Du serment d’Hippocrate au serment médical

Écrit par Bertrand Hue le . Dans la rubrique La forme

Il y a bien des années que les médecins ne prêtent plus le serment d’Hippocrate contrairement à une idée reçue. Le « serment médical », mettant en avant un caractère plus social et humaniste qu’un intérêt pour les soins, l’a remplacé.

Voici le serment d’Hippocrate d’après la traduction faite par Littré, que l’on peut trouver sur le site du centre hospitalier universitaire de Rouen :

 « Je jure par Apollon médecin, par Esculape, Hygie et Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses, et je les prends à témoin que, dans la mesure de mes forces et de mes connaissances, je respecterai le serment et l’engagement écrit suivant :
Mon Maître en médecine, je le mettrai au même rang que mes parents. Je partagerai mon avoir avec lui, et s’il le faut je pourvoirai à ses besoins. Je considérerai ses enfants comme mes frères et s’ils veulent étudier la médecine, je la leur enseignerai sans salaire ni engagement. Je transmettrai les préceptes, les explications et les autre parties de l’enseignement à mes enfants, à ceux de mon Maître, aux élèves inscrits et ayant prêtés serment suivant la loi médicale, mais à nul autre.
Dans toute la mesure de mes forces et de mes connaissances, je conseillerai aux malades le régime de vie capable de les soulager et j’écarterai d’eux tout ce qui peut leur être contraire ou nuisible. Jamais je ne remettrai du poison, même si on me le demande, et je ne conseillerai pas d’y recourir. Je ne remettrai pas d’ovules abortifs aux femmes.
Je passerai ma vie et j’exercerai mon art dans la pureté et le respect des lois Je ne taillerai pas les calculeux, mais laisserai cette opération aux praticiens qui s’en occupent. Dans toute maison où je serai appelé, je n’entrerai que pour le bien des malades. Je m’interdirai d’être volontairement une cause de tort ou de corruption, ainsi que tout entreprise voluptueuse à l’égard des femmes ou des hommes, libres ou esclaves. Tout ce que je verrai ou entendrai autour de moi, dans l’exercice de mon art ou hors de mon ministère, et qui ne devra pas être divulgué, je le tairai et le considérerai comme un secret.
Si je respecte mon serment sans jamais l’enfreindre, puissè-je jouir de la vie et de ma profession, et être honoré à jamais parmi les hommes. Mais si je viole et deviens parjure, qu’un sort contraire m’arrive ! « 

Aucune allusion à un volet social dans ce serment initial. Les conditions d’exercice à l’époque étaient, en effet, bien différentes : des médecins libres soignaient les patients libres et des médecins esclaves pour les patients esclaves comme on peut le lire dans les commentaires du code de déontologie sur le site du conseil de l’Ordre des médecins.

Ce texte est à comparer au « serment médical » :

 « Au moment d’être admis(e) à exercer la médecine, je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité.

Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux.

Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité.

J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences.

Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire.

Admis(e) dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés. Reçu(e) à l’intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les moeurs.

Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément.

Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission. Je n’entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me seront demandés.

J’apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu’à leurs familles dans l’adversité.

Que les hommes et mes confrères m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ; que je sois déshonoré(e) et méprisé(e) si j’y manque ».

Il est intéressant de noter l’évolution entre ces deux serments. Pourquoi cette dérive entre l’intérêt pour les soins et leur pratique et l’intérêt pour le volet social et humaniste.

Qu’en sera-t-il dans quelques années ? Quel serment devra prêter le médecin ? Tout dépendra sans doute de la politique qui prévaudra à ce moment et des jurisprudences qui auront marqué le droit médical d’ici là.

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Commentaires (15)

  • kakoun

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    le 2eme est nettement mieux que le 1er que ma maman (non docteur)avait chez elle

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  • Jean-elie_d'Ignis

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    Bonjour,

    Il suffit donc qu’une loi autorise l’avortement pour que soudain une nouvelle traduction arrive. La phrase :
     » Jamais je ne remettrai du poison, même si on me le demande, et je ne conseillerai pas d’y recourir. Je ne remettrai pas d’ovules abortifs aux femmes. »
    est traduite par le vague « Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. »…

    Il suffit de s’entendre sur « mort » et tout devient possible…

    Hypocrate, ferme les yeux sur notre génération fausse et hypocrite…

    😀

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  • francoise.hereng

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    non hypocrate le monde a changé, les hommes aussi, et les lois, je rappelle a jean elie que certains medecins sous couvert de leur propre religion et se cachant derriere hypocrate refuse les ivg, et qu’aujourdhui il y a le conseil de l’ordre dieu merci pour le leur rappeller la nouvelle loi
    >:(

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  • mathilde

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    Notre génération n’est pas forcément fausse et hypocrite comme tu le dit Jean Elie d’ignis …et ton jeu de mot est un peu facile … Il y a eu évolution, les droits des hommes et des femmes ne sont plus les mêmes, et évidemment la question de l’avortement est épineuse , mais heureusement qu’il est légalisé et pratiqué par des médecins !

