La Sham publie la sinistralité 2005 de ses assurés

Écrit par Jérôme Monet le . Dans la rubrique Variations

La Société hospitalière d’assurances mutuelles vient de publier son panorama 2005 du risque médical des établissements de santé. Il est rare qu’un assureur de cette importance – en l’occurrence une mutuelle d’assurances – rende public, de façon aussi détaillée, ses statistiques sinistre. Ce principe de transparence, s’il est d’abord un atout commercial fort auprès de sa nouvelle cible d’assurés depuis 2006 – les praticiens libéraux -, doit également être salué et devrait susciter des vocations chez ses concurrents.


Sur le plan de l’assurance responsabilité civile des établissements de santé (garantissant les conséquences pécuniaires de la responsabilité administrative encourue par les établissements de santé publics et de la responsabilité civile encourue par les établissements de santé privés), la Société hospitalière d’assurances mutuelles (Sham) règne en maître : son portefeuille d’assurés comprend pas moins de 70 % des établissements publics de santé et 25 % des établissements de santé privés en France.

Cette volonté de rester un acteur majeur du marché des assurances des établissements de santé et de s’investir dans le domaine de l’assurance responsabilité civile professionnelle des praticiens libéraux, à l’heure où d’autres mutuelles d’assurances s’en dégagent sans préavis, dénote une approche sérieuse, détaillée, du risque médical ainsi que de ses conséquences à long terme.
Le tout est bien entendu soutenu par des compagnies de réassurance pourtant bien frileuses sur ce marché.

La réalité des sinistres justifie-t-elle le maintien de primes d’assurances aussi élevées ?

L’ensemble des évaluations et paiements de sinistres, dû à des réclamations formulées pour des dommages causés par les assurés de la Sham, atteint, pour l’exercice 2005, un montant de 121,6 millions d’euros 1. Le montant des primes payées en 2005 est de 218 millions d’euros 2.
Sur ces primes d’assurances, il y a lieu de provisionner des fonds et d’organiser des visites de risque chez les assurés, mais également de retrancher le coût afférent à toute compagnie d’assurances (prime de réassurance ; frais de personnel ; etc.)

Cela n’empêche pas chaque assuré de prétendre à une baisse de prime en fonction de son risque. A charge pour lui d’en faire la démonstration et de se battre pour.

Une synthèse claire sort de cette étude statistique : les réclamations formulées pour des dommages corporels représentent un tiers des réclamations reçues par la Sham. De plus, si les réclamations pour dommages corporels aboutissent rarement à une indemnisation (26 % des réclamations formulées pour des dommages corporels), cette dernière, quand elle est réglée, est lourde.

La Sham développe sur ce point une idée a priori simple : la création d’un barème d’indemnisation pour tous les types de dommages corporels. Cette solution a un avantage immédiat pour les compagnies d’assurances : maîtriser ses coûts et provisionner son risque assurable.
 
Le revers de la médaille sera alors immédiatement visible pour les victimes, mais peut aussi avoir des effets pervers sur l’évolution des primes d’assurances des établissements de santé et des praticiens.

Sans rentrer dans le détail (nous vous invitons, si vous souhaitez approfondir le sujet, à vous rendre sur le rapport mis en ligne par la Sham 1), nous tirerons tout d’abord les grandes lignes de cette analyse de la sinistralité relative à la médecine chirurgie obstétrique.

Une réalité : les dommages corporels ont de lourdes conséquences pécuniaires

 

L’ensemble des évaluations et des paiements de sinistres liés à des réclamations formulées pour des dommages causés par les assurés de la Sham a atteint, lors de l’exercice 2005, un montant de 121,6 millions d’euros. Parmi ces 121,6 millions, les dommages corporels représentent 118 millions d’euros.

Trois types de réclamations peuvent avoir lieu : les réclamations amiables, les réclamations contentieuses et celles portées devant les commissions régionales de conciliation et d’indemnisation (CRCI).

