Le dossier médical face à la gestion des risques juridiques et financiers

Écrit par Bertrand Hue le . Dans la rubrique Variations

Après des années de léthargie, le dossier médical a de nouveau repris une place prépondérante dans la pratique d’une médecine moderne et responsable. Beaucoup s’accordent à dire qu’il est le reflet de la qualité du travail du médecin. Or c’est le principal élément qui va servir au praticien pour se défendre s’il est mis en cause. Comment le médecin doit-il tenir compte de cela pour optimiser les dossiers médicaux dont il a la charge ?


Que ce soit avec la loi 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, donnant un accès direct pour le patient à son dossier, ou avec la loi 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie créant le « dossier médical personnel », sans compter les décrets et autres recommandations de la haute autorité de santé (HAS), la notion de dossier médical a subi moult rafraîchissements.
Afin de minimiser les risques juridiques et financiers au sein d’un cabinet médical, il nous semble important d’insister sur plusieurs points qui feront qu’un dossier apportera le maximum d’aide au praticien dans sa pratique quotidienne, mais surtout s’il est mis en cause.

Le praticien doit apporter un soin particulier à la tenue des ses dossiers (fiche d’observation, comptes-rendus, courriers…), qu’ils soient manuscrits ou informatisés, en tenant compte des obligations légales ou des recommandations sur le sujet. L’HAS a publié, par exemple, des recommandations pour améliorer la qualité de la tenue et du contenu du dossier médical dans les établissements de santé1.
Il doit connaître les différences qui existent entre le dossier du patient au cabinet et le dossier de ce même patient à la clinique, par exemple, car il s’agit bien de deux entités différentes. Le dossier du patient doit impérativement contenir les éléments stipulés par le code de la santé publique à l’article L 1111-7, notamment des résultats d’examen, comptes rendus de consultation, d’intervention, d’exploration ou d’hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en oeuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé. Le dossier de l’établissement de soins comprendra des éléments supplémentaires, comme le nom de la personne de confiance désignée par le patient, par exemple, cette information n’ayant pas un caractère systématique dans un dossier en cabinet (art. L 1111-6 du code de la santé publique).

Préserver le bon contenu

Le médecin doit prendre les mesures adaptées à la conservation des dossiers que ce soit en cabinet libéral ou pour une activité libérale au sein d’un établissement de soins, entre autres. L’hébergement des dossiers et le « dossier médical personnel » apportent de nouvelles perspectives dans ce domaine (art. L 1111-8 du code de la santé publique). Nous invitons le lecteur à se reporter à l’article « Faut-il garder un oeil sur ses dossiers »* si ce sujet l’intéresse.

Depuis la loi du 4 mars 2002, les conditions d’accès au dossier médical ont changé. Le médecin doit donc connaître les règles régissant cet accès pour les personnes qui le demandent (patient, confrères, famille, administrations, assureurs…)2. Un patient qui a la possibilité d’accéder rapidement, dans de bonnes conditions à son dossier est un patient qui ne peut qu’apprécier le professionnalisme, la rigueur et le sérieux du médecin en qui, parfois, il peut avoir partiellement perdu confiance. La transparence est l’un des maîtres mots de ce début de XXI<sup>e</sup> siècle.

Le praticien doit bien informer le patient en prenant le temps de lui expliquer lors d’un entretien les différentes solutions thérapeutiques et leurs conséquences3. Le praticien ne peut plus se contenter d’un simple référencement dans Medline pour se lancer dans une nouvelle technique4. Il est préférable qu’il utilise les fiches d’information, rédigées par les sociétés savantes à la demande de l’Andem, devenue depuis HAS. Le praticien doit aussi savoir quand il faut donner un devis à son patient, sans pour autant confondre devis et informations sur les honoraires.
Tous ces éléments doivent figurer en bonne place au sein du dossier médical.

En plus de l’information, la traçabilité

En raison du respect que doit avoir tout médecin des recommandations en matière de prévention des infections nosocomiales que ce soit pour la pratique médicale ou pour la pratique chirurgicale, le médecin doit inclure dans le dossier du patient une traçabilité des dispositifs médicaux ou des médicaments utilisés. L’inversion de la charge de la preuve (à savoir qui doit apporter la preuve) fait que le praticien doit affronter de nouvelles responsabilités vis-à-vis des infections nosocomiales, il doit agir et savoir comment organiser son dossier en conséquence5.

Toutes ces nouvelles responsabilités impliquent que le médecin doit savoir coordonner ses relations avec son assureur, puisque l’assurance en responsabilité civile professionnelle est devenue une obligation légale. La déclaration de risques à la souscription du contrat ou sa modification en cours d’exercice peuvent avoir des conséquences majeures sur la prise en charge d’un éventuel sinistre. L’évolution de l’assurance vers la notion de « claims made » et de reprise du passé inconnu doit nous faire prendre conscience que ce n’est plus le fait générateur qui est au centre de nos rapports avec les assureurs6. Le dossier jouera là encore un rôle prépondérant pour « se défendre » ou pour, tout du moins, rétablir la confiance.

Rigueur et prudence

Le dossier médical comportant obligatoirement une copie de tous les certificats remis par le médecin, il doit être prudent dans la rédaction des certificats médicaux qui sont exigés que ce soit dans les domaines scolaire, sportif, administratif ou à la simple demande du patient. Il faut savoir que la rédaction des certificats médicaux représente l’une des principales sources de réclamations auprès du conseil de l’Ordre des médecins. Un certificat doit se baser sur les données recueillies et donc sur des éléments qui se doivent de figurer au dossier. Aucun certificat de complaisance n’est toléré7.

Bien tenir le dossier des patients, c’est aussi savoir se préparer à l’évaluation des bonnes pratiques, conséquence des dernières évolutions législatives. Si la formation médicale continue est amenée à prendre différentes formes, le médecin devra aussi, sous peu, accepter d’être évalué. La tenue du dossier médical sera un élément clé de cette évaluation. Le praticien, déjà confronté aux organismes sociaux, doit continuer de recueillir et d’améliorer sans cesse les éléments du dossier médical lui permettant d’assurer la transparence de ses actes.

La teneur et la notion de dossier médical ont beaucoup évolué ces derniers temps. Chaque praticien doit se tenir informé de ces évolutions. Le dossier du médecin étant considéré comme le reflet de sa pratique, il se prémunit ainsi au mieux des risques juridiques et financiers liés à sa rédaction, à son contenu à sa communication et à sa conservation. De nos jours, le bon dossier semble faire le bon médecin.

 


1 : Evaluation des pratiques professionnelles dans les établissements de santé. Dossier du patient : amélioration de la qualité de la tenue et du contenu – Règlementation et recommandations. Juin 2003

2 : L’accès direct du patient au dossier médical en cabinet libéral

3 : Article 35 du code de déontologie médicale.

4 : Article 32 du code de déontologie médicale.

5 : Infection nosocomiale et responsabilité de plein droit du praticien libéral

6 : Responsabilité civile 2006 : de nouvelles difficultés à prévoir ?

7 : Article 28 du code de déontologie médicale.

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Commentaires (1)

  • Armelle

    |

    bonjour,
    je m’appelle Armelle.Je suis étudiante en « documentation et je rédige un memoire en master sur la conservation des dossiers médicaux » pouvez-vous m’aider?
    Merci d’avance

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