Circulaire no 83-24 du 1er août 1983 relative à l’hospitalisation des enfants

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Circulaire no 83-24 du 1er août 1983 relative à l’hospitalisation des enfants.

Ce texte n’est pas paru au Journal officiel.

Introduction 

En dehors des aspects purement médicaux, l’hospitalisation des enfants soulève des problèmes délicats d’ordre psychologique et affectif.

Une relation mal engagée avec la mère après la naissance ou, par la suite, une séparation brutale avec le milieu habituel de vie entraîne toujours des effets néfastes. Dans l’immédiat, elle est vécue douloureusement par l’enfant ; à moyen et long terme elle peut avoir un retentissement profond sur son équilibre. Elle risque de perturber ses relations ultérieures avec sa famille. Dans les cas les plus graves, elle peut même déclencher un processus intolérance réciproque aboutissant à des mauvais traitements.

Ces données de base de la psychologie infantile montrent que toute hospitalisation comporte inévitablement un danger pour la personnalité de l’enfant. Celui-ci ressent en effet l’hôpital comme un monde étranger potentiellement hostile. Comme l’adulte, il éprouve ou redoute la souffrance physique, d’autant plus qu’il n’en comprend pas la raison. Mais, en outre, il craint de perdre la protection de ceux qui l’aiment et dont il a encore plus besoin dans cette période de peur et de douleur.

Les risques de détresse et de traumatisme sont particulièrement élevés :

quand l’enfant est jeune: le temps lui parait démesurément long et il peut très vite se croire abandonné ;

s’il ne sait pas parler, il ne peut ni poser des questions ni exprimer son angoisse ;

si l’hospitalisation a eu lieu en urgence ou dans des circonstances perturbantes (par exemple à l’occasion de difficultés familiales) ;

si elle s’accompagne d’un diagnostic grave ou de soins douloureux ;

si l’enfant ne bénéficie pas, dans sa propre famille. de conditions affectives satisfaisantes ;

– ou si, étant étranger, il ne peut communiquer en français.

De nombreux établissements hospitaliers, conscients de ces phénomènes, s’efforcent déjà d’en limiter les effets. Ils ont modifié pour cela l’organisation ou le fonctionnement de leurs services , de pédiatrie , de maternité , d’urgence ou de réanimation. Nous tenons à rendre hommage à leurs réalisations. Le moment nous parait venu de les étendre , pour en faire une politique globale qui prenne en compte systématiquement les besoins psychologiques des enfants.

En vous recommandant les mesures ci-dessous, nous n’ignorons pas vos difficultés quotidiennes, ni les moyens parfois limités dont vous disposez. Toutefois , si certaines de ces mesures peuvent demander quelques moyens particuliers, la plupart sont d’abord affaire d’état d’esprit. Elles supposent avant tout une sensibilisation de chacun et la volonté de modifier certaines façons de faire traditionnelles. C’est pourquoi elles ont pu être introduites avec succès dans de nombreux services aux situations très diverses.

Leur application ne peut, bien entendu, ignorer les impératifs des traitements et de la sécurité; ceux-ci doivent cependant être évalués à leur juste importance, dans le contexte plus large du bien-être physique et mental des enfants.

En tout état de cause, ces orientations font largement appel à l’esprit d’initiative de tous les personnels, sous l’autorité des responsables administratifs, médicaux et paramédicaux de l’hôpital.

1 – Éviter les hospitalisations non strictement nécessaires

a) De nombreux examens préliminaires ou de contrôle peuvent avantageusement être pratiqués dans le cadre des consultations externes sans admettre ou maintenir l’enfant a l’hôpital.

b) Chaque fois que la nature du traitement le permet, il est préférable de maintenir l’enfant chez lui ou de le faire rentrer rapidement en utilisant des services d’hospitalisation a domicile. Vous vous efforcerez de développer de tels services, au besoin par un redéploiement de certains moyens existants.

c) La création ou le développement de l’hospitalisation de jour ou de nuit, en accord avec les organismes de sécurité sociale, devrait également remplacer l’hospitalisation classique chaque fois que possible. Les indications médicales ou même chirurgicales permettant de prendre en charge les enfants exclusivement pendant la journée se développent d’ailleurs actuellement. L’hospitalisation de jour peut aussi préparer ou prolonger une hospitalisation complète. Elle nécessite cependant un environnement familial averti et disponible, ainsi qu’une liaison bien établie avec le médecin traitant ou éventuellement le service de P.M.I.

