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Développement professionnel continu et protocole de coopération entre professionnels de santé

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Coopération entre les professionnels de santéDepuis la parution de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) et son article 51, le code de la santé publique prévoit que, par dérogation, les professionnels de santé peuvent s’engager, à leur initiative, dans une démarche de coopération ayant pour objet d’opérer entre eux des transferts d’activités ou d’actes de soins ou de réorganiser leurs modes d’intervention auprès du patient. Ils interviennent dans les limites de leurs connaissances et de leur expérience ainsi que dans le cadre de ces protocoles.
La loi HPST a aussi prévu que la Haute Autorité de santé (HAS) peut étendre un protocole de coopération à tout le territoire national et que les protocoles ainsi étendus peuvent être intégrés à la formation initiale ou au développement professionnel continu (DPC) des professionnels de santé selon des modalités définies par voie réglementaire.

Le décret n° 2010-1204 du 11 octobre 2010 relatif aux modalités d’intégration des protocoles de coopération étendus dans le développement professionnel continu et la formation initiale des professionnels de santé est paru au Journal officiel de la République française du 13 octobre 2010.
Concernant l’intégration d’un protocole de coopération entre professionnels de santé étendu par la Haute Autorité de santé au développement professionnel continu, il y est précisé que celle-ci peut intervenir selon deux types de modalités : au niveau national, l’objet du protocole de coopération étendu est pris en compte dans les orientations annuelles ou pluriannuelles du développement professionnel continu qui sont arrêtées par le ministre chargé de la santé après avis de chacune des commissions scientifiques indépendantes des professions concernées par le protocole ; au niveau régional, les orientations en matière de développement professionnel continu fixées par l’agence régionale de santé, en cohérence avec le projet régional de santé, prennent en compte l’objet du protocole de coopération étendu si celui-ci n’a pas été retenu dans les orientations nationales prévues au cas précédent.
Les orientations nationales et, le cas échéant, régionales se déclinent en programmes qui sont mis en œuvre par des organismes concourant à l’offre de développement professionnel continu.
Les employeurs publics et privés prennent les dispositions utiles pour inscrire les protocoles de coopération étendus dans le plan de développement professionnel continu des professionnels de santé qui mettent en œuvre ces protocoles.

Pour ce qui est de l’intégration d’un protocole de coopération entre professionnels de santé étendu par la Haute Autorité de santé à la formation initiale des professionnels de santé, le décret précise qu’elle est subordonnée à la modification préalable des dispositions du code de la santé publique définissant le champ d’intervention de ces professions de santé.
Cette intégration met fin à l’application du protocole. En effet, la loi étant modifiée, les transferts d’activités ou les actes de soins font alors partie du champ d’intervention des professionnels de santé et un protocole dérogatoire n’est plus nécessaire.
Contrairement à ce qui a été mis en place pour les protocoles régionaux, les ordres professionnels peuvent être consultés par le ministre chargé de la santé sur l’intégration d’un protocole de coopération étendu dans les dispositions du code de la santé publique relatives aux professions de santé. Il ne s’agit en rien d’une obligation et le transfert d’actes de soins pourra s’effectuer sans qu’à aucun moment un conseil de l’ordre n’ait été consulté.

Comme l’a précisé Jean-Michel Chabot, conseiller médical de la Haute Autorité de santé, lors de la première journée consacrée à la coopération entre professionnels de santé organisée par le syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF), le 18 septembre 2010 à Orly, il devrait falloir attendre au moins un an après la mise en place des premiers protocoles pour que la HAS en étende certains au niveau national, rien ne semblait donc imposer une parution aussi rapide de ce décret. Alors que le développement professionnel continu n’en finit pas de réussir à remplacer de la formation médicale continue (FMC), il est déjà question de lui faire prendre en compte les protocoles étendus. Voilà qui semble montrer une nouvelle fois toute l’importance qu’attache le gouvernement aux transferts d’activités et d’actes de soins entre professionnels de santé.

Contrôle des arrêts de travail : tous les fonctionnaires ne sont pas concernés

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Des jumelles pour contrôlerIl n’aura échappé à personne que le décret no 2010-1095 du 17 septembre 2010 portant création d’un traitement de données à caractère personnel relatif au contrôle à titre expérimental des congés de maladie des fonctionnaires de l’État est venu compléter les mesures prévues par la loi no 2009-1646 du 24 décembre 2009 de financement de la sécurité sociale pour 2010 et son article 91 précisant qu’ « Afin d’harmoniser les règles et modalités de contrôle des assurés se trouvant dans l’incapacité physique médicalement constatée de continuer ou de reprendre le travail, le contrôle des arrêts de travail dus à une maladie d’origine non professionnelle des personnes mentionnées à l’article 2 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État est confié, à titre expérimental et par dérogation à l’article 35 de la même loi, aux caisses primaires d’assurance maladie et aux services du contrôle médical placés près d’elles. » La Commission nationale de l’informatique et des libertés avait donné son accord en avril 2010 à la création de ce fichier, mais il aura fallu attendre plusieurs mois avant que tout ne soit mis en place et les textes publiés au Journal officiel.
Des personnes ayant un emploi permanent à temps complet et titularisées dans un grade de la hiérarchie des administrations centrales de l’État, des services déconcentrés en dépendant ou des établissements publics de l’État vont donc pouvoir être contrôlées par des agents de la Sécurité sociale, composée majoritairement par des organismes de droit privé exerçant une mission de service public contrairement à beaucoup d’idées reçues, et non plus exclusivement par d’autres agents de l’État.

