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Mediator : premier procès en 2012

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Evolution

Statue de la justiceLa justice se fait moins docile aux politiques au fil du temps et la décision prise par la Cour de cassation, contre l’avis du parquet, le 15 juin 2011 dans l’affaire du Mediator en est un nouvel exemple. Au nom de la « bonne administration de la justice », la Cour a rejeté le souhait du parquet de voir le dossier ouvert à Nanterre, suite à des citations directes délivrées par 150 plaignants, regroupé avec deux autres informations judiciaires ouvertes à Paris pour homicides involontaires et tromperie concernant 1 500 autres plaignants. Cette décision est lourde de conséquences puisque cela devrait permettre à un procès pour tromperie aggravée de se tenir au printemps 2012 dans les Hauts-de-Seine avec sur le banc des accusés les laboratoires Servier, sa filiale commerciale, son président fondateur Jacques Servier et quatre autres dirigeants de la société au lieu d’allonger la procédure d’au moins dix ans.

Ce procès, en pleine campagne présidentielle et à la veille d’élections législatives, alors même que Nicolas Sarkozy a été l’avocat de Jacques Servier avant de devenir président de la République et qu’il est difficile de croire que, sans quelques appuis politiques, le Mediator ait pu être commercialisé d’aussi nombreuses années en France tandis que d’autres pays européens l’avait déjà interdit, risque de tomber au plus mauvais moment. D’autant que si la justice ne se montrait pas complaisante avec les prévenus, il pourrait être tentant pour certains de laisser filtrer quelques noms afin de ne pas être les boucs émissaires d’un scandale sanitaire aux multiples ramifications. Une longue procédure longue n’aurait eu que des « avantages » pour les principaux protagonistes de cette affaire : multiples expertises et contre expertises décourageantes ; lassitude des plaignants ; décès de patients pour lesquels les ayants droit préfèrent abandonner les poursuites ; opinion publique qui a oublié l’affaire ; pression médiatique sans commune mesure au moment du jugement ; responsables à la retraite ou décédés de leur belle mort sans avoir eu à répondre de leurs actes ; temps donné au laboratoire pour se restructurer ou pour provisionner afin de payer ce à quoi il sera condamné ; etc.

Les précédents scandales sanitaires ont montré au moins deux choses : les intérêts des victimes passent bien après ceux de l’industrie, comme dans le cas de l’amiante par exemple ; les responsables politiques ne sont pas déclarés coupables et continuent leur carrière sans jamais vraiment être inquiétés, avec la conscience tranquille de ceux qui sont réélus par des citoyens à la mémoire bien courte tant qu’ils ne sont pas au rang des victimes.
Pourquoi en serait-il autrement avec le Mediator ? Après quelques mois de tapage médiatique, au cours desquels les déclarations péremptoires et démagogiques se succèdent et quelques hauts fonctionnaires sont congédiés ou mutés, tout finit par rentrer dans l’ordre, et ce d’autant plus vite que l’actualité est riche en affaires diverses et variées.
Tout cela est assez facile à comprendre : mettre à terre un laboratoire comme Servier, c’est risquer de voir mis au chômage un grand nombre d’hommes et de femmes qui travaillent pour lui ; c’est compromettre ses exportations et affaiblir le commerce extérieur de la France ; c’est laisser le champ libre aux multinationales étrangères ; etc. N’est-on pas plus facilement réélu lorsque quelques centaines de patients meurent que quand des usines ferment ? Comment s’en prendre à une très riche industrie dont les dirigeants ne craignent pas les politiques qu’ils fréquentent régulièrement ? Comment mordre la main qui vous a peut-être nourrie en pleine campagne ? Cynique constat qui se reproduit pourtant d’un scandale à l’autre…

