Le médecin ou l’infirmier réquisitionné est-il obligé de vacciner ?

Écrit par Jean-Pierre Sellem le . Dans la rubrique La forme

Après avoir parlé de volontariat des professionnels de santé pour participer à la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1) et de la réquisition afin de simplifier les conditions assurantielles, nombreux sont les médecins et les infirmiers qui commencent à comprendre que ces mesures servent maintenant à les contraindre à vacciner la population, alors même qu’ils ne veulent pas se faire vacciner eux-mêmes. Le volontariat n’est plus de mise et l’autorité publique est appelée à la rescousse de mesures gouvernementales discutées. Si le médecin est tenu de déférer aux réquisitions de l’autorité publique sous peine d’amende, le professionnel de santé est-il obligé de vacciner pour autant ?

Face à une menace sanitaire grave, des mesures d’urgence peuvent être prises. Parmi celles-ci figure la réquisition par le représentant de l’État dans un département, comme peut l’être un préfet. C’est l’article L 3131-8 du code de la santé publique qui s’applique en un tel cas :

Si l’afflux de patients ou de victimes où la situation sanitaire le justifient, le représentant de l’État dans le département peut procéder aux réquisitions nécessaires de tous biens et services, et notamment requérir le service de tout professionnel de santé, quel que soit son mode d’exercice, et de tout établissement de santé ou établissement médico-social dans le cadre d’un dispositif dénommé plan blanc élargi. Il informe sans délai le directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation, le service d’aide médicale urgente et les services d’urgences territorialement compétents et les représentants des collectivités territoriales concernées du déclenchement de ce plan.
Ces réquisitions peuvent être individuelles ou collectives. Elles sont prononcées par un arrêté motivé qui fixe la nature des prestations requises, la durée de la mesure de réquisition ainsi que les modalités de son application. Le représentant de l’État dans le département peut faire exécuter d’office les mesures prescrites par cet arrêté.
L’indemnisation des personnes requises et des dommages causés dans le cadre de la réquisition est fixée dans les conditions prévues par le chapitre IV du titre III du livre II de la deuxième partie du code de la défense. Cependant, la rétribution par l’État de la personne requise ne peut se cumuler avec une rétribution par une autre personne physique ou morale.
Les personnes physiques dont le service est requis en application du premier alinéa bénéficient des dispositions de l’article L 3133-6.
En cas d’inexécution volontaire par la personne requise des obligations qui lui incombent en application de l’arrêté édicté par le représentant de l’État, le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il délègue peut, sur demande de l’autorité requérante, prononcer une astreinte dans les conditions prévues aux articles L 911-6 à L 911-8 du code de justice administrative.

Réquisition pour menace sanitaire grave

C’est sur ce texte que reposent les réquisitions reçues actuellement par les professionnels de santé pour les contraindre à se rendre dans les centres de vaccination. Ces mesures sont prises en applications de l’article L 3131-1 du code de la santé publique qui prévoit que :

En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d’urgence, notamment en cas de menace d’épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l’intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population.
Le ministre peut habiliter le représentant de l’État territorialement compétent à prendre toutes les mesures d’application de ces dispositions, y compris des mesures individuelles. Ces dernières mesures font immédiatement l’objet d’une information du procureur de la République.
Le représentant de l’État dans le département et les personnes placées sous son autorité sont tenus de préserver la confidentialité des données recueillies à l’égard des tiers.
Le représentant de l’État rend compte au ministre chargé de la santé des actions entreprises et des résultats obtenus en application du présent article.

Risque d'effets indésirables et obligation de vaccinationLe code de la santé publique prévoit aussi dans son article L 3131-3 du code de la santé publique que :

Nonobstant les dispositions de l’article L 1142-1, les professionnels de santé ne peuvent être tenus pour responsables des dommages résultant de la prescription ou de l’administration d’un médicament en dehors des indications thérapeutiques ou des conditions normales d’utilisation prévues par son autorisation de mise sur le marché ou son autorisation temporaire d’utilisation, ou bien d’un médicament ne faisant l’objet d’aucune de ces autorisations, lorsque leur intervention était rendue nécessaire par l’existence d’une menace sanitaire grave et que la prescription ou l’administration du médicament a été recommandée ou exigée par le ministre chargé de la santé en application des dispositions de l’article L 3131-1.
Le fabricant d’un médicament ne peut davantage être tenu pour responsable des dommages résultant de l’utilisation d’un médicament en dehors des indications thérapeutiques ou des conditions normales d’utilisation prévues par son autorisation de mise sur le marché ou son autorisation temporaire d’utilisation, ou bien de celle d’un médicament ne faisant l’objet d’aucune de ces autorisations, lorsque cette utilisation a été recommandée ou exigée par le ministre chargé de la santé en application de l’article L 3131-1. Il en va de même pour le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché, de l’autorisation temporaire d’utilisation ou de l’autorisation d’importation du médicament en cause. Les dispositions du présent alinéa ne les exonèrent pas de l’engagement de leur responsabilité dans les conditions de droit commun en raison de la fabrication ou de la mise sur le marché du médicament.