d) Quand une hospitalisation complète semble nécessaire, sa durée doit être réduite au minimum. Certes, il ne convient pas de concentrer sur une trop courte période trop d’actes fatigants ou douloureux pour l’enfant, mais il faut éviter tout temps mort médicalement injustifié. Dés lors que le traitement ou la surveillance peut être poursuivi par l’entourage de l’enfant , ce dernier doit retourner à son domicile, quitte à être revu plus souvent lors de consultations de contrôle chez le médecin traitant ou à I’hôpital.

e) Vous vous efforcez d’éviter les “ hospitalisations sociales , c’est-à-dire l’entrée ou le maintien à I’hôpital d’un enfant sans raison médicale réellement contraignante. Les accueils d’enfants pour raisons sociales peuvent, dans la plupart des cas, être évités, ou du moins abrégés, par des aides diverses à leurs familles. Quand un accueil s’avère indispensable, il vaut mieux recourir à un placement familial ou à un autre mode d’accueil temporaire proche du domicile.

f) Les assistantes sociales de vos services ont un rôle essentiel à puer à cet égard, en coopération systématique avec le médecin traitant, les services sociaux de secteur et les équipes départementales de P.M.I. et d aide sociale à l’enfance.

g) Les placements sanitaires qui exilent de jeunes enfants pendant des semaines voire des mois, loin de leur famille peuvent provoquer des ravages psychologiques et affectifs. Ces risques sont souvent sans commune mesure avec le bénéfice attendu sur le plan physique.

Aucun placement ne devrait donc être décidé sans une réflexion concertée entre le médecin , le service social hospitalier et , si possible, l’équipe médico-sociale du secteur concerné. Cette réflexion permettra d’envisager les alternatives possibles ou les mesures d’accompagnement à prévoir.

2 – Préparer l’admission (Les parents doivent recevoir à cette occasion les renseignements pratiques dont ils ont besoin)

En dehors des admissions en urgence, I’hospitalisation devra être préparée de façon à réduire l’anxiété de l’enfant et de sa famille.

Cela implique qu’un membre de l’équipe médicale et soignante explique à l’avance à l’enfant et à ses parents: la raison de l’hospitalisation, sa durée très approximative (si possible et avec prudence) , la nature des examens ou des soins qui seront entrepris. De telles explications, données en termes simples, permettront à l enfant de se préparer psychologiquement à ce qui l’attend; elles faciliteront ainsi les soins ultérieurs.

Les parents doivent recevoir à cette occasion les renseignements pratiques dont ils ont besoin (nom du service et du médecin responsable, heures des repas, etc.) Ils seront également informés de ce qu’ils peuvent faire, de leur côté, pour préparer et faciliter le bon déroulement de l’hospitalisation. Les informations orales qui leur seront données seront rappelées dans un ou deux documents succincts, rédigés dans un style familier. Nous vous adressons séparément, à ce sujet, un dépliant qui pourra vous être utile.

3 – Accueillir l’enfant et ses parents à l’admission

a) le passage par un service d’urgence est souvent le premier contact avec l’hôpital; fréquemment, I’enfant et ses parents le vivent très mal. Vous vous efforcerez donc d’améliorer l’accueil des enfants dans ce service. Dans toute la mesure du possible seront organisées des urgences autonomes de pédiatrie avec la présence, aux heures ouvrables, de personnels médicaux qualifiés1.

b) les formalités administratives ou autres ne doivent évidemment jamais prendre le pas sur l’accueil de l’enfant et de ses parents Cet accueil doit être aussi chaleureux et personnalisé que possible.

Rien ne vaut la présence d’un proche au moment de l’admission.
Il est donc très important d’aider un membre de la famille à demeurer avec l’enfant pendant ses premières heures à l’hôpital. Cette personne devrait, dans toute la mesure du possible, être présente quand il s’endort le premier soir. La présence rassurante d’un objet privilégié (animal en peluche, poupée, linge, couverture…) est indispensable pour le jeune enfant hospitalisé. Il faut donc toujours demander à sa famille, lors de la consultation préalable ou de l’admission , de lui remettre l’objet auquel il est attaché. Il est également préférable que l’enfant conserve ses vêtements qui sont un lien de plus avec son univers familier. Ces principes ne s’opposent pas, bien entendu. aux précautions d’hygiène (décontamination) qui pourraient s’avérer nécessaires.

