Vers la légalisation de la maternité pour autrui ?

Écrit par Marie Jeunehomme, Nathalie Beslay le . Dans la rubrique Le fond

Au début de l’année 2008, la commission des affaires sociales et la commission des lois ont constitué un groupe de travail dédié à la question du devenir de l’interdiction de la maternité pour autrui. Cette formation a rendu son rapport, le 25 juin 2008, recommandant l’autorisation de la gestation pour autrui tout en préconisant un encadrement strict de cette pratique.

Aujourd’hui, la gestation pour autrui est strictement prohibée en France et passible de sanctions tant civiles 1 que pénales 2, notamment au nom du principe de l’indisponibilité du corps humain.
Procréation médicalement assistéeToutefois, certains pays étrangers tolèrent 3, encadrent 4 voire même autorisent 5 la maternité pour autrui, et certains couples français, en mal d’enfants, n’hésitent pas à se rendre dans ces pays afin de pouvoir mettre en œuvre leur projet parental.
De retour en France, les couples ayant eu recours à cette maternité pour autrui se heurtent cependant aux règles de filiation françaises, notamment au titre de l’établissement d’un lien de filiation à l’égard de la mère dite d’intention. Certaines décisions rendues récemment par les juridictions françaises ont ouvert une brèche permettant de s’interroger sur l’avenir et la pérennité du principe d’interdiction des maternités pour autrui. Notamment, un arrêt fort remarqué rendu par la cour d’appel de Paris, le 25 octobre 2007, a validé la transcription des actes de naissance américains de jumelles nées en Californie dans le cadre d’une convention de maternité pour autrui sur les registres d’état civil français, en particulier au regard de l’intérêt supérieur des enfants.

Face à ces différents constats, le rapport rendu par le groupe de travail préconise l’autorisation à des conditions strictes de la gestation pour autrui en édictant un certain nombre de recommandations.

Des conditions relatives aux bénéficiaires et à la gestatrice

Le groupe de travail recommande que le bénéfice de la gestation pour autrui ne soit ouvert qu’aux couples hétérosexuels, mariés ou justifiant d’une vie commune d’au moins 2 ans, en âge de procréer et domiciliés sur le territoire français.
Par ailleurs, il ne pourrait pas y avoir recours à la gestation pour autrui par simple convenance et celle-ci ne serait ouverte que dans l’hypothèse où la femme dans le couple ne pourrait mener à terme une grossesse ou ne pourrait la mener sans danger pour sa santé ou pour celle de l’enfant à naître.
Enfin, au moins l’un des deux membres du couple devrait être le parent génétique de l’enfant 6.

La gestatrice, quant à elle, devrait au moins avoir eu un enfant sans avoir rencontré de difficultés particulières pendant sa ou ses grossesse(s) et ne pourrait, en toutes hypothèses, mener plus de deux grossesses pour le compte d’autrui. Elle devrait être domiciliée en France afin de bénéficier d’un suivi médical de qualité.
Le groupe de travail s’est aussi interrogé sur la possibilité de recourir à la gestation pour autrui dans le cadre d’une même famille. À ce titre, le groupe de travail a préconisé d’interdire à une mère de porter un enfant pour le compte de sa fille, mais a laissé ouverte la possibilité de porter un enfant pour le compte d’une sœur ou d’une cousine selon une appréciation au cas par cas.

Des intervenants agréés et un dédommagement rationnel

Le groupe de travail a préconisé un agrément des différents intervenants (couples demandeurs et gestatrice) destiné à vérifier leur état de santé physique et psychique. C’est une commission pluridisciplinaire placée sous l’égide de l’Agence de la biomédecine qui pourrait délivrer cet agrément. De plus, une habilitation spécifique devrait être exigée des patriciens et des centres de procréation médicalement assistée pour pratiquer la gestation pour autrui 7.
Conformément au principe de la gratuité du don, la gestation pour autrui ne pourrait donner lieu, en faveur de la gestatrice, qu’à un « dédommagement raisonnable » destiné à couvrir les frais non pris en charge par la Sécurité sociale.

