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Dossier médical en ligne : les praticiens anglais craignent pour la sécurité des patients

Écrit par Matthew Robinson le . Dans la rubrique Evolution

Si le gouvernement anglais fixe les missions du National Health Service (NHS) dans des domaines de la santé et des soins où il souhaite que des améliorations soient apportées, il est loin de faire l’unanimité avec son projet relatif à l’accès en ligne du dossier médical par le patient. Alors que d’autres points, comme la possibilité d’obtenir un renouvellement d’ordonnance, d’échanger des courriers électroniques ou de prendre rendez-vous sur Internet avec son médecin généraliste dès mars 2015, semblent ne pas rencontrer de réticences particulières, la possibilité donnée aux patients d’accéder à leur dossier médical depuis le Net serait une atteinte à la sécurité des informations de santé selon la British Medical Association (BMA).

Ce qui inquiète les médecins de cette institution, c’est que des tiers profitent de la vulnérabilité de certains patients pour obtenir des informations de santé auxquelles ils ne peuvent accéder jusqu’à maintenant. Compagnies d’assurance, employeurs, policiers, avocats, membres de la famille et bien d’autres personnes pourraient faire un mauvais usage de ces données sensibles en persuadant ou en forçant un patient vulnérable à accéder en ligne à son dossier médical hors de tout contrôle.

L’accès au dossier médical en ligne n’est pas le seul volet du projet à poser problème aux médecins de cette association : la téléconsultation est, elle aussi, pointée du doigt. Qu’un patient puisse consulter par Internet son généraliste sans que ce dernier puisse être certain qu’il s’adresse à la bonne personne présente un risque inacceptable. En l’état actuel du projet, rien n’empêcherait un tiers de se faire passer pour le patient et d’interroger ainsi son médecin traitant, si l’on en croit Laurence Buckman, président de la commission des médecins généralistes au sein de la BMA. Pour lui, il faut faire la différence entre droit d’accès du patient à son dossier et possibilité d’y accéder en ligne. « Un accès en ligne signifie que le patient peut lire ce qu’il y a dans son dossier — tout comme quelqu’un d’autre. Je n’ose imaginer comment des parents violents pourraient forcer un adolescent à accéder à son dossier médical afin qu’ils puissent voir ce qui a été écrit à leur sujet. J’imagine que bon nombre de parents pourraient être tentés d’avoir accès aux dossiers de leurs enfants adolescents pour savoir qui a eu des relations sexuelles et avec qui, ou qui prend de la drogue », a-t-il affirmé au BMJ. Si, de prime abord, permettre au patient de consulter son dossier depuis Internet paraît être une bonne idée, cela présente de réels dangers.
Pour un porte-parole du ministère de la santé, « offrir un meilleur accès aux dossiers de santé est une façon pour nous d’aider les gens à devenir des partenaires dans les décisions concernant leur traitement et de mieux gérer leur santé et leurs soins. Cependant, il faut trouver un juste équilibre entre protection de la confidentialité et sécurité de l’information. » Un groupe de travail a d’ailleurs été formé afin de faire aboutir dans les meilleures conditions possible le projet du Gouvernement.

Si, comme en France, les patients britanniques peuvent déjà avoir un accès direct à leur dossier médical au cabinet du praticien depuis de nombreuses années, il va être intéressant de suivre ce projet d’accès en ligne afin de savoir si les autorités d’outre-Manche ont plus de succès que leurs homologues françaises concernant la dématérialisation et la consultation sans risques des données de santé des citoyens.

Opticiens et exercice illégal de la médecine

Écrit par Matthew Robinson le . Dans la rubrique Jurisprudences

Mesure de la PIO chez une enfantL’affaire sur laquelle a eu à se prononcer la chambre criminelle de la Cour de cassation, le 11 janvier 2012 (pourvoi nº 10-88908), remonte à 2006. À cette époque, « la société Santeclair, spécialisée dans la mise en place de services pour le consommateur dans le domaine de la santé, publiait un communiqué de presse relatif à une étude réalisée en magasins d’optique avec l’association des optométristes, reposant sur la mesure de la pression intraoculaire par tonomètre afin de déterminer la prévalence de l’hypertension intraoculaire chez les plus de 40 ans dans la perspective d’une amélioration de la prévention du glaucome. » Le syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF) et le conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM), estimant que la mesure de la pression intraoculaire par tonomètre à air était un acte médical et participait à l’élaboration d’un diagnostic, ont alors porté plainte « contre personne non dénommée du chef d’exercice illégal de la médecine ». Une instruction a été ouverte, mais celle-ci s’est soldée par une ordonnance de non-lieu du juge chargé d’instruire, ordonnance confirmée par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris au motif que l’infraction caractérisée n’était pas établie, la tonométrie n’étant ni un acte réservé aux médecins par l’arrêté du 6 janvier 1962, ni un acte réservé aux orthoptistes sur prescription médicale au moment des faits. Le SNOF et le CNOM ont donc décidé de porter l’affaire en cassation.