Les parents seront consultés sur les habitudes et les aversions de l’enfant (alimentaires ou autres) et sur son vocabulaire particulier (pour aller aux toilettes, désigner son objet familier, etc.). Ces indications seront portées sur le dossier de soins pour que tous les membres de l’équipe puissent en avoir connaissance.

Enfin, chaque fois que des soins ne sont pas prodigués immédiatement à l’enfant, il faut éviter de le mettre au lit. Il doit avoir la liberté de jouer et de renouer avec ses activités habituelles.

4 – Admettre l’enfant avec un de ses parents

L’admission conjointe mère (ou père) – enfant est à développer. Elle permet à la mère ou au père de rester auprès de leur enfant, sinon jusqu’à sa sortie, du moins le temps de son adaptation. Cette admission conjointe doit être possible quelle que soit la nature de la sa maladie, et non pas seulement dans les cas les plus graves.

L’angoisse de l’enfant ne dépend, en effet, pas nécessairement de la gravité objective de son état. Le séjour du père ou de la mère sera évidemment organisé en collaboration étroite avec l’équipe médicale et soignante.

Si les parents ont d’autres enfants à la maison, ils ne pourront peut-être recourir à l’admission conjointe sans une aide extérieure (mode de garde ou aide ménagère). Il vous appartient d’éclairer les parents à ce sujet et de les aider au besoin à prendre contact avec les équipes compétentes. Ici encore, une coopération constante entre le service social hospitalier et les services sociaux de secteur s’impose.

Pour faciliter l’admission conjointe parent-enfant, nous vous demandons de prévoir l’existence de chambres conçues à cette fin à l’occasion de toute construction ou rénovation.

Toutefois, dés à présent, et dans presque tous les cas, il suffit d’aménagements peu coûteux (lits pliants par exemple) pour permettre la présence d’un des parents. A défaut de chambres mixtes, quelques chambres d’accueil d’un parent peuvent être installées à proximité de certaines unités (réanimation par exemple) pour permettre le maintien d’une relation, même discontinue, ou seulement visuelle, à travers une vitre.

Enfin, il n’est souhaitable ni pour l’enfant, ni pour le personnel, ni pour le parent que ce dernier soit contraint de rester toute la journée dans la chambre ou dans les couloirs voisins. Il est donc important de prévoir, à proximité des services intéressés, une pièce où les membres des familles accueillis temporairement puissent se reposer ou échapper à la tension qu’ils peuvent ressentir.

5 – Faire participer les parents

La technicité des soins médicaux ou infirmiers, les problèmes de sécurité et de responsabilité interdisent le plus souvent de confier ces soins aux parents. En revanche, ces derniers peuvent souvent se charger, auprès de leur enfant, des soins de la vie quotidienne: le nourrir, le changer, faire sa toilette, aller lui chercher quelque chose, l’accompagner, le calmer… Les agents sont ainsi libérés pour des tâches plus techniques ou pour mieux soigner des enfants dont les parents ne sont pas là. En outre mieux vaut une mère occupée auprès de son entant qu’une mère inactive anxieuse qui harcèle le personnel.

Il est important qu’un proche de l’enfant l’accompagne s’il est transféré dans un autre service, comme s’il s’agissait d’une nouvelle admission.

Sa présence est encore plus nécessaire aux moments les plus angoissants d’une hospitalisation, quand l’enfant s’endort puis se réveille à l’occasion d une opération.

Les parents doivent pouvoir assister aux soins médicaux et infirmiers s’ils le souhaitent et si, à l’expérience, leur présence ou leur comportement ne s’avère pas gênant . Cette intégration partielle à la vie du service leur permet en effet de s’initier aux gestes qu’ils auront à accomplir après la sortie de l’enfant (suivi d’un régime, pansements, etc.). La durée de l’hospitalisation peut ainsi s en trouver réduite.

6 – Adapter les soins et les conditions de traitement à l’âge de l’enfant et l’y préparer.

