Photocopier une feuille de soins ?

Écrit par Thomas Rollin le . Dans la rubrique La forme

Le médecin peut-il utiliser la photocopie d’une feuille de soins papier (formulaire CERFA 12541*01) quand il n’arrive plus à en obtenir auprès des organismes servant les prestations de l’assurance-maladie ? C’est à cette question qu’il peut être intéressant de répondre alors qu’il semble que des praticiens se plaignent d’avoir du mal à être approvisionnés en feuilles de soins papier (FSP) à quelques semaines de la mise en place de la contribution forfaitaire aux frais de gestion due par les professionnels de santé qui n’assurent pas la transmission électronique pour la facturation de leurs actes aux organismes d’assurance-maladie obligatoire.

La feuille de soins papier a été pendant de nombreuses années le moyen le plus utilisé par les médecins libéraux pour faire constater par les organismes servant les prestations de l’assurance-maladie les actes effectués et permettre au patient de faire valoir son droit au remboursement. Populairement appelée « feuille de Sécu », il s’agit d’un formulaire CERFA qui porte actuellement le numéro 12541*01.Prêt à photocopier Avant la mise en place des feuilles de soins électroniques (FSE) et de la télétransmission, les praticiens n’avaient aucun mal à se procurer ces formulaires prévus au code de la Sécurité sociale auprès des organismes d’assurance-maladie, mais il n’en est plus toujours de même depuis quelques années. Des difficultés d’approvisionnement auprès d’un imprimeur sont possibles et un organisme d’assurance-maladie n’est pas à l’abri d’un problème de ce type, mais il peut aussi être tentant de priver temporairement un médecin de feuilles de soins papier quand on souhaite l’obliger à télétransmettre plus, comptant sur la pression que ne manqueront pas d’exercer les patients sur le professionnel de santé mécontents de ne pas obtenir immédiatement leur précieux sésame pour se faire rembourser, tout du moins c’est l’impression qu’en ont des praticiens lorsqu’ils sont confrontés à cette situation. Certes, la loi impose aux praticiens d’être en mesure de télétransmettre et ne pas la respecter est un choix dont on ne peut espérer tirer un bénéfice, mais à la lecture de nombreux articles sur le sujet ou de forums de discussion spécialisés, il est facile de constater que même les médecins qui sont en conformité avec les textes rencontrent des problèmes avec le système actuel, sans parler des patients qui se présentent au cabinet sans leur carte Vitale. Il peut donc arriver que ces praticiens soient eux aussi contraints de revenir aux feuilles de soins papier pour permettre aux assurés de faire valoir leur droit ou pour obtenir le remboursement des soins aux patients dispensés d’avance de frais à qui ils ont fait signer la feuille.
Si le médecin ou son remplaçant ne peut télétransmettre des feuilles de soins électroniques pour des raisons techniques et si l’organisme d’assurance-maladie n’est pas en mesure de leur fournir des exemplaires papier, comment peut-il faire pour que la constatation des soins et l’ouverture du droit aux prestations de l’assurance-maladie soient bien prises en compte ?

Feuille de soins papier et code de la Sécurité sociale

Pour l’article R 161-40 du code de la Sécurité sociale, « la constatation des soins et l’ouverture du droit au remboursement par les organismes servant les prestations de l’assurance maladie sont subordonnées à la production d’une part de documents électroniques ou sur support papier, appelés feuilles de soins, constatant les actes effectués et les prestations servies, d’autre part de l’ordonnance du prescripteur, s’il y a lieu. » Ces documents « sont exigés pour le remboursement à l’assuré et le paiement des actes ou prestations au professionnel » et ce « que l’avance des frais soit à la charge de l’assuré ou qu’il bénéficie d’une dispense d’avance de frais totale ou partielle », comme le précise l’article R 161-39.
Le praticien ne peut pas se contenter de coter ses actes sur feuille blanche ou sur une simple ordonnance, car le code de la Sécurité sociale précise aussi que « les feuilles de soins comportent, d’une part, des rubriques de renseignements dont l’indication conditionne l’ouverture du droit à remboursement de l’assuré, d’autre part, des informations supplémentaires dont l’indication, sans conditionner l’ouverture du droit à remboursement, contribue à la maîtrise des dépenses de santé.
Un arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité sociale, du ministre chargé du budget, du ministre chargé de l’agriculture et du ministre chargé de la santé, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, détermine les modèles et les spécifications techniques des feuilles de soins » (art. R 161-41) et c’est l’arrêté du 20 juin 2005 fixant le modèle du formulaire « feuille de soins-médecin » qui s’impose dans ce cas.

Que dit ce texte publié au Journal officiel du 2 août 2005 ? « Par arrêté du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, du ministre de la santé et des solidarités et du ministre de l’agriculture et de la pêche en date du 20 juin 2005, est fixé le modèle du formulaire (1) « feuille de soins-médecin » S 3110 i, enregistré par la délégation aux usagers et aux simplifications administratives sous le numéro CERFA 12541*01. La notice explicative est également enregistrée sous le numéro 51070#01. » Il est intéressant de noter que l’arrêté précise aussi que « ce formulaire peut être obtenu auprès des organismes d’assurance-maladie ». Il n’est nulle part question d’un éventuel quota de délivrance de ces formulaires.
Le document remis au patient ou adressé à l’organisme d’assurance-maladie doit donc être conforme au formulaire du Centre d’enregistrement et de révision des formulaires administratifs (CERFA) 12541*01.
Contrairement aux feuilles de soins électroniques, les formulaires papier ne comportent pas de numéro d’ordre. Ils sont propres à chaque praticien puisqu’ils comportent ses identifiants, mais chaque formulaire qui lui est remis par l’organisme d’assurance-maladie n’est pas unique.

