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Un médecin doit-il négocier le prix de la consultation avec le patient ?

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

En cette période de crise, la presse écrite n’est pas avare de “bons” conseils censés permettre à ses lecteurs d’améliorer leur pouvoir d’achat. Négocier, tel est le leitmotiv de bon nombre de ces articles. Tout y passe. Enfin presque tout, car il faut bien ménager ses annonceurs… Le tarif des actes médicaux n’échappe pas à cette règle. Le médecin doit-il céder à cette pression ? Est-il inhumain de refuser ?

Un colloque sur le secteur de la santé et la concurrence

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Congrès

Santé et commerce en concurrenceL’Autorité de la concurrence enfonce le clou suite à la parution de son rapport annuel, dans lequel il est question de santé, en organisant le 16 novembre 2009 un colloque intitulé « Secteur de la santé : la concurrence est-elle tabou ? » Cet évènement sera sans doute l’occasion pour l’Autorité de la concurrence de réaffirmer à quel point elle estime son action nécessaire « dans un domaine où se rencontrent valeurs médicales et valeurs économiques ». À une époque où l’on cherche à substituer les valeurs économiques et commerciales aux valeurs médicales, il n’est pas étonnant que cette institution souhaite s’immiscer dans le secteur des soins à la vue des membres qui constituent son collège, bon nombre d’entre eux ayant comme point commun de venir de grands groupes commerciaux et industriels ou d’être plus particulièrement intéressés par le droit commercial.

Lors des débats, qui devraient être interactifs, il est prévu d’aborder des sujets tels qu’un éventuel assouplissement des importations parallèles de médicaments ou la question de savoir si la concurrence pourrait représenter un éventuel obstacle à l’innovation pour l’industrie pharmaceutique. Il devrait être aussi question de concurrence et d’assurance santé privée. « Quel rôle pour l’assurance santé privée dans le paysage concurrentiel ? Quel impact de l’assurance sur la demande de soins ? Partenariat entre professionnels et assureurs : quelle analyse concurrentielle ? » Voilà qui ne laisse que très peu de place aux valeurs médicales, l’industrie pharmaceutique et les assurances santé privées n’étant pas toujours d’ardents défenseurs de ces dernières, surtout quand elles ne correspondent pas à leurs objectifs de rentabilité et de profits.

Il se pourrait que les valeurs médicales soient abordées lors de la session intitulée « Mise en concurrence des professionnels par les patients : réalité ou fiction ? », mais sera-t-il réellement question de médecine, tant la notion de professionnels de santé est disparate. Il est facile de comprendre que l’Autorité de la concurrence s’intéresse aux pharmaciens ou aux prothésistes dentaires, mais quand il s’agit de qualité des soins, il est plus difficile de ne pas s’étonner de voir la Haute Autorité de santé mieux à même d’apporter des réponses.
Les questions « Y a-t-il une concurrence possible entre les professionnels de santé ? » et « Quelle articulation entre concurrence et réglementation des professions ? » pourraient conduire à des débats intéressants. Serait-il possible d’imaginer l’Autorité de la concurrence jouant de son influence auprès des pouvoirs publics pour demander à ce que les ophtalmologistes puissent vendre des lunettes dans leur cabinet, les opticiens ayant été autorisés à réaliser la réfraction au sein de leurs magasins et à qui l’on aimerait voir transférer d’autres actes ? De même les ORL autorisés à vendre des audioprothèses… Malheureusement, il est peu probable que ce soit à ce type de discussions que l’on assiste, car si l’on est prêt à livrer la santé au commerce, il n’est pas certains que les tenants du commerce souhaitent voir leurs intérêts livrés à la santé…

La liste des intervenants laisse penser que Michel Chassang, en tant que président du centre national des professions libérales de santé (CNPS), sera le seul à défendre certaines valeurs iatriques, d’autres orateurs étant plutôt connus pour leurs critiques acerbes des professions médicales. Mais, pour s’assurer que les valeurs économiques et commerciales feront bien concurrence aux valeurs de la santé et aux intérêts des patients, le plus simple est sans doute d’assister à ce colloque.

