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Nouvelle mission du pharmacien : ajuster le traitement du patient

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Choisir un médicamentNouvel épisode des transferts d’activités ou d’actes de soins entre professionnels de santé et de la réorganisation de leur intervention auprès du patient prévus par l’article 51 de la loi nº 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) devenu article L 4011-1 du code de la santé publique (CSP), les missions des pharmaciens d’officine correspondants viennent d’être officialisés par un décret paru au Journal officiel du 7 avril 2011.

La notion de « pharmacien d’officine correspondant » est apparue elle aussi avec la loi HPST et a été introduite à l’article L 5125-1-1-A du code de la santé publique. Selon cet article, « les pharmaciens d’officine : […] Peuvent, dans le cadre des coopérations prévues par l’article L 4011-1 du présent code, être désignés comme correspondants au sein de l’équipe de soins par le patient. À ce titre, ils peuvent, à la demande du médecin ou avec son accord, renouveler périodiquement des traitements chroniques, ajuster, au besoin, leur posologie et effectuer des bilans de médications destinés à en optimiser les effets ». Aux côtés du médecin traitant prend donc place le pharmacien d’officine correspondant…

Grâce à ce texte entrant en vigueur dès maintenant, le pharmacien d’officine peut donc se voir confier de nouvelles missions dans le cadre d’un protocole de coopération avec un médecin portant sur un traitement chronique. Il peut « renouveler le traitement et en ajuster la posologie. » Plus besoin de l’avis du médecin pour que le pharmacien dise au patient d’augmenter ou de réduire le nombre de comprimés ou de gélules qu’il doit prendre chaque jour, il suffit pour cela d’une prescription médicale rédigée dans le cadre du protocole qui précise, notamment, les posologies minimales et maximales et la durée totale du traitement comprenant les renouvellements.

En plus de pouvoir « proposer des conseils et prestations destinés à favoriser l’amélioration ou le maintien de l’état de santé des personnes » comme n’importe quel autre pharmacien d’officine, celui qui aura été désigné comme « correspondant » par le patient se voit accordé le droit de réaliser un « bilan de médication » qui comprend « l’évaluation de l’observance et de la tolérance du traitement ainsi que tous les éléments prévus avec le médecin pour le suivi du protocole. Dans ce bilan, le pharmacien recense les effets indésirables et identifie les interactions avec d’autres traitements en cours dont il a connaissance. Il s’assure du bon déroulement des prestations associées. »

À la lecture de ce décret, bien que la durée totale du traitement et de son renouvellement ne puisse excéder douze mois, des questions se posent tout de même concernant le libre choix du patient. Quid du malade qui souhaite changer de pharmacien correspondant ou du patient qui change de médecin traitant ? Ne va-t-il pas être captif d’un système dont la lourdeur (mise en place d’un protocole entre les professionnels) l’empêchera d’exercer son libre choix à tout moment ?
Qu’en sera-t-il des patients qui ont un médecin prescripteur (qui peut être différent du médecin traitant) et un pharmacien correspondant qui ne réussissent pas à s’entendre pour signer un protocole ? Verra-t-on demain apparaître un texte contraignant tout médecin ou tout pharmacien à accepter la signature d’un tel protocole si le patient le souhaite ? À l’inverse, il pourrait être tentant pour le médecin de « conseiller » le patient sur le pharmacien susceptible d’accepter un protocole et vice-versa.

Des questions se posent aussi sur la tenue à jour du dossier médical du patient. Certes le décret précise que le bilan de médication et l’ajustement de posologie sont transmis au médecin prescripteur, mais qu’en sera-t-il vraiment dans les faits ? On sait la valeur d’une telle disposition dans la pratique quotidienne : rares sont les opticiens qui, ayant adapté la correction portée par un patient dans le cadre de l’article L 4362-10 du CSP, adressent à l’ophtalmologiste un courrier pour l’informer comme la loi les y oblige pourtant.
Même si le décret prévoit que le pharmacien doit mentionner le renouvellement de la prescription sur l’ordonnance et, en cas d’ajustement de la posologie, préciser sur une feuille annexée à l’ordonnance datée et signée, et comportant le timbre de la pharmacie, le nom du médicament qui donne lieu à un ajustement de la posologie ainsi que la nouvelle posologie ou le nom du produit concerné associé éventuellement à une prestation, feuille dont il doit indiquer la présence sur l’ordonnance, que se passera-t-il quand le patient aura oublié son ordonnance au moment de sa consultation ? Pour un médicament faisant l’objet d’un protocole, en cas d’effets indésirables graves nécessitant une hospitalisation, le centre de secours ou le service des urgences devra-t-il, en plus du médecin prescripteur, appeler le pharmacien d’officine correspondant pour s’assurer de la dose quotidienne réellement prise par un patient ?
Enfin, il va être intéressant de savoir si les assureurs en responsabilité civile professionnelle des pharmaciens et des médecins vont prendre en compte ce nouveau risque. Ajuster une posologie, même sous couvert d’une prescription, n’a rien d’anodin. Comment les juges apprécieront-ils le degré de responsabilité du pharmacien d’officine correspondant et du médecin prescripteur liés par un protocole en cas de problème grave ? Des questions qui semblent être pour l’instant sans réponse.

