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Pas de forfait à moindre coût pour les gardes des médecins salariés

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Carton rougeLa conclusion d’une affaire opposant un médecin salarié à l’Union pour la gestion des établissements des caisses d’assurance maladie (UGECAM) d’Alsace est particulièrement intéressante pour les professionnels de santé amenés à prendre des gardes au sein d’un établissement de soins. Le 8 juin 2011, la Cour de cassation a, en effet, rendu une décision (pourvoi nº 09-70324) rappelle les différences pouvant exister entre garde et astreinte, mais surtout précise la valeur que peut avoir le temps pendant lequel le salarié est tenu de rester sur son lieu de travail. À une époque où les gardes doivent être impérativement suivies d’une période de repos et où certains établissements sont tentés d’avoir recours à la forfaitisation des gardes pour des raisons budgétaires, cette décision peut aider praticiens et personnel administratif à faire la part des choses.

Dans le cadre de son activité, le médecin-chef d’un hôpital géré par les caisses d’assurance maladie d’Alsace depuis 1985 exécute de nombreuses permanences de nuit, du dimanche et des jours fériés, payées en application de la convention collective des médecins des établissements gérés par les organismes de sécurité sociale sur la base d’un forfait. Le médecin-chef, considérant qu’il n’y a aucune raison pour que le temps passé en garde ne soit pas comptabilisé comme du temps de travail effectif et soit forfaitisé, décide de saisir la juridiction prud’homale d’une demande en paiement d’heures supplémentaires.

La cour d’appel de Colmar a rappelé qu’il résulte d’une part des dispositions de l’article L 3121-1 du code du travail que « la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles », d’autre part de celles de l’article L 3121-4 du même code, issues de la loi Aubry II du 19 janvier 2000, qu’« une période d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, a l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise » et que « la durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif ». Elle a aussi noté que l’avenant du 12 novembre 1992 à la convention collective UCANSS définit pour les médecins salariés la garde comme l’« obligation de se trouver dans l’établissement pour assurer, pendant la nuit et/ ou la journée du dimanche et/ ou des jours fériés, en fonction du tableau de garde, la permanence des soins excédant la compétence des auxiliaires médicaux » et l’astreinte comme « l’obligation de pouvoir être joint à tout moment pour faire face à tout événement médical survenu dans l’établissement ». Ce faisant et au regard des autres éléments du dossier, elle a donné raison au médecin-chef.

Ayant perdu en appel et condamnée à verser au plaignant 326 353 € à titre de rappel de salaires pour très nombreuses années prises en compte, l’UGECAM se pourvoit en cassation.

Pour la Cour de cassation, « constitue un travail effectif, le temps pendant lequel le salarié est tenu de rester sur le lieu de travail dans des locaux déterminés imposés par l’employeur, peu important les conditions d’occupation de tels locaux, afin de répondre à toute nécessité d’intervention sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ». « Ayant constaté qu’une permanence des soins devait être assurée en continuité au sein du Centre par les médecins de l’établissement contraints de demeurer sur place ou de se tenir dans un local de garde prévu à cet effet afin de rester pendant toute la durée de leur garde à la disposition immédiate de l’employeur sur leur lieu de travail, la cour d’appel en a exactement déduit que ces gardes constituaient du temps de travail effectif. »

Un établissement de soins ne peut donc pas forfaitiser à moindre coût le temps de garde d’un médecin au prétexte que ce travail est différent de celui qu’il effectue habituellement dans son service. Que le praticien de garde puisse vaquer à des occupations personnelles et qu’il ne soit pas nécessairement contraint de rester à un endroit précis même, s’il doit être à disposition, n’autorise pas l’employeur à considérer qu’une garde n’est pas une période de travail effectif comme une autre.

La justice française s’est ainsi alignée sur la justice européenne, la Cour de justice de la communauté européenne (CJCE), devenue Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) depuis, ayant décidé dans un arrêt (C-151-02 du 9 septembre 2003) que :

1) La directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, doit être interprétée en ce sens qu’il convient de considérer un service de garde […] qu’un médecin effectue selon le régime de la présence physique dans l’hôpital comme constituant dans son intégralité du temps de travail au sens de cette directive, alors même que l’intéressé est autorisé à se reposer sur son lieu de travail pendant les périodes où ses services ne sont pas sollicités, en sorte que celle-ci s’oppose à la réglementation d’un État membre qui qualifie de temps de repos les périodes d’inactivité du travailleur dans le cadre d’un tel service de garde.

2) La directive 93/104 doit également être interprétée en ce sens que :
– dans des circonstances telles que celles au principal, elle s’oppose à la réglementation d’un État membre qui, s’agissant du service de garde effectué selon le régime de la présence physique dans l’hôpital, a pour effet de permettre, le cas échéant au moyen d’une convention collective ou d’un accord d’entreprise fondé sur une telle convention, une compensation des seules périodes de garde pendant lesquelles le travailleur a effectivement accompli une activité professionnelle;
– pour pouvoir relever des dispositions dérogatoires […] de cette directive, une réduction de la période de repos journalier de 11 heures consécutives par l’accomplissement d’un service de garde qui s’ajoute au temps de travail normal est subordonnée à la condition que des périodes équivalentes de repos compensateur soient accordées aux travailleurs concernés à des moments qui succèdent immédiatement aux périodes de travail correspondantes;
– en outre, une telle réduction de la période de repos journalier ne saurait en aucun cas aboutir à un dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail prévue à l’article 6 de ladite directive.

 

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Atousante.com : la santé au travail

 

Les recommandations HAS remises dans le droit chemin

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Jurisprudences

Chemin baliséQui aurait pu croire il y a encore quelques mois que les effets secondaires du Mediator affecteraient le président de la Haute Autorité de santé (HAS) ou, tout du moins, ses décisions ? Qui aurait pu imaginer que les « recommandations » de bonne pratique de cette instance officielle, imposées à tous les médecins dans un but d’uniformiser les dépenses de santé, sous couvert d’améliorer la qualité de la prise en charge en méprisant l’unicité de chaque patient, et reconnues par le Conseil d’État comme opposables aux praticiens, ne s’appuyaient pas toujours sur des fondements scientifiques transparents ? Qui aurait pu douter de la détermination des experts à faire passer l’intérêt des patients avant celui de l’industrie ou d’un besoin de reconnaissance que chacun trouve légitime ? Pas grand monde, si ce n’est quelques rares médecins qui semblent avoir continué à faire leur l’un des préceptes de leur Art, garder l’esprit critique, plutôt que de sombrer dans le conformisme bien pensant par facilité, par compromission ou au nom de la sauvegarde du spectre de notre système de protection sociale…