Tout acte pratiqué pour la première fois, surtout s’il peut provoquer douleur ou crainte chez l’enfant, doit lui être expliqué à l’avance en fonction de ses possibilités de compréhension. Plus encore que l’adulte, l’enfant a besoin d’être considéré et soigné totalement, comme une personne plutôt que de subir une série d’interventions purement techniques et isolées. Il est donc très souhaitable qu’il puisse entretenir une relation continue, privilégiée, avec un membre de l’équipe médicale et soignante tout au long de son séjour à l’hôpital. C’est particulièrement vrai s’il doit avoir affaire à plusieurs services ou si sa famille ne paraît pas lui apporter pendant son hospitalisation un soutien affectif suffisant.

Plus encore qu’avec les adultes, les membres de l’équipe doivent faire preuve d’un tact et d’une discrétion extrêmes lorsqu’ ils parlent entre eux d’un enfant, que ce soit de son état ou de sa famille. Les enfants, même très jeunes, comprennent bien plus qu’on ne le pense: à l’inverse, ils peuvent mal interpréter des propos d’adultes. Dans les deux cas, des paroles inconsidérées peuvent avoir un retentissement désastreux.

  7- Améliorer les conditions de séjour 

a) Certains enfants relèvent de traitements spécialisés non pédiatriques: chirurgie, O R L ,etc. Nous souhaitons que , s’ils ne sont pas rattachés au service de pédiatrie, ils soient au moins rassemblés dans un secteur où il bénéficient d’un personnel et d’un environnement adaptés En aucun cas, évidemment. ils ne devront partager la chambre d’un adulte. Il va de soi également qu’il faut leur éviter la proximité de malades dont l’état ou le comportement pourrait accroître leur propre anxiété.

b) Les enfants ressentent fortement la rupture avec leur cadre de vie habituel et les contraintes imposées par l’hospitalisation. Il importe donc d’aménager les services d’enfants pour que ceux-ci puissent y poursuivre leurs activités quotidiennes: salles de jeux, salles à manger, bibliothèques, possibilités de sortir dans un jardin ou une cour sont des aménagements peu coûteux qu’il faut développer.

c) Dans certains services de pédiatrie, l’action d’éducateurs de jeunes enfants ou d’animateurs qualifiés ne doit pas être considérée comme un luxe mais comme une partie intégrante du traitement. Nous souhaitons vivement que vous vous assuriez le concours de tels personnels, dans toute la mesure compatible avec le budget de l’établissement.

Il est aussi possible, dans certains cas, d’avoir recours à des bénévoles, sélectionnés dans le cadre d une association. Les interventions de ces derniers doivent néanmoins s’inscrire dans le cadre d’une mission bien définie et être bien suivies. Les activités de distraction qui seront proposées aux enfants doivent faire l’objet de programmes organisés sur lesquels les enfants puissent normalement compter.

d) Le maintien des liens avec l’école constitue pour tous les enfants d’âge préscolaire et scolaire un objectif essentiel. Il vous appartient de rechercher avec les responsables locaux de l’éducation nationale des formules adaptées. Vous pourrez aussi, au besoin, faire appel à des enseignants détachés ou à des membres d’associations spécialisées, pour faire assurer aux enfants les cours ou le soutien scolaire nécessaires.

e) La présence de psychologues disposant d’un temps d’intervention suffisant est toujours précieuse pour les services qui reçoivent des enfants. Elle permet de mieux apprécier les besoins psychologiques. Elle permet également. dans les rencontres avec les familles et les réunions entre les diverses catégories de personnels.

f) Les établissements qui reçoivent un grand nombre d’étrangers non francophones ont évidemment le plus grand intérêt à s’assurer la collaboration d’interprètes. C est sans doute l’un des domaines dans lesquels des bénévoles peuvent rendre les plus grands services.

g) Il n’est guère besoin, enfin, d’insister sur le rôle capital des assistantes sociales hospitalières. Elles informent et orientent les familles pour les questions administratives, financières et sociales. Elles peuvent éclairer l’équipe médicale et soignante sur le contexte familial et social de l’hospitalisation. Elles facilitent une collaboration permanente entre les équipes hospitalières et de multiples services ou établissements extérieurs.

8 – Développer les visites

a) Nous souhaitons que le régime des visites soit défini dans le règlement intérieur de manière très souple. Les parents, amis, frères et sœurs, camarades seront admis, en nombre limité et sous l’autorité de l’équipe responsable, quel que soit leur âge et à tout heure raisonnable de la journée. Le local évoqué ci-dessus -4- ou tout autre similaire facilitera ces visites.

b) En tout état de cause, le père, la mère ou une autre personne qui s’occupe de l’enfant doit pouvoir rester auprès de lui aussi longtemps qu’ils le souhaitent, à condition de ne pas contrarier l’action médicale ni de troubler le repos des autres malades. Le décret du 14 janvier 1974 relatif aux règles de fonctionnement des centres hospitaliers et hôpitaux locaux permet expressément cette présence d’un accompagnant auprès d’un malade de moins de quinze ans en dehors des heures de visite (annexe I, art. 22-20).

c) Les enfants hospitalisés pour plus de quelques jours doivent être autorisés à retourner périodiquement à leur domicile (pour les fins de semaine par exemple) si le médecin responsable juge que leur état le permet.

  9- Informer les parents au cours du séjour

S’ils ne peuvent demeurer auprès de leur enfant pendant son hospitalisation, les parents doivent avoir la possibilité de s’informer régulièrement de son état. Il convient donc de leur indiquer les jours et heures auxquels ils pourront s’adresser à un médecin responsable qui sera en mesure de leur donner toutes les informations nécessaires et d’en discuter avec eux.

Ils doivent pouvoir téléphoner dans le service pour prendre des nouvelles, et aussi parler à leur enfant.

Sauf urgence, les parents doivent être informés au préalable du transfert de leur enfant dans un autre service pour pouvoir l’accompagner a cette occasion.

10 – Préparer la sortie

Il est souhaitable que, dans tous les cas, un membre de l’équipe prenne le temps de préparer la sortie de l’enfant avec ses parents. Il leur expliquera notamment les réactions psychologiques que l’enfant pourrait éventuellement présenter après son retour à la maison, et la manière d’y faire face (régression, comportement agressif, troubles du sommeil, difficultés scolaires…). Ces réactions seront d’ailleurs d’autant plus limitées que les mesures ci-dessus auront été largement appliquées.

Dans certains cas, la famille ou l’enfant doit bénéficier d’une aide particulière après la sortie (aide financière, travailleuse familiale, mode de garde…). Des réunions ou rencontres régulières entre l’équipe soignante, l’assistante sociale, le psychologue et les personnes extérieures intéressées (P.M.I., santé scolaire, médecins de ville…) permettront de prévoir les mesures souhaitables.

11 – Favoriser l’introduction de ces mesures auprès de l’équipe médicale et soignante

Nous avons vu que l’hébergement d’un membre de la famille, sa participation aux soins, le développement des visites, sont indispensables à l’équilibre de l’entant et éviteront des perturbations ultérieures. Il est vrai cependant qu’ils impliquent des modifications importantes dans les habitudes de travail des équipes hospitalières.

Celte évolution ne se fera dans la réalité quotidienne que si elle est ressentie comme indispensable par tous Il vous revient donc de la favoriser en incitant les équipes à en discuter dans leur réunion de travail, et en ayant recours à des actions de formation spécifiques.

Ces dernières porteront non seulement sur les besoins particuliers des enfants à l’hôpital, mais aussi sur le développement normal de l’enfant et les données psychologiques de base qui sous-tendent la présente circulaire.

Nous vous recommandons de consacrer à ce thème une fraction de vos crédits de formation permanente. De plus, nous envisageons de le proposer dans le cadre des sessions d’information et de recyclage des personnels médicaux et paramédicaux financées sur les crédits du ministère des affaires sociales et de la solidarité nationale (chapitre 43-81, article 20).

Nous voudrions, pour terminer, souligner une certain nombre de points.

Il arrive souvent que les familles, intimidées par l’hôpital, habituées à des modes de fonctionnement traditionnels des services ou mesurant mal les facteurs psychologiques en jeu, hésitent à profiter des facilités préconisées ici. Il ne suffit donc pas de prévoir ces dernières. Les équipes devront les proposer activement, en expliquant leur raison d’être dans le respect, bien entendu, de la liberté des parents qui doit rester entière.

Le temps passé auprès des parents demande un effort réel aux membres du personnel. Or, ceux-ci sont préoccupés avant tout, et c’est normal, par la gravité des cas auxquels ils doivent faire face et par la technicité des soins à prodiguer. Mais cet effort leur apportera une contrepartie évidente, immédiate, en donnant aux enfants hospitalisés un sentiment de sécurité qu’ils n’auraient jamais pu connaître autrement. C’est aussi un investissement à long terme, permettant un retour et un développement harmonieux des enfants dans leurs familles.

Ces nouvelles orientations n’entraînent aucun dessaisissement pour les membres des équipes soignantes. Au contraire: déchargées, à l’occasion, de certaines taches non techniques, leur rôle indispensable auprès de l’enfant s’enrichit d’une relation plus large avec sa famille.

Enfin, les progrès que nous souhaitons resteraient hors d’atteinte sans une coopération permanente entre tous les acteurs de l’hospitalisation, la direction de l’établissement, les médecins hospitaliers, le personnel soignant, les assistantes sociales, psychologues et éducateurs, médecins traitants, services médico-sociaux de secteur et parents.

C’est cette action en commun que nous vous demandons dans l’intérêt des enfants.

Le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale,
Pierre Bérégovoy

Le secrétaire d’Etat auprès du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale, chargé de la santé, Edmond Hervé

Le secrétaire d’Etat auprès du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale, chargé de la famille, de la population et des travailleurs immigrés, Georgina Dufoix

 


1 – Ces observations s’appliquent aussi aux consultations externes. Les enfants n’ont rien à gagner à y cotoyer les consultants adultes, avec parfois de longues durées d’attente. Nous souhaitons que vous puissiez organiser des consultations pour enfants indépendantes et nettement séparées des consultations ordinaires. Cet objectif est d’autant plus important que le rôle des consultations externes ne cesse de se développer.


Annexe I – Quelques situations particulières

1 – Service de maternité

Le père doit pouvoir, s’il le souhaite, assister à l’accouchement. Sa présence à ce moment et dans les jours qui suivent permet de l’associer très précocement à la connaissance de son enfant. Par ailleurs, elle est d’un grand secours pour la mère en cas de difficultés imprévues (au moment de l’annonce d’un handicap, en cas de transfert en néonatologie,…)

Pour que la mère et l’enfant établissent un lien mutuel dès la naissance, ils doivent évidemment être en contact aussi étroit que possible. L’enfant doit donc rester dans la chambre de sa mère autant qu’elle le désire durant leur séjour en maternité.

L’allaitement maternel présente, entre autres avantages, celui de renforcer le lien mère-enfant. Si la mère envisage d’allaiter, il faut l’aider à le faire, sans toutefois exercer de pressions dans ce domaine délicat.

C’est aussi à travers les soins quotidiens qu’elle donne à son enfant que la mère construit sa relation avec lui. Le rôle du personnel, à cet égard, est de lui apporter l’aide de sa compétence professionnelle pour la seconder, plutôt que se substituer à elle. Cela a aussi l’avantage de préparer le retour à la maison.

Dans le même esprit, les divers examens de l’enfant seront, de préférence, pratiqués au lit de sa mère

Il est important que la mère de famille et ses enfants ne soient pas privés de la possibilité de se voir pendant le séjour à la maternité. Nous souhaitons l’existence d’un local, proche des chambres, mais distinct, qui permette de recevoir des visites. Cette solution respecte les règles d’hygiène élémentaires; elle est satisfaisante pour tous.

Certaines mères connaissent après la naissance des problèmes sociaux ou psychologiques (état d’angoisse, difficultés émotionnelles) qui peuvent perturber leurs premières relations avec l’enfant. Une réflexion collective, régulière entre les membres de l’ équipe et ceux d’équipes extérieures (secteur social, secteur psychiatrique. . ) permet de mieux déceler ces problèmes difficiles pour y apporter la réponse la plus appropriée

Les recommandations données ci-dessus, ne s’appliquent évidement pas pour les mères qui envisagent de confier leur enfant en vue d’adoption. Des dispositions particulières respectant le projet de ces mères doivent être prises en concertation avec le service départemental de l’enfance ou l’œuvre d’adoption concernée.

Le ministère des affaires sociales et de la solidarité nationale engage actuellement une action dans deux régions, destinée à améliorer les conditions de séjour de la mère et de son enfant en maternité. Cette action vise, entre autres, à améliorer la collaboration nécessaire entre les maternités, les équipes de P.M.I. et d’aide sociale à l’enfance.

2 – Services de néonatalogie et de réanimation

Dans un service de néonatologie, la condition de l’enfant et l’appareillage auquel il est soumis peuvent heurter la sensibilité des parents. Ils risquent ainsi de provoquer chez certains des réactions de fuite ou de rejet. Les membres de l’équipe doivent donc veiller particulièrement a informer et à rassurer les parents. Dés que l’équipe l’estime possible, les parents doivent être invités à avoir un contact direct avec le nouveau-né. Ils pourront commencer à lui donner quelques soins élémentaires avec l’aide du personnel soignant. Ce contact précoce et actif est fondamental pour le bon établissement du lien parent-enfant.

Les parents doivent bénéficier des mêmes mesures dans les services de réanimation.

Quand un nouveau-né a été transféré en néonatologie pour une difficulté transitoire, il doit retourner au lit de sa mère dés que son état n’exige plus de soins intensifs.

3 – Enfants de familles défavorisées

Les enfants de familles très défavorisées sont fréquemment hospitalisés. Ils le supportent d’autant plus mal que leurs conditions de vie familiale sont instables et précaires. Lorsque l’hospitalisation n’a pu être évitée, ou lorsqu’elle est médicalement nécessaire,  il faut veiller tout spécialement à la qualité de l’accueil de la famill. Celle-ci, en effet, se sent souvent mal à l’aise, observée et jugée. Elle craint un placement de l’enfant dont l’hospitalisation peut signifier, pour elle et parfois le personnel, qu’elle ne sait pas s’occuper de lui convenablement. De son côté, le personnel est désemparé face à ses familles « difficiles » à l’égard desquelles l’action menée semblesans cesse à recommencer. Une informationsur les conditions de vie de ces familles et l’établissement de liens de confiance mutuels avec au moins un membre de l’équipe soignante permettraient souvent d’éviter des situations quasi conflictuelles.

4 – Enfants de familles migrantes

Pour des raisons multiples, les enfants de familles migrantes constituent une proportion importante des enfants accueillis dans les services de pédiatrie générale.

Les particularismes culturels sont à l’origine de fréquents malentendus entre les familles et le personnel, par exemple à propos de l’alimentation des enfants. Il est nécessaire que certains des interprètes dont dispose l’hôpital connaissent bien les modes de vie et d’éducation des enfants des ethnies les plus représentées dans la région et que le personnel accepte des comportements différents de ceux auxquels il est accoutumé. Ainsi, la famille entend souvent que l’enfant sorte guéri alors que l’équipe hospitalière, après examens et diagnostic, estime possible un traitement ambulatoire. Une information mutuelle respectueuse de chaque culture suffit généralement à aplanir ces difficultés.

5 – Enfants maltraités

Bien que le plus souvent bref dans l’histoire d’un enfant maltraité, le passage y tient une place essentielle. Le défaut de diagnostic conduit dans la majorité des cas à une récidive qui peut être mortelle.

Les parents, qu’ils parlent ou non de l’origine des lésions, sont en fait dans le désarroi et demandeurs d’aide. La qualité de la prise en charge que peut offrir l’hôpital à la famille et à l’enfant joue alors un rôle déterminantpour la suite des interventions.

D’emblée, l’équipe hospitalière doit s’efforcer d’établir avec les parents d’aide et de soutien, seule capable de clarifier leur rapport à l’enfant. Cette relation s’établit au fil d’entretiens avec les médecins de service, les infirmières, l’assistante sociale et le psychologue. La réponse à l’attente des parents implique la compréhension de leurs problèmes et une tolérance réelle à leur égard en dépit de leur attitude déconcertante et irritante. Une des tâches de l’équipe hospitalière est de préparer les interventions extérieurs à l’hôpital, qu’elles se situentpendant ou après l’hospitalisation de l’enfant, et notamment, le cas échéant, le signalement.

Pour plus de détails sur ces questions, on se reportera utilement à la circulaire no 83-14 du 21 mars 1983 aux commissaires de la République (D.D.A.S.S et D.R.A.S.S), sur la protection de l’enfance en danger, victime de sévices ou de délaissement.

6 – Les adolescents hospitalisés

L’hospitalisation des adolescents pose des problèmes nouveaux. Il s’agit notamment de déterminer s’il faut les accueillir dans les services adultes ou les services d’enfants, ou encore dans des services spécialisés dans cette tranche d’âge. Quelques-uns de ces services fonctionnent de façon satisfaisante, le plus souvent dans le cadre ou à côté des services de pédiatrie.

La multiplication d’expériences de ce genre est souhaitable, afin d’en faire l’évaluation. D’une façon générale,  la plus grande souplesse est nécessaire en ce qui concerne les âges limites d’admission dans les services d’enfants et d’adultes, et à chaque fois que possible, il sera tenu compte des souhaits de l’adolescent quant au type de service où il séjournera.

Pour mieux répondre aux besoins spécifiques des adolescents hospitalisés, on encouragera la création, au sein de chaque service hospitalier habitué à en recevoir, d’un secteur qui leur soit réservé : quelques chambres à deux, groupées autour d’une salle de séjour et de loisirs qui leur offre la possiblilité de vaincre l’ennui à l’hôpital et d’utiliser de façon positive le temps de l’hospitalisation. Selon le temps dont elle dispose, l’équipe médicale et soignante pourrait notamment aborder avec les adolescents les problèmes psycho-affectifs ou de santé qui les préoccupent.

Annexe II – Quelques ouvrages utiles

L’enfant de 0 à 2 ans et l’enfant de 2 à 6 ans. – Dr Myriam David. (Editions Mesope-Privat, 1960.)

L’angoisse de séparation. – Article de J. Bowlby dans Psychiatrie de l’enfant, tome V. (P.U.F., 1962.)

L’enfant dans sa famille, vol. 2 : l’enfant devant la maladie et la mort. – Ouvrage collectif. (Masson, 1974.)

L’enfant et l’hôpital. – L’école des parents. (Assistance publique de Paris, 1975.)

Les enfants malades. – Encyclopédie de l’éducation, tome IV. (Editions sociales françaises, 1974.)

L’enfant et les sortilèges de la maladie. – Dr D. S. Kipmann. (Edition Stock, 1980.)

Jeunes enfants à l’hôpital. – James Robertson. (Le Centurion, 1974.) 

L’accueil et la prise en charge des parents dans un service de néonatalogie. – Pr. Pierre Satge et Dr. Michel Soule. (L’Expansion scientifique française, 1976.) 

La vie de l’enfant à l’hôpital. – M. Algara et D.Decelle. Collection Culture au quotidien, C.C.I. (Centre Georges Pompidou, 1980.)

L’enfant dans la vie : une politique pour la petite enfance. – Rapport au Secrétaire d’Etat à la famille. – N. Bouyala et B. Roussille. (Documentation française, 1982.)

FILMS

Un hôpital pour les enfants. – D. Rapoport, F. Weil-Halpern. Service du film de recherche scientifique 1983. 25 mn, 16 mm, 24 images/seconde, couleur.
(Ce film est disponible en prêt au S.F.R.S., 93, boulevard Raspail, 75014 Paris. Tél. : 222-46-44.)

L’hôpital aux enfants. – Ministère britannique de la santé et de la sécurité sociale, 1980. 34 mn, 16 mm, 24 images/seconde, couleur, v.o., sous-titré.

Le masque à la menthe. – Primary children’s medical center U.S.A., 1976. 22 mn, 16 mm, 24 images/seconde, couleur, v.o., sous-titré.

Un enfant de 2 ans va à l’hôpital. – James et Joyce Robertson, 1952. 45 mn, 16 mm, 16 images/seconde, noir et blanc, version française.

John, dix-sept mois, neuf jours en pouponnière. – 45 mn, 16 mm, 24 images/seconde, noir et blanc, version française.
(Ces quatre films sont disponibles en prêt à la cinémathèque 14, Association pour la promotion de l’hygiène mentale infantile, 23, rue Lalande, 75014 Paris. (Tél. : 322-08-22.)

 

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