Le swing du Mediator

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Exercice particulièrement délicat que celui qui consiste à répondre en direct aux questions des journalistes. Dominique Dupagne, médecin généraliste et maître toile du site Atoute.org, habitué des médias, a relevé ce défi sur France-Inter, le 11 mars 2011, dans la chronique de Pascale Clark « 5 minutes avec… »

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Dominique Dupagne ne pratique pas la langue de bois. Pour lui, nombreux ont été ceux qui ont dû fermer les yeux pendant plusieurs années pour être aveugle dans le dossier du Mediator, en France. Il n’hésite pas à mettre en cause tous les niveaux de la chaîne de décision dans le domaine du médicament et à s’amuser du discours prononcé par Nicolas Sarkozy lorsque Jacques Servier est fait grand-croix de la Légion d’honneur, dont voici un extrait : « En tant qu’entrepreneur, vous avez été souvent sévère à l’endroit de l’administration française. Vous critiquez l’empilement des mesures, des normes, des structures et vous avez raison ». Un discours qui a disparu depuis peu du site du laboratoire éponyme où il figurait pourtant en bonne place.

Pour le docteur Dupagne, les assises du médicament, auxquelles il a participé jusque-là pour avoir fait partie de ceux qui ont très tôt dénoncé le Mediator, ne déboucheront sur rien. Les patrons de l’industrie pharmaceutique s’y pressent et les travaux ne sont pas publics. Il a même été interdit aux participants de filmer les séances sous peine de poursuites alors qu’il y est question de la transparence de l’information dans le domaine du médicament…

Magie d’Internet, il est possible de revoir l’intervention de Dominique Dupagne en ligne. Un plaisir dont il serait dommage de se priver.

 

Les recommandations de bonne pratique en médecine ne sont pas données

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Il est recommandé d'aller dans la bonne direction.En plus de s’être intéressé à la façon dont les liens d’intérêt peuvent influencer la rédaction des recommandations de bonne pratique en médecine, Roger Collier, journaliste au Canadian Medical Association Journal (CMAJ), a publié dans le numéro du 22 février 2011 de cette revue un article intitulé Clinical practice guidelines as marketing tools (Les recommandations de bonne pratique clinique comme outils marketing) sur lequel il peut être intéressant de se pencher.

Si, en France, la majorité des recommandations de bonne pratique est élaborée sous l’égide de la Haute Autorité de santé et financée par celle-ci, ce n’est pas le cas pour celles qui sont publiées chaque semaine un peu partout dans le monde. Être réalisées à l’aide de fonds publics pourrait donner l’impression que les recommandations hexagonales ne sont pas biaisées par l’industrie pharmaceutique, mais il faut comprendre que les travaux étrangers servent bien souvent de sources aux experts français, faisant ainsi d’eux, consciemment ou non, des relais d’une information sous influence. S’il est admis que les résultats d’essais cliniques tendent à favoriser ceux qui les financent, cet impact est rarement mis en avant lorsqu’il est question de recommandations de bonne pratique alors qu’elles sont largement utilisées par les médecins, quand elles ne leur sont pas tout simplement imposées. Elles jouent donc un rôle particulièrement important dans la prise en charge des patients.

Publier des recommandations de bonne pratique de qualité n’est pas chose aisée. Il s’agit souvent d’un processus long et coûteux, comme l’explique Roger Collier, processus qui oblige les auteurs qui se lancent dans l’aventure à trouver un financement pour mener à bien leurs travaux et y consacrer le temps nécessaire (de 18 mois à 3 ans, habituellement). En fonction du sujet traité, les besoins ne seront pas les mêmes, mais il arrive souvent que les promoteurs des recommandations soient contraints de se tourner vers l’industrie pour obtenir les fonds suffisants, surtout dans le cas de projets ambitieux portant sur la prise en charge globale de pathologies comme le diabète ou l’hypertension artérielle.

À quoi sert cet argent ? Il faut tout d’abord identifier de façon précise ce sur quoi vont porter les recommandations et identifier les priorités en tenant compte de l’avis des personnes concernées qu’il conviendra de cibler (médecins, patients, administratifs, etc.), effectuer un examen approfondi et systématique de la littérature scientifique sur le sujet choisi en remontant parfois sur plusieurs décennies, évaluer et faire la synthèse des preuves scientifiques ainsi recueillies, convoquer un groupe d’experts pour examiner ces preuves et formuler des recommandations cliniques, présenter ce travail à des experts “indépendants”, publier les recommandations et trouver les moyens de les diffuser pour qu’elles soient prises en compte par le plus grand nombre. Tout ceci a un coût.
Quand on est un médecin salarié et que cela ne pose pas de problèmes à l’organisation dans laquelle on travaille, il est aisé de participer à de tels travaux. Quand on travaille en libéral, le temps consacré à participer à des réunions de ce type est un manque à gagner. Si le promoteur des recommandations n’a pas prévu d’indemnisation, cela peut avoir un retentissement sur le recrutement des participants, voire même sur le fait qu’ils soient tentés d’accepter un financement extérieur pour participer tout de même à ces travaux. Doivent aussi être financés les coûts générés par la bibliographie qui peut nécessiter que l’on fasse appel à du personnel qualifié ; les déplacements et l’hospitalité offerts aux experts lors des indispensables réunions ; l’impression et la reliure des recommandations.

Pour le docteur Valerie Palda, directeur médical du comité consultatif relatif aux recommandations d’une organisation médicale indépendante canadienne, interrogée par Roger Collier, « L’édition n’est pas ce qui coûte le plus cher. Ce qui est le plus onéreux, c’est la revue systématique de la littérature et les réunions ». Pour elle, utiliser l’argent de l’industrie pour ça est acceptable si des garanties sont prises pour éviter les biais liés à ce financement. « Ce n’est pas trop de savoir si l’on peut accepter une aide financière de l’industrie qui importe, mais de savoir si on peut en atténuer l’impact ».

