2007 : enfin la transparence de l’assurance responsabilité civile professionnelle médicale ?

Écrit par Jérôme Monet le . Dans la rubrique Variations

La loi no 2007-127 du 30 janvier 2007 apparaît être un gage de crédibilité pour les compagnies et mutuelles d’assurances couvrant les risques de responsabilité civile professionnelle médicale. Le principe de transparence semble enfin pouvoir être appliqué à la responsabilité civile médicale, puisque les résultats techniques des compagnies et mutuelles d’assurances vont être communiqués à divers organismes. Mais un problème de taille subsiste: la loi ne définit pas les bénéficiaires à terme de cette information si précieuse.


Le moins que l’on puisse dire est que ces nouvelles dispositions importantes sont discrètement sorties du lot. Enfermées dans l’article 22 de la loi du 30 janvier 2007 no 2007-127 « ratifiant l’ordonnance no 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l’organisation de certaines professions de santé et à la répression de l’usurpation de titres et de l’exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique », les disposition de cette importance méritent un meilleur sort.

La démarche doit être saluée, puisqu’elle implique une participation complète des compagnies et mutuelles d’assurance dans le schéma de la prise en charge des indemnisations du risque médical et, plus particulièrement, dans son analyse a posteriori.  

Cet article de loi crée et modifie trois articles du code de la santé publique et du code des assurances, dont le détail est le suivant:

– l’article L 4135-2 1 du code de la santé publique est créé ;
– l’article L 1142-29 2 du code de la santé publique est modifié ;
– l’article L 251-3 3 du code des assurances est également créé.

De la création de l’article L 251-3 du code des assurances nous retiendrons les nouveautés suivantes : le professionnel de santé bénéfice de protections en matière de résiliation de son contrat d’assurance responsabilité civile professionnelle (RCP) qui ne sont pas sans rappeler celles mises en place pour le consommateur. Or rappelons que le consommateur bénéfice d’un statut protecteur parce qu’il est une personne physique qui contracte en dehors de toute activité professionnelle.

L’article L 251-3 du code des assurances précise « qu’en cas de résiliation ou de dénonciation de la tacite reconduction à l’initiative de l’assureur, dans les conditions prévues par la police, le délai de prise d’effet à compter de la notification à l’assuré ne peut être inférieur à trois mois ».

 

Deux obligations sont énoncées de cet alinéa:
 
– les contrats couvrant le risque de la RCP médicale sont émis sur une base en tacite reconduction et non en durée ferme. Chaque année, si aucune partie ne dénonce ou résilie le contrat d’assurance, ce contrat est reconduit automatiquement, tacitement. Cette disposition incite les parties au contrat (assureur et assuré) à pérenniser leur relation contractuelle ;
– le délai de résiliation du contrat d’assurance imposé à l’assureur, s’il souhaite mettre fin à son engagement contractuel est de 3 mois. Ce délai doit permettre à l’assuré d’avoir suffisamment de temps pour démarcher et trouver un nouvel assureur.

De plus, l’alinéa 2 de cet article L 251-3 du code des assurances dispose que si le contrat n’est pas arrivé à échéance à la date d’effet de la résiliation, l’assureur doit rembourser les primes indues (« la partie de cotisation correspondant à la période pendant laquelle le risque n’a pas couru ») à compter de la date d’effet de la résiliation. Le délai de remboursement des primes indues est fixé à 30 jours après la date d’effet de la résiliation.

L’intérêt premier de cet article réside dans l’apport des disposition des nouveaux articles L 4135-2 et L 1142-29 du code de la santé publique : les compagnies et mutuelles d’assurances doivent communiquer leurs résultats techniques et leurs données « sinistre » à deux autorités (l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles et l’Observatoire des risques médicaux).

La question qui se pose alors, qui n’est pas réglée par la loi, est de savoir à qui vont bénéficier ces précieuses informations ?

La communication des résultats liés aux contrats d’assurance responsabilité civile médicale

Deux types de communication sont imposés aux compagnies et mutuelles d’assurances du fait des articles L 4135-2 et L 1142-29 du code de la santé publique :

– l’article L 4135-2 impose la transmission à l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles des données de nature comptable, prudentielle ou statistique sur le risque médical. Il s’agit pour les compagnies et mutuelles d’assurance de fournir des résultats techniques et financiers sur leurs activités ;
– l’article L 1142-29 impose (aux compagnies d’assurances, mais aussi aux Commissions régionales de conciliation et d’indemnisation [CRCI], etc.) la communication des données relatives aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales, à leur indemnisation et à l’ensemble des conséquences, notamment financières qui en découlent. Cette communication est faite à l’Observatoire des risques médicaux. Cette entité est rattachée à L’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM). L’information porte cette fois-ci sur la gestion des sinistres dont les compagnies et mutuelles d’assurances sont en charge.

Cette communication est un pas de plus vers l’application du principe de transparence en matière de risque médical, ce qui est une évolution importante et nécessaire afin de stabiliser cette branche d’activité dans le marché de l’assurance.

Cette démarche de mise à disposition de données, déjà initiée par certaines mutuelles d’assurances 4, offre l’opportunité d’étudier le risque médical en profondeur et doit être saluée.

Qui va pouvoir en bénéficier et sous quelle forme ?