Alors que tous les médias semblent présenter ces mesures législatives comme définitives, il n’en est rien. Elles ne sont qu’expérimentales et prévues pour deux ans. Et loin d’être nationales, elles sont géographiquement très limitées puisqu’elles ne concernent que les échelons locaux du contrôle médical placés auprès des caisses primaires d’assurance-maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme, du Rhône, des Alpes-Maritimes, d’Ille-et-Vilaine, de Paris et du Bas-Rhin.
De plus, le décret prend soin de préciser que la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône et l’échelon local du contrôle médical placé auprès de cette caisse participent également à cette expérimentation en ce qui concerne le contrôle à domicile des heures de sortie autorisées. Ce qui laisse penser que les autres CPAM vont se contenter de convoquer les patients en arrêt maladie dans leurs locaux…

Limitation supplémentaire : l’expérimentation ne s’applique pas à tous les fonctionnaires pouvant être concernés par l’article 91 de la loi de financement de la Sécurité sociale 2010, elle ne concerne que les fonctionnaires des services déconcentrés de l’État, des établissements publics locaux d’enseignement, des établissements publics locaux d’enseignement agricole, des écoles maternelles et élémentaires situés dans le ressort géographique de chacune des caisses primaires d’assurance maladie énumérées au paragraphe précédent, excepté pour la ville de Paris pour laquelle sont seuls concernés par l’expérimentation les fonctionnaires des services centraux des ministères sur lesquels le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État et le ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ont une autorité exclusive ou conjointe dont la liste figure en annexe à la convention prévue à l’article 91 de la loi du 24 décembre 2009 déjà citée.

Enfin, le fichier créé par le décret du 17 septembre 2010 a pour objectif de ne contrôler que les congés de maladie accordés en raison d’une maladie non professionnelle, pour une durée inférieure à six mois consécutifs et ne relevant pas du régime des congés de longue maladie ou de longue durée. Il a aussi pour but d’évaluer les résultats de ces contrôles par service, établissement public local d’enseignement ou établissement public local d’enseignement agricole et ressort des caisses primaires d’assurance-maladie participant à cette expérimentation.

Des textes sont prévus pour les fonctionnaires hospitaliers et les fonctionnaires territoriaux. Ils feront l’objet d’un prochain article, mais ils n’ont, eux aussi, pour but que d’orchestrer des expérimentations qui ne deviendront peut-être jamais pérennes.

Comparées à celles concernant les employés du secteur privé, les mesures mises en place à titre expérimental pour les fonctionnaires paraissent donc être très modérées. Malgré le battage médiatique, il ne semble vraiment pas y avoir de quoi en faire une maladie…

Des précisions sur la coopération entre professionnels de santé et ses protocoles

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Coopération entre professionnels de santéL’article 51 de la loi 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) constitue une petite révolution dans le monde de la santé. Il prévoit, en effet, que les professionnels de santé peuvent, à leur initiative, s’engager dans une démarche de coopération ayant pour objet de transférer entre eux, des activités ou des actes de soins ou de réorganiser leurs modes d’intervention auprès des patients. Jusque-là, c’était la notion de “compétences” qui prévalait : un professionnel de santé qui réalisait un acte attaché à une autre profession de santé prenait le risque de se voir condamné, même s’il réalisait cet acte sous la responsabilité d’une personne légalement autorisée à l’exécuter. Cette notion ne disparaît pas, mais elle ne représente plus une limite à la réalisation d’actes de soins réservés à certaines professions. Le pudique « transfert de tâches » évoqué par certains pour ne pas choquer n’est rien d’autre qu’un transfert d’actes médicaux ou paramédicaux. Certes, chacun ne peut intervenir que dans les limites de ses connaissances et de son expérience et les accords entre professionnels de santé devront, dans certains cas, s’accompagner d’un volet formation, mais il n’y a là rien d’insurmontable. L’obligation de mettre en adéquation son contrat d’assurance responsabilité civile professionnelle, prévue par la loi, ne devrait pas non plus poser un réel problème, à condition de régler une prime plus élevée pour celui qui va se voir confier de nouvelles responsabilités et donc de nouveaux risques de sinistres.

Les textes législatifs existent

Avec l’adoption de la loi HPST, les professionnels de santé, intéressés par ces protocoles maintenant définis aux articles L 4011-2 et L 4011-3 du code de la santé publique, peuvent se lancer dans l’aventure. L’arrêté du 31 décembre 2009 relatif à la procédure applicable aux protocoles de coopération entre professionnels de santé, publié au Journal officiel du 15 janvier 2010, donne même le modèle de protocole à utiliser. Le tout tient en quelques pages et paraît simple. Mais, il n’en est rien. Pour s’en convaincre, il suffisait d’être présent à la première journée consacrée à la coopération entre professionnels de santé organisée par le syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF), le 18 septembre 2010 à Orly. Réservée aux adhérents de cette organisation syndicale, la journée était aussi ouverte à la presse. Sur invitation, il était même possible de suivre les débats en direct sur Internet.