C’est en 2009, bien avant que n’éclate le scandale du Mediator, que le Formindep, association pour une formation médicale indépendante, a déposé un recours en Conseil d’État contre le refus par le président de la HAS d’abroger deux recommandations émises par ses services, la première concernant le traitement du diabète de type 2 et la seconde la maladie d’Alzheimer, pour non-respect des règles de déclaration de liens d’intérêts des experts les ayant établies. Un combat qui valait la peine d’être mené puisque le 27 avril 2011, le Conseil d’État a annulé la décision par laquelle le président de la Haute Autorité de santé a refusé d’abroger la recommandation intitulée Traitement médicamenteux du diabète de type 2 et l’a contrait à abroger cette recommandation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision. En ce faisant, le Conseil d’État a reconnu que « la recommandation litigieuse a été élaborée en méconnaissance du principe d’impartialité dont s’inspirent les dispositions rappelées ci-dessus [article L 161-44 du code de la Sécurité sociale et L 5323-4 du code de la santé publique, NDLR], en raison de la présence, au sein du groupe de travail chargé de sa rédaction, d’experts médicaux apportant un concours occasionnel à la Haute Autorité de santé ainsi que d’agents de la Haute Autorité de santé et de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé qui entretenaient avec des entreprises pharmaceutiques des liens de nature à caractériser des situations prohibées de conflit d’intérêts ».

Suite à ce camouflet et alors qu’une décision était attendue pour la recommandation Diagnostic et prise en charge de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées, le président de la HAS a préféré couper court aux critiques. Dans un communiqué du 20 mai 2011, la HAS précise qu’elle retire cette recommandation de bonne pratique « dans un contexte d’exigence accrue en matière d’indépendance et de transparence des institutions et afin de restaurer la confiance avec les usagers du système de soins ». Prenant acte de la décision du Conseil d’État, la HAS décide par ailleurs de lancer l’analyse de toutes les recommandations élaborées entre 2005 et 2010 pour vérifier qu’elles sont conformes aux règles en matière de déclarations publiques d’intérêt. Cette mission est confiée au groupe Déontologie et Indépendance de l’expertise de la HAS présidée par Christian Vigouroux, conseiller d’État. La HAS suivra les conclusions de cette mission et s’engage à retirer immédiatement les recommandations qui seraient concernées et à réinscrire les thèmes à son programme de travail. » Il est aussi question d’un audit externe de ses procédures de gestion des conflits d’intérêts en 2012.

La décision du Conseil d’État a un autre intérêt, celui de préciser le rôle des recommandations de bonne pratique. Il considère que ces dernières « ont pour objet de guider les professionnels de santé dans la définition et la mise en oeuvre des stratégies de soins à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique les plus appropriées, sur la base des connaissances médicales avérées à la date de leur édiction ». Il estime aussi « qu’eu égard à l’obligation déontologique, incombant aux professionnels de santé en vertu des dispositions du code de la santé publique qui leur sont applicables, d’assurer au patient des soins fondés sur les données acquises de la science, telles qu’elles ressortent notamment de ces recommandations de bonnes pratiques, ces dernières doivent être regardées comme des décisions faisant grief susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ».

Malgré tout, les recommandations de bonne pratique ont encore de belles années devant elles. Beaucoup de médecins en redemandent, car il est plus simple de suivre une recette universelle toute faite que d’élaborer un diagnostic en tenant compte des spécificités de chaque patient, surtout quand cette réflexion chronophage, pourtant salutaire au malade, leur attire les foudres de l’assurance-maladie.
Les professions paramédicales en redemandent elles aussi. À l’heure où la délégation des tâches est portée aux nues, mieux vaut disposer de conduites à tenir élaborées par des experts pour pouvoir jouer au docteur sans trop engager sa responsabilité.
Les juristes en sont friands, habitués qu’ils sont aux normes, les utilisant pour faire condamner, plus souvent que pour défendre, les praticiens faisant preuve de sens critique (ou d’incompétence).
L’industrie les réclame, puisqu’elle ne doute pas un seul instant de réussir à nouveau à influencer d’une façon ou d’une autre leur contenu d’ici quelques mois.
La Sécurité sociale, les complémentaires santé et les décideurs, enfin, qui voient en elles un formidable frein aux dépenses de santé et la mise sous coupe réglée des professionnels de santé.
Médecine et indépendance ne sont décidément pas prêtes à ne plus être antinomiques…

Ostéopathie et chiropraxie : un pas en avant, deux en arrière sur la durée minimale de la formation

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Manipuler le squeletteAlors que le syndicat national des ostéopathes de France (SNOF) et de nombreux acteurs de ce secteur se félicitaient du vote de l’article 64 relatif à la durée minimale de formation en vue de l’obtention du diplôme d’ostéopathe au sein de la loi nº 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), venant ainsi compléter la reconnaissance officielle du diplôme obtenue à l’article 75 de la loi nº 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, il aura fallu attendre un an et demi pour que le Conseil constitutionnel rende une décision annulant ce qui était considéré comme un progrès.

C’est à la demande du Premier ministre que le Conseil constitutionnel s’est penché sur la nature juridique des mots « qui doivent être au minimum de 3 520 heures » ajoutés en 2009 au premier alinéa de l’article 75 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002. L’institution a estimé dans une décision du 3 février 2011 (nº 2011-223) que cette durée minimale de formation avait un caractère réglementaire. De ce fait, elle n’a pas à figurer au sein d’un article de loi, mais doit émaner d’un décret. La modification intervenue suite à l’adoption de la loi 2009-879 ne peut donc pas être prise en considération.

C’est que vient d’officialiser le décret nº 2011-390 du 12 avril 2011 modifiant l’article 75 de la loi nº 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, paru au Journal officiel du 14 avril 2011. Ce texte supprime la durée minimale de formation en ostéopathie et en chiropraxie ajoutée à la loi de 2002, dite loi Kouchner, et rétablit que la durée minimale de formation en ostéopathie reste fixée à 2 660 heures conformément aux dispositions du décret nº 2007-437 du 25 mars 2007 relatif à la formation des ostéopathes et à l’agrément des établissements de formation et doit encore être fixée pour la chiropraxie.

En attendant un nouveau décret, la durée minimale de formation pour les ostéopathes reste donc indéterminée pour les chiropracteurs et repasse à trois ans au lieu de quatre pour les ostéopathes. Un contretemps qui n’est pas fait pour arranger les affaires de professions souvent en mal de reconnaissance.