 

Secteur optionnel pour les médecins conventionnés

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Un protocole d’accord tripartite entre les syndicats médicaux représentatifs pour la convention médicale, l’union nationale des caisses d’assurance-maladie (UNCAM) et l’union nationale des organismes complémentaires d’assurance-maladie (UNOCAM) a été signé récemment après une longue période de négociations. Il porte sur la création d’un nouveau secteur conventionnel appelé « secteur optionnel ».

La médecine : un commerce ou pas ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Médecine, commerce et concurrenceL’article R 4127-19 du code de la santé publique a beau prévoir que « La médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce », cela n’empêche pas les médecins d’être de plus en plus souvent soumis aux règles du droit commercial. À la vue de certains sites de chirurgie ou de médecine esthétique, même ceux respectant les recommandations du conseil national de l’ordre des médecins, on pourrait très vite penser avoir compris pourquoi, mais ce n’est pourtant pas dans ces domaines que le droit commercial a le plus tendance à s’imposer. Qu’elle soit le fait des praticiens eux-mêmes, d’autres professionnels de santé, de l’industrie, des assureurs ou des complémentaires santé, de la Sécurité sociale ou des pouvoirs publics le fait d’assimiler la pratique des soins au commerce conduit à des dérives qui font passer les considérations économiques, bien avant les considérations propres à la santé publique.

Pour s’en convaincre, il suffit de lire le plaidoyer du Conseil de la concurrence pour son action dans le domaine de la santé dans les études thématiques de son rapport pour l’année 2008. Il va sans dire que ce travail ne se résume pas aux seuls médecins, mais de nombreuses questions les intéressant y sont traitées. À la lecture de ce document, on comprend rapidement à quel point le Conseil de la concurrence assimile la médecine à un commerce et se plaît à y appliquer le droit de la concurrence. De façon assez paradoxale, si les règles de la concurrence sont appliquées aux médecins, il n’est nulle part suggéré de laisser aux praticiens la possibilité de lutter à armes égales lorsque leurs activités font l’objet de la concurrence d’autres professionnels de santé, qu’ils soient médecins ou non, basés dans l’Hexagone ou ailleurs. Excessivement rares sont les cas où le Conseil de la concurrence semble défendre les médecins, voire même des patients, donnant plutôt l’impression de prendre le parti des intérêts commerciaux de l’industrie, des professions de santé fortement impliquées dans le commerce ou des tenants des économies de santé aux dépens de la santé publique. Peut-être la composition du Conseil de la concurrence, y est-elle pour quelque chose ?

Le Conseil de la concurrence s’amuse à citer Noël Diricq lorsqu’il affirmait dans son introduction au colloque « Concurrence et organisation du système de santé » en 2008 que « Le serment d’Hippocrate, qui est probablement l’un des plus anciens documents anticoncurrentiels de la planète […], organise déjà des marchés, et bien plus, légitime la vocation non économique du secteur ». Lorsqu’il est question d’imposer des règles interdisant la concurrence aux praticiens, il semble exister un certain contentement, mais lorsqu’il est question de restreindre la concurrence à l’encontre des médecins ou de permettre aux praticiens d’utiliser des procédés servant à les rendre concurrentiels se fait jour un consensus pour s’opposer à de telles pratiques. En matière de concurrence, les médecins paraissent avoir bien des devoirs, mais quasiment aucun droit… Il faut reconnaître qu’une partie non négligeable des médecins et des conseils de l’ordre se satisfont de cette situation. Commerce et concurrence leur paraissent des mots grossiers, incompatibles avec l’exercice d’une profession où la jalousie du confrère a plus de poids qu’une évolution nécessaire à la survie d’une profession. Étrangement, lorsqu’il est question de petits arrangements avec l’industrie pharmaceutique, les mêmes sont prêts à quelques concessions. Sans doute est-il moins culpabilisant, ce que l’on s’autorise, mais que l’on interdit aux autres.