Les ophtalmologistes et leur syndicat réfléchissent depuis plus de dix ans à la question du transfert des actes médicaux en raison d’une pénurie annoncée de praticiens de cette spécialité chirurgicale dans certaines régions et de l’allongement du temps nécessaire à l’obtention d’un rendez-vous hors des cas urgents. Dès 2003, le professeur Yvon Berland dans son rapport Coopération des professions de santé : le transfert de tâches et de compétences basait une partie de ses conclusions sur l’une des très rares expériences en médecine libérale qui existait à cette époque : une coopération entre ophtalmologistes et orthoptistes dans le département de la Sarthe.
En relisant ce rapport, il est intéressant de noter à quel point les idées ont évolué depuis. Le Pr Berland expliquait, en effet, que « la délégation de compétences pour être efficace et efficiente doit impérativement s’appuyer sur une collaboration étroite entre les différents acteurs. Cette collaboration passe par une unité de lieu d’exercice géographique ou virtuelle (cas de professionnels intervenant en zones démédicalisées et reliées par télé-médecine au cabinet médical) des différents intervenants qui devront être regroupés au sein de structures de soins pluridisciplinaires. » Il insistait sur le fait que « Le médecin qui transfère l’activité médico-technique doit garder la responsabilité de la prescription et des actes » et expliquait qu’ « il serait en effet totalement inopérant de permettre à plusieurs acteurs de niveaux de formation totalement différents de pouvoir directement effectuer les mêmes actes. Très rapidement cela aboutirait d’une part à une concurrence non souhaitable mais également à la multiplication des actes. Les patients pourraient en effet dans un grand nombre de cas aller consulter d’abord un acteur para-médical puis un acteur médical pour le même motif. » En 2010, il est bien question d’un transfert des actes et de la responsabilité qui en dépend. Même le droit de prescription et le principe qui voulait qu’il soit dissocié d’une vente ont été aménagés par le décret n° 2007-553 du 13 avril 2007 relatif aux conditions d’adaptation de la prescription médicale initiale de verres correcteurs dans le cadre d’un renouvellement et aux règles d’exercice de la profession d’opticien-lunetier.

La légalisation du dérogatoire en pratique

Tout d’abord, il ressort des débats que les protocoles pluriprofessionnels et l’article 51 ont été mis en place pour « légaliser du dérogatoire » et passer outre, en toute légalité, les décrets de compétences des professions médicales ou paramédicales pour fluidifier des files de patients ou apporter une offre de soins dans des territoires où elle est insuffisante. Tous ont cherché à convaincre que ceci était possible dans le respect de la qualité des soins et que la volonté de réaliser des économies de santé n’était pas le souci premier de cette réforme.

S'unirConcernant la simplicité des protocoles de coopération, les intervenants issus d’horizons différents (Haute Autorité de santé, Agence régionale de santé d’Île-de-France, Union régionale de médecins, syndicats d’orthoptistes, assurance-maladie) ont tout de même conseillé d’étudier avec attention deux documents récemment mis en ligne par la Haute autorité de santé (HAS) : le premier est consacré aux conditions de succès de la coopération entre professionnels de santé et propose un retour sur les expérimentations menées entre 2004 et 2007 ; le second, réalisé conjointement avec la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), est consacré à l’élaboration d’un protocole de coopération.
En pratique, seuls les dossiers qui auront été étudiés par l’Agence régionale de santé (ARS) dont ils dépendent et la HAS avant le dépôt officiel d’une demande de validation d’un protocole auprès de l’ARS auront une chance d’être acceptés dans les deux mois prévus par l’arrêté du 31 décembre 2009 cité plus haut. Déposer un protocole sans s’être assuré au préalable qu’il est recevable ne laisse au demandeur que peu d’espoir de le voir accepté.
Il semble aussi très clair pour le représentant de l’ARS et celui de l’assurance-maladie qui étaient présents que, même si la loi n’a rien prévu en ce sens, les services de Sécurité sociale seront consultés à un moment ou à un autre du processus dans une optique d’économies de santé.

Autre élément intéressant : la loi a prévu qu’un protocole ayant fait ses preuves dans une région puisse être secondairement généralisé à l’ensemble du territoire national, sans préciser la durée au bout de laquelle le protocole serait évalué. Pour le conseiller médical de la HAS, ce délai serait au minimum d’un an.
Pour ce qui est de l’avis conforme donné par la HAS, elle entend continuer à privilégier la qualité avec l’aide des collèges professionnels, qui réunissent à parité hospitaliers et libéraux, pour valider ou non les projets de coopérations. Il a été aussi question des unions professionnelles régionales pour donner un avis sur les protocoles avant qu’ils ne soient acceptés, mais pas des sociétés savantes, des syndicats ou du conseil de l’ordre des professions qui en disposent.

Un levier pour dynamiser d’autres éléments du système de santé

La télémédecine et de nouveaux modes de rémunération sont indispensables à la mise en place de certains protocoles et l’article 51 représente une réelle opportunité de voir les choses évoluer à ce propos. La formation doit évoluer, elle aussi, à un rythme plus soutenu et le passage à une filière du type LMD (licence, master, doctorat) au sein d’universités de santé pour tous les professionnels de santé doit être accéléré, avec même une première année santé commune à toutes ces professions, en élargissant ainsi la première année de santé. Le développement professionnel continu doit aussi prendre en compte les protocoles de coopération afin de s’adapter aux nouvelles opportunités ainsi créées.