Photocopie du formulaire CERFA

Les médecins, surtout s’ils ont des enfants, sont habitués aux photocopies des formulaires CERFA. La photocopie des formulaires 12594*01 et 12595*01, présents au sein du carnet de santé de l’enfant, ont valeur de certificat de vaccination, par exemple. De plus, les praticiens savent que ces formulaires sont dans le domaine public et que rien n’interdit de les reproduire1.
Si la photocopie est en tout conforme à l’un des formulaires vierges que lui a fournis l’assurance-maladie, rien n’interdit au médecin de l’utiliser. Une copie couleur recto verso n’a donc aucune raison d’être refusée si elle est remplie correctement.
Doit-on considérer que la couleur est l’un des éléments de conformité ? Il s’agit là d’un point qui peut se discuter. En effet, si la loi n’impose pas toujours la couleur pour qu’une copie d’un document administratif soit reconnue conforme à l’original2, le facteur chromatique peut jouer un rôle dans le traitement automatisé du formulaire et son impression en niveaux de gris exiger un surcroît de travail aux personnels chargés de les traiter, expliquant que ces derniers aient une interprétation plus rigoureuse des termes « conformes au modèle ». Il n’y a pas, à notre connaissance, de jurisprudence en ce domaine.

Contribution forfaitaire pour l’utilisation des FSP

Même si l’assurance-maladie explique que le traitement d’une feuille de soins papier coûte 1,74 € contre 0,27 € pour une feuille électronique, il n’en reste pas moins que cela ne justifie en rien certaines pratiques que la loi ne prévoie pas. Et ce d’autant que dans le cadre de plusieurs lois de financement de la Sécurité sociale et de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), une décision de l’Union nationale des caisses d’assurance-maladie (UNCAM) du 19 mars 2010 parue au Journal officiel du 5 mai 2010 a fixé le montant de la contribution forfaitaire aux frais de gestion due par les professionnels de santé qui n’assurent pas la transmission électronique pour la facturation de leurs actes aux organismes d’assurance-maladie obligatoire. La contribution forfaitaire prévue à l’article L 161-35 du code de la Sécurité sociale s’applique aux supports de facturation établis sur support papier et servant à constater la délivrance aux assurés sociaux de soins, de produits ou de prestations remboursables par l’assurance maladie, notamment les feuilles de soins mentionnés à l’article R 161-40 du code de la sécurité sociale, à l’exclusion des supports concernant les bénéficiaires de l’aide médicale d’État, les nourrissons de moins de trois mois et les prestations de soins effectuées dans leur totalité hors de la présence du patient. Elle est assise sur le nombre de supports de facturation papier reçus par les organismes de base de Sécurité sociale au cours de l’année civile précédente, après application d’un abattement égal à 25 % du nombre total des supports de facturation papier et dématérialisés. Cet abattement ne peut être inférieur à 300 supports de facturation. Le montant de cette contribution forfaitaire s’élève à 0,50 euro par support de facturation papier.
C’est le 1er janvier 2011 qu’entre en vigueur cette décision concernant la contribution forfaitaire, mais elle le recouvrement de la somme due, assimilée pour son recouvrement à une cotisation de Sécurité sociale, est effectué par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) qui fournit au professionnel les supports de facturation papier. La notification de la contribution sera effectuée par la CPAM au 1er juillet de l’année suivante et la contribution ne sera exigible qu’au 1er septembre 2012…
Il est amusant de constater que, dans cette décision, le directeur général de l’UNCAM rappelle que les CPAM sont bien censées fournir aux médecins les feuilles de soins papier. Même si aucun texte ne prévoit de pénalité, de sanction ou de testing pour les CPAM qui refusent de délivrer ces feuilles de soins ou n’accèdent pas dans un délai raisonnable aux demandes des praticiens, la logique voudrait que le directeur général de l’UNCAM fasse preuve à l’égard de ces services de la même rigueur que celle qu’il souhaite voir appliquée aux médecins…

 


1- Stérin Anne-Laure. Guide pratique du droit d’auteur. Maxima, Paris 2007.

2- « Les administrations, services et établissements publics de l’État ou des collectivités territoriales ou les entreprises, caisses et organismes contrôlés par l’État ne peuvent exiger, dans les procédures administratives qu’ils instruisent, la certification conforme à l’original des photocopies de documents délivrés par l’un d’entre eux et pour lesquelles une simple photocopie n’est pas déjà admise par un texte réglementaire » (décret nº 2001-899 du 1 octobre 2001 portant abrogation des dispositions réglementaires relatives à la certification conforme des copies de documents délivrés par les autorités administratives).

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