Contrairement à d’autres professionnels de santé ou à de grands groupes industriels ou de services, les médecins n’ont pas de formation commerciale. On entretient même chez eux un sentiment de culpabilité lorsqu’il est question de dépenses de santé et d’honoraires. Les aspects de reconnaissance d’un niveau d’études, de valorisation d’une formation continue ou de paiement pour un travail de qualité sont sacrifiés sur l’autel d’une médecine sociale qui se doit d’être gratuite, peu importe son coût. Les patients sont encouragés à négocier les tarifs, y compris pour les actes conventionnés, lorsqu’ils doivent faire l’avance des frais ou quand la possibilité est donnée aux médecins de demander des dépassements d’honoraires ; d’autres voient leurs dépenses remboursées par la Sécurité sociale pour des soins qu’ils ont choisi d’aller faire réaliser dans un pays étranger, séduits par les sites de tourisme médical interdits aux praticiens français, interdiction de la concurrence en France oblige. Ces mêmes praticiens à qui l’on demande aussi maintenant de transférer leurs actes à des professionnels de santé qui n’ont, pour certains, pas de code de déontologie et qui sont rompus aux pratiques commerciales et concurrentielles depuis bien longtemps… À force de dire que la médecine n’est pas un commerce, mais de la traiter comme tel, on affaiblit les médecins et on favorise leurs concurrents. Il va bien falloir que tout le monde finisse par admettre que la médecine est un commerce, certes particulier, mais un commerce, et que les médecins sont de très loin les mieux placés pour l’exercer avec éthique dans l’intérêt de la santé publique. Peut-être est-il temps de favoriser un commerce “éthicable” de la médecine, plutôt que de la laisser aux profits purement marchands ?

Se faire vacciner contre la grippe A : un devoir déontologique

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

VaccinationLes médecins vont-ils être sanctionnés par leur conseil de l’ordre s’ils ne se font pas vaccinés contre la grippe A(H1N1) ? C’est la question que l’on peut se poser à la lecture de la lettre d’information nº 12 du conseil national de l’ordre des médecins (CNOM). En parlant de la vaccination contre le virus H1N1 comme d’un « devoir déontologique », au nom du principe de l’article 12 du code de déontologie médicale (article R 4127-12 du code de la santé publique), le CNOM va très loin. « Le médecin doit apporter son concours à l’action entreprise par les autorités compétentes en vue de la protection de la santé et de l’éducation sanitaire […] », c’est ainsi qu’est rédigé cet article.

Les articles L 4121-2 et L 4122-1 du code de la santé publique prévoit que l’ordre national des médecins a pour mission de veiller à l’observation des devoirs professionnels par tous les membres de l’ordre. Le conseil de l’ordre va donc devoir veiller à ce que tous les médecins se fassent vacciner contre la grippe A. Se portera-t-il partie civile s’il estime qu’un médecin non vacciné, soupçonné d’avoir contaminé un patient qui est décèdé, porte préjudice à la profession ?

Que penser des médecins qui ne veulent pas se faire vacciner contre la grippe A ? On pourrait douter de leurs compétences à la lecture de la lettre d’information. Pour le CNOM, il n’y a rien à craindre du vaccin qui « a été mis en place après une procédure d’autorisation de mise sur le marché rigoureuse ». Les vaccins avec adjuvants semblent être à privilégier, car ils sont plus efficaces. Ne pas se faire vacciner serait irresponsable, selon l’ordre, car c’est mettre sa famille en péril et risquer de contaminer les patients.