Des médecins, en toute bonne foi, pensent qu’il est possible de mettre ces garanties en place. Selon eux, il suffirait pour cela de bien encadrer l’élaboration des recommandations, de poser une question claire à laquelle on doit s’attacher de répondre sans s’écarter de cette problématique, publier la méthodologie afin que d’autres équipes puissent reproduire les travaux réalisés, de soumettre les recommandations cliniques à des experts indépendants de plusieurs spécialités et à de nombreux organismes de santé pour qu’ils les critiquent et les valident et, enfin, les publier dans des revues, comme le CMJA, spécialisées dans l’édition de ce type de travaux.
D’autres reconnaissent que le meilleur moyen d’éviter toute influence des laboratoires pharmaceutiques, c’est de trouver d’autres sources de financement. Mais cela serait plus facile à dire qu’à faire, s’empressent-ils d’ajouter…

Un nouveau rapport sur la responsabilité civile professionnelle des disciplines médicales

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Pas d'assuranceSi leur responsabilité civile professionnelle (RCP) assure les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes, elle est loin de les rassurer. Ce n’est pas tant l’augmentation quasi incessante du montant des primes pour des garanties régulièrement revues à la baisse que les limitations de leurs contrats qui inquiètent ces professionnels. Ils ont pour la plupart une véritable épée de Damoclès au-dessus de leur tête à l’origine d’un malaise profond chez ces praticiens qui préfèrent de plus en plus renoncer à certaines activités ou à leur exercice libéral plutôt que de mettre en danger leur avenir et celui de leurs ayant-droits. C’est dans ce contexte qu’une mission sur le sujet a été confiée à Gilles Johanet, devenu président du Comité économique des produits de santé quelques jours avant de rendre le rapport faisant la synthèse de ses travaux au ministre de la santé, le 24 février 2011.

On imagine à quel point le sujet est sensible quand on sait qu’il aura fallu près de 2 ans et demi à Gilles Johanet pour mener à bien sa mission. Un temps relativement long comparé à celui accordé à Élisabeth Hubert pour remettre celui sur l’avenir de la médecine de proximité ou à l’Inspection générale des affaires sociales pour faire la lumière sur l’affaire du Mediator. Pourtant, ce haut fonctionnaire habitué de la Cour des comptes connaît bien le monde de la santé. C’est lui qui a démissionné de son poste de Directeur de la Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), dans lequel était prévu le conventionnement sélectif des médecins en fonction des besoins géographiques, quand celui-ci a été refusé. C’est aussi un homme qui connaît bien le monde de l’assurance puisqu’il a dirigé le pôle santé pour la compagnie AGF pendant plusieurs années, période durant laquelle il a proposé « une réduction de la cotisation à l’assurance santé maison contre des preuves d’achat du yaourt Danacol™ de Danone, et une complémentaire santé dite Excellence santé à 12 000 € par an et par personne, donnant accès aux meilleurs médecins de France. »

Ce rapport rappelle que cette mission avait notamment pour objectif « de définir les conditions et les modalités de mise en place, d’une part, d’un dispositif de mutualisation plus large par l’assurance de la responsabilité médicale permettant une amélioration des garanties et, d’autre part, d’un dispositif de solidarité entre plusieurs professions de santé pour la prise en charge des primes ».

À la lecture du rapport, on comprend très vite la problématique à laquelle sont confrontés les professionnels médicaux : « si l’assureur est naturellement libre de fixer le montant de la prime, la garantie qu’il accorde est limitée, alors que le juge est libre de fixer le montant de l’indemnisation. Il en résulte ce qu’il est convenu d’appeler des « trous de garantie », affectant la durée d’exposition du professionnel de santé au risque de réclamation (« l’expiration »), ou la couverture du sinistre par la garantie (« l’épuisement »). » Les plafonds des garanties, fixés à 3 millions d’euros, au-delà desquels les professionnels sont redevables sur leurs fonds propres et la garantie subséquente limitée à 10 ans après la fin du contrat alors que le professionnel ou ses ayants droit peuvent être mis en cause au-delà de cette période. Un médecin retraité depuis plus de 10 ans, peut ainsi se voir condamné à payer plusieurs millions d’euros d’indemnités à un plaignant alors qu’il n’est plus couvert par son ancien contrat de RCP.
Autre élément clé de ce secteur, Gilles Johanet explique qu’il n’est pas facile de légiférer à ce sujet, car ne représentant qu’un marché de niche pour les compagnies d’assurance, elles n’hésitent pas à s’en détourner quand les pouvoirs publics cherchent à les contraindre à y faire quelque chose. N’ayant déjà pas hésité à le faire par le passé, le marché se trouve ainsi concentré sur l’offre de 15 assureurs ou mutuelles, dont deux en situation de quasi-monopole en fonction des spécialités, par exemple. Cette offre réduite a entraîné une hausse des primes, loin de refléter l’augmentation de la sinistralité comme ce rapport n’est pas le premier à le faire remarquer.

Alors que depuis 2002, des outils ont été mis en place pour tenter de savoir ce qu’il en est vraiment de la sinistralité et de son coût pour les assureurs, il faut bien constater un manque complet de transparence concernant ce coût, même si ces derniers n’hésitent pas à provisionner pour des risques pas toujours évidents. « Sans passé utile, éclatée dans l’espace, avec un futur aveugle, l’indemnisation crée une imprévisibilité majeure.
Il est logique, dans ces conditions, que les assureurs se soient d’abord attachés à constituer des provisions à l’aune de ces incertitudes. Le montant des primes augmente donc en fonction du provisionnement et non de la sinistralité, ce qui est source d’incompréhension voire de défiance de la part des professionnels de santé. »