Tout devrait aller très vite, maintenant, puisque la directrice générale de l’offre de soins (DGOS), Annie Podeur, souhaite voir les premiers protocoles de coopération entre professionnels de santé mis en place avant la fin de l’année 2010. Pour cela, il est question, par exemple, de la publication du nouveau décret relatif à la formation des orthoptistes avant la fin de l’année, les décrets relatifs au développement professionnel continu devant être, quant à eux, publiés le mois prochain.

La réforme de la santé au travail cachée dans celle des retraites

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Médecin de santé au travailQui aurait pu penser que la réforme de la santé au travail, dont on parle depuis plusieurs mois, se cacherait au sein du projet de loi portant réforme des retraites… Loin de la sérénité qui aurait pu être nécessaire à des décisions qui vont engager l’avenir de la médecine du travail, c’est en plein brouhaha social et médiatique concernant les retraites, sans parler des pressions subies par le ministre du travail dans le cadre de ce que l’on appelle l’affaire Bettencourt, que les débats parlementaires concernant la santé au travail ont eu lieu.

Les députés ont adopté le 15 septembre 2010 en première lecture le projet de loi portant réforme des retraites, après l’avoir amendé. Il doit maintenant être examiné au Sénat et rien ne dit qu’il restera en l’état, mais il est néanmoins intéressant de savoir à quoi ressemble le texte après les premiers débats.
C’est dans le cadre de la pénibilité du parcours professionnel, à l’article 25 et subsidiaires, que l’évolution législative relative à la médecine du travail trouve sa place. Il est d’abord prévu la création d’un carnet de santé au travail : il est constitué par le médecin du travail et doit retracer, dans le respect du secret médical, les informations relatives à l’état de santé du travailleur, aux expositions auxquelles il a été soumis, ainsi que les avis et propositions du médecin du travail, notamment les mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, à la résistance physique ou à l’état de santé physique et mentale des travailleurs. Ce carnet ne peut être communiqué qu’au médecin de son choix, à la demande de l’intéressé. En cas de risque pour la santé publique ou à sa demande, le médecin du travail le transmet au médecin inspecteur du travail. Ce carnet peut être communiqué à un autre médecin du travail dans la continuité de la prise en charge, sauf refus du travailleur. Le travailleur, ou en cas de décès de celui-ci, toute personne autorisée par le code de la santé publique, peut demander la communication de ce carnet.
Parallèlement à ce carnet, il est prévu que pour chaque travailleur exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels déterminés par décret et liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur sa santé, l’employeur consigne dans une fiche, selon des modalités déterminées par décret, les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est exposé et la période au cours de laquelle cette exposition est survenue. Cette fiche individuelle est établie en cohérence avec l’évaluation des risques, prévue à l’article L 4121-3. Elle est communiquée au service de santé au travail. Elle complète le carnet de santé au travail de chaque travailleur. Le modèle de cette fiche est fixé par arrêté du ministre chargé du travail.
Une copie de ce document est remise au salarié à son départ de l’établissement, en cas d’arrêt de travail excédant une durée fixée par décret ou de déclaration de maladie professionnelle. En cas de décès du travailleur ou d’incapacité supérieure à un taux fixé par décret, le conjoint, le concubin, la personne avec laquelle il a signé un pacte civil de solidarité ainsi que ses ayants droit peuvent obtenir, dans les mêmes conditions, cette copie.

Conformément à la loi actuelle, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces dernières devront maintenant tenir compte de la pénibilité au travail.
Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, quant à lui, procède déjà à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs de l’établissement ainsi qu’à l’analyse des conditions de travail. Il procède également à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposées les femmes enceintes. Il est prévu qu’il procède aussi à l’analyse de l’exposition des salariés à des facteurs de pénibilité.

Le médecin de travail n’est plus que l’un des éléments des services de santé au travail avec ce projet. Il est maintenant plutôt question d’équipes pluridisciplinaires.
Les services de santé au travail ont pour mission exclusive : de conduire des actions de santé au travail visant à préserver la santé physique et mentale des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel ; de conseiller, notamment dans le cadre de leur action en milieu de travail, les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin d’éviter ou de diminuer les risques professionnels et d’améliorer les conditions de travail, de prévenir ou de réduire la pénibilité au travail et de contribuer au maintien dans l’emploi, notamment des personnes âgées et des travailleurs en situation de handicap ; d’assurer la surveillance de l’état de santé des travailleurs en fonction des risques concernant leur sécurité et leur santé au travail, de la pénibilité au travail et de leur âge ; de participer au suivi des expositions professionnelles et à la veille sanitaire et de contribuer à la traçabilité de ces expositions professionnelles.