Cet empressement à faire de la vaccination un devoir déontologique est surprenant. Tout le monde s’accorde à dire que, bien qu’il s’agisse d’une pandémie, la gravité de cette grippe n’est pas plus importante que celle de la forme saisonnière. Le CNOM n’a jamais parlé de “devoir” concernant la vaccination des praticiens contre la grippe saisonnière.
Étonnant aussi l’attitude du CNOM qui semble avoir une confiance sans faille dans l’autorisation de mise sur le marché. Cette procédure “rigoureuse” a pourtant montré ses limites à plusieurs reprises. N’importe quel médecin sait ça. L’impression d’un vaccin développé dans l’urgence et l’expérience des professionnels de santé expliquent-elles en partie le manque d’empressement de ces professionnels à se faire immuniser ? La plaidoirie pour les adjuvants est aussi déconcertante. Le Haut Conseil de la santé publique lui-même recommande d’utiliser les vaccins sans adjuvant dans un certain nombre de cas.
Comment expliquer que les praticiens qui acceptent sans hésiter de soigner des patients atteints de maladies infectieuses bien plus sévères que la grippe A, au risque d’être eux-mêmes contaminés, ne souhaitent pas se faire vacciner ? Pourquoi refuser aux médecins l’usage de leur sens critique quand il est question de donner un avis sur l’intérêt collectif de la vaccination ? Parce que des experts français en ont décidé ainsi ? Les mêmes qui affirment aujourd’hui que la pandémie, en France, marque le pas sans que quiconque ait été vacciné. L’avis des experts étrangers n’a-t-il aucune valeur ? En droit, les experts n’ont qu’un avis consultatif, doit-il en être autrement dans certains domaines de la santé publique ? Lorsqu’il est question d’alcool ou de tabac, le pouvoir politique n’accorde pas le même poids aux experts…
Alors que la loi autorise n’importe quel patient à refuser un traitement ou des soins, le médecin n’aurait que des devoirs et renoncerait à ses droits ? Certes, l’arrêt du Conseil d’État du 29 juillet 1950 concernant l’ordre précise que « les sujétions imposées par lui à ses membres ne pouvant être tenues pour légales que dans le cas et dans la mesure où les restrictions qu’elles assignent à une liberté dérivent nécessairement des obligations qui incombent à l’ordre, et des mesures qu’impliquent ces obligations », mais parmi les missions de l’ordre figure aussi de veiller à la défense et à l’indépendance des médecins.
S’il est question de devoir déontologique pour les médecins, on attend l’avis des autres ordres. Le jeune ordre infirmier va-t-il laisser le choix à ses membres de se faire vacciner et faire le choix de l’indépendance vis-à-vis de l’ordre des médecins et du gouvernement ?

94 millions de doses de vaccin ont été commandées par les pouvoirs publics. Si ces doses sont peu utilisées, les citoyens risquent de demander des comptes pour ces dépenses injustifiées. Alors que l’utilisation des antiviraux, comme le Tamiflu, achetés eux aussi en grande quantité, fait déjà débat, il serait dangereux pour les décideurs, mais aussi pour la crédibilité et les intérêts de l’industrie pharmaceutique, que les professionnels de santé n’encouragent pas les Français à se faire vacciner. Comment inciter les citoyens à recevoir une dose de vaccin que celui qui leur injecte a refusée ? Il suffit pour cela de s’en remettre à des ordres “indépendants” et d’en faire un devoir déontologique ! À la question « Va-t-on obliger les médecins à se faire vacciner ? », la réponse est donc “Oui”.
À n’en pas douter, tous les élus des conseils de l’ordre sans exception vont donner l’exemple et être les premiers à se faire vacciner dans chaque département, sans oublier les élus nationaux. Il en va de la crédibilité d’une instance dont la décision ne peut que la couper un peu plus d’une partie de sa base.
Et demain ? On connait les effets néfastes du tabagisme passif ; de nombreux médecins fument et exposent leurs proches et d’autres citoyens aux risques de cancer, de maladies respiratoires chroniques et autres. Va-t-on faire d’arrêter de fumer un devoir déontologique ?

Remise en question des experts médicaux

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Logo de la République françaiseLe Pôle santé du médiateur de la République arrive à point nommé dans de nombreux domaines où le pouvoir politique souhaite engager des réformes sans en avoir l’air. Le monde de l’expertise médicale fait partie de ceux-là. Après le fiasco d’Outreau et d’autres affaires où les experts médicaux ont été montrés du doigt, il aura suffi de moins d’une dizaine de plaintes 1 depuis la création de ce pôle en janvier 2009 pour que le médiateur de la République ait dans ses cartons une proposition de réforme de l’expertise médicale judiciaire. Ce document, publié début juillet 2009, montre avec quelle rapidité les services du médiateur ont réagi aux toutes premières plaintes. Quelle efficacité… D’autant qu’il est des domaines où le médiateur de la République reçoit plusieurs centaines de réclamations par an et pour lesquels des propositions n’ont vu le jour qu’après quelques années.