    Tu sais ce qu’elles faisaient avant la pilule abortive ? Elles arrivaient à mettre du verre pilé dans le vagin , ou des branches de persil frotté à l’alcool. Sans parler des poudres que leur faisaient avaler des charlatans … Merci Simone Veil donc…

    Et puis le problème du serment d’Hippocrate , c’est l’euthanasie…
    Faire souffrir un humain parce qu’on croit toujours aux miracles au XXI , je trouve ça dégradant …
    Alors il faut vivre dans son siècle , pas dans l’antiquité ! Quoi que les hyppocrites disent .

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  • Amélie

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    en réponse à Mathilde, tu parle de l’évolution des droits de l’homme et de la femme, mais tu penses à ceux de l’enfant? qui jusqu’à preuve du contraire est un être humain dès sa conception (trouve moi un seul article dans une revue médicale où un médecin affirme le contraire !)
    et aux droits des femmes de garder leur enfant malgré la pression de leur conjoint/ parents et entourage ?
    et des droits du père qui voudrait peut être de cet enfant ?
    c’est « facile » de se débarrasser du « problème », mais ne faudrait-il pas mieux accompagner les femmes qui sont confrontées à un choix aussi cornélien et inhumain ?
    Les médecins que sont généralement (et heureusement !) animés par un souhait de défendre la vie coûte que coûte, même celle des plus petits (cf opérations in utero), et c’est bien dommage qu’on en soit réduit à faire une loi qui ne défend même pas les plus fragiles (enfants et femmes).

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  • Nimrauko

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    A Amelie : Oui, et les femmes qui veulent avorter elles-mêmes malgré la pression de leurs familles/la société ?
    Et jusqu’à preuve du contraire, jusqu’au 3è mois (moment où l’avortement n’est plus possible, je le rappelle) un embryon humain et un embryon de rat ne sont pas particulièrement différents (évolution, tout ça …). D’autant plus qu’il y a énormément d’avortements on ne peut plus naturels, sans même qu’on s’en rende compte, quand l’embryon n’est qu’un amas de cellules indifférenciées. Ah mais oui, c’est vrai, c’est un être humain, donc homicide involontaire c’est ça ?

    Pour ce qui est des droits du père, je suis d’accord que c’est une décision qui ne peut pas se prendre seule dans un cas comme ça. Mais selon moi, la mère (?) doit avoir le dernier mot, parce qu’au bout du coup c’est elle qui en supporte le plus les conséquences, et c’est sur sa santé à elle que cela peut avoir un impact. Ah oui encore, les interruptions thérapeutique de grossesse c’est mal aussi, parce qu’elles provoquent la mort d’un embryon ou d’un foetus ? Ok, d’accord. Mais si la mère meurt des complications, ça fait deux morts sur la conscience. Mais c’est tellement mieux.

    Quand je serais médecin, si une femme souhaite se faire avorter, je serais ravie de l’accompagner, de l’aider à passer ce moment difficile, de la conseiller, de la guider vers un médecin compétent dans ce domaine. Pour éviter qu’elle ne commette une erreur par elle-même, parce que moi, c’est ça qui me ferait culpabiliser.

    (Et au passage, jolie preuve de sexisme : les plus fragiles = femmes).

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  • mli

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    « la mère (?) doit avoir le dernier mot, parce qu’au bout du coup c’est elle qui en supporte le plus les conséquences »
    Ah bon, l’enfant survit. Je suis rassuré.

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  • Raplok

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    Bonjour à tous,
    J’ai lu vos commentaires et j’en conclu que vous avez tous raison et tous tord. En effet, la loi autorise les interruptions de grosses dans une certeine limite de temps alors que la morale (souvent religieuse) le proscrit. Résultat, certains sont pour d’autres contre. C’est peut être en raison de l’individualisme social régnant en occident qui provoque les divergences de morales. La loi protège l’être humain dès le commencement de la vie (art 16 et suivants du Code civil) mais où commence la vie ? Conception, naissance,naissance viable??? les opinions divergent sur la question. En effet, le problème est qu’un embryon ou un foetus ne peu vivre s’il n’est au sein de sa mere… Bref, c’est une question de morale avant tout.
    Quant aux plus faibles ou encore l’égalité, c’est une toute autre question. Je prépare un doctorat en droit, et j’ai pu participer à une conférence sur la question. Mon intervention portait sur l’égalité homme-femme en droit des personnes et de la famille. Croyez moi ou non, mais l’égalité est impossible sur la question de la grosse/avortement car la femme est libre de disposer de son corps, n’en déplaise à certains. Aux USA les hommes tentent de passer des convention de non procréation. Ainsi si la femme est enceinte et garde l’enfant, le pere peut le renier en raison de la convention… Bref passons!
    Pour en revenir au sujet de cette page, serment médical, je suis un peu déçu quu’aucune passion ne se soit élevé sur les questions d’argent. Cette phrase m’a interpellé : « Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire.
    Et pourtant, les dépassement d’honoraires n’ont jamais été si élevés, la médecine devient à double vitesse. Certains crachent sur le gouvernement pour garantir l’égal accès aux soins, mais trop peu s’émeuvent des tarifs pratiqués par certains praticien en raison de leur réputation. Jusqu’a 200% de dépassement d’honoraire par raport au tarif sécu… Chacun pensera ce qu’il en veut, mais je trouve qu’il y a là un petit antagonisme entre le serment et la réalité….