Le glaucome n’est pas une maladie anodine, puisque l’Organisation mondiale de la santé estime le nombre de personnes aveugles en raison d’un glaucome primitif à 4,5 millions, ce qui représente plus de 12 % de la cécité mondiale. L’un des pièges de cette pathologie, c’est le long laps de temps pendant lequel le patient n’est pas conscient d’être atteint par cette maladie qui entraîne petit à petit la mort de ses fibres optiques. L’élévation de la pression intraoculaire (PIO) mesurée par la tonométrie étant un des facteurs de risque de cette pathologie le plus souvent silencieuse dans sa forme chronique, il peut être tentant d’organiser un dépistage à grande échelle à l’image de ce que proposait Santeclair. Mais l’approche scientifique montre qu’il n’en est rien : la mesure de la pression intraoculaire seule n’est pas une bonne technique, d’après l’étude réalisée par la Haute Autorité de santé sur des publications antérieures à 2006.

Pour la Cour de cassation, « d’une part, la mesure de la tension intraoculaire est un acte médical en ce qu’il prend part à l’établissement d’un diagnostic, d’autre part, la liste des actes médicaux réservés aux médecins par l’article 2 de l’arrêté du 6 janvier 1962 n’est pas limitative, enfin, la liste des actes médicaux qui peuvent être exécutés par des auxiliaires médicaux qualifiés et uniquement sur prescription du médecin, laquelle est limitative, ne comprenait pas la mesure de la pression intraoculaire, la chambre de l’instruction n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ». La Cour précise aussi que le fait pour des opticiens de mesurer la pression intraoculaire par tonomètre à air sans contact constitue le délit d’exercice illégal de la médecine au vu de l’article L 4161 du code de la santé publique. L’affaire est renvoyée devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles.

Cette jurisprudence vient compléter celles qui existent déjà, tout particulièrement lorsqu’il est question d’optométrie. Cette décision de la Cour de cassation laisse penser que les difficultés démographiques auxquelles sont confrontées les professions médicales ne justifient pas pour autant de sacrifier la santé publique. Voilà qui est rassurant.

Les limites du renouvellement des lunettes par l’opticien

Écrit par Matthew Robinson le . Dans la rubrique Variations

Faire adapter la correction de ses lunettes par l’opticien à partir d’une prescription datant de moins de trois ans et que ce changement soit pris en charge par l’assurance-maladie est une possibilité offerte au patient, à condition que le médecin prescripteur ne s’y soit pas opposé, depuis 2007. Malgré l’absence de données relatives à l’usage qui est fait de cette mesure, une recommandation de bonne pratique en la matière a été demandée par le ministère de la santé et la Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés à la Haute Autorité de santé. Un recadrage qui devait sembler nécessaire…

Vente des lentilles de contact par Internet : entre concurrence et santé publique

Écrit par Matthew Robinson le . Dans la rubrique Evolution

Si la Cour de justice de l’Union européenne vient de reconnaître que les États membres ne peuvent pas interdire la commercialisation des lentilles de contact par Internet, elle n’en insiste pas moins sur le rôle fondamental que joue l’ophtalmologiste dans la prescription et le suivi des patients. Liberté de vente ne veut pas dire mépris de la santé public, qualité de soins au rabais ou absence de conseil.

Durée de validité d’une ordonnance de lunettes ou de lentilles de contact

Écrit par Matthew Robinson le . Dans la rubrique Variations

Contrairement à une idée reçue, la durée de validité d’une ordonnance de lunettes ou de lentilles de contact, considérées comme des dispositifs médicaux, n’est pas soumise aux mêmes textes que celle concernant les médicaments. Autant pour ces derniers, en fonction de la liste à laquelle ils appartiennent, leurs modalités de délivrance et de renouvellement sont claires et fondées sur le code de la santé publique, autant tel n’est pas le cas pour les lunettes, les lentilles de contact et leurs produits d’entretien. C’est souvent par une extrapolation, non fondée, aux dispositifs médicaux des textes relatifs aux médicaments que des réponses sont fournies par les organismes sociaux aux patients ou aux professionnels de santé en quête d’informations.

Des doutes sur les revues médicales à comité de lecture

Écrit par Matthew Robinson le . Dans la rubrique Evolution

Manipulation de la presse médicale ?Une enquête du magazine des sciences de la vie The Scientist, reprise par Pharmacritique, remet sérieusement en cause la fiabilité des revues d’un grand éditeur de la presse médicale. C’est la revue Australasian Journal of Bone and Joint Medicine (AJBJM) qui est à l’origine de cette affaire. Présentée comme une revue à comité de lecture, cette publication a, en fait, été créée et financée par un grand laboratoire pharmaceutique. Elle n’est pas la seule puisque d’autres publications dans la série des Australasian Journals of sont basées un principe assez semblable. Les laboratoires pharmaceutiques achètent des annonces publicitaires et obtiennent ainsi un puissant droit de regard sur la ligne éditoriale de la revue qui les intéresse. Pendant cinq ans, ces revues médicales n’auraient quasiment publié que des articles choisis et financés pour servir les intérêts de l’industrie, sous couvert de journaux présentés comme indépendants et impartiaux. Certains numéros ont même été distribués gracieusement à tous les généralistes australiens.