Passée un peu inaperçue au moment de sa sortie estivale, la proposition de réforme de l’expertise médicale judiciaire a trouvé de nouveaux échos dans les médias en ce début octobre. La chaîne de télévision M6 et le journal Le Figaro ont servi de vitrine à ce travail qui devrait être soumis fin octobre par le médiateur aux ministres de la justice et de la santé.
Alors que le reportage 2 de M6 remet en cause les qualifications et le sérieux du travail de toutes les catégories d’experts, c’est bien aux seuls experts médicaux qu’est destinée cette future réforme et ce qu’elle propose ne va pas manquer de faire s’agiter les intéressés.

Plus question de voir des médecins retraités améliorer leurs fins de mois grâce aux expertises, par exemple. Le médiateur de République insiste pour que l’inscription ou la réinscription sur une liste ne puisse se faire que si le candidat exerce toujours l’activité médicale au titre de laquelle il revendique sa qualité d’expert. La formation des candidats pourrait être mieux encadrée et la liste des diplômes permettant d’accéder au titre d’expert judiciaire mieux définie.
Le juge pourrait ne plus être le seul à avoir son mot à dire dans la désignation de l’expert, mais les parties pourraient elles aussi avoir voix au chapitre.

Dans le domaine de l’indépendance des experts et de l’impartialité des expertises, la réforme pourrait s’articuler autour de quatre axes. « Exiger de l’expert qu’il déclare préalablement à chaque désignation l’absence de tout conflit d’intérêts et qu’il confirme sa compétence dans le domaine médical concerné par la mission ». On comprend l’urgence de la démarche du médiateur de la République quand on lit cette proposition. Comment imaginer qu’un expert ne puisse être impartial et compétent ? Il semblerait malheureusement que ce ne soit pas le cas actuellement. Cette situation que beaucoup pensent défavorable au patient peut, au contraire, leur rendre service. En raison de l’hyper spécialisation de certains médecins, il n’est pas rare que le praticien mis en cause par un patient soit bien plus compétent dans le domaine qui fait l’objet du litige que l’expert, par exemple. Même grâce à la bibliographie ou en interrogeant d’autres spécialistes, il est rare que l’expert puisse acquérir un niveau de connaissances suffisant pour donner un avis circonstancié. Faute d’expérience, l’expert rendra un rapport défavorable pour le médecin sur lequel ne manquera pas de s’appuyer l’avocat du plaignant et qui servira à la décision du juge.
« Prévoir des règles de délocalisation (conduisant à faire appel à un expert en dehors de la juridiction de jugement) à la demande motivée d’une des parties. » Le nombre de médecins tendant à diminuer et les experts judiciaires en leur sein n’étant pas légion, il est fréquent que les uns et les autres se connaissent, surtout au sein d’une ville ou d’une région. Ces relations confraternelles exacerbées, voire même d’amitié, peuvent sembler nuire à l’intérêt du patient quand deux experts doivent travailler pour des parties différentes ou quand l’expert est proche du confrère mis en cause. En proposant de délocaliser les expertises, ce travail montre à quel point le médiateur de la République pense que la confraternité est nuisible à l’expression de la vérité et à l’objectivité, une confraternité pourtant sans cesse renforcée et encouragée par le code de la santé publique.
« Instaurer une incompatibilité légale entre les fonctions de médecin expert judiciaire et de médecin-conseil d’une société d’assurance. » Voilà qui devrait bouleverser le monde de l’expertise médicale. Les médecins experts, peu nombreux comme il a été expliqué, travaillent très souvent pour la justice, mais aussi pour les compagnies d’assurance. Il est inconcevable pour le médiateur de la République que l’on puisse garder son intégrité en travaillant pour deux parties, l’un public et l’autre privé. Pourquoi le législateur n’applique-t-il pas un tel principe aux attachés hospitaliers ? Pourquoi avoir autorisé les internes à effectuer une partie de leur formation dans le privé alors qu’ils sont au service du privé ? Pourquoi, enfin, les pouvoirs publics ne voient pas d’inconvénients à ce que des médecins signent des contrats avec les sociétés d’assurance lorsqu’il est question de réseaux de soins ? N’y a-t-il pas là aussi un risque que le praticien perde son intégrité au profit de celui, autre que le patient, avec qui il a une relation contractuelle ?
Les expertises judiciaires sont très mal rémunérées, surtout si on les compare à celles demandées par les assureurs. Si les médecins ne savent pas faire la part des choses, il y a fort à craindre qu’ils ne choisissent, en très grande majorité, d’exercer pour les sociétés d’assurance… De nombreux médecins secteur 1 trouvent dans cette activité un complément de revenus qui leur permet d’investir encore dans leur cabinet faute d’avoir vu leurs honoraires revalorisés. Le médiateur de la République s’est d’ailleurs intéressé aux honoraires et il propose que le juge soit en mesure de vérifier l’adéquation des honoraires demandés avec la diligence de l’expert et la complexité de l’expertise.
« Favoriser la collégialité de l’expertise dans les cas complexes ». La collégialité est l’exception dans le nouveau code de la procédure pénale. Le médiateur de la République souhaite qu’elle devienne le principe. Une telle décision, en plus d’alourdir les frais de procédure, risque de ne pas être aisée à mettre en pratique. La collégialité ne signifiant pas gain de temps, il faudra plus d’experts judiciaires si elle est mise en place.