Dans les services de santé au travail d’entreprise, d’établissement, interétablissements ou communs à des entreprises constituant une unité économique et sociale, les missions des services de santé sont exercées par les médecins du travail, en lien avec les employeurs et les salariés désignés pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels ou les intervenants en prévention des risques professionnels.
Pour les services de santé au travail interentreprises, les missions des services de santé au travail sont assurées par une équipe pluridisciplinaire de santé au travail composée au moins de médecins du travail, d’intervenants en prévention des risques professionnels, d’infirmiers et, le cas échéant, d’assistants des services de santé au travail. Les services de santé au travail comprennent un service social du travail ou coordonnent leurs actions avec celles des services sociaux du travail externes. Toujours pour les services de santé au travail interentreprises, les missions de service de santé au travail sont précisées, en fonction des réalités locales, dans le cadre d’un contrat d’objectifs et de moyens conclu entre le service d’une part, l’autorité administrative et les organismes de sécurité sociale compétents d’autre part, après avis des organisations d’employeurs et des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et des agences régionales de santé.
De nombreuses autres mesures pour les services interentreprises sont prévues par le projet de loi adopté à l’Assemblée.

Un accord collectif de branche étendu peut prévoir des dérogations aux règles relatives à l’organisation et au choix du service de santé au travail ainsi qu’aux modalités de surveillance de l’état de santé de certains travailleurs (artistes, techniciens intermittents du spectacle, mannequins, salariés du particulier employeur, voyageurs, représentants et placiers) dès lors que ces dérogations n’ont pas pour effet de modifier la périodicité des examens médicaux définie par le code du travail. Pour les mannequins et les salariés du particulier employeur, des médecins non spécialisés en médecine du travail peuvent signer cette convention.

Il est prévu que ce soit un décret qui détermine les règles relatives à l’organisation, au choix et au financement du service de santé au travail ainsi qu’aux modalités de surveillance de l’état de santé des travailleurs comme les salariés temporaires ou les travailleurs éloignés exécutant habituellement leur contrat de travail dans un département différent de celui où se trouve l’établissement qui les emploie, par exemple.

Dernier point intéressant, un décret pourra fixer les conditions dans lesquelles les services de santé au travail peuvent recruter à titre temporaire un interne de la spécialité.

Le conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) a immédiatement réagi au texte adopté, estimant l’indépendance des médecins de santé au travail compromise. La lecture qui sera effectuée au Sénat sera donc décisive.

Santé et directive Bolkestein : du nouveau

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Un palais de la RépubliqueC’est au cours du conseil des ministres du 15 septembre 2010 que le ministre de la santé, Roselyne Bachelot, a présenté un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne (UE) en matière de santé, de travail et de communications électroniques. La présidence de la République a publié un communiqué à cette occasion précisant que « Ce projet de loi doit permettre d’achever la transposition de quatre directives de l’Union européenne d’importance majeure : la directive 2006/123/CE relative aux services dans le marché intérieur, la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et les directives 2009/136/CE et 2009/140/CE dites du nouveau “paquet télécom”. Ces directives doivent être transposées dans les meilleurs délais. »
Le ministère de la santé et des sports a été chargé du pilotage et de la coordination de ce projet de loi, qui comporte 11 articles dont un grand nombre relève de ses compétences : sur les débits de boissons, les dispositifs médicaux, l’évaluation des établissements sociaux et médico-sociaux, les services funéraires et les médicaments traditionnels à base de plantes.

Les acteurs du monde de la santé ne vont pas manquer de suivre avec intérêt l’évolution de ce projet de loi. En effet, la directive 2006/123/CE relative aux services dans le marché intérieur est la fameuse directive Bolkestein, du nom du commissaire européen qui l’a présentée, visant à libéraliser un peu plus le marché intérieur des services au sein de l’UE. Même si les professions de santé sont exclues de son champ, certains dossiers pourraient avoir un impact sur leurs pratiques, comme la vente des dispositifs médicaux par Internet depuis la France, par exemple. Les entrepreneurs de spectacles, les architectes et les agences de mannequins sont aussi concernés, même si c’est bien le ministre de la santé qui est chargé de la coordination du dossier.

Comme le laissait entendre l’état de la transposition de la « directive services » réalisé par la commission des affaires européennes du Sénat en juin 2009, l’échéance relative à la transposition de la directive 2006/123/CE relative aux services dans le marché intérieur n’a pas été tenue. Tout aurait dû être réglé avant le 28 décembre 2009, mais comme quasiment tous les États de l’Union européenne, la France est en retard. Il faut, par exemple, se souvenir que le Parlement n’a pas adopté la disposition du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires qui prévoyait d’assouplir les règles relatives à la détention du capital des laboratoires de biologie médicale, alors que celle-ci avait été proposée dans le cadre de la transposition de la directive Bolkestein.

Une tâche qui s’annonce difficile car, comme le disait la commission des affaires européennes du Sénat, « le contexte n’est plus porteur », depuis que la crise économique a touché l’Europe.

 

Le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

Infection nosocomiale et devoir d’information

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Boîte de PetriConformément à l’article L 1111-2 du code de la santé publique, toute personne a le droit d’être informée, préalablement à toute investigation, tout traitement ou toute action de prévention qui lui est proposé, sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent. Si une infection nosocomiale n’est pas de survenue fréquente, elle n’en est pas moins souvent grave, surtout à une époque où des germes multirésistants aux antibiotiques se répandent de par le monde. Mais il est vrai qu’il arrive à un praticien qui intervient depuis parfois plusieurs dizaines d’années, qui a traité des milliers de patients sans aucun problème de cette nature, qui a toujours fait preuve de la plus grande rigueur quand il est question de désinfection et d’asepsie, peut inconsciemment minimiser l’importance d’informer le patient de ce risque, à tel point qu’il ne l’évoque pas systématiquement avec chacun des malades qu’il doit prendre en charge.