Chose étonnante, ce rapport, alors qu’il a tendance à montrer que le discours basé sur une sinistralité en augmentation, la fameuse « dérive à l’américaine », depuis plus de vingt ans, est inexact, il estime qu’à l’avenir cette augmentation sera bien réelle… On sent qu’il n’est pas question de fâcher les assureurs et de leur ôter l’argument leur servant à justifier l’incessante inflation du montant des primes.
Intéressante aussi la notion selon laquelle il existe « un manque d’organisation des soins particulièrement aigu en France, où la dispensation relève encore largement de l’art et de l’artisanat » et que « puisqu’il est reconnu internationalement que le risque trouve sa source majeure dans les carences organisationnelles, notre pays peut être sur exposé au risque. » Il est aussi question du fait que « le mythe du risque zéro se nourrit de l’inorganisation de notre système de soins : la faiblesse de la politique d’éradication des risques évitables occulte l’existence de risques inévitables et rend inaudible tout discours de reconnaissance de ces risques. L’exigence croissante des patients n’est donc qu’en partie bénéfique et sa part d’illusions conduit logiquement les praticiens à développer ce qu’il est convenu d’appeler une médecine défensive, caractérisée par l’existence d’actes et prescriptions de précaution, dont la balance bénéfice /risque pour le patient est incertaine et le coût certain pour les assurances maladie obligatoire et complémentaire. »

En conclusion, Gilles Johanet fait onze propositions pour sortir de la situation insatisfaisante qui est celle qui prévaut actuellement. Trois exemples : « étendre la limitation à 10 ans de la mise en jeu de la responsabilité à l’ensemble des professionnels de santé libéraux conventionnés et à l’ensemble de leur activité de soins » ; « […] adoption d’un barème médical unique et d’un barème unique de capitalisation des rentes » ; « étudier la redéfinition du champ de la responsabilité civile des professionnels de santé », tout particulièrement dans le domaine du devoir d’information.

La balle est maintenant dans le camp des politiques qui devront savoir s’ils préfèrent satisfaire les professionnels de santé qui délaissent petit à petit certaines spécialités et l’exercice libéral, ou les assureurs, sachant qu’en terme de lobbying et de moyens de pression, l’avantage est très nettement en faveur des compagnies d’assurance.

Recommandations de bonne pratique et conflits d’intérêts

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Evolution

Tout le monde ne jure plus que par les recommandations de bonne pratique… Non content de faire fi de la spécificité de chaque patient, ces guides donnent l’impression qu’il suffit de suivre un protocole, comme un ordinateur suit un programme, pour soigner tous les malades de la même façon. Gros avantage de ces préconisations « à la mode », ils flattent l’ego de ceux qui sont chargés de les rédiger et ils sont devenus un outil idéal pour contraindre les praticiens à « faire des économies ». Bien plus efficaces et bien plus simples à mettre en place qu’un développement professionnel continu qui ne cesse de patiner, ces directives ont les faveurs des pouvoirs publics. Plutôt que d’imposer à un médecin de répondre à ses obligations de formation continue et de lui réapprendre à faire preuve de sens critique et d’objectivité, beaucoup semblent penser, y compris au sein de cette profession, qu’il est préférable de donner des solutions toutes faites aux professionnels de santé. Pas besoin de réfléchir pour les uns, il suffit de s’en remettre aux recommandations pour traiter ; un bon moyen d’imposer ce qui doit être prescrit pour les autres. Que les recommandations ne soient remises que tous les 5 à 10 ans ne choque personne, puisque l’intérêt du patient n’est pas toujours ce qui prime malgré les beaux discours. Qu’un praticien soit sanctionné parce qu’il n’a pas respecté les recommandations n’émeut pas grand monde non plus : pourquoi diable un médecin devrait-il se mettre à réfléchir alors que des leaders d’opinion dédommagés par la Haute Autorité de santé l’ont fait pour lui ? Sans compter que quand des médecins réfléchissent, ils risquent de créer une revue comme Prescrire, de dénoncer des campagnes de prévention controversées ou de ne pas conseiller aux patients de se faire vacciner contre la grippe A(H1N1) au grand dam de la ministre de la santé de l’époque qui suivait les “recommandations” du même type d’experts…Extraire le savoir

L’industrie pharmaceutique a compris depuis longtemps qu’il était vital pour elle de faire entendre sa voix, même sous forme de murmures, dans les réunions où les recommandations de bonne pratique se décident. Influencer des groupes de réflexion, voire même les créer en les finançant, est une chose qu’elle est habituée à faire. Rien de mieux pour cela que de nouer des liens avec les leaders d’opinion qui vont servir d’experts à cette occasion. C’est tout du moins ce que l’on peut penser à la lecture d’un article publié dans le Canadian Medical Association Journal du 22 février 2011, intitulé Clinical guideline writers often conflicted. Roger Collier, un journaliste de cette revue appréciée de ceux qui publient (impact factor de 7,3), y explique qu’il n’y a pas une semaine sans que de nouvelles recommandations de bonne pratique ne paraissent sur la planète. Un fait qui doit avoir son importance puisque le gouvernement américain finance un programme destiné à recenser tous ces guides de bonne pratique de par le monde il n’y en aurait pas moins de 360 en cours de rédaction. On peut s’étonner qu’un état finance un tel programme. Pas vraiment si l’on considère l’intérêt qu’il peut avoir pour la santé publique, mais surtout les enjeux stratégiques et économiques qui peuvent s’y attacher. Publier un référentiel de bonne pratique, c’est se donner la possibilité de voir ce travail devenir la référence pour les milliers de médecins d’un pays, voire même les millions de praticiens qui parlent la langue dans laquelle est rédigé le document. C’est aussi une façon de voir les groupes d’experts des autres nations utiliser ce travail comme base à leurs propres réflexions. D’où l’importance d’une telle veille pour une administration qui a pour objectif de maintenir les États-Unis au plus haut niveau dans tous les domaines.
Un enjeu que des sociétés savantes ont elles aussi compris : la Société américaine de radiologie, par exemple, à une trentaine de ces recommandations de bonne pratique actuellement sur le feu. Des associations de médecins qui sont bien souvent encouragées à agir ainsi par l’industrie, les pouvoirs publics ou les assureurs.