Les experts pourraient se voir soumis à un contrôle qualité et le magistrat épaulé par des conseillers techniques. Les parties pourraient enfin demander à un service judiciaire de contrôle des expertises une évaluation d’un rapport d’expertise final, alors même qu’elles auraient eu la possibilité d’obtenir un rapport d’étape pouvant être discuté de façon contradictoire.

Depuis 2004, une formation initiale et continue, une période probatoire de deux ans, puis une réinscription sur les listes tous les cinq ans sont imposées aux médecins experts. Les témoignages semblent pourtant être nombreux de Français insatisfaits. L’expertise médicale, qu’elle soit faite pour la justice ou pour les assureurs, pose un véritable problème de confiance. Une crise de confiance qui n’affecte pas seulement les médecins, mais aussi la justice et le pouvoir politique. D’autres sujets de réflexion pour le médiateur de la République ?

 

 


1— Extrait de l’article « Santé : les petits arrangements entre experts » du journal Le Figaro du 6 octobre 2009 : « Depuis la création du Pôle santé, en janvier dernier, une dizaine de plaintes ont été adressées à ce service qui travaille auprès du médiateur de la République. “Mais on s’aperçoit que dans un nombre très important de dossiers, l’expertise médicale est une source de doutes”, indique Loïc Ricour, directeur du Pôle. Selon lui, les victimes se plaignent de délais excessivement longs, de conclusions incohérentes et non motivées ou encore d’une absence d’écoute. »

2— Enquête exclusive — Indemnisations, accidents, procès : les experts sur la sellette. Diffusé par M6 le 4 octobre 2009.

Complication médico-chirurgicale et perte de chance

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Retard de chance et diagnostic d'une complication médico-chirurgicaleRéagir promptement lorsqu’une complication chirurgicale est possible doit être un réflexe pour les praticiens. Se donner quelques jours avant d’éliminer un évènement indésirable post opératoire peut amener le chirurgien à voir sa responsabilité recherchée pour perte de chance. Une fois n’est pas coutume, ce n’est pas d’une jurisprudence récente dont il est question, mais d’une décision de la cour d’appel de Montpellier du 6 juin 2007 (nº 06-05124) qui fait toujours jurisprudence.

Le lendemain d’une exploration endoscopique rétrograde cholédoco-pancréatique, une patiente a ressenti des douleurs abdominales. Le gastro-entérologue n’a pas estimé nécessaire de faire réaliser un scanner à ce moment et a attendu deux jours avant de demander la réalisation de cet examen qui a mis en évidence une perforation du canal cholédoque ayant entraîné de graves complications. Alors que l’expertise a montré que le médecin avait utilisé une technique appropriée à l’état de la patiente et qu’il n’avait commis aucune faute au cours du geste endoscopique, la cour d’appel a condamné le praticien et son assureur in solidum pour perte de chance de ne pas avoir fait subir ces complications à la patiente. La faute du gastro-entérologue n’a pas été de causer des dommages, mais d’attendre 48 heures avant de mettre en œuvre les moyens diagnostics permettant de diagnostiquer la rupture du cholédoque. En agissant ainsi, le médecin a commis une faute à l’origine de la « sévérité des complications retropéritonéales et infectieuses ». Ce retard de diagnostic est considéré comme une perte de chance de ne pas subir les complications survenues dans toute leur sévérité.