Si les médecins sont habitués à garder un oeil critique vis-à-vis des divers journaux et revues qu’ils reçoivent gracieusement, ils attachent plus de crédit aux revues à comité de lecture publiées par les grands éditeurs médicaux, surtout quand celles-ci bénéficient d’un impact factor. Les experts médicaux du monde entier et les juristes vont aussi régulièrement chercher leurs sources dans cette littérature scientifique pour estimer quelles sont les données acquises de la science. Contrôler le contenu éditorial de revues censées être indépendantes, c’est avoir le pouvoir d’influencer des prescriptions, des recommandations de bonne pratique et, parfois, la décision d’un magistrat ou d’une institution. Que les bureaux d’un grand éditeur médical se prêtent à de tels agissements pour voir augmenter son chiffre d’affaires fait planer un doute sur la crédibilité de ce système.

Les revues à comité de lecture sont l’un des pilliers de la diffusion du savoir auprès des professionnels de santé. Elles ont néanmoins certaines limites. Le phénomène de la littérature grise est l’une d’elles. Spontanément, certaines équipes préfèrent ne pas publier les résultats d’études n’étant pas favorables à un traitement dans ces revues pour ne pas avoir à subir la pression d’un laboratoire. Cette autocensure influence même les recommandations de bonne pratique, comme l’a montré un article du Lancet.
La médecine n’a pas encore son générateur automatique d’articles, comme c’est le cas pour l’informatique, mais elle a aussi son lot d’auteurs publiant de fausses études, acceptées par les comités de lecture. Scott S. Reuben, par exemple, chef de service d’un centre anti-douleur du Massachusetts, a utilisé de fausses informations dans ses recherches, publiées dans plusieurs journaux scientifiques entre 1996 et 2008, permettant à des médicaments contestés de rester en vente plus longtemps.

Face à de telles pratiques, il n’est pas certain que les cours de « lecture critique » mis en place au sein des facultés de médecine soient suffisants. Ils ont néanmoins le mérite de faire prendre conscience aux futurs praticiens qu’il faut toujours savoir remettre en question la parole de ses maîtres.

L’Union européenne prépare de nouvelles recommandations pour la surveillance de la grippe A(H1N1)

Écrit par Matthew Robinson le . Dans la rubrique Presse

Surveillance du virus de la grippeSelon un article du British Medical Journal du 24 juillet 2009, l’European Centre for Disease Prevention and Control (ECDPC), agence européenne basée à Stockholm chargée de renforcer les défenses de l’Europe contre les maladies infectieuses, prévoit de publier de nouvelles recommandations à l’intention des autorités de santé des États membres de l’Union européenne (UE) concernant la surveillance de la pandémie de grippe A(H1N1).

Les précédentes recommandations à ce sujet datent de novembre 2008 et ont été réexaminées par un groupe de travail qui s’est réuni dans les locaux de l’ECDPC, les 14 et 15 juillet 2009. Elles devraient être complétées d’ici la fin août 2009. Le responsable de la surveillance au centre de contrôle européen est favorable à ce que les pays membres laissent en alerte durant l’été leur système de recueil des données sur la grippe saisonnière habituellement actif en hiver. En France, les groupes régionaux d’observation de la grippe (GROG) ne sont classiquement activés que d’octobre à avril. Ils continuent à élaborer cette année, durant la période estivale, un bulletin hebdomadaire de surveillance.

Jusqu’à maintenant les États membres de l’UE sont censés alimenter un système de recueil européen avec chaque cas de grippe A(H1N1). Mais l’ECDPC a constaté qu’une douzaine de ces pays avaient du mal à respecter cet engagement. Elle envisage donc de demander aux États membres de ne signaler que les cas graves (patients hospitalisés pour des problèmes respiratoires, malades en soins intensifs ou décédés). Toutes les informations sur ces cas les plus graves seront stockées dans une base de données européenne qui sera opérationnelle à partir de la fin du mois d’août. Cette nouvelle approche est en adéquation avec les consignes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Le nombre de cas devenant plus important, plus que sur la quantité de données, c’est sur des indicateurs de qualité que les analyses doivent maintenant reposer. Des protocoles communs, visant à uniformiser le recueil des données, devraient aussi être mis en place afin de faciliter les comparaisons au sein de l’Union.

La grippe A(H1N1) semble devoir renforcer la dimension européenne des décisions prises dans le domaine de la santé. Le principe de compétence nationale, déjà affaibli ces derniers temps au profit de celui de compétence partagée, pourrait bien être lui aussi victime de ce virus.

L’exercice du médecin hors convention ou non conventionné

Écrit par Matthew Robinson le . Dans la rubrique La forme

Médecin hors convention examinant un enfantLes données concernant l’exercice de la profession de médecin hors du cadre de la convention signée entre certains syndicats médicaux et l’assurance-maladie ne sont pas toujours faciles à trouver. Il existe un tabou à ce sujet et même les médecins qui ont choisi de ne plus être conventionnés n’osent en parler qu’à demi-mot. Il nous est apparu intéressant de faire le point sur ce sujet.