Le docteur Niteesh Choudhry, professeur adjoint à l’université de médecine Harvard de Boston, s’est intéressé aux lignes en petits caractères, censées informer le lecteur sur les liens d’intérêt des auteurs, qui figurent parfois en bas de page de ses recommandations de bonne pratique, au moins de celles publiées dans de grandes revues qui exigent de telles déclarations. Après un examen attentif de ces éléments, il en est arrivé à la conclusion qu’il existait un nombre extrêmement important de rédacteurs de ces recommandations ayant des liens d’intérêt avec l’industrie pharmaceutique. Il cite en exemple les recommandations de la Société canadienne de thoracologie sur la gestion de l’asthme chez les adultes et les enfants de 6 ans et plus financées par trois des plus grands laboratoires vendant des médicaments à cet effet dans ce pays.

Pour le médecin « de base », la tâche n’est pas aisée. Déjà occupé à soigner les patients, il n’a souvent d’autres choix que de se fier à ces recommandations. « Compte tenu de la quantité d’informations dans un domaine particulier, aucun médecin ne peut toutes les connaître », explique le docteur Joel Lexchin, professeur à l’université York de Toronto. Que des déclarations de liens d’intérêt soient obligatoires et figurent dans les documents est une bonne chose pour la transparence, mais elles n’empêchent pas les biais. N’étant pas un expert, comment le médecin de famille peut-il apprécier l’impact que peut avoir le lien d’intérêt déclaré ? Il peut n’en avoir aucun, comme il peut être énorme…

Faut-il systématiquement jeter la pierre aux leaders d’opinion ou aux experts qui participent à la rédaction des recommandations de bonne pratique ? Pour Niteesh Choudhry, ils sont nombreux à sous-estimer l’influence que peuvent avoir leurs liens avec l’industrie sur ces recommandations.
Dans une étude publiée dans le JAMA, le docteur Choudhry et ses collaborateurs ont montré de 87 % des auteurs de ces recommandations avaient des liens avec l’industrie et plus particulièrement avec des sociétés dont l’usage des produits était recommandé dans les recommandations auxquels ils avaient contribué dans 59 % des cas. « Nous nous demandons si les universitaires et les médecins sous-estiment l’impact de ces relations sur leurs actions parce que la nature même de leur profession est la recherche d’une information impartiale et objective », indique le document. « Malheureusement, le biais peut se produire à la fois consciemment et inconsciemment, et par conséquent, son influence peut passer inaperçue. »

Niteesh Choudhry s’empresse toutefois de préciser qu’interdire à toute personne ayant des liens d’intérêt avec les laboratoires de prendre part à la conception de recommandations de bonne pratique n’est pas réaliste. Sans compter que l’on peut avoir un lien d’intérêt sans être partial pour autant et que si l’on est un expert, on fait souvent partie de ceux qui sont obligés d’avoir le plus de liens avec l’industrie…
L’idéal serait de pouvoir apprécier quel impact peut avoir un lien déclaré sur la recommandation qui va être faite. Une espèce de recommandation de bonne pratique sur la façon de gérer les liens d’intérêt déclarés par les auteurs de ces recommandations, sans doute…

Pas de dons ou de legs pour les soignants

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Prêt à signer son testamentQue l’on soit infirmier, médecin, dentiste, masseur-kinésithérapeute ou orthophoniste, il n’est pas question d’hériter ou de recevoir un don d’une personne à qui l’on a prodigué des soins pendant la maladie dont elle est morte, que ces soins aient eu pour but de la guérir ou de traiter une pathologie secondaire à celle qui l’a emportée.

Il s’agit là de l’application de l’article 909 du code civil qui concerne les membres des professions médicales (médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes) et de la pharmacie (pharmaciens, préparateurs en pharmacie), ainsi que les auxiliaires médicaux (infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, ergothérapeutes, psychomotriciens, orthophonistes, orthoptistes, manipulateurs d’électroradiologie médicale, techniciens de laboratoire médical, audioprothésistes, opticiens, diététiciens, prothésistes et orthésistes pour l’appareillage des personnes handicapées). Pour les médecins, le code civil prévoit de telles mesures depuis le début du XIXe siècle, reprenant en cela ce qui était déjà communément admis sous l’Ancien Régime, comme l’expliquent les commentaires de l’article 52 du code de déontologie médicale, article inclus au code de la santé publique (nº R 4127-52) qui reprend les mesures prévues par le code civil.

Article 909 du code civil

Les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu’elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci.

Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et les personnes morales au nom desquelles ils exercent leurs fonctions ne peuvent pareillement profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires que les personnes dont ils assurent la protection auraient faites en leur faveur quelle que soit la date de la libéralité.

Sont exceptées :

1° Les dispositions rémunératoires faites à titre particulier, eu égard aux facultés du disposant et aux services rendus ;

2° Les dispositions universelles, dans le cas de parenté jusqu’au quatrième degré inclusivement, pourvu toutefois que le décédé n’ait pas d’héritiers en ligne directe ; à moins que celui au profit de qui la disposition a été faite ne soit lui-même du nombre de ces héritiers.

Les mêmes règles seront observées à l’égard du ministre du culte.