Ne pas informer ne veut pas dire être négligent au moment du geste médical ou chirurgical. C’est ce que tend à prouver l’affaire qu’a eu à examiner la 1re chambre civile de la Cour de cassation en avril 2010 (pourvoi no 08-21058, paru au bulletin de cette même cour du 15 septembre 2010) : alors qu’un patient ayant subi une infiltration intra-articulaire au niveau d’un genou a présenté une arthrite septique, reconnue comme infection nosocomiale, aucune preuve d’un défaut fautif d’asepsie imputable au praticien dans la réalisation de l’acte médical n’a pu être mise en évidence par le patient. Il n’y a rien d’étonnant à cela : une contamination peut intervenir après le geste, au moment des soins de pansement ou à l’occasion de l’application d’un traitement complémentaire au niveau local effectués par du personnel paramédical ou le patient lui-même. Pour la cour d’appel, cette absence de faute était suffisante pour qu’il ne puisse être reproché au praticien de n’avoir pas informé son patient d’un risque qui n’était pas lié à l’intervention préconisée. Mais la Cour de cassation a décidé qu’il n’en était pas ainsi : pour elle, « il incombe au médecin, tenu d’une obligation particulière d’information vis-à-vis de son patient, de prouver qu’il a exécuté cette obligation ; qu’en conséquence, en cas de litige, il appartient au médecin d’établir que les complications qui sont survenues et dont il n’avait pas préalablement informé son patient du risque, sont sans lien avec l’acte médical qu’il a pratiqué ». Pas question de faire peser sur le patient, pour apprécier les contours de l’obligation d’information du médecin, la charge de prouver que l’infection nosocomiale était en lien avec l’intervention pratiquée.

Pour la Cour de cassation, en vertu de l’article L 1111-2 du code de la santé publique, « une cour d’appel ne peut retenir qu’il ne saurait être reproché à un médecin ayant pratiqué sur un patient une infiltration du genou, à la suite de laquelle ce dernier avait contracté une arthrite septique, de ne pas l’avoir informé du risque d’infection nosocomiale scientifiquement connu comme étant en rapport avec ce type d’intervention, au seul motif qu’aucune faute d’asepsie n’était intervenue dans la réalisation de l’acte ».

Avant tout acte médical ou chirurgical, qu’il s’agisse de prévention, de diagnostic ou de traitement, le praticien doit informer le patient d’un risque d’infection nosocomiale. Que le médecin estime qu’une infection nosocomiale est imprévisible et dépend de multiples facteurs importe peu : il doit informer le patient et, surtout, être en mesure de prouver qu’il en a bien parlé au patient au cours de l’entretien individuel prévu à cet effet par la loi, la bonne foi et la parole du médecin ne suffisant plus depuis bien longtemps.

Le médecin blogueur doit faire attention à ce qu’il écrit

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Comment se faire remarquer...Nul n’ignore qu’un laboratoire pharmaceutique qui veut désormais prendre en charge le déplacement d’un praticien afin de lui permettre de participer à un congrès doit au préalable demander son accord au conseil de l’ordre des médecins, conformément à l’article L 4113-6 du code de la santé publique. En effet, si le premier alinéa de ce texte précise qu’il est interdit aux entreprises, assurant des prestations, produisant ou commercialisant des produits pris en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale, de proposer ou de procurer aux membres des professions médicales, des avantages en nature ou en espèces, sous quelque forme que ce soit, d’une façon directe ou indirecte, le troisième alinéa vient modérer ces restrictions. L’hospitalité offerte, de manière directe ou indirecte, lors de manifestations de promotion ou lors de manifestations à caractère exclusivement professionnel et scientifique lorsqu’elle est prévue par convention passée entre l’entreprise et le professionnel de santé et soumise pour avis au conseil départemental de l’ordre compétent avant sa mise en application, et que cette hospitalité est d’un niveau raisonnable et limitée à l’objectif professionnel et scientifique principal de la manifestation et n’est pas étendue à des personnes autres que les professionnels directement concernés, n’est pas interdite.

