Infection nosocomiale et responsabilité de plein droit du praticien libéral
L’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation rendu le 21 juin 2005 dont l’attendu de principe est reproduit ci-dessous nous démontre une fois de plus que le courant en faveur d’une indemnisation automatique d’une victime d’une infection nosocomiale s’applique sans la loi du 4 mars 2002.
Attendu qu’après avoir été opéré d’une hernie discale, M. X a présenté une spondylodiscite infectieuse et recherché la responsabilité de M. Z, neurochirurgien, et de la clinique Y ;
[…] Sur le troisième moyen : Vu l’article 1147 1 du code civil Attendu que pour mettre hors de cause M. Z, condamner la clinique et son assureur à indemniser M. X des conséquences dommageables de cette infection et les débouter de leur appel en garantie à l’encontre de M. Z, la cour d’appel relève qu’aucune faute ne pouvait être retenue à l’encontre du praticien qui avait rempli ses obligations professionnelles , y compris celle de veiller à l’asepsie en fonction de l’état antérieur du patient, que la clinique, tenue à une obligation de sécurité de résultat, n’était pas en mesure d’apporter la preuve de l’existence d’une cause étrangère de nature à l’exonérer de sa responsabilité et qu’elle ne pouvait, sans prouver une faute d’asepsie imputable au médecin, être déchargée de son obligation de sécurité à l’égard du patient ; Attendu, cependant, l’article L 1142-1 du Code de la santé publique n’étant pas applicable en la cause, que la clinique et M. Z en étaient, l’un et l’autre, tenus à l’égard de M. X d’une obligation de sécurité résultat dont ils n’étaient pas en mesure de se libérer par la preuve d’une cause étrangère, de sorte qu’ils devaient contribuer par parts égales à la répartition des conséquences dommageables de l’infection ; qu’en se déterminant ainsi, la cour d’appel a donc violé le texte susvisé ; Par ces motifs, CASSE ET ANNULE… |
Nous ne reviendrons pas sur l’étendue de cet arrêt de cassation, puisqu’il est dans la continuité de l’arrêt du « staphylocoque doré » (1civ. 29/06/1999).
L’article L 1142-1-I du code de santé publique n’est pas applicable en l’espèce, puisque le fait générateur du dommage remonte au 23 juin 1998.
Nous tombons donc sous le joug de la jurisprudence, fondée sur l’article 1147 du code civil, qui fait peser une obligation de sécurité de résultat sur le praticien et non plus seulement sur l’établissement de santé privé, pour les infections nosocomiales consécutives à un acte médical réalisé dans un établissement de santé.
Notre propos se dirigera alors sur les conséquences financières que peut entraîner ce genre de décision pour un praticien exerçant son activité libérale avant la loi du 4 mars 2002.
Le jugement de Salomon
Dans le cas où les deux parties en présence sont toutes deux présumées responsables de l’infection nosocomiale, il y a lieu de partager les responsabilités à parts égales entre la clinique et le praticien, sans recherche d’une quelconque faute. Cependant, seule la véritable « mère » de cette infection sera amenée à en supporter la charge finale.
Si l’action de la victime est fondée sur une responsabilité sans faute de la clinique et du praticien, il n’en est peut-être pas de même dans les relations entre le praticien et la clinique.
L’obligation à la dette : une victime à indemniser
A la lecture de la présente décision, il semble que le praticien ne soit, en l’espèce, pas assuré. Seule la loi du 4 mars 2002 impose une obligation légale d’assurance pour tout professionnel de santé. De ce fait, le praticien non assuré assumera sa condamnation pécuniaire en propre.
En l’espèce, la Cour d’appel ayant certainement compris l’enjeu d’une telle condamnation civile avait préféré faire porter la charge du sinistre sur l’établissement de santé, assuré quant à lui.
En revanche, la Cour de cassation, en vertu des principes jurisprudentiels établis depuis l’arrêt du staphylocoque doré, partage à part égales la répartition des dommages subis par la victime.
Désormais, cette décision pourrait être admise en vertu de l’obligation d’assurance mise en place par la loi du 4 mars 2002. Mais en l’espèce, aucune obligation d’assurance n’était mise en place. Dès lors, il devient difficile d’admettre que l’on puisse faire porter la charge d’une telle condamnation, en partie, sur les épaules d’un praticien libéral.
Cette décision devrait donc inciter tout praticien libéral à provisionner des fonds suffisamment importants pour « garantir » une éventuelle mise en cause ? Serait-il admis qu’un chirurgien diligent soit un chirurgien qui soit devenu son propre assureur ?
Cette jurisprudence revient à faire porter les conséquences d’une absence d’obligation d’assurance sur des personnes physiques qui ont exercé dans les règles de l’art 2.
La contribution à la dette : l’action du praticien à l’encontre de la clinique
En revanche, nous constatons qu’un établissement de santé privé qui conclut un contrat d’exercice libéral avec un praticien libéral s’engage, en contrepartie du paiement d’une redevance, à fournir à son cocontractant un bloc opératoire aseptisé avec des instruments parfaitement stérilisés.
Reste alors au chirurgien à invoquer ce moyen devant la Cour d’appel de renvoi.
L’établissement de santé est débiteur d’une obligation contractuelle d’asepsie. Est-ce que cette obligation revêt le caractère d’une obligation de résultat, ou bien de moyens ?
La clinique doit-elle mettre en œuvre tous les moyens en son pouvoir pour empêcher les infections nosocomiales, ou bien doit-elle impérativement assurer l’asepsie totale de son bloc opératoire ?
Tout dépend de l’interprétation qui peut être faite du contrat d’exercice libéral conclu entre le praticien et l’établissement de santé privé.
Les conséquences désastreuses de l’infection nosocomiale survenue avant l’application de la loi du 4 mars 2002.
Eût égard au manque de protection des parties confrontées à une infection nosocomiale avant l’application de la loi du 4 mars 2002, qu’elles soient victimes, praticiens ou établissement de santé privé, cette loi a beaucoup apporté. Certes, si elle est essentiellement tournée vers l’indemnisation des victimes, elle protège tout autant les professionnels de santé :
– Mise ne place de la solidarité nationale (CRCI/ONIAM) ; apparition d’une obligation légale d’assurance ; prescription décennale.
Nous rappellerons seulement que, pour tout acte médical pratiqué avant l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, aucune obligation d’assurance n’est imposée, que seuls les acteurs responsables de plein droit de l’infection nosocomiale sont tenus à la dette et que l’action de la victime est prescrite au bout de trente ans.
1 – Article 1147 du code civil : « le débiteur (d’une obligation contractuelle) est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise fois de sa part ».
2 – Le rapport d’expertise écarte toute faute du chirurgien qui a normalement veillé à ce qui relevait de sa seule compétence, c’est à dire à l’organisation de mesures particulières pour tenir compte de l’état du patient.
Tags :civile, infection, nosocomiale, professionnelle, responsabilité
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Commentaires (1)
Sourd
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Ma femme sourde est cancer peu differencié de la thyroide, suite retirer cathéter malgré plaie ouverte après retirer les sutures, elle est problème staphylocoque et bacille pyocyanique pour antibiotique ne marche pas !!! elle est actuel soins palliatifs à domicile, est ce que accident médical ou erreur médicale merci de votre aide très cordialement Frédéric
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