C’est sur cet article que repose la décision prise par la Cour de cassation, le 4 novembre 2010, alors qu’une psychiatre-psychanalyste avait été désignée comme bénéficiaire du contrat d’assurance-vie de l’une de ses patientes décédée d’un mésothéliome (pourvoi nº 07-21303).

Pour la Cour de cassation, « ayant relevé que la défunte était décédée des suites d’un mésothéliome du poumon révélé en 1995 et constaté que la psychiatre-psychanalyste avait été consultée à plusieurs reprises par la défunte de 1995 à 1997 et qu’ensuite, elle lui avait donné de nombreuses consultations gratuites jusqu’au mois de juillet 1999, la cour d’appel, qui retient que, si, en sa qualité de psychiatre-psychanalyste, cette dernière n’avait pu traiter la défunte pour le cancer dont elle était atteinte, elle avait apporté à sa patiente un soutien accessoire au traitement purement médical mais associé à celui-ci, lui prodiguant, parallèlement au traitement d’oncologie, des soins réguliers et durables afférents à la pathologie secondaire dont elle était affectée en raison même de la première maladie dont elle devait décéder et dont la seconde était la conséquence, en déduit exactement que la psychiatre-psychanalyste avait soigné la défunte, pendant sa dernière maladie, au sens de l’article 909 du code civil, de sorte qu’elle était frappée d’une incapacité de recevoir à titre gratuit ».

Suite à cette décision, la psychiatre-psychanalyste ne peut donc pas garder le capital qui lui a été versé par l’assureur et, ayant aussi été couchée sur le testament de la défunte, mais ayant renoncé à en être bénéficiaire, elle n’aura au final pas un sou. L’affaire ne s’arrête pas là pour autant, car la patiente avait aussi désigné « à défaut » le concubin du médecin. Si la Cour de cassation a estimé que la psychiatre ne pouvait recevoir l’assurance-vie, elle précise que rien ne permet en l’état de dire si la personne décédée n’aurait pas désigné directement le concubin si elle avait eu conscience de ne pouvoir choisir le praticien et renvoie l’affaire à la cour d’appel pour être fait droit. Le concubinage peut avoir du bon…

Conflits d’intérêts et médicaments : la Slovaquie devrait légiférer

Écrit par Radoslava Dvorska le . Dans la rubrique Evolution

Des médicaments et des eurosAlors que les assises du médicament, annoncées par Xavier Bertrand suite à l’affaire Mediator, ont déjà commencé leurs travaux et que la gestion de la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1) n’en finit pas de faire des remous dans l’Hexagone, le ministre de la santé de la République slovaque, Ivan Uhliarik, vient d’annoncer qu’il allait soumettre au parlement de son pays un projet de loi visant à en finir avec les “liens d’amitié” pouvant exister entre les médecins exerçant en Slovaquie et l’industrie pharmaceutique.

Cette déclaration d’Ivan Uhliarik fait suite aux révélations du premier groupe privé d’assurance santé slovaque selon lesquelles des praticiens semblaient faire preuve d’une préférence difficilement justifiable pour les produits d’un laboratoire plutôt que pour ceux des autres. C’est en analysant les prescriptions des médecins qui ont passé un contrat d’affiliation avec elle que la compagnie Dôvera (confiance, en slovaque) a mis en évidence de troublantes coïncidences. Un exemple : les 3/4 des médicaments présents sur les ordonnances de certains de ces praticiens avaient un seul et unique fabricant…
Pour Alžbeta Arvaiová, responsable de la politique du médicament au sein de cet assureur santé, les médecins seraient encouragés à prescrire les produits d’un laboratoire plutôt que ceux d’un autre à l’aide de cadeaux, de voyages ou d’invitations à des congrès.

Ce n’est pas un hasard si cette compagnie d’assurance privée dénonce ces pratiques : elle estime que ces médicaments sont souvent plus chers que des produits fabriqués à partir du même principe actif. En Slovaquie, comme ailleurs, les organismes privés d’assurance santé ont tout intérêt à ce que ce soit les génériques qui soient prescrits plutôt que le médicament princeps. Et comme ailleurs, plutôt que de parler du surcoût lié au remboursement de ces produits néfaste à leurs bénéfices, les responsables de ces compagnies préfèrent mettre en avant la somme que doit débourser le patient au moment où il se rend chez le pharmacien et ce qui est susceptible de rester à sa charge en fonction du contrat qu’il a souscrit.
Sensible à ce discours, Ivan Uhliarik a donc décidé de rédiger un projet de loi obligeant les médecins à n’indiquer sur leurs prescriptions que le nom du principe actif, charge au patient de choisir avec le pharmacien parmi les médicaments correspondants celui qu’il désire acheter. « Cela devrait régler le problème », selon la porte-parole du ministre de la santé Katarína Zollerová.

Un avis que ne partage pas la présidente de l’association de protection des droits des patients, Eva Madajová. En effet, elle s’interroge sur la façon dont s’effectuera le choix du patient en compagnie du pharmacien, surtout quand le malade est déjà habitué à un produit. Comment garantir aux patients qu’au lieu d’être soumis aux liens d’intérêts des médecins, leur choix ne sera pas influencé par ceux du pharmacien ? Le patient devrait pouvoir consulter chez le pharmacien la liste des produits les moins chers correspondant à la prescription qu’il présente, liste qui devrait aussi être disponible en ligne sur le site du ministère de la santé.

Les mesures annoncées ne sont pas sans rappeler le droit de substitution entre médicaments génériques et princeps accordé aux pharmaciens par la loi de financement de la Sécurité sociale du 23 décembre 1998 et l’incitation faite aux médecins de prescrire en DCI (dénomination commune internationale) en France depuis 2002.