Comme on peut le voir, le médecin ou l’infirmier réquisitionné ne verra donc pas sa responsabilité engagée si des effets indésirables graves surviennent suite à l’injection d’un vaccin contre la grippe A(H1N1) et c’est l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) qu’il reviendra d’assurer la réparation intégrale des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales imputables à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées en application de mesures prises (art. L 3131-4 du code de la santé publique). Mais la vaccination contre la grippe A(H1N1) n’est pas qu’une question de responsabilité, c’est aussi une question d’éthique.

Se limiter à la mission de la réquisition

Même si l’ordre des médecins a fait de ce geste un devoir déontologique, l’ordre des infirmiers ne s’étant pas à notre connaissance prononcé, le premier devoir d’un praticien est de ne pas nuire aux patients. Il s’agit de l’un des fondements de l’exercice médical, mais il est évident que n’importe quel professionnel de santé se doit de respecter un tel principe. Un autre élément est que l’indépendance professionnelle du médecin doit agir être respectée, afin justement qu’il ne se voit pas contraint d’effectuer des actes susceptibles de nuire aux personnes qui lui font confiance. Or, c’est actuellement ce que l’on tente d’obliger à faire les professionnels de santé réquisitionnés.
La pharmacovigilance a été mise en place et les premiers résultats montrent, d’après les autorités de santé, quatre cas graves d’effets indésirables pour 100 000 personnes vaccinées, mais ce dispositif manque de recul. Ce n’est pas un hasard si les procédures d’autorisation de mise sur le marché d’un vaccin sont habituellement longues et demandent de nombreux essais s’étalant sur de longues durées.

Seul le médecin est tenu de déférer à une réquisition de l’autorité publique sous peine d’une amende de 3 750 euros (art. L 4163-7 du code de la santé publique), mais si une réquisition peut imposer à un professionnel de santé de se rendre dans un centre de vaccination pour y travailler, l’autorité publique ne peut contraindre un médecin à prescrire un produit qu’il estime faire courir un risque grave à un patient. Si ce produit n’est pas prescrit, un infirmier ne peut l’injecter. Dans un cas, comme dans l’autre, le médecin ou l’infirmier ne sont tenus de répondre qu’à la mission et rien qu’à la mission prévue dans la réquisition. Si le médecin ou l’infirmier fait un geste en dehors de cette mission, il réengage sa propre responsabilité professionnelle.
Malgré les réquisitions, les professionnels de santé n’ont pas l’obligation de se faire eux-mêmes vacciner. Ils sont aussi tenus à leur obligation d’information envers le patient et le discours tenu par les professionnels doit être loyal. S’il doit dire au patient que les autorités de santé françaises recommandent la vaccination, rien ne lui interdit d’expliquer que les autorités de santé d’un autre pays européen, la Pologne en l’occurrence, ont tout simplement refusé d’acheter ces mêmes vaccins en l’état actuel des connaissances scientifiques. Le professionnel de santé se doit aussi d’informer le patient que la forme actuelle du virus de la grippe A(H1N1) a un taux de mortalité plus faible que celui de la grippe saisonnière, malgré les discours alarmistes du ministre de la santé dans les médias et le spectre d’une mutation de l’agent viral qui arrive à point nommé. Les médecins étant souvent uniquement réquisitionnés pour réaliser l’entretien avant vaccination, ils ont là une occasion unique d’expliquer aux patients les intérêts en jeu…

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Commentaires (8)

  • DEBITUS

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    personnelement j’ai reçu une admonestation très forte car j’ai refusé de faire vacciner trois personnes (02 allergiques et un sous métothrexate) et des enfants de moins de 10 ans avec le vacin avec adjuvant; Nous sommes tous soumis à des pressions très fortes de la part des chefs de centre et de la DDASS avec menaces au nom de la réquisition et du devoir de réserve. un seul mot d’ordre vaccinez! Je ne parle pas des boulversements des emplois du temps prévenu le mardi à 10h30 par deux policiers (qui ne voullaient pas que je marque l’heure de la reception de la réquisition) j’ai du me présenter l’après midi même à 15h00 sous peine de menace et d’amende. Même s’il y a urgences (?) il y a des limittes… Bien à vous tous

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  • stefany

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    bonjour,
    merci pour cet article qui éclaire un peu ma lanterne! mais la loi est elle la même pour les étudiants infirmiers et medecins? l’obligation et les consequences du refus de vaccination sont identiques à celles des professionnels?
    je ne trouve pas d’article de loi concernant les réquisitions d’étudiants.
    Merci,
    une etudiante infirmière en 3ème année prochainement réquisitionnée!!