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  • abir bibou

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    pouvez vous me donner une comparaison entre l ancien et le nouveau serment d hippocrate merci:)

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  • Pagette

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    depuis bientôt 4 années, à la suite d’une pose de prothèse inversée de l’épaule, je souffre d’un écoulement toujours pas résolu, continue qui m’oblige à avoir des pansements refaits plusieurs fois par jour….après 2 lavages profonds, donc 2 anesthésies générales complémentaires, l’on a décidé qu’il valait mieux changer cette prothèse, tout devait rentrer dans l’ordre…. chose faite le 30/06/2010, nouvelle anesthésie, prothèse plus grosse, moins de mobilité et ennuis les mêmes qu’avant mais en plus forts avec saignements en plus beaucoup de médicaments ne sont plus remboursés….mon médecin traitant a baissé les bras!!!! je devais aller voir un spécialiste à Garches 94, mais la SS m’a refusé le transport, me disant que je devais me faire soigner plus près de chez moi en l’occurence POITIERS. Il a été prévu de me faire « sauter » purement et simplement la prothèse sans possibilité d’en remettre une.
    Donc j’ai dû m’incliner je suis allée passer visite etc… mais le chirurgien doit auparavent regarder ce qu’il y a sous cette prothèse, ouvrir faire des prélèvements et me mettre sous antibiothérapie lourde pour attendre le résultat 15 jours….cette exploration a lieu mercredi 09/03/2011 encore des frais et une nouvelle anesthésie Gale. Donc il se trouve que l’on trouve bizarre que je puisses en avoir ma claque ??? qu’en pensez-vous ???8)

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  • anonyme

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    Un médecin peut il vraiment choisir absolument tous les patients qu’il souhaite? (a par en cas d’urgence bien entendu)
    peut on dire à un patient « je vous prie de prendre rdv chez tel confrère » ou « désolé je n’ai pas de place pour placer votre rdv » pour des raisons personnelles?
    Je vous remercie d’avance

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  • Calystene

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    En fait d’hypocrisie (ou d’ignorance de ce dont ils parlent, c’est au choix), les anti-avortement se gardent bien de relever qu’Hypocrate interdit une [b]méthode[/b] d’avortement, pas l’avortement en général.

    Parmi les nombreuses méthodes abortives de l’époque, l’une des plus dangereuses consistait à introduire un tampon enduit de produits corrosifs/irritannts causant le plus souvent mort ou stérilité, mais il en existait bien d’autre que le serment n’interdit pas.

    Il faut aussi rappeler qu’à l’époque un enfant « de trop » pouvait tout simplement être abandonné dans la nature pour mourir de faim/soif/froid, et que l’avortement était parfois considéré comme préférable (rarement, car on préférait souvent laisser l’enfant naitre et le tuer après sa naissance pour ne pas courir le risque de stérilité ou mort de la mère, à une époque ou une femme valait surtout par sa capacité à enfanter)…

    Sachant tout cela l’appel à l’autorité de la médecine Hypocratique est assez savoureuse dans la bouche d’un « défenseur de la vie » (Si on résume : hypocrate interdit l’introduction de produits corrosifs dans le vagin, mais pas l’usage de toxines ingérées par voie orale ou de moyens mécaniques, il n’a également rien contre le fait de tuer le bébé après l’accouchement, s’il est jugé « de trop »)…

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  • ???

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    Mon médecin traitant peut il arretait mon accident de travail par ordre (ou avis) du médecin conseille pour me mètre en maladie ??? On sachant que tous mes handicaps n’on pas été reconnus. >:( !!!

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  • hadi

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    dans ma jeunesse il y avais la bougie ou l’aiguille a tricoté.bonjour les dégâts!

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  • Karowlyne

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    D’après l’article 16 du Code Civil, la loi garantit le respect de l’être humain dès le début de sa vie. Or, un enfant doté d’une personnalité juridique est un enfant né viable et vivant. La CEDH (convention européenne des droits de l’homme) accepte néanmoins les différents avis et laisse aux Etats le choix de choisir quand un enfant peut être qualifié d’être humain.
    [b]Mais dans notre droit français, c’est au moment où l’enfant né viable et vivant[/b] qu’il peut être considéré comme un être humain. Ce pourquoi une femme qui avorte ne commet pas de crime et que quelqu’un encourant la mort d’un embryon/foetus ne peut être poursuivi pour homicide. Car le droit français juge qu’on ne peut pas savoir si l’enfant va naître vivant et viable ou mort-né avant sa naissance.

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