Malgré les beaux discours, tout est déjà en place pour calmer l’opinion publique tout en préservant l’intérêt des puissants. Les assises du médicament et leur promesse de transparence en manque cruellement ; des rapports parlementaires fleurissent et des réformes seront faites, des reformes qui auront reçu l’assentiment de l’industrie, qui ne remettront surtout pas en cause les liens d’intérêts au plus haut niveau, qui ne bouleverseront pas le travail de l’administration et renforceront un peu plus le pouvoir de la Sécurité sociale, mais qui créeront surtout de nouvelles contraintes pour les exécutants en bout de chaîne, c’est-à-dire les professions médicales uniquement.
Enfin, les contribuables, au rang desquels figurent les victimes, seront mis à contribution : un fonds d’indemnisation pour les victimes du Mediator est créé. Son fonctionnement est basé sur des fonds publics, ce qui permet aux pouvoirs publics de le contrôler bien plus sereinement et de minimiser les risques que représente une indemnisation laissée entre les mains de la justice. C’est de l’argent public qui ira donc dédommager les victimes, charge ensuite à l’État de se retourner au civil contre les laboratoires Servier, procédure excessivement longue qui n’est même pas sûre d’aboutir…

Le procès de Nanterre mettra-t-il un terme à cette chronique d’un scandale étouffé ? Aura-t-il vraiment lieu au printemps ? La justice finit toujours par triompher… dans nos rêves.

Indemnisation des victimes des essais nucléaires français

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Indemnisation des victimes d'essais nucléairesLes vétérans de l’armée française, victimes des essais nucléaires, vont peut-être finir par gagner la bataille de l’indemnisation. Les terrains de manoeuvre étaient jusque-là les prétoires et le ministère de la défense avait besoin de bons avocats pour faire appel des décisions du tribunal des pensions qui lui étaient défavorables. À court terme, tout cela pourrait changer puisque le ministre de la défense, Hervé Morin, vient d’annoncer qu’il allait présenter un projet de loi sur les victimes des essais nucléaires. Les débats auront lieu à l’Assemblée nationale au premier trimestre 2009.

Sur les mêmes principes que ceux de l’assurance-maladie pour les maladies professionnelles ou pour la prise en charge des affections de longue durée du régime général, le ministère va arrêter une liste de maladies liés aux effets de la radioactivité. Pas question de prendre en compte des pathologies liées au tabac ou à l’alcool et même pour les personnels exposés, dont les noms figurent dans les archives de l’armée, un seuil d’exposition minimum devra avoir été atteint pour pouvoir être indemnisé. 

Les populations exposées aux radiations seront elles aussi concernées par ce projet de loi, tout particulièrement les polynésiens. Contrairement à d’autres pays disposant de l’arme nucléaire, la France a toujours eu du mal a reconnaître sa responsabilité dans les maux qui ont touché ceux qui la servaient en participant aux essais atomiques ou qui en subissaient les conséquences du fait des retombées de ceux-ci. La grande muette semble avoir enfin trouvé la voie de la raison.

 

Mise à jour du 14 décembre 2008

Un rapport parlementaire a été réalisé par Christiane Taubira, députée apparentée socialiste, sur le projet de loi relatif à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais ou accidents nucléaires. Il est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

Il semble que la volonté soit claire d’arriver à un règlement d’une situation que les autorités françaises ont occultée durant de très nombreuses années. Le rapport précise que « Face à cette situation, le temps est venu d’une initiative législative forte, qui concrétise, par la mise en place d’un cadre juridique novateur, la reconnaissance de la Nation. Un tel cadre repose tout d’abord sur l’établissement d’une présomption de causalité entre les maladies radio-induites et les essais nucléaires. Il permet ensuite que cette causalité ouvre droit à une réparation intégrale, versée, à l’exemple du dispositif américain, par un fonds spécifique d’indemnisation ou par l’élargissement des compétences du FGAO (Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages) sous réserve de quelques modifications, notamment de ressources. Enfin, il est important qu’une telle mesure s’accompagne de la création d’une Commission nationale de suivi des essais nucléaires, qui, composée d’acteurs représentant l’ensemble des parties concernées, sera à même de créer les conditions d’un dialogue réconciliateur. »