Un cadre légal et non contractuel à mettre en place

Le groupe de travail a marqué son hostilité à une contractualisation de la gestation pour autrui, préférant l’instauration d’un régime légal définissant les règles de recours à la gestation pour autrui.Médecin Les couples demandeurs et les gestatrices seraient mis en relation par des associations à but non lucratif, agréées par l’Agence de la biomédecine et cette prestation ne pourrait donner lieu ni à rémunération, ni à publicité 8.

La gestation pour autrui serait aussi subordonnée, pour les couples et gestatrices agréées, à une décision du juge judiciaire qui serait amené à vérifier les agréments, à recueillir les consentements écrits du couple et de la gestatrice, à informer les différents intervenants des conséquences du recours à la gestation pour autrui (notamment au niveau de la filiation) et à fixer le montant du dédommagement raisonnable versé par le couple à la gestatrice.
Par ailleurs, seule la gestatrice pourrait prendre toutes les décisions relatives au déroulement de la grossesse et notamment demander son interruption, et ce sans ingérence du couple bénéficiaire du projet parental.

S’agissant de l’établissement de la filiation, le groupe de travail a précisé qu’il était essentiel que la gestatrice puisse devenir la mère légale de l’enfant si elle le souhaite. La gestatrice aurait alors trois jours après l’accouchement pour déclarer qu’elle souhaite devenir la mère légale de l’enfant. À défaut d’une telle déclaration, les noms des parents intentionnels devraient être inscrits sur les registres de l’état civil en exécution de la décision judiciaire ayant autorisé le transfert d’embryon.

Enfin, s’agissant du calendrier prévisionnel relatif à la question de la gestation pour autrui, Roselyne Bachelot, ministre de la santé, a indiqué 9 que les problèmes soulevés par la gestation pour autrui, tant au plan juridique qu’éthique et médical, seront à nouveau étudiés au cours des états généraux de la bioéthique qui se tiendront début 2009.

Affaire à suivre…

 

Marie Jeunehomme, Nathalie Beslay
Avocats
Cabinet Beslay + Le Calve

 


1 – Notamment sur le fondement de l’article 16-7 du code civil qui dispose que toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle.

2 – Pour supposition d’enfant qui consiste à attribuer la maternité d’un enfant à une femme qui n’en a pas accouché (article 227-13 du code pénal) ou  pour provocation à l’abandon (article 227-12 du code pénal).

3 – Comme la Belgique et les Pays-Bas.

4 – Comme en Grèce ou au Royaume-Uni.

5 – Comme dans quelques états des Etats-Unis ou en Israël.

6 – Principe calqué sur la législation britannique et celle de l’état de l’Illinois aux Etats-Unis.

7 – Selon les procédures en vigueur définies par les décrets du 22 décembre 2006 et 4 avril 2008.

8 – Comme cela est prévu par la loi britannique.

9 – Rép. Min. n°4887 : JO Sénat Q 28 août 2008 p.1739

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Commentaires (8)

  • Maître FILS ANGELESI

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    C’est avec un intérêt particulier que je viens de lire votre article qui, fondamentalement, rencontre mon projet de commentaire d’un arrêt rendu en Juillet 2009 par la Cour d’Appel de Kinshasa/Gombe sur des questions juridiques connexes à votre sujet d’étude. Cette décision des juges de Kinshasa fera certainement jurisprudence en droit congolais. Je reste disposé à vous réserver copie de mon commentaire d’arrêt pour relancer les débats dans la perspective du droit comparé.

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  • F.Delergue

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    Et bien non, la vieille question sur la maternité pour autrui ne sera pas tranchée dans le cadre de la révision des lois bioéthiques. Des pétitions et articles circulent contre « la location des ventres ». Mais qui a dit que débattre et légiférer sous entendait une autorisation commerciale de cette pratique ? L’interdiction pure et nette de l’arrêt Alma Mater (Cour de Cassation) du 13 décembre 1989 à la vie dure. Il n’est jamais été débattu de la question en dehors d’une utilisation commerciale. A suivre donc…

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