En août 2010, c’est pour se conformer à ce texte que le directeur d’une entreprise pharmaceutique écrit à l’ordre des médecins. Elle est désireuse de prendre en charge les frais de déplacement de plusieurs médecins afin qu’ils participent à un congrès, organisé par des médecins indépendants en Asie, où les produits de la société, comme ceux d’autres entreprises, vont faire l’objet de plusieurs communications scientifiques. C’est pour cette raison qu’il transmet une demande d’avis relative à cette invitation au conseil national de l’ordre des médecins (CNOM). La plupart du temps, ce type de demandes d’avis n’est qu’une simple formalité, à condition que les frais engagés soient raisonnables, et rien ne laissait donc présager une réponse défavorable du CNOM.
En recevant cette demande, le représentant du conseil de l’ordre chargé de rendre l’avis constate que l’entreprise a oublié de joindre au dossier l’une des pièces habituellement demandées : un formulaire d’inscription au congrès. Plutôt que de le demander au laboratoire, il fait une recherche sur Internet dans l’espoir d’y trouver le formulaire en question, les congrès de ce type mettant habituellement ce type de documents en ligne. Et là, volontairement ou non, le membre de l’Ordre est amené à surfer sur le blog d’un médecin qui raconte avoir participé à l’édition 2009 de ce congrès. Le blog en question est, comme souvent, anonyme, mais son auteur ne cache pas qu’il est médecin. Rien à voir avec un blog professionnel : le médecin y parle de choses et d’autres, de sa famille, de ses vacances, de ses goûts… Même si plusieurs de ses billets évoquent les congrès où il se rend, c’est le plus souvent pour relater ce qu’il a fait avant ou après les séances de travail et quels amis il a eu l’occasion de revoir à cette occasion. Créé avec un outil grand public et vraisemblablement destiné à ses amis, ce blog n’a rien d’officiel et semble plus relevé de la sphère privée, même s’il est accessible à tous. C’est pourtant en se basant sur la description de l’organisation des journées de travail à ce congrès trouvée sur ce blog que le CNOM va émettre un avis défavorable à la prise en charge par le laboratoire des frais de déplacement des médecins. Les motifs invoqués sont que le temps consacré à des activités non professionnelles est décrit comme étant supérieur à celui réservé aux séances de travail et que le récit du dîner de gala de ce congrès fait qu’il ne peut être considéré « ni raisonnable, ni accessoire au regard de l’article L 4113-6 du code de la santé publique ».

Que l’organisation du congrès ait pu changer, que ce blog anonyme ne soit fondé sur rien de sérieux, qu’il n’ait d’autre but que de faire rêver ses amis et sa famille en enjolivant un peu la réalité, qu’une participation financière ait pu être demandée au médecin pour assister au dîner de gala : peu importe…

Il n’est pas question de reprocher à l’ordre des médecins de vouloir préserver l’indépendance des praticiens vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique, surtout s’il met autant de zèle à s’assurer de l’indépendance des “experts” amenés à intervenir auprès des autorités de santé ou des leaders d’opinion s’exprimant dans les médias sur tel ou tel produit. C’est la façon de procéder qui pose question.
À un moment où le CNOM réfléchit à la qualité des sites santé sur Internet, mettant en garde les patients sur ce qui peut être mis en ligne et sur l’influence de ce nouvel outil sur les relations médecin-patient, n’est-il pas surprenant qu’un simple blog anonyme suffise à rendre un avis défavorable ? Alors que la possibilité d’utiliser ou non les informations trouvées sur des réseaux sociaux comme Facebook dans la sphère professionnelle fait débat, est-il raisonnable de s’appuyer sur un blog amateur pour prendre une décision de nature ordinale ?

Si Internet est un formidable outil d’information, il faut néanmoins comprendre que l’usage des données mises en ligne n’est pas toujours celui auquel on peut s’attendre. Faire état de son titre de médecin ou relater des faits relatifs à son activité professionnelle sur la Toîle n’a rien d’anodin, mieux vaut en être conscient…

Crime violent et maladie mentale : l’alcool et la drogue mis en cause

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Folle de rageL’irresponsabilité pénale pour cause de maladie mentale fait régulièrement débat ces dernières années au sein de la société française. L’opinion publique et la famille de la victime ont souvent du mal à comprendre que l’auteur d’un crime puisse ne pas être jugé, et donc condamné, parce que des experts ont émis un avis sur un trouble psychologique ayant affecté l’accusé au moment des faits. Des experts dont la crédibilité souffre à chaque fois qu’un patient, ayant échappé au statut de criminel grâce à eux, récidive à sa sortie du lieu d’internement où il avait été placé et alors qu’il est toujours sous traitement.

Même si les textes ont évolué en 2008 avec la loi n° 2008-174 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, le sentiment d’injustice n’a pas totalement disparu. Il faut rappeler que depuis l’adoption de cette loi, il est prévu, qu’en cas d’abolition du discernement d’une personne inculpée, la chambre d’instruction rende, en audience publique, un arrêt de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Les juges ne peuvent plus notifier simplement un non-lieu. L’infraction ou le crime doivent être reconnus comme tels, en audience publique, devant la chambre de l’instruction qui prononce l’irresponsabilité. Cette mention est inscrite au casier judiciaire et cette décision peut être assortie de mesures de sûreté telles que l’hospitalisation psychiatrique d’office.
La loi du 28 février 2008 prévoit aussi l’enfermement dans un centre socio-médico-judiciaire des condamnés estimés dangereux. Les personnes à l’encontre desquelles est prononcée une peine de 15 ans ou plus, pour meurtre, assassinat, torture, acte de barbarie ou viol sur mineur et majeur peuvent être, à l’issue de leur peine, enfermés dans un centre de rétention. Une prise en charge sociale et médicale leur est proposée. Cette « mesure de rétention » est prononcée par une commission pluridisciplinaire composée d’experts (psychiatres, psychologues, préfets, magistrats, avocats, victimes, etc.) chargée d’évaluer le condamné un an avant la fin de sa peine. La décision de rétention est valable un an et peut être prolongée indéfiniment.