Le Conseil d’État oblige le directeur de l’UNCAM à revoir sa copie concernant la contribution forfaitaire sur les feuilles de soins papier

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Carte de santé électroniqueC’est au plus grand désarroi des professionnels de santé que le directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) avait rendu le 19 mars 2010 une décision fixant le montant de la contribution forfaitaire aux frais de gestion due par les professionnels, organismes ou établissements qui n’assurent pas la transmission électronique pour la facturation de leurs actes, produits ou prestations aux organismes d’assurance maladie obligatoire. Il s’agissait là d’une décision prise en application de l’article L 161-35 du code de la santé publique qui prévoit que « les professionnels, organismes ou établissements dispensant des actes ou prestations remboursables par l’assurance maladie, qui n’assurent pas une transmission électronique, acquittent une contribution forfaitaire aux frais de gestion. Le directeur de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie […] fixe le montant de cette contribution forfaitaire. Cette somme, assimilée pour son recouvrement à une cotisation de sécurité sociale, est versée à l’organisme qui fournit lesdits documents. »

Pour les chantres des économies de santé et pour les personnels de l’UNCAM, la télétransmission est présentée depuis longtemps comme la solution idéale pour le remboursement des frais engagés par les patients. Personne ne conteste qu’il s’agit d’un système simplifiant la vie de l’assuré qui n’a plus à compléter une feuille de soins qu’il doit ensuite adresser à son organisme d’assurance-maladie. Cette procédure lui permettant d’être remboursé plus rapidement, elle est bien souvent appréciée par le patient. Mais il faut reconnaître que si elle est mise en avant par les services de la Sécurité sociale, c’est aussi parce qu’elle a de gros avantages pour ces derniers. Le traitement d’une feuille papier est bien plus lourd que celui d’une feuille de soins électronique et, en cette période de déficit chronique de l’assurance-maladie, pouvoir réduire le nombre d’agents chargés de ce travail n’est pas chose négligeable. D’autant que si un problème survient à l’occasion du remboursement, c’est en premier vers le praticien qui a pris la carte vitale et assuré la télétransmission que le patient se tourne, allégeant ainsi la charge des personnels d’accueil des caisses. Les récriminations iront d’abord au secrétariat ou au praticien lui-même avant d’arriver de façon atténuée aux guichets des organismes sociaux.
Outre le fait de devoir investir dans du matériel non standardisé, spécifique à la télétransmission, associé à un onéreux contrat de maintenance, les praticiens ont de nombreux reproches à faire à ce système et ils n’y ont pas tous adhéré de gaîté de coeur. Même ceux qui ont été parmi les plus motivés sont bien souvent confrontés à de multiples problèmes et acceptent mal que le manque de responsabilisation de l’usager et la stigmatisation dont ils ont l’impression de faire l’objet de la part des caisses d’assurance maladie viennent refroidir leurs ardeurs à poursuivre sur le chemin de la télétransmission. En effet, comment ne pas être étonné qu’un médecin puisse être pénalisé parce que le patient a oublié sa carte vitale nécessaire à l’élaboration de la feuille de soins électronique ? Comment comprendre qu’un praticien, qui est souffrant et qui doit s’en remettre à un remplaçant pour assurer la continuité du service durant parfois plusieurs mois en raison de l’affection grave, dont il est atteint puisse être sanctionné du fait de l’utilisation de feuilles de soins papier par son confrère venu éviter la fermeture du cabinet ? Comment expliquer que de nombreux concepteurs de logiciels médicaux n’aient pas développé de solution de télétransmission faute d’un cahier des charges stable privant ainsi le médecin de solutions adaptées ou que les matériels proposés n’acceptent pas la carte professionnelle d’un remplaçant ? Comment accepter que des services de l’assurance-maladie conseillent aux praticiens de laisser leur carte de professionnel de santé (CPS) à leur remplaçant pour qu’il puisse télétransmettre en parfaite contradiction avec le principe voulant que cette carte soit personnelle, poussant ainsi les médecins à agir de façon illégale ?

Il est évident que, dans un tel contexte, la décision du directeur général de l’UNCAM du 19 mars 2010 prévoyant une sanction financière de 50 centimes d’euros pour les professionnels de santé utilisant des feuilles de soins papier pour plus de 25 % des actes réalisés sur une année ne pouvait ressentie que comme une injustice par les médecins « de base ». Alors que les grandes centrales syndicales médicales, censées pourtant les représenter, semblaient résolues à accepter ce qu’elles avaient peut-être négocié officieusement, c’est un syndicat régional qui a attaqué cette décision. Bien lui en a pris puisque le Conseil d’État lui a donné raison le 7 avril 2011 après avoir estimé que le directeur général de l’UNCAM avait outrepassé les droits que lui confère la loi en imposant que cette contribution forfaitaire soit appliquée aux supports de facturation établis sur papier à l’exclusion des supports concernant les bénéficiaires de l’aide médicale d’État, les nourrissons de moins de trois mois et les prestations de soins effectuées dans leur totalité hors de la présence du patient ; en déterminant les catégories de professionnels et organismes débiteurs ou en décidant que la notification de la contribution est effectuée par la CPAM au 1er juillet de l’année suivante, la contribution étant exigible au 1er septembre.

Si l’obligation d’être en mesure de télétransmettre pour les professionnels de santé est toujours d’actualité, la menace des sanctions pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas utiliser ce système pour la majorité de leurs actes est une nouvelle fois repoussée. Bien malin celui qui est en mesure de dire quand et comment cette situation évoluera dans l’immédiat. Les échéances électorales qui approchent ne vont pas être propices à de nouvelles sanctions, surtout dans des domaines où les praticiens ont l’impression que les intérêts des personnels de l’assurance-maladie passent bien avant les leurs ou ceux des patients…

Cellules souches, embryon et Cour de justice de l’Union européenne

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Cellules totipotentesBien qu’elles ne présument en rien de la décision que prendra au final la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), il est toujours intéressant de se pencher sur les conclusions de ses avocats généraux qui interviennent habituellement quelques mois avant la conclusion d’une affaire. Il en est ainsi de celles d’Yves Bot concernant les cellules totipotentes, les pluripotentes et l’embryon utilisés à des fins industrielles ou commerciales.