Forte des résultats de son enquête, la compagnie Dôvera prévoit de résilier le contrat qui la lie à 170 médecins, estimant que ces praticiens font des prescriptions qui ne répondent pas au mieux aux intérêts financiers des ses assurés. « Nous informerons les patients que nous avons rompu le contrat avec le médecin pour qu’ils puissent en trouver un autre », a expliqué Miroslav Žilinek, l’un des représentants de Dôvera. Selon ses calculs, en procédant ainsi, la compagnie d’assurance pourrait ainsi faire une économie de 22 millions d’euros, somme dont personne ne sait si elle bénéficiera d’une façon ou d’une autre aux assurés…
En Slovaquie, comme en France, les médecins n’ont pas l’obligation d’être agréés par l’assurance-maladie publique, ce qui équivaut au conventionnement hexagonal. Les médecins peuvent consulter hors de tout agrément avec une assurance publique ou privée, mais ils peuvent aussi décider de passer un accord avec un assureur santé privé. En signant un contrat avec une compagnie privée, un praticien sait que cette société imposera à ses assurés de le consulter lui plutôt qu’un autre pour être remboursés. Cela garantit au praticien de voir plus de patients avec à la clé plus de revenus, même si cet accord s’accompagne souvent d’une clause imposant au médecin un tarif choisi par l’assureur quand il prend en charge un malade couvert par cette compagnie. Perdre ce contrat peut donc avoir des conséquences non négligeables pour un médecin.

L’autre grande compagnie privée d’assurance santé — Union — n’envisage pas quant à elle une résiliation massive de contrats avec des médecins avec qui elle travaille, bien qu’elle soit confrontée au même problème. Elle préfère négocier avec les intéressés au cas par cas, selon son porte-parole Judita Smatanová.
La Caisse d’assurance-maladie générale, organisme public, prévoit pour sa part de présenter un rapport sur la question la semaine prochaine ayant elle aussi constaté ce type de prescriptions tendancieuses.

Qu’est-ce que le Sunshine Act ?

Écrit par Bertrand Hue le . Dans la rubrique Variations

Soleil et drapeau américain

À un moment où un jour nouveau semble se lever sur la transparence et les liens d’intérêts dans le secteur de la santé en France, il convient de s’intéresser au Sunshine Act, cité à plusieurs reprises, y compris par le ministre de santé, à la suite de l’affaire du Mediator. Cette loi, dont la traduction littérale n’a pas vraiment de sens en français (loi du soleil ou loi de la lumière solaire), peut être comprise comme une loi qui fait la lumière ou qui met en lumière les liens d’intérêts des médecins américains, une loi de la transparence avec de lourdes amendes à la clé pour ceux qui voudraient rester tapis dans l’ombre.

La Cour des comptes confirme les critiques du Sénat sur la gestion de la pandémie de grippe A(H1N1)

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Evolution

La grippe porcineContrairement à l’extrême complaisance dont avaient fait preuve les députés vis-à-vis de la gestion de la pandémie de grippe A(H1N1)v par le gouvernement en 2009, les sénateurs avaient fait preuve l’an passé de beaucoup moins d’égards à l’attention des services de Roselyne Bachelot alors ministre de la santé et de ceux de Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur. Force est de constater à la lecture d’une étude de la Cour des comptes relative à l’utilisation des fonds mobilisés pour la lutte contre la pandémie grippale A (H1N1)v que les résidents de la chambre haute du Parlement français ont fait preuve de bien plus de clairvoyance, d’objectivité et d’esprit critique que leurs homologues d’une chambre bien basse à cette occasion.

Même si d’autres affaires et le scandale du Mediator ont chassé des devants de la scène le fiasco de la campagne de vaccination contre la grippe porcine ou A(H1N1) »v » (pour variant) il n’en est pas moins intéressant de prendre connaissance de ce contrôle de la Cour des comptes que l’on retrouve au sein d’un rapport d’information de la commission des affaires sociales du Sénat rendu public début février 2011.

Une gestion déplorable

Avec le recul, le bilan de la lutte contre la pandémie grippale A(H1N1)v est le suivant : un peu plus de cinq millions de personnes vaccinées (5,36 millions, soit 8,5 % de la population) pour plus de 44 millions de doses de vaccins achetées (sur les 94 millions commandées); 342 décès attribués à la grippe A(H1N1)v ; un coût total estimé entre 700 et 760 millions d’euros (soit entre 4,5 et 5 milliards de francs) ; 48,5 millions d’euros consacrés à l’indemnisation des laboratoires pour avoir annulé les commandes sur un total de 382,7 millions d’euros dévolus aux seuls vaccins.