Dans ce contexte, il est intéressant de se pencher sur deux études réalisées par des chercheurs de la prestigieuse université d’Oxford en collaboration avec leurs confrères suédois. Selon ces travaux, publiés en mai 2009 dans le JAMA et en septembre 2010 dans la revue Archives of General Psychiatry, les crimes violents chez les personnes souffrant de troubles mentaux seraient dus davantage à des abus de drogues et d’alcool qu’à des facteurs inhérents à la maladie. L’auteur de cette étude, le docteur Seena Fazel, explique dans le BMJ que « Ces résultats ont des implications importantes pour la stigmatisation entourant la maladie mentale, car ils montrent que les patients psychotiques n’abusant pas de l’alcool ou de drogues ne sont pas plus violents que les autres [que la population générale, NDLR]. » Pour les malades bipolaires, le risque de commettre un crime n’est pas plus élevé chez les patients qui n’abusent pas de l’alcool ou qui ne consomment pas de drogues que chez les personnes en bonne santé. Pour les schizophrènes, il ne l’est que très légèrement dans les mêmes conditions, alors qu’il est six à sept fois plus élevé en présence d’alcool ou de drogue.

Même si pour d’autres spécialistes l’effet de l’alcool ou de la drogue n’explique pas tout, le docteur Fazel, un brin provocateur, estime qu’il est plus dangereux de passer devant un bar tard le soir qu’à côté d’un hôpital psychiatrique…

Quelques précisions sur la révision des lois de bioéthique

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Presse

Interdit aux spermatozoïdes

C’est le janvier 2010 que le rapport d’information fait au nom de la mission d’information sur la révision des lois de bioéthique n° 2235 a été déposé à l’Assemblée nationale. Dirigé par le député Jean Leonetti, ce travail suivait de quelques mois le rapport des états généraux sur ce sujet en juillet 2009. Respectant le calendrier prévu, la ministre de la santé, Roselyne Bachelot, a présenté à la presse le projet de loi relatif à cette révision des lois de bioéthique le 31 août 2010. Malgré deux mesures phares, la possibilité pour les enfants nés grâce à un don de gamètes (sperme ou ovocyte) de connaître l’identité du donneur et celle donnée aux couples hétérosexuels pacsés d’avoir recours à la procréation médicalement assistée, la nouvelle loi ne devrait pas entraîner de révolution dans le domaine de la bioéthique, selon la ministre, pour qui « le respect de l’intégrité du corps ou le refus de la marchandisation des éléments du corps humain » ne sont pas remis en cause.

À quand une taxe sur les sodas riches en sucre ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Cannettes videsQui se souvient encore du rapport sur la pertinence et la faisabilité d’une taxation nutritionnelle, de Véronique Hespel, inspectrice générale des finances, et de Marianne Berthod-Wurmser, membre de l’Inspection générale des affaires sociales, ou de celui intitulé Faire de la lutte contre l’épidémie d’obésité et de surpoids une grande cause nationale de la députée Valérie Boyer ? Quasiment plus personne depuis que les parlementaires ont enterré les mesures qui devaient être à l’occasion du vote de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) et l’idée d’une taxe sur les “mauvais” aliments.

Le gouverneur de l’état de New York, sans doute plus sensible à la santé publique qu’aux intérêts de l’industrie agroalimentaire et ayant besoin de boucler son budget, n’a pas hésité, lui, à proposer dès la fin 2008 une taxe sur les sodas et autres boissons riches en sucre. Mais la tâche s’avère tout aussi ardue outre-Atlantique face des intérêts financiers des fabricants et des vendeurs de boissons sucrées.
Une étude de l’université de Columbia vient pourtant de montrer qu’une taxe sur ces boissons de 27 centimes d’euro par litre serait susceptible d’éviter au moins 145 000 cas d’obésité dans l’état de New York dans les dix ans à venir. Une telle mesure éviterait aussi l’apparition d’au moins 37 000 cas de diabète de type 2 sur la même période, le tout pouvant permettre de réaliser à terme plus de 2 milliards de dollars d’économies. Dans le seul état de New York, une telle taxe permettrait de faire chuter de 134 milliards le nombre de calories consommées chaque année… Il faut dire que cet état est particulièrement concerné par cette question, car les trois cinquièmes de sa population sont en surpoids ou obèses et que 40 % des enfants scolarisés dans cette région présentent ce type de problèmes.
Comme aux États-Unis, il est rarement question d’augmenter les taxes sans contre-parties, le gouverneur se propose de diminuer dans le même temps celles sur les eaux en bouteille, sur les sodas allégés et sur les boissons peu caloriques.

Le Vieux Continent devrait-il suivre l’exemple de Manhattan et de ses environs ? Oui, si l’on en croit les rapports cités plus haut et les données dont on dispose pour le Royaume-Uni. Les jeunes Anglais grossissent en effet deux fois plus vite que leurs cousins d’Amérique et plus d’un enfant sur trois de la catégorie des 5-13 ans est en surpoids ou obèse, avec les risques que comporte une telle situation pour la santé. Pendant ce temps, les députés européens tergiversent sur l’utilité de mettre un étiquetage plus sévère sur les produits alimentaires riches en calories, alors de là à envisager une taxe…