Les réclamations portées devant les CRCI

Dans ce cadre, 61 % des réclamations formulées sont rejetées. 30 % d’entre-elles donnent lieu à indemnisation de la part de la SHAM ou de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux 3.

Les réclamations amiables et contentieuses

La Sham indique que la voie contentieuse est mise en œuvre dans 80 % des sinistres clos dont l’indemnisation dépasse 15 000 euros. Il est donc à noter que les sinistres dont les enjeux sont supérieurs à 15 000 euros, donnent en grande majorité lieu à un recours contentieux.

Détail des réclamations par spécialité médicale et chirurgicale

– En médecine, pour un total de 434 réclamations en 2005 : psychiatrie 14 % des réclamations faites à l’encontre des assurés de la Sham ; hépato-gastro-entérologie, 13 % des réclamations totales ; cardiologie ; 12 % ; pédiatrie et néonatalogie, 11 % ; cancérologie ou oncologie, 9 % ; neurologie, 6 %.

– En chirurgie (obstétrique incluse) pour un total de 2 434 réclamations en 2005 : orthopédie 38 % des réclamations totales ; obstétrique, 12 % ; chirurgie viscérale, 10 % ; neurochirurgie, 7 % ; gynécologie, 6 % ; chirurgie thoracique, 3 %.

Nous observons également que les réclamations en obstétrique et en neurochirurgie donnent lieu aux indemnisations les plus lourdes.

Face à ce constat, quelles solutions ?

La Sham souhaite que le législateur mette en place un système de barème d’indemnisation. Nous voyons que cette solution est avantageuse pour les compagnies d’assurances. Elle permettrait de :
– gérer un sinistre avec en ligne de mire un plafond maximal d’indemnisations ;
– éluder une majorité de recours contentieux ;
– facturer des primes d’assurances permettant de rembourser à l’euro près les dépenses à engager sur un exercice type ;
– se cantoner à un rôle d’indemnisation…

Mais elle comporte, selon nous, de nombreuses failles.

En effet, cette solution n’est pas acceptable eu égard aux victimes de dommages corporels, pouvant engager la responsabilité civile médicale d’un établissement de santé ou d’un praticien libéral. La création d’un barème d’indemnisation de ces dommages ne permettra plus d’individualiser le cas précis de chaque victime selon la gravité de la faute commise.

La victime se trouverera dans un cadre juridique qui ne correspond pas forcément à son droit à réparation d’un préjudice subi. Une compensation prédéfinie ne satisfera pas les victimes, qui ne disposeront plus de recours contentieux si les recours amiables atteignent la limite légale d’indemnisation.

Les assurés eux-mêmes peuvent craindre que leurs primes d’assurances ne baissent jamais. Une fois établi un schéma de coût des sinistres par année, l’assureur appliquera une règle strictement comptable de son risque et ne prendra pas le soin de savoir si le risque de l’assuré justifie une diminution de prime. A titre d’exemple, il n’y a aucun barème d’indemnisation pour les accidents de la circulation automobile, ce qui n’empêche pas les assureurs d’octroyer des bonus/malus à leur client selon des règles prédéfinies.

Enfin, qui va définir ces plafonds d’indemnisation ? Les compagnies d’assurances, les professionnels du droit (avocats, magistrats) ou les experts ? Le résultat sera largement différent en fonction des promoteurs de ce barème.
 
Plus qu’un système de régulation des indemnisations, par la mise en place d’un barème, nous insistons sur l’importance de l’analyse du risque médical. Cette analyse permettra aux assurés de mettre en place des actions de prévention utiles et nécessaires pour réduire ce risque. Les référentiels d’accréditation des établissements et des professionnels de santé sont des bases à développer.

 

 


1- Statistiques sinistre de la Sham. Dossier disponible sur le site www.sham.fr, rubrique actualité du 8 novembre 2006.

2 – La Tribune du 9 Septembre 2006 ; article : « Le risque médical affiche un bilan positif ».

3 – Selon les critères dégagés par la loi About no 2002-1577 du 30 décembre 2002 – relative à la responsabilité civile médicale.

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