Bilan des sinistres en ophtalmologie au fil des ans

Écrit par Bertrand Hue, Jérôme Monet le . Dans la rubrique Variations

Contrairement aux idées reçues, le nombre de déclarations concernant la responsabilité civile professionnelle du corps de santé français diminue. Si on isole les ophtalmologistes, elle augmente très peu si l’on en croît les données communiquées par le groupement des assurances et mutuelles médicales. Quelle est l’origine de ces déclarations ? Cela révèle quelques surprises.

Le groupement des assurances et mutuelles médicales (GAMM) colligent les données du Sou Médical et de la mutuelle d’assurance du corps sanitaire français (MACSF). Nous avons étudié les rapports annuels de cet organisme depuis 1997. Aucun établissement indépendant ne recueille ce type de données, les seules sources de données sont donc assurantielles. Le rapport du GAMM n’a pas été publié en 2004.

Le nombre de sociétaires comptabilisés par le GAMM est en constante augmentation entrant une situation de quasi-monopole. Le nombre d’ophtalmologistes sociétaires à quant à lui diminué d’un peu moins de 10% ces trois dernières années alors qu’il était jusque-là relativement stable. Pas d’explosion des déclarations concernant les déclarations de tous les sociétaires comme on l’entend souvent et une augmentation limitée pour les seuls ophtalmologistes. Il est surtout intéressant de noter une diminution du rapport entre le nombre total de déclarations des sociétaires et leur nombre et une augmentation d’un peu moins de 2% du rapport entre le nombre de déclarations des ophtalmologistes sociétaires et leur nombre [A].

adhérents

Les ophtalmologistes semblent plus exposés que l’ensemble du corps de santé français. L’ophtalmologie est une spécialité chirurgicale bien qu’une partie de ces spécialistes n’ait qu’une pratique médicale et cela augmente le risque de déclarations à leur encontre.

Voyons sous quelles formes se sont matérialisées ces plaintes [B].

sinistres B

La réclamation simple est le moyen favori du patient pour adresser ses doléances à l’ophtalmologiste. Le nombre d’assignations en référés est resté stable au cours du temps alors que le nombre de plaintes ordinales a nettement augmenté en 2005. Les saisines des commissions régionales de conciliation et d’indemnisation n’apparaissent logiquement qu’en 2003 puisqu’elles n’existaient pas auparavant. Elles sont en nette augmentation et l’on peut penser qu’elles resteront en deuxième position après la déclaration simple dans les années qui viennent. En effet, les démarches sont relativement simples pour le patient et ne lui coûtent rien. Toutes ces déclarations ne débouchent pas sur une indemnisation, c’est une notion qu’il faut aussi garder à l’esprit.

Nous avons étudié les principales causes de réclamations car il n’est pas possible d’étudier chaque surspécialité de façon précise. Nous verrons successivement le cas des verres correcteurs, de la chirurgie de la cataracte et enfin de la chirurgie réfractive.

Concernant les ophtalmologistes, les erreurs de verres correcteurs ou prétendues erreurs sont comptabilisées ensemble [C].

sinistres C

Ce nombre a diminué de plus de 50 % en 9 ans. Il serait intéressant de comparer cette donnée à l’estimation du nombre de verres correcteurs prescrits par les sociétaires sur la même période mais nous ne disposons pas de cette donnée.

Voyons maintenant l’évolution des déclarations concernant la chirurgie de la cataracte et  la chirurgie réfractive. Pour ces deux éléments, nous disposons des données 2004 [D].

sinistres D

Nous nous abstiendrons de tout commentaire sur ces données, préférant analyser les rapports entre le nombre de déclarations pour les verres correcteurs, la chirurgie de la cataracte, la chirurgie réfractive et le nombre d’ophtalmologistes sociétaires [E].

sinistres E

Il manque des données concernant l’évolution du nombre de procédures tant en chirurgie de la cataracte qu’en chirurgie réfractive des ophtalmologistes sociétaires mais il serait étonnant, qu’au moins pour la chirurgie réfractive, ce nombre ait diminué ces dernières années. Cela signifierait que là aussi la folle explosion dont on entend parler est loin d’être réelle.

Nous attirons l’attention sur le fait que les indemnisations ne sont pas connues en raison du nombre d’affaires se réglant à l’amiable, hors de toute procédure judiciaire. C’est regrettable puisque, d’après les assureurs, nous serions passés d’une sinistralité de fréquence à une sinistralité d’intensité. Le temps que les chiffres des indemnisations soient connus des médecins sur plusieurs exercices afin d’en apprécier l’évolution, les primes vont-elles continuer à augmenter ? Et si ces données ne montrent pas une augmentation du montant des indemnisations, une partie des primes sera-t-elle remboursée ou une nouvelle raison non vérifiable sera-t-elle invoquée ? La loi n°2007-127 du 30 janvier 2007 prévoit que des chiffres soient communiqués par les compagnies à l’Observatoire des risques médicaux et à l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles. Serviront-ils aux professionnels de santé ? Rien n’est moins sûr.

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