Voilà bien l’inconnue quand nous lisons ces deux textes de loi. Aucun bénéficiaire des informations délivrées par les compagnies et mutuelles d’assurances à l’Observatoire des risques médicaux n’est mentionné.

A l’inverse, les résultats techniques communiqués à l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles va permettre d’évaluer la solvabilité des compagnies et mutuelles d’assurances opérant sur le marché de l’assurance RCP médicale. Partant de ce principe, il sera plus facile pour l’Etat d’édicter des normes de solvabilité adaptées à ce marché de l’assurance.

Devons-nous croire que ces informations vont pouvoir être rendues publiques ? Les praticiens vont-ils pouvoir saisir les tenants et les aboutissants du calcul de leurs primes d’assurance RCP médicale ? Les victimes vont-elles pouvoir en tirer profit pour réclamer une indemnisation identique à celle obtenue par une autre victime pour un même préjudice ?

A n’en pas douter, ces résultats ne vont pas servir au grand public. Ces données vont très certainement servir à établir une grille d’indemnisation pour les tribunaux et les CRCI. Ces dispositions légales sont à notre avis le premier pas vers la création d’un barème d’indemnisation des risques médicaux fondé sur des précédents, des données, centralisés par l’observatoire des risques médicaux.

Les informations ainsi délivrées par les compagnies et mutuelles d’assurances ne vont-elles pas tout simplement pourfendre cette démarche si importante pour le respect des patients. Nous ne le pensons pas, puisque les médecins conseil des compagnies et mutuelles d’assurances agissent dans le respect du secret médical et que ce dernier est bien protégé. Maintenant, comment définir les « données relatives aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales, à leur indemnisation et à l’ensemble des conséquences, notamment financières, qui en découlent » qui doivent être communiquées à l’Observatoire des risques médicaux ?

Les risques de voir cette masse de données, nécessaires à la recherche d’une maîtrise du risque médical, se disperser dans la nature est grand. Il est impératif que le pouvoir règlementaire s’efforce d’encadrer cette démarche avant toute exploitation de ces données par divers organismes.

 

 


1 – Les entreprises d’assurances couvrant en France les risques de responsabilité civile mentionnés à l’article L 1142-2 transmettent à l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles instituée à l’article L 310-12 du code des assurances des données de nature comptable, prudentielle ou statistique sur ces risques.

Lorsque cette obligation de transmission n’est pas respectée, l’autorité de contrôle peut prononcer des sanctions dans les conditions prévues par l’article L 310-18 du même code, à l’exception des sanctions prévues aux 3º, 4º, 4º bis, 5º et 6º du même article.

L’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles procède à l’analyse de ces données, les transmet sous forme agrégée et en fait rapport aux ministres chargés de l’économie et de la sécurité sociale. Une copie du rapport est adressée à l’Observatoire des risques médicaux.

Un arrêté des ministres chargés de l’économie et de la Sécurité sociale précise les modalités d’application du présent article et, notamment, les délais applicables ainsi que la nature, la périodicité et le contenu des informations que les entreprises d’assurance sont tenues de communiquer à l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles.

NOTA – Loi 2007-127 du 30 janvier 2007, art. 22 III : les dispositions du présent article sont applicables aux données relatives à la responsabilité civile médicale à compter de l’exercice comptable de l’année 2006.

2 – Il est créé un Observatoire des risques médicaux rattaché à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales dont l’objet est d’analyser les données relatives aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales, à leur indemnisation et à l’ensemble des conséquences, notamment financières, qui en découlent.

Ces données sont notamment communiquées par les assureurs des professionnels et organismes de santé mentionnés à l’article L 1142-2, par les établissements chargés de leur propre assurance, par les commissions régionales prévues à l’article L 1142-5, par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux et par l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles en application de l’article L 4135-2.

Les modalités d’application du présent article, notamment celles relatives à la transmission de ces données et aux obligations de l’Observatoire en termes de recueil et d’analyse, sont fixées par décret.

NOTA – Loi 2007-127 du 30 janvier 2007, art. 22 III : les dispositions du présent article sont applicables aux données relatives à la responsabilité civile médicale à compter de l’exercice comptable de l’année 2006.

3 – Pour les contrats souscrits par une personne assujettie à l’obligation d’assurance en vertu du présent titre, et sans préjudice des possibilités de résiliation mentionnées aux articles L 113-3, L 113-4, L 113-6 et L 113-9, en cas de résiliation ou de dénonciation de la tacite reconduction à l’initiative de l’assureur, dans les conditions prévues par la police, le délai de prise d’effet à compter de la notification à l’assuré ne peut pas être inférieur à trois mois.

L’assuré est tenu au paiement de la partie de prime correspondant à la période pendant laquelle le risque a couru, période calculée jusqu’à la date d’effet de la résiliation. Le cas échéant, l’assureur doit rembourser à l’assuré, dans un délai de trente jours à compter de la date d’effet de la résiliation, la partie de prime correspondant à la période pendant laquelle le risque n’a pas couru, période calculée à compter de ladite date d’effet. A défaut de remboursement dans ces conditions, les sommes dues sont productives d’intérêts au taux légal.

4 – Voir l’article : « La SHAM publie la sinistralité 2005 de ses assurés. »

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