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  • Berry

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    Je me demandais la même chose que Stefany.

    Une amie à moi (élève infirmière également) a été réquisitionnée pour ce dimanche. Est-ce légal?

    En tant qu’étudiante elle ne travaille normalement jamais le dimanche. De plus, j’ai lu qu’il n’y avait aucune compensation financière lorsque l’on est réquisitionné (même un dimanche?!).

    Merci beaucoup de votre aide.

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  • antoine

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    les réquisitions sont décomptées des heures de stage, sinon, si vous êtes dans une période de cours, ca fait sauter les cours, en ce qui me concerne, mon école est « fermée » car toutes les formatrices sont réquisitionnées… mais on est pas indemnisé de quoi que ce soit, ça serai trop beau… et le dimanche c’est interdit pour personne, ni élève, ni professionnel, c’est malheureusement le principe de la réquisition….

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  • antirékiz

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    -Vous étes réquisitionnés !, qu’est ce qui vous dérrange le plus ?, de l’etre ou d’etre conscient de participer(malgrés votre non consentement) a une autre sorte de crime contre l’humanitée ?

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  • Fred

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    Je ne veux pas injecter cette saloperie à des enfants ou des femmes enceintes ? Je suis infirmière réquisitionner de force contre ma volonté et je ne veux pas être complice de ce scandale ! Qu’est ce que je peux faire pour rester en accord avec ma conscience ?

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  • dr CL

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    Bonjour,

    Alors si j’ai bien compris : le médecin réquisitionné est obligé d’injecter un poison potentiel à des milliers de patients pour faire plaisir au gouvernement en place ?

    Je suis de prés l’actualité concernant ces vaccins avec ou sans « adjuvants » et comme de nombreux confrères je n’ai rien lu de sérieux dans la presse scientifique concernant l’innocuité, à moyen et long terme de ces vaccins fabriqués à la hâte et pour cause effectivement : nous n’avons pas le recul nécessaire !

    Alors que faire ?

    On nous dit que :

    le premier devoir d’un praticien est de ne pas nuire aux patients : il s’agit de l’un des fondements de l’exercice médical, mais il est évident que n’importe quel professionnel de santé se doit de respecter un tel principe. Un autre élément est que l’indépendance professionnelle du médecin

    L’avis d’un juriste spécialisé serait le bienvenue sur ce forum quant aux possibilités que nous avons, nous : professionnels de santé, pour faire en sorte que ces droits inaltérables ne soient pas violés en faveur de : l’ hystérie audimatique d’une certaine presse ? , le désir de ne pas perdre la face (et les futures élections) d’une certaine classe politique ? , et pourquoi pas un lobbying mercantile de certains labo pharmaceutiques ?

    Une chose est sûre nous en pourrons compter sur l’aide du conseil de l’ordre qui se retranche derrière l’obligation de réaliser ces vaccinations au nom du « devoir déontologique »

    Réaction d’autant plus honteuse de leur part que nous payons tous une cotisation annuelle (obligatoire..) à cet institut afin d’être protégés dans notre déontologie et notre liberté d’exercice et non pas désavoués sous la pression d’une exigence étatique douteuse au niveau scientifique et ce sous un pretexte « humanitaire ».

    Nous savons que signifie « humanitaire » mesdames et messieurs les hauts fonctionnaires, certainement plus que vous d’ailleurs, nous en faisons « à la chaîne », tous les jours dans nos cabinets, merci !

    Nous ne pourrons pas compter sur un état non plus, qui exige un geste potentiellement dangereux pour la santé humaine, comme il exige maintenant que ces mêmes médecins prescrivent des médicaments génériques à la place des originaux (puisqu’ils sont soit disant identiques et moins chers) ou qui envoient des gendarmes dans des cabinets médicaux pour des réquisitions « musclées » !
    (Qui a parlé de l’indépendance professionnelle des médecins ?..)

    Nous ne pouvons donc compter que sur nous même et faire appel de ces décisions bananières devant la cour européenne s’il le faut ?

    Je comprends et je suis trés attristé que de plus en plus de jeunes confrères ne désirent plus s’installer dans ce pays voire arrachent leurs racines pour de nouveaux horizons ou les mots liberté et démocratie sont encore d’actualité..

    Dr CL

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  • I.D.E: FHL

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    je vous remercie pour votre article. la réquisition est certes obligatoire, mais si la maladie pour la quelle le personnel est réquisitionné peut mettre en mal la vie de ce personnel, et que ce personnel n’a pas le matériel adéquat de protection pour mener à bien la prise en charge des patients,je pense que dans ce cas de figure, la réquisition peut ne pas être obligatoire.
    pour moi, il faut souvent voir du coté des pays sous développés ou économiquement faible pour prendre des lois.

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