de la force exécutoire.

La mise en œuvre du mandat

Inaptitude du mandant

L’inaptitude est une condition essentielle à la mise en œuvre du mandat. Cette exigence est la même que pour l’ouverture d’une tutelle, à savoir une altération, médicalement constatée, soit des facultés mentales, soit des facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de la volonté.

La procédure

Le mandataire doit produire au greffe du tribunal d’instance le mandat et le certificat médical émanant d’un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République établissant que le mandant se trouve dans l’une des situations précédemment décrites.Procédure, mandataire et mandant
Le greffier vise le mandat, date sa prise d’effet, puis le restitue au mandataire.

Tout intéressé peut saisir le juge des tutelles aux fins de contester la mise en œuvre du mandat de protection future ou de voir statuer sur ses conditions d’exécution.

L’omnipotence du médecin

On remarquera que le certificat médical délivré par le médecin choisi est l’élément déclencheur de la mise en œuvre du mandat. Ce rôle est extrêmement important eu égard à celui réservé par le législateur au juge des tutelles, qui ne pourra être saisi du mandat qu’a posteriori. À ce titre, les notaires avaient suggéré une homologation préalable du mandat par le juge des tutelles.
La principale difficulté va résider, pour le médecin, dans l’étendue de l’inaptitude à constater. En effet, dans certains cas, le médecin devra faire deux constats, le premier sur l’inaptitude patrimoniale et le second sur l’incapacité personnelle. L’inaptitude patrimoniale n’entrainant pas nécessairement d’inaptitude personnelle, est-ce au médecin spécialiste de graduer l’incapacité personnelle ?
Il aurait pu être intéressant que le législateur se prononce sur ce point… Si l’on veut mettre en œuvre le mandat de protection future également sur le plan personnel, il y aura donc lieu de solliciter le médecin de famille de la personne, lequel sera chargé de graduer l’incapacité du mandant.

Les effets du mandat de protection future

Obligations du mandant

La renonciation au mandat, en dehors de toute faute du mandataire et avant la prise d’effet du mandat ne pose pas de difficultés. En raison du parallélisme des formes, la renonciation devra se faire dans les mêmes formes que le mandat. Celle-ci devra être notifiée au mandataire et au notaire qui a reçu le mandat de protection future.

La révocation du mandat en cours d’exécution est impossible puisque, par hypothèse, la personne protégée n’est plus apte à exprimer sa volonté. La seule possibilité est la révocation judiciaire, mais à la condition que le mandataire ait commis une faute dans l’exécution de son mandat.

La dernière hypothèse correspond à un retour des facultés intellectuelles de la personne protégée, ce qui permettrait de légitimer la révocation.

Obligations du mandataire

En début de mandat, le mandataire devra procéder à l’inventaire des biens de la personne protégée. Il s’agit d’établir un bilan de la situation patrimoniale, professionnelle, sociale et économique de l’intéressé.
Conformément aux autres mesures de protection, le mandataire devra établir annuellement le compte de sa gestion.
Le législateur est resté muet sur les modalités de reddition des comptes en fonction des formes du mandat de protection future.

Par cette nouvelle mesure, les notaires et les médecins bénéficient de la déjudiciarisation du droit des personnes et de la famille et renforcent cette notion de « magistrature familiale ».

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Commentaires (8)

  • Suzie

    |

    Bonjour,
    Je suis la mandante. J’ai déjà obtenu le certificat médical d’un médecin expert, mais celui-ci a indiqué « Demande de curatelle » dans l’intitulé du certificat, en titre du document…
    En conséquence, j’ai préféré ne pas déposer ce certificat avec mon mandat au greffe du Tribunal car j’ai trouvé abusif de la part de l’expert d’avoir suggéré une curatelle… Pourtant, l’expert avait bien sous les yeux mon mandat, en plus des documents demandés.
    J’ai considéré qu’il y aurait vraiment ambiguïté et que le risque était que le Tribunal traite la demande comme une réelle demande de curatelle (et annule de ce fait le mandat).
    Mais, à ce jour, il devient de plus en plus urgent que mon père soit protégé… et ce certificat date maintenant de plus de 2 mois…!
    Merci de me remettre sur la bonne voie en me conseillant sur ce que je dois faire. Ma demande est urgente.
    Un grand merci.

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  • Suzie

    |

    Bonjour,
    J’ai posté un peu vite mon commentaire… et j’ai fait une faute que je dois corriger :
    Je ne suis pas la mandante, mais la mandataire.
    Mes excuses.

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  • opale

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    bonjour, j’ai une question: j’ai eu un accident du travail a lille,je vivais sur lieux de travail ( logement de fonction), j’ai du partir sur marseille car j’etais originaire de cette ville, car l’employeur ne souhaitez pas que je reste labas, je suis resté 1 an arret, jai une consolidation avec sequelle, je contact mon employeur qui me refuse l’acces de l’entreprise et logement de fonction, et j’ai contacté le medecin du travail qui etais inscrit sur la declaration d’accident, et ce service me dit que l’entreprise n’est pas rattaché chez eux( aucune existence dans leur fichier), et n’a aucune information a mon nom, bref je n’existe nulle part, je dois pourtant avoir la visite du medecin du travail, est ce que je peux la faire sur marseille car a lille je n’existe pas, comment je fais et qui je dois contacter, car mon employeur na jamais eu a faire a la medecine du travail et aucun employé aussi.merci de votre aide

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  • valou

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    Bonjour

    Depuis quelques temps mon employeur a un comportement bizare. Je suis la seule à avoir eu un entretien annuel pendant lequel il m’a accusé en autre d’être responsable du départ des 3 anciens collaborateurs comme punition il m’a divisé ma prime annuel par 3 (alors que le CA de mon service a augmenté. Il m’a dit que peut être il me donnerait un complément si je me comportais bien. Dernierement il m’a interdit de garer ma voiture à l’intérieur. Il m’a reproché aussi d’avoir pris mes jours de congés lors du DC de ma tante (prévue par la convention)car j’avais était malade pendant une semaine le mois d’avant.

    Je ne sais plus trop koi faire, lorsque c’est pas les reproches il m’ignore, j’en ai marre, je veux mourir

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