Selon l’avocat général, comme l’explique le communiqué nº 18/11 de la CJUE, « les cellules totipotentes qui portent en elles la capacité d’évoluer en un être humain complet doivent être qualifiées juridiquement d’embryons humains et doivent, de ce fait, être exclues de la brevetabilité.
Un procédé utilisant des cellules souches embryonnaires différentes, dites cellules pluripotentes, ne peut non plus être breveté lorsqu’il requiert, au préalable, la destruction ou l’altération de l’embryon. »

C’est à la demande de la Cour fédérale allemande (le Bundesgerichtshof) que la CJUE va devoir se prononcer sur la notion d’« embryon humain » et sur les enjeux commerciaux qui s’y attachent. Très loin de toutes considérations philosophiques, éthiques ou religieuses, la bataille juridique qui s’est engagée sur l’embryon et les cellules souches va avant tout servir à savoir comment vont être répartis les immenses profits que laissent espérer les recherches dans ce domaine. Le président du LEEM (organisme regroupant un très grand nombre d’entreprises du médicament) a beau insisté sur l’aspect altruiste, voire même philanthropique, de la recherche financée par l’industrie pharmaceutique, les actes de cette dernière laissent penser que la décision de la CJUE pourrait avoir un impact sur la politique d’investissement des fabricants. Si les procédés issus de la recherche sur les cellules souches peuvent être couverts par des brevets, gage de retour sur investissement et de substantiels profits, l’industrie financera la recherche ; dans le cas contraire, elle préférera sans doute s’intéresser aux compléments alimentaires ou aux coupe-faim. Motifs invoqués : préserver l’emploi des 100 000 personnes qui travaillent pour elle en France ou continuer à créer « 550 emplois nouveaux par an » pour un chiffre d’affaires de 50 milliards d’euros. Dans un pays qui comptait plus de 2,7 millions de chômeurs en février, on comprend que certains n’hésitent pas à s’interroger sur le poids d’un tel argument dans les nombreuses décisions prises par les politiques en faveur de cette industrie.

C’est dans ce contexte difficile qu’interviennent donc les conclusions de l’avocat général de la CJUE dans une affaire opposant Greenpeace à un détenteur de brevet portant sur « des cellules précurseurs neurales isolées et purifiées produites à partir de cellules souches embryonnaires humaines utilisées pour traiter les maladies neurologiques » ayant déjà des implications cliniques dans le traitement de la maladie de Parkinson. Le détenteur du brevet ayant fait appel de la décision du tribunal fédéral des brevets allemand ayant constaté la nullité du sien « dans la mesure où il porte sur des procédés permettant d’obtenir des cellules précurseurs à partir de cellules souches d’embryons humains. » Pour la CJUE, « il s’agit de savoir si l’exclusion de la brevetabilité de l’embryon humain concerne tous les stades de la vie à partir de la fécondation de l’ovule ou si d’autres conditions doivent être satisfaites, par exemple qu’un certain stade de développement soit atteint. »
Pour l’avocat général, il faut se tenir à la lettre de la directive 98/44/CE relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques qui, dans son article 5 paragraphe 1, prévoit que « le corps humain, aux différents stades de sa constitution et de son développement, ainsi que la simple découverte d’un de ses éléments, y compris la séquence ou la séquence partielle d’un gène, ne peuvent constituer des inventions brevetables ». Selon le communiqué de la CJUE relatif aux conclusions d’Yves Bot, « donner une application industrielle à une invention utilisant les cellules souches embryonnaires reviendrait à utiliser les embryons humains comme un banal matériau de départ ce qui serait contraire à l’éthique et à l’ordre public.
En conclusion, l’avocat général estime qu’une invention ne peut être brevetable lorsque la mise en œuvre du procédé requiert, au préalable, soit la destruction d’embryons humains, soit leur utilisation comme matériau de départ, même si, lors de la demande de brevet, la description de ce procédé ne fait pas référence à l’utilisation d’embryons humains.
L’avocat général rappelle toutefois que la brevetabilité des utilisations d’embryons humains à des fins industrielles ou commerciales n’est pas interdite, en vertu de la directive, lorsqu’elle concerne les seules inventions ayant un objectif thérapeutique ou de diagnostic qui s’appliquent à l’embryon humain et lui sont utiles – par exemple pour corriger une malformation et améliorer ses chances de vie. »

Il faut maintenant attendre la décision des juges de la CJUE qui n’est pas tenue par ces conclusions, la mission des avocats généraux consistant à proposer à la Cour, en toute indépendance, une solution juridique dans l’affaire dont ils sont chargés. La balance de la justice penchera-t-elle en faveur d’un financement public, donc modeste, de la recherche sur les cellules souches et l’embryon qui servira au plus grand nombre ou donnera-t-elle raison aux arguments de l’industrie quitte à privilégier les intérêts de ceux qui ont les moyens d’investir et de payer pour ces traitements ? La réponse dans quelques mois.

Le swing du Mediator

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Exercice particulièrement délicat que celui qui consiste à répondre en direct aux questions des journalistes. Dominique Dupagne, médecin généraliste et maître toile du site Atoute.org, habitué des médias, a relevé ce défi sur France-Inter, le 11 mars 2011, dans la chronique de Pascale Clark « 5 minutes avec… »

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Dominique Dupagne ne pratique pas la langue de bois. Pour lui, nombreux ont été ceux qui ont dû fermer les yeux pendant plusieurs années pour être aveugle dans le dossier du Mediator, en France. Il n’hésite pas à mettre en cause tous les niveaux de la chaîne de décision dans le domaine du médicament et à s’amuser du discours prononcé par Nicolas Sarkozy lorsque Jacques Servier est fait grand-croix de la Légion d’honneur, dont voici un extrait : « En tant qu’entrepreneur, vous avez été souvent sévère à l’endroit de l’administration française. Vous critiquez l’empilement des mesures, des normes, des structures et vous avez raison ». Un discours qui a disparu depuis peu du site du laboratoire éponyme où il figurait pourtant en bonne place.

Pour le docteur Dupagne, les assises du médicament, auxquelles il a participé jusque-là pour avoir fait partie de ceux qui ont très tôt dénoncé le Mediator, ne déboucheront sur rien. Les patrons de l’industrie pharmaceutique s’y pressent et les travaux ne sont pas publics. Il a même été interdit aux participants de filmer les séances sous peine de poursuites alors qu’il y est question de la transparence de l’information dans le domaine du médicament…

Magie d’Internet, il est possible de revoir l’intervention de Dominique Dupagne en ligne. Un plaisir dont il serait dommage de se priver.

 

Droit de décider du moment et de la manière de mourir en Europe

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Suicide, pas toujours assistéC’est le 29 décembre 1972 que la Confédération suisse à signé la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, encore appelée « Convention européenne des droits de l’homme », même si elle n’est entrée en vigueur que fin 1974 en Suisse. Ayant ratifié ce texte, la Confédération fait partie des États parties à la Convention et à ce titre reconnaît et garantit les droits fondamentaux, civils et politiques non seulement à ses ressortissants, mais également à toute personne relevant de sa juridiction. Parmi les droits garantis par la Convention figurent le droit à la vie, le droit à un procès équitable, le droit au respect de la vie privée et familiale, la liberté d’expression, la liberté de pensée, de conscience et de religion. Sont interdits notamment la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, tout comme les discriminations dans la jouissance des droits et libertés reconnus par la Convention. Les juridictions nationales des pays signataires devant appliquer cette dernière, une personne estimant que ses droits n’ont pas été respectés peut saisir la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) créée à cet effet.

C’est dans ce cadre qu’un ressortissant suisse a saisi la Cour pour se plaindre d’une violation de son droit de décider du moment et de la manière de mourir, selon lui. Ce citoyen a estimé qu’il devait pouvoir choisir le moment où il souhaitait mourir au nom de l’article 8 de la Convention qui prévoit que « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance » et qu’« Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
Cette personne, souffrant d’un grave trouble affectif bipolaire depuis une vingtaine d’années, a commis deux tentatives de suicide et effectué plusieurs séjours dans des cliniques psychiatriques. « Considérant qu’il ne pouvait plus vivre d’une manière digne en raison de sa maladie, difficile à traiter », cet homme a adhéré à l’association Dignitas afin « de lui apporter de l’aide dans le cadre de son projet de suicide. » Pour mener à bien ce projet, il avait néanmoins besoin d’une prescription médicale lui permettant d’obtenir la substance adaptée. Aucun des psychiatres sollicités n’a accepté de lui donner l’ordonnance correspondant à sa demande.
Pour « obtenir l’autorisation de se procurer ladite substance dans une pharmacie, sans ordonnance, par l’intermédiaire de l’association Dignitas », le plaignant a fait appel aux autorités suisses. Ces dernières, instance après instance, lui ont refusé cette possibilité au motif que la substance en question ne pouvait être obtenue dans une pharmacie sans une prescription médicale. De plus, pour les représentants de la Confédération, « l’article 8 de la Convention n’imposait pas aux États parties une obligation positive de créer des conditions permettant la commission d’un suicide sans risque d’échec et sans douleur. »

« Selon l’intéressé, l’obligation de présenter une ordonnance médicale afin d’obtenir la substance nécessaire à la commission d’un suicide et l’impossibilité de se procurer une telle ordonnance, due selon lui aux menaces de retrait de l’autorisation de pratiquer que les autorités faisaient peser sur les médecins s’ils prescrivaient cette substance à des malades psychiques, constituaient une ingérence dans son droit au respect de sa vie privée. Il ajouta que, si cette ingérence reposait certes sur une base légale et poursuivait un but légitime, elle n’était pas proportionnée dans son cas. »

Afin de pouvoir se prononcer, la CEDH a étudié le droit au suicide assisté dans les États parties à la Convention. « Les recherches effectuées par la Cour lui permettent de conclure que l’on est loin d’un consensus au sein des États membres du Conseil de l’Europe quant au droit d’un individu de choisir quand et de quelle manière il veut mettre fin à ses jours. En Suisse, selon l’article 115 du code pénal, l’incitation et l’assistance au suicide ne sont punissables que lorsque l’auteur de tels actes les commet en étant poussé par un mobile égoïste. À titre de comparaison, les pays du Benelux, notamment, ont décriminalisé l’acte d’assistance au suicide, mais uniquement dans des circonstances bien précises. Certains d’autres pays admettent seulement des actes d’assistance “passive”. Mais la grande majorité des États membres semblent donner plus de poids à la protection de la vie de l’individu qu’à son droit d’y mettre fin. La Cour en conclut que la marge d’appréciation des États est considérable dans ce domaine. »

Dans son appréciation de l’affaire, la Cour ne s’oppose pas au suicide. Pour elle, le droit au suicide est légitime sous conditions. Face à une fin de vie indigne et pénible, une personne a le droit de préférer une mort sans risque d’échec et sans douleur. « […] la Cour estime que le droit d’un individu de décider de quelle manière et à quel moment sa vie doit prendre fin, à condition qu’il soit en mesure de forger librement sa propre volonté à ce propos et d’agir en conséquence, est l’un des aspects du droit au respect de sa vie privée au sens de l’article 8 de la Convention. »
Pour autant, la Cour n’oublie pas de préciser que l’article 2 de la Convention « impose aux autorités le devoir de protéger des personnes vulnérables, même contre des agissements par lesquels ils menacent leur propre vie […]. Selon la Cour, cette dernière disposition oblige les autorités nationales à empêcher un individu de mettre fin à ses jours si sa décision n’intervient pas librement et en toute connaissance de cause » et, selon elle, « l’exigence d’une ordonnance médicale afin de prévenir des abus, a pour objectif légitime de protéger notamment toute personne d’une prise de décision précipitée, ainsi que de prévenir des abus, notamment d’éviter qu’un patient incapable de discernement obtienne une dose mortelle » d’une substance.
« Cela est d’autant plus vrai s’agissant d’un pays comme la Suisse, dont la législation et la pratique permettent assez facilement l’assistance au suicide. Lorsqu’un pays adopte une approche libérale, des mesures appropriées de mise en œuvre d’une telle législation libérale et des mesures de prévention des abus s’imposent. De telles mesures sont également indiquées dans un but d’éviter que ces organisations n’interviennent dans l’illégalité et la clandestinité, avec un risque d’abus considérable. »

Pour ces raisons et pour d’autres exposées dans l’arrêt, la CEDH a donc considéré que la Suisse n’avait pas violé l’article 8 de la Convention. S’il n’est pas question d’interdire à un État d’autoriser l’assistance au suicide, il n’est pas question non plus de lui reprocher de prendre des mesures pour empêcher les abus…

L’ordre national des pharmaciens condamné par la Commission européenne

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Analyses de biologie médicaleC’est pour des restrictions à la concurrence sur le marché français des analyses médicales que la Commission européenne a condamné le 8 décembre 2010 l’ordre national des pharmaciens (ONP). Supervisant à la fois les officines et les laboratoires d’analyses de biologie médicale tenus par des pharmaciens, l’ONP a pris des décisions visant systématiquement des entreprises associées à des groupes de laboratoires avec l’objectif d’entraver leur développement sur le marché français et de ralentir ou d’empêcher des acquisitions et des modifications statutaires ou au capital de ces entreprises. Alors qu’elles auraient débuté fin 2003, ces pratiques ne semblent pas avoir cessé à ce jour, selon la Commission.

« Par ailleurs, entre septembre 2004 et septembre 2007, l’ONP a pris des décisions visant à imposer des prix minimums, notamment au détriment d’hôpitaux publics et d’organismes d’assurance santé publics, en cherchant à interdire les remises supérieures à 10 % sur les prix publics octroyées par des entreprises privées dans le cadre de contrats. Il a été constaté que pendant la période de l’enquête les prix de tests d’analyse de biologie médicale parmi les plus fréquents étaient jusqu’à deux à trois fois plus élevés en France que dans d’autres États membres. » C’est ce qu’indique le communiqué de la Commission européenne (référence IP/10/1683).

C’est un groupe leader en Europe dans le domaine des analyses de biologie médicale, présent dans six des vingt-sept pays membres de l’Union, qui a porté plainte en octobre 2007 auprès de la Commission européenne. Après une enquête et même une inspection au siège de l’ONP, la responsabilité de cette dernière a bien été retenue. En menaçant de sanctions disciplinaires les pharmaciens biologistes refusant de se plier à ses injonctions, l’Ordre a outrepassé ses fonctions et a protégé les intérêts de certains de ses membres. Pour Joaquìn Almunia, vice-président de la Commission en charge de la politique de concurrence, « une association qui représente et défend des intérêts privés ne peut pas se substituer à l’État pour édicter ses propres règles, en limitant la concurrence par les prix là où l’État avait entendu la maintenir et entravant le développement d’entreprises sur le marché au-delà de ce qui est prévu par la loi ». Or, pour la Commission, l’ONP doit bien être considérée comme une association d’entreprises au sens du droit européen de la concurrence, car certains de ses membres exercent une activité économique. De plus, les instances dirigeantes de l’ONP disposent d’une autonomie décisionnelle qui fait que c’est son comportement qui a été sanctionné et non la façon dont le marché français des analyses de biologie médicale est organisé par les dispositions légales.

C’est la première fois que la Commission européenne impose une amende à une association d’entreprises en invoquant la possible responsabilité financière des entreprises des membres dirigeants. En conséquence, l’amende s’élève à cinq millions d’euros. L’Ordre n’en est pas au bout de ses peines puisque d’autres actions en réparation peuvent être intentées contre lui. « Toute personne ou entreprise lésée par des pratiques anticoncurrentielles telles que celles qui sont décrites ci-dessus peut porter l’affaire devant les tribunaux des États membres pour obtenir des dommages et intérêts. La jurisprudence de la Cour et le règlement (CE) nº 1/2003 du Conseil confirment que, dans les affaires portées devant les juridictions nationales, une décision de la Commission constitue une preuve contraignante de l’existence et du caractère illicite des pratiques en cause. Même si la Commission a infligé une amende à l’association d’entreprise et ses organes dirigeants considérés, des dommages et intérêts peuvent être accordés sans que le montant en soit réduit en raison de l’amende infligée par la Commission. »
Voilà qui pourrait donc coûter très cher à l’ONP. Cinq millions d’euros représentent, en effet, six mois de salaires et traitements de cet organisme. Si à cette somme viennent s’ajouter d’autres condamnations, l’Ordre des pharmaciens va devoir mobiliser une partie de ses ressources pour y faire face.

Tout ceci est d’autant plus étonnant qu’au sein du conseil national des pharmaciens siègent deux représentants des ministères et un conseiller d’État.

HON, nouveau bras armé du conseil national de l’ordre des médecins ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Stéthoscope et ordinateurDepuis la publication de la loi 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, l’article L 161-38 du code de la Sécurité sociale (CSS) impose à la Haute Autorité de santé (HAS) d’établir une procédure de certification des sites informatiques dédiés à la santé et des logiciels d’aide à la prescription médicale ayant respecté un ensemble de règles de bonne pratique. Le décret 2004-1139 du 26 octobre 2004 relatif à la Haute Autorité de santé et modifiant le code de la Sécurité sociale et le code de la santé publique prévoit, quant à lui sous la forme de l’article R 161-75 du CSS, que « La Haute Autorité de santé détermine les règles de bonne pratique devant être respectées par les sites informatiques dédiés à la santé et les logiciels d’aide à la prescription médicale pour lesquels la certification mentionnée à l’article L 161-38 est demandée. Elle définit les modalités de cette certification. » Il est prévu que ces décisions réglementaires soient publiées au Journal officiel de la République française (art R 161-76 du CSS).

Même si l’article L 161-38 avait prévu que cette certification soit mise en oeuvre et délivrée par un organisme accrédité attestant du respect des règles de bonne pratique édictées par la Haute Autorité de santé à compter du 1er janvier 2006, ce n’est qu’en novembre 2007 que la fondation Health on the Net (HON) a obtenu l’accréditation. Un choix somme toute logique puisque de nombreux sites médicaux avaient déjà accordé leur confiance pour leur certification à cette organisation non gouvernementale (ONG) suisse reconnue de par le monde avant que le législateur ne s’intéresse au problème. D’après cette ONG , « la certification est fondée sur le respect des 8 principes du HONcode par les sites de santé. C’est une démarche volontaire de l’éditeur du site qui, en la demandant, traduit son adhésion à ces principes et son engagement à les respecter. Elle est gratuite, son coût est pris en charge par la HAS et HON dans le cadre de la convention de partenariat. »
Chose étrange, il n’est nulle part fait référence aux règles de bonne pratique devant être publiées au Journal officiel. Le site de la HAS n’offre que des documents d’information sur le sujet et son rapport d’activité (novembre 2007 — novembre 2008) n’en fait pas plus mention, même s’il explique comment la certification a été mise en place. Malgré ce que prévoit l’article R 161-76 du CSS, c’est néanmoins le HONcode qui sert à certifier les sites santé en France…

Le “code” de la fondation HON est fondé sur huit principes comme l’explique la HAS aux éditeurs des sites santé :

1. Autorité
• Indiquer la qualification des rédacteurs

2. Complémentarité
• Complémenter et non remplacer la relation patient-médecin

3. Confidentialité
• Préserver la confidentialité des informations personnelles soumises par les visiteurs du site

4. Attribution
• Citer la/les source(s) des informations publiées et dater les pages de santé

5. Justification
• Justifier toute affirmation sur les bienfaits ou les inconvénients de produits ou traitements

6. Professionnalisme
• Rendre l’information la plus accessible possible, identifier le webmestre, et fournir une adresse de contact

7. Transparence du financement
• Présenter les sources de financement

8. Honnêteté dans la publicité et la politique éditoriale
• Séparer la politique publicitaire de la politique éditoriale

Ces principes sont explicités sur le site d’HON.

Bien que la loi n’impose rien concernant la durée de validité de cette certification, la HAS a choisi de reprendre à son compte l’un des fondements de la certification HON, comme elle l’explique dans son document à l’attention éditeurs de sites diffusant de l’information en santé : la certification est délivrée pour un an avec une réévaluation annuelle systématique des sites par HON. Pendant cette période, les sites font l’objet d’une surveillance par HON afin de s’assurer du respect des principes du HONcode dans la durée. Un système de plainte en ligne permet à tout internaute de signaler à HON ce qu’il estimerait être une non-conformité. HON instruit les plaintes et le cas échéant demande aux sites de corriger les non-conformités. La certification peut être suspendue voire retirée si un site ne corrige pas les non-conformités.

C’est dans le cadre de cette procédure de suivi que des sites de chirurgie esthétique, ayant la certification depuis plusieurs années pour certains, ont vu apparaître de nouvelles exigences pour continuer à être certifiés. Des conditions vraiment surprenantes puisqu’il leur est demandé de se conformer aux recommandations de l’ordre national des médecins du 22 mai 2008 relatives à la déontologie médicale sur le Web santé, ce qui n’avait jamais été le cas jusque-là. Les mails reçus d’HON par les gestionnaires de ces sites dont Droit-medical.com a pu avoir connaissance ne laissent aucun doute : « Par ailleurs, votre site comporte des photos sur la page d’accueil […] : l’ordre interdit formellement les photos dans ses recommandations sur la déontologie médicale sur le web santé. […] Pour être en accord avec l’ordre des médecins, vous avez l’obligation d’enlever toutes les photos de votre site. En effet ces photos vous engagent à une obligation de résultats pouvant être préjudiciable pour vous, et vous pouvez être dénoncé par vos confrères pour avoir affiché ces photos. » Dans d’autres mails, il est demandé de faire figurer situation au regard de la convention médicale, les principaux honoraires, l’appartenance à une AGA, les conditions de réalisation de devis lorsque la réglementation pour la discipline exercée l’impose. Il est aussi imposé de retirer les formulaires de contact destinés à autre chose qu’à la prise de rendez-vous. Tout ceci avec pour seul motif d’être en conformité avec les recommandations de l’Ordre.

À aucun moment les documents de la HAS ne font référence aux recommandations de l’ordre des médecins. Rien dans le HONcode ne les évoque. Et pourtant, voilà que de simples recommandations sont imposées aux praticiens qui ont fait la démarche volontaire de demander une certification et qui l’avait obtenue jusque-là… Si le conseil de l’Ordre s’est engagé depuis quelques mois dans une réflexion sur la qualité des sites santé aux côtés de la HAS et de la fondation HON, à aucun moment il ne semble avoir été question d’imposer de nouvelles contraintes aux praticiens dans le cadre de la certification. Excès de zèle d’HON ou nouvelle politique décidée de façon bien peu transparente ? Les seuls retours que nous ayons eus jusqu’à présent concernent des sites de chirurgie esthétique, y aurait-il une discrimination à leur égard ou ces dispositions touchent elles tous les sites de médecins ? Il est vrai que la justice ayant habitué les praticiens à voir dans les recommandations, à l’élaboration desquelles certains d’entre eux participent, des textes ayant quasiment force de loi, il est peut être tentant pour les autorités de santé comme pour l’Ordre de les multiplier et de trouver de nouveaux moyens pour les voir appliquées.

À moins qu’il ne s’agisse là d’une réaction de la HAS et de la fondation HON au vent de fronde qui souffle depuis peu au sujet de la certification ? Si tel est le cas, il n’est pas certain que cette mesure soit judicieuse, car elle impose aux médecins des obligations que des sites de l’industrie ou de l’administration n’ont pas pour obtenir le même label. Il y aurait donc une certification à deux vitesses ? Difficile dans un tel contexte de continuer à imposer un label unique, sauf à vouloir induire en erreur le patient en lui faisant croire qu’il peut accorder la même confiance à des sites ayant été certifiés par des procédures plus ou moins strictes.
Par ailleurs, malgré des discours de façade, la certification HAS/HON n’a en rien résolu le problème de la qualité des informations proposées par les sites santé aux patients. Le respect des recommandations de l’Ordre et la certification d’un site ne sont en rien un gage d’informations médicales pertinentes ou exemptes de conflits d’intérêts. En ce domaine, chacun pense avoir la solution, mais en pratique la solution semble encore bien loin d’être trouvée.

Face à un tel manque de transparence pour les sites santé, que faut-il penser de la note de cadrage qu’a mise en ligne en décembre 2010 la HAS au sujet des « critères de qualité des revues et journaux de la presse médicale française » ? S’il est indéniable que de nombreuses questions se posent quant aux nombreux conflits d’intérêts qui peuvent exister entre cette presse et l’industrie pharmaceutique, on est en droit de se demander s’il sera question d’y répondre ou si cette réflexion n’aura pour autre but que d’imposer de nouvelles contraintes aux seuls praticiens…

La semaine de la médecine de proximité

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Médecin de proximitéC’est par une visite du Chef de l’État, le 1er décembre 2010, dans un « pôle de santé libéral et ambulatoire » du Calvados que cette semaine politique de la médecine de proximité va arriver à son terme. Une table ronde sur le sujet au cours de laquelle les conditions d’exercice des métiers de la santé, les difficultés posées par la démographie médicale en zone rurale et l’exigence d’accès aux soins seront notamment abordées.

Cette semaine de la médecine de proximité a commencé le 23 novembre 2010 au 93e congrès des maires de France, durant lequel Nicolas Sarkozy a abordé le thème de la santé à plusieurs reprises. Il a tout d’abord rappelé qu’il avait constaté à son arrivée à la tête de l’État que 69 % des hôpitaux étaient en déficit et que, malgré le mécontentement que pouvait engendrer la fermeture de tels établissements de proximité, il n’y avait d’autre solution que de fermer des établissements. L’excuse de la sécurité des patients n’a pas servi, cette fois, à masquer la principale raison qui explique la disparition de maternités ou de services de chirurgie de proximité : l’aspect économique. Dans un pays dont la dette représente 90 % du PIB, comme serait-il possible d’ignorer une telle donnée ?
Sur le plan de la démographie médicale, le Président a dit qu’il ne comprenait la situation actuelle : « Il n’y a jamais eu autant de médecins dans notre pays, 210 000, et en même temps, on a des régions entières, même pas des départements, qui ont une démographie médicale désertifiée avec certains quartiers de nos villes qui ont une hypertrophie de la représentation médicale. J’ajoute que dans les spécialités, tout le monde va vers les spécialités où il n’y a pas de gardes et on n’a plus de médecins anesthésistes, plus d’obstétriciens et on a beaucoup de difficultés à trouver un certain nombre de spécialités. Là encore, l’État doit vous [les maires de France, NDLR] aider à installer durablement des professionnels de la santé. Nous allons complètement repenser le statut des médecins, repenser leurs rémunérations. La rémunération à l’acte doit rester la base, mais elle n’est pas suffisante. Eux aussi, il faut leur libérer du temps pour des actes médicaux et non pas pour remplir quantité de formulaires qui, par ailleurs, ne servent à rien. Je crois également qu’il faut aller plus loin dans le financement des études des jeunes internes qui s’engageront en échange du fait que l’État ait payé leurs études à s’implanter dans des régions et des départements où il n’y a pas de médecins, sinon on ne va pas pouvoir s’en sortir. »
Des propos qui semblaient montrer que le Chef de l’État avait déjà des idées précises de sa future politique en matière de médecine de proximité trois jours avant qu’Élisabeth Hubert ne lui remette le rapport de la mission qu’il lui avait confié sur le sujet.

Ce n’est que le 26 novembre 2010 que l’ancien ministre Élisabeth Hubert a remis son rapport quant à sa mission de concertation sur la médecine de proximité. Elle y propose de revoir en profondeur la formation des futurs médecins. « En ce qui concerne, en premier lieu, le second cycle des études médicales, il convient de présenter précocement aux étudiants toute la diversité de la pratique médicale, de mettre en œuvre dans toutes les facultés de vrais stages d’initiation à la médecine générale, de faire effectuer aux étudiants des stages hors des CHU, de leur faire découvrir l’activité des autres professions de santé et ainsi faire l’apprentissage du partage des compétences, de modifier les modalités des épreuves classantes nationales. L’internat en médecine générale doit lui aussi être sensiblement modifié en augmentant le nombre de stages effectués chez le médecin généraliste, en créant une année complémentaire de “séniorisation” en formant les internes en médecine générale aux particularités de l’exercice libéral et à la gestion d’un cabinet médical.
Dans le même temps, il est urgent de procéder aux nominations de professeurs de cette spécialité en fonction du rythme prévu par la loi HPST, de rendre attractif le statut de chefs de clinique de médecine générale, de recruter en nombre suffisant les maîtres de stage pour encadrer les étudiants et internes en médecine générale et pour cela, d’améliorer l’attrait de cette fonction.
Mais les réalités du XXIe siècle justifient, aux yeux de la mission, deux autres changements qui seraient, il est vrai, vécus comme une réelle révolution : réduire la durée des études de médecine avant l’internat de 6 à 5 ans et dissocier la fonction d’enseignant de celle de praticien hospitalier. »
Élisabeth Hubert insiste ensuite sur la nécessité de développer la télémédecine et de la mettre au service des patients et des praticiens. Selon elle, « il faut rompre avec le développement anarchique et non coordonné des systèmes d’information aboutissant au fait que, sur un territoire de santé, les politiques d’informatisation sont conçues sans recherche d’interopérabilité entre elles » et que « les informations recueillies doivent servir la santé de chaque patient, permettre de mieux piloter le système de santé et réduire les tâches administratives des praticiens. Ceci impose de lever les obstacles juridiques au développement de la télémédecine, d’en clarifier les conditions de facturation et de faire en sorte que le traitement des données de santé soit réalisé de manière professionnelle. »

Accélérer les protocoles de coopération entre professionnels de santé et par là même le transfert des actes de soins est un autre axe de proposition d’Élisabeth Hubert, tout comme les regroupements pluridisciplinaires.
Allant dans le sens de ce qu’évoquait quelques jours plus tôt le président de la République, il est question dans ce rapport d’envisager « une refonte totale du système de rémunération des professionnels de santé et en particulier des médecins […] Il n’est plus possible de payer le même prix pour une consultation quelles qu’en soient la complexité et la durée. La grille tarifaire doit donc tenir compte de cette variabilité. Les situations, éminemment complexes, qui imposent l’intervention coordonnée de plusieurs professionnels et des réunions de concertations, seraient quant à elles rétribuées sous la forme de forfaits selon des modalités s’inspirant de la tarification à l’activité telle qu’utilisée en hospitalisation à domicile. Une clarification du régime social et fiscal de ces sommes forfaitaires devra être opérée, leur assimilation aux honoraires conventionnels apparaissant le système le plus simple et le moins pénalisant pour les professionnels.
Par ailleurs, les surcoûts engendrés par les formes d’exercices regroupés, tant dans les MSP que dans les Pôles de Santé, doivent faire l’objet d’un financement spécifique, pérenne compte tenu de l’enjeu organisationnel qu’elles représentent. »

Alors que pour de nombreux médecins, la mission d’Élisabeth Hubert représentait une lueur d’espoir quant à leur malaise vis-à-vis de l’assurance-maladie et des contraintes chaque jour plus fortes qu’elle leur impose, la lecture du rapport devrait très vite les ramener à la réalité : « L’État, garant du bon fonctionnement du système et non gérant du quotidien, doit être seul investi de la décision politique. Cela impose que les organismes payeurs soient, eux, les vrais maitres d’œuvre d’une politique conventionnelle dont les contours et le contenu sont à redéfinir. Quant aux Agences régionales de santé, créées par la loi HPST, il importe d’en renforcer le rôle. »

D’autres propositions viennent s’ajouter aux précédentes, comme celle d’ouvrir les maisons de santé et les pôles de santé pluriprofessionnels en soirée pour désengorger les services d’urgence à l’hôpital. Il est aussi question « d’améliorer la couverture maternité des médecins libéraux exerçant en secteur 1 » et d’« appeler toutes les parties concernées par le sujet de l’assurance vieillesse à prendre leur responsabilité, l’état catastrophique de ce régime faisant peser de lourdes craintes sur les retraites des médecins. »
« La mission s’est aussi penchée sur deux autres objets d’interrogations : le développement professionnel continu (DPC) et la responsabilité civile professionnelle. Il convient de dépassionner ce dernier sujet pour les médecins généralistes au regard du faible nombre de plaintes enregistrées et du montant inchangé des primes d’assurance. Quant au DPC, plus que de réglementations multiples c’est d’autonomie dont ont besoin les professionnels de santé, la confiance et l’évaluation devant désormais être les piliers des relations instituées. »

Dernier point, fondamental celui-là à la veille de la fin de cette semaine de la médecine de proximité : que faut-il entendre par “proximité” ? « Proximité, ne signifie pas disposer à sa porte. Accéder à l’issue d’un trajet de 20 minutes à un lieu où puissent être pratiqués interrogatoire, examen clinique et prescriptions, apparait raisonnable. » Mais que les patients se rassurent, quoiqu’il arrive le rapport parle de la mise en place « des moyens de transport pour se rendre chez le médecin le plus proche »…