À que coucou le secret médical et la présomption d’innocence !

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Presse

Lorsqu’il est question d’une star ou d’un grand de ce monde, le secret médical semble ne plus vraiment exister. L’affaire mettant en cause le chirurgien ayant opéré Johnny Hallyday d’une hernie discale en est le parfait exemple. Rares sont les médias à avoir pris du recul et à avoir fait preuve d’objectivité lorsque l’entourage de l’ancienne idole des jeunes a jeté en pâture le praticien, pourtant suffisamment réputé pour avoir été choisi quelques semaines plus tôt par le chanteur. À tel point que le médecin a été agressé par des inconnus tant sa responsabilité dans les complications survenue dans les jours ayant suivi la chirurgie était présentée au grand public comme indiscutable. Du lynchage médiatique du neurochirurgien au lynchage tout court, il n’y avait qu’un pas que certains n’ont pas hésité à franchir pour la plus grande satisfaction de nombreux fans de la star, qu’ils soient simples citoyens, journalistes, amis du chanteur ou, peut-être, policiers chargés d’enquêter sur cette agression dont les auteurs ne semblent toujours pas avoir été arrêtés. La présomption d’innocence en matière d’erreur médicale présumée n’a pas cours et le médecin est un bouc-émissaire tout trouvé, les médias et les pouvoirs publics ayant habitué l’opinion à faire jouer ce rôle aux praticiens…

Allumer le feu

Dignes de ceux qui reçoivent le prix Pulitzer, des journalistes d’investigation semblent néanmoins avoir fait leur travail. C’est ce que l’on peut être amené à croire en lisant un article du journal Le Monde, daté du 11 janvier 2010 ayant pour titre « Docteur Polémique », et l’article publié le 26 mai 2010 par le magazine L’Express, intitulé « La santé de Johnny, L.A. confidential ».

Dans l’article du journal Le Monde, Yves Bordenave explique que « Les deux hommes se connaissent depuis 2008 [Johnny Hallyday et son neurochirurgien, le docteur Delajoux, NDLR]. Cette année-là, une douleur à la jambe ronge le chanteur. Une hernie discale provoque un pincement du nerf sciatique. L’opération se déroule bien et Johnny part tourner un film à Hongkong trois ou quatre jours après. Les mois passent, le chanteur entame son “Tour 66” pour un adieu à ses fans. Les spectacles s’enchaînent et le mal se réveille. Cette fois, la douleur se manifeste sur l’autre jambe et dans le dos. Soutenu par les médicaments, Johnny finit la première partie de sa tournée le 24 novembre 2009, deux jours avant son rendez-vous à la clinique Monceau. La date a été fixée en octobre. Il est opéré le 26. Le 27, il quitte la clinique sans que le docteur Delajoux ait donné son avis. Il n’a pas attendu la visite postopératoire. Johnny Hallyday, qui n’a jamais fait mystère de son mode de vie — en janvier 1998, il avait avoué à l’écrivain Daniel Rondeau, dans un entretien au Monde, ses rapports à la drogue et à l’alcool —, n’est pas un malade ordinaire. Pas du genre à regarder le plafond dans une chambre d’hôpital ni à se reposer chez lui. Convalescent ou pas, il sort. Voit ses copains. Va au restaurant. Puis s’envole à destination de Los Angeles, non sans avoir réalisé des analyses de sang qui se révèlent limpides. »

Des éléments que vient compléter l’enquête réalisée par Boris Thiolay et Jean-Marie Pontaut, pour L’Express en se procurant ce qui serait une copie du dossier médical de la Star au Cedars-Sinaï Medical Center de Los Angeles, établissement de renom où Johnny Hallyday a été pris en charge lorsque son état de santé s’est dégradé. « À aucun moment, le document ne fait explicitement mention de fautes médicales attribuées au Dr Delajoux. » On y apprend, par contre, que le chanteur recevrait des injections de stéroïdes avant ses concerts et qu’il boirait, chaque jour, une quantité d’alcool qualifiée d’ “incroyable” par un médecin qui l’a examiné. À tel point que c’est en raison de cette addiction que Johnny Hallyday aurait été placé en coma artificiel, pour lui éviter les maux d’un sevrage alcoolique brutal et non en raison d’une aggravation de son état.

Fallait-il publier de telles informations au mépris du secret médical ? La présomption d’innocence du neurochirurgien a-t-elle besoin d’être ainsi confortée ? N’y a-t-il pas là un juste retour des choses visant à abattre une tartufferie à l’aide des mêmes moyens médiatiques qui l’ont mise en place ? Il n’est pas question ici de prendre parti pour ou contre l’un ou l’autre des acteurs de cette saga, c’est la justice qui devra se prononcer. Une tâche délicate face aux enjeux économiques de l’annulation de la tournée du chanteur (une perte de 11 millions d’euros que personne n’a envie d’assumer) ; à la nécessité de ménager la susceptibilité des fans, des médias ou des puissants amis de la star et à celle de ne pas décrédibiliser les autorités publiques qui auraient préparé des funérailles nationales au rockeur…

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