Loin des éloges des députés à l’égard des services de l’État et des décideurs politiques, la Cour des comptes dresse, dès le début de son étude, un tableau sans concessions de ce qui ressemble bien à un fiasco : « Au tout début de la crise, le gouvernement a eu comme priorité de réserver des vaccins, ses fournisseurs habituels n’étant pas prêts (Sanofi) ou jugés incertains (Novartis). Il a craint d’être comparé désavantageusement avec le Royaume-Uni, qui était parvenu à mobiliser rapidement le laboratoire pharmaceutique GlaxoSmithKline (GSK) afin d’obtenir à partir du mois de septembre des vaccins pour couvrir toute sa population. Avant même d’être en mesure d’analyser la menace, de juger la fiabilité des données alarmistes en provenance du Mexique, d’examiner la pertinence et les modalités d’une campagne de vaccination, le gouvernement avait signé une lettre de réservation à GSK pour 50 millions de doses le 14 mai 2009, moins d’un mois avant la première observation du virus. En fait, sans que les États ne puissent s’y opposer, du fait d’une coordination européenne à peine esquissée, les laboratoires pharmaceutiques sont parvenus à mettre ceux-ci en concurrence et se sont placés en position favorable pour contracter.
Les pouvoirs publics ont ensuite mené dans le secret et l’urgence des négociations sans précédent avec ces laboratoires pharmaceutiques, en privilégiant deux objectifs : d’une part le retrait d’une clause dite « scélérate » de transfert de responsabilité à l’État, d’autre part des engagements sur des calendriers de livraison anticipés afin de soutenir la comparaison avec les Britanniques, alors que ces calendriers n’avaient qu’une valeur indicative et qu’ils n’ont pas été respectés. Ces deux priorités ont amoindri les marges de négociations de l’État qui a cédé sur la contrainte de prix, sur le fait d’effectuer une commande ferme et non par tranches conditionnelles ainsi que sur le conditionnement des vaccins en monodoses et non en multidoses, exigence qui n’a d’ailleurs pas été explicitement formulée.
L’importance qu’a prise la contrainte de calendrier est difficilement compréhensible dans la mesure où l’expertise sanitaire conduisait à affirmer de manière quasi certaine que la vaccination, aussi précoce soit-elle, ne parviendrait pas à obtenir un effet de protection collective pouvant faire barrière au virus, car celui-ci arriverait tôt sur le territoire français.
Ce sont au total 94 millions de doses de vaccins qui ont été initialement commandées par la France. Le volume des commandes de vaccins ne laisse pas d’interroger. La France figure parmi une minorité de pays développés ayant choisi de couvrir toute leur population. […]
À partir de la signature des contrats d’achat, dans les premiers jours de juillet, la stratégie vaccinale n’a fait l’objet d’aucune révision substantielle. En septembre, le gouvernement a décidé le lancement d’une campagne de vaccination visant à couvrir toute la population mais néanmoins facultative, sans prendre en compte ni le tableau d’ensemble rassurant de l’épidémie australe, ni le retournement d’opinion qui s’était opéré en fin d’été. »

Retards, comitologie, gaspillage

Le reste de cette étude est à l’avenant, même si les propos sont plus nuancés dans le corps du document. Offre de vaccination dans les centres largement surdimensionnée, besoins de fonctionnement des centres non anticipés, médecins retraités payés avec six mois de retard, « gaspillage » de quelque 2,7 millions de doses de vaccins (soit près de la moitié de celles utilisées) sont au nombre des critiques. Le plan national de prévention et de lutte contre la pandémie grippale, fait de fiches devant servir à aider les responsables à prendre des décisions, est lui aussi critiqué : « La partie vaccination du plan n’était pas celle qui était la plus susceptible de se réaliser, et pour cette raison n’avait pas jusqu’alors fait l’objet d’une attention particulière. Cette fiche présente plusieurs défauts qui l’ont rendue de facto inutilisable : elle n’est pas assez précise dans les détails pratiques (sites de vaccination, organisation de la chaîne de vaccination, constitution des équipes de vaccination, etc.), et n’aide pas à la décision en termes stratégiques, par exemple en indiquant des conditions devant conduire à examiner le principe d’une vaccination de masse. » Pour la Cour des comptes, qui fait aussi des propositions dans ce travail, « la partie « vaccination » du plan pourrait être renforcée, afin d’éviter de devoir procéder en période de crise à des arbitrages qui auraient dû être anticipés, en matière juridique ou financière en particulier, et devrait mentionner les difficultés potentielles d’obtention ou de négociations des commandes de vaccins. »

À la lecture de l’étude de la Cour des comptes, un élément est frappant : la complexité de la chaîne administrative qui engendre des tensions alors même qu’il faut faire face à une crise… Si Claude Allègre parlait de « dégraisser le mammouth » de l’Éducation nationale, la Cour des comptes parle en termes plus feutrés du système censé gérer une telle pandémie et remet en cause l’intérêt d’autant d’agences sanitaires et de comités d’experts : « Ces nombreuses saisines et consultations d’agences, comités et conseils ont en définitive donné l’image d’une comitologie sanitaire trop peu lisible et génératrice de délais dans la prise de décision. » Pas question, par contre, d’avoir la dent trop dure vis-à-vis des administrations. Une nouvelle fois, l’honneur est sauf : « L’effort administratif et humain de gestion de cette longue crise a été considérable […]. »

Les vraies raisons qui expliquent que le vaccin n’a pas été rendu obligatoire

Un autre élément de ce travail est intéressant : la décision prise par le ministre de la santé de ne pas rendre la vaccination obligatoire. « Les arguments invoqués par le ministère de la santé à l’appui de cette décision, qui n’ont pas été rendus publics, ne sont pas de nature à emporter la conviction. Ils auraient même pu faire transparaître des doutes sur la pertinence de la stratégie vaccinale. Il s’agit en premier lieu d’éviter qu’en cas de vaccination de masse obligatoire, la responsabilité d’effets secondaires graves soit reportée sur l’État […] ; le deuxième argument est que la vaccination de 50 % de la population suffit à enrayer une pandémie ; le troisième est de respecter la volonté de ceux qui sont hostiles au principe de la vaccination. » Il est donc clair que les pouvoirs publics craignaient la survenue d’éventuels effets secondaires graves, contrairement au discours officiel destiné à diriger la population vers les centres de vaccination et critiquant les professionnels de santé indépendants qui mettaient en garde les citoyens à ce sujet.
À aucun moment, quelqu’un ne semble se poser la question de savoir si ce n’est pas ce manque de transparence qui est à l’origine de l’échec de la campagne de vaccination ! Plutôt que d’informer loyalement les patients, décision a été prise de cacher des doutes légitimes à l’égard de vaccins développés plