En attendant la loi sur les réseaux de soins…

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Intéressante jurisprudence que celle qui vient de voir la MGEN (mutuelle générale de l’Éducation nationale) condamnée pour avoir versé un moindre remboursement à l’un de ses adhérents dont les soins d’orthodontie de sa fille n’avaient pas été effectués par un praticien adhérant au protocole conclu entre les mutuelles de la fonction publique et un syndicat dentaire.

Se serrer la ceinture

Ce sociétaire de la MGEN avait saisi le tribunal de proximité après que sa mutuelle lui eût remboursé 807, 62 € de moins que s’il avait eu recours à un praticien conventionné. La MGEN a reconnu que c’était bien le fait d’avoir eu recours, pour les soins de sa fille mineure, à un orthodontiste qui n’a pas signé le protocole, donc non conventionné, qui lui avait valu d’être moins bien remboursé.

Condamnée par le juge de proximité, la mutuelle générale de l’Éducation nationale s’est pourvue en cassation, mais a vu son action rejetée. Pour la 2e chambre civile de la Cour de cassation (no de pourvoi : 12-15440), la juridiction de proximité a déduit à bon droit que la mutuelle était redevable envers son adhérent d’une somme correspondant à la différence de remboursement « après avoir exactement rappelé que l’article L 112-1 du code de la mutualité interdit aux mutuelles et aux unions d’instaurer des différences dans le niveau des prestations autres qu’en fonction des cotisations payées ou de la situation de famille des mutualistes ».
La Cour a aussi confirmé que « l’interdiction faite aux mutuelles par le législateur, dans un dessein de meilleure solidarité, d’instaurer des différences dans le niveau des prestations qu’elles servent, autrement qu’en fonction des cotisations payées ou de la situation de famille des intéressés, a pour contrepartie d’autres avantages qu’il leur consent et l’appellation spécifique qu’il leur garantit de sorte qu’elles ne sont pas placées en situation de concurrence défavorable par rapport aux autres organismes complémentaires d’assurance maladie ; qu’au surplus, la prohibition de la modulation des remboursements des frais de santé en fonction de l’appartenance du prestataire de soins à un réseau, apparaît de nature à favoriser la concurrence plutôt qu’à la restreindre ». Autrement dit, pour la Cour de cassation, l’interdiction faite aux mutuelles de pratiquer des remboursements différenciés, en fonction de l’appartenance ou non du professionnel de santé consulté à un réseau de soins, favorise la concurrence et n’est pas nuisible à ces organismes qui bénéficient d’autres avantages en contrepartie.

Voilà donc une décision qui donne à réfléchir quand on sait que, dans le même temps, la proposition de loi relative au fonctionnement des réseaux de soins créés par les mutuelles et aux modalités de mise en œuvre des conventions conclues entre les organismes de protection sociale complémentaire et les professionnels de santé a été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 28 novembre 2012 et attend de passer au Sénat. Ce texte, déposé par des députés du « socialiste, républicain et citoyen et apparentés », vise « à acter la possibilité pour les mutuelles d’instaurer des différences dans le niveau des prestations lorsque l’assuré choisit de recourir à un professionnel de santé, un établissement de santé ou un service de santé membre d’un réseau de soins ou avec lequel les mutuelles ont conclu un contrat comportant des obligations en matière d’offre de soins ». Pour ces députés, la « proposition de loi a pour objet de permettre aux mutuelles de jouer pleinement leur rôle de régulateur du secteur en leur donnant la possibilité d’être des acteurs de la négociation entre l’offre et la demande de soins. »

Au regard de la décision de la Cour de cassation et des motifs de la proposition de loi, il semblerait que la concurrence, dans le domaine de la santé, ne soit plus souhaitée par le Législateur. Difficile aussi de croire qu’une telle proposition soit faite dans l’intérêt des patients plus que dans l’intérêt des mutuelles puisqu’un père, qui souhaite ce qu’il y a de mieux pour sa fille, perdra plus de 800 euros s’il veut qu’elle bénéficie des soins d’orthodontie qu’il a choisis. N’est-ce pas plutôt favoriser une médecine à deux vitesses avec, d’un côté, ceux qui pourront débourser plus et, de l’autre, les sociétaires qui devront se contenter de la qualité de soins négociée par la mutuelle avec les professionnels de soins de son réseau ? Que penser de la liberté de choix du praticien, de l’infirmier ou de l’opticien pour les plus modestes qui ne pourront pas se permettre d’être moins remboursés s’ils choisissent ce qui leur semble être le mieux pour leur santé ou celle de leurs proches ? N’est-il pas juste question de paupériser les professionnels de santé libéraux dont les pratiques sont jugées trop éloignées d’un modèle social « idéal » ?

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