À un moment où les praticiens subissent de toute part des pressions pour réduire les dépenses de santé et renoncer le plus souvent possible aux examens complémentaires sous peine d’être sanctionnés, le médecin ne doit pas pour autant hésiter pendant 48 heures à faire pratiquer un scanner s’il est possible qu’une complication médico-chirurgicale soit survenue à la suite d’un acte qu’il a réalisé sans commettre de faute. La pratique de la médecine est décidément un art bien délicat…

Moins de liberté pour les médecins remplaçants

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Liberté surveillée des médecins remplaçantsC’est à l’occasion de la sortie de son Atlas de la démographie médicale 2009 et d’un article commentant ce document par un « de sérieuses menaces sur l’accès aux soins », que le conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) rappelle qu’il est favorable à la création d’un statut spécifique aux médecins remplaçants. Cette idée n’est pas nouvelle puisque déjà l’an passé le président de cette instance appelait de ses voeux la création d’une telle disposition, comme Droit-medical.com l’évoquait dans l’article « Très mauvaise nouvelle pour les médecins remplaçants ».

Ce qui était présenté au départ comme une mesure en faveur des médecins ayant choisi un mode d’exercice différent ne se cache plus d’être un nouvel outil de contrôle. Il est prévu que ce nouveau statut serve à « garantir un nombre stable de médecins dans les territoires » et que la durée de remplacement hors statut à la sortie de l’Internat soit plafonnée. La liberté du choix d’exercice, que l’on aurait pu croire défendue par l’ordre, est balayée d’un revers de main au prétexte que « la présence des médecins sur le territoire est de plus en plus volatile, particulièrement en milieu rural ». Ne plus se sédentariser professionnellement est une solution qui séduit un nombre chaque année plus grand de praticiens. Ils sont plus de 10 000 à avoir fait ce choix, soit 5 % des médecins inscrits au Tableau de l’ordre et 25 % des nouveaux inscrits choisissent d’assister leurs confrères déjà installés en leur proposant de venir les remplacer.

Le malaise actuel au sein du monde médical ne recevant aucun écho, il n’est pas étonnant de voir les nouvelles générations se tourner vers des modes d’exercice différents. Au burn out, à l’augmentation incessante des contraintes et des charges ou à l’image de fossoyeurs du système de protection sociale, les jeunes médecins préfèrent un semblant de tranquillité, de sérénité et de qualité de vie. Seuls 10 % des nouveaux inscrits au Tableau de l’ordre ont choisi la médecine de ville, pendant que 66 % d’entre eux se sont décidés pour le salariat.
À quoi bon prendre des mesures pour obliger les médecins à aller s’installer dans les banlieues désertées par les commerçants et évitées par la police ou dans les campagnes abandonnées par les services publics s’il n’y a pas de praticiens qui choisissent la médecine encore appelée “libérale” ? Plutôt que de redonner de l’attrait à la médecine de ville, il a vraisemblablement été choiside rendre moins attrayant les solutions trouvées par les jeunes diplômés pour échapper à ce dictat.
L’urgence est d’autant plus grande pour les pouvoirs publics, dont le CNOM n’est que le préposé, que de plus en plus de médecins installés préfèrent cesser leur activité pour devenir eux aussi remplaçants avec un âge moyen des remplaçants inscrits de 49 ans. De plus, l’idée que les nouvelles habitudes d’exercice étaient dues à une féminisation de la profession ne tient plus puisque le nombres d’hommes remplaçants augmente. Il devient donc urgent de rendre le statut de remplaçant beaucoup moins attractif, voire même de décourager cette pratique afin de contraindre, par dépit, les praticiens à s’installer à nouveau.

Si le discours de façade est différent expliquant que « les mesures coercitives détourneront les jeunes de la médecine de soins » et qu’ « il faut repenser complètement l’exercice de la médecine, leur donner les moyens, (pas forcément financier) de se regrouper, les libérer des charges administratives, afin qu’ils retrouvent le goût d’un métier formidable», les actes des uns et des autres montrent bien que c’est la contrainte, basée sur un droit de la santé chaque jour plus liberticide pour les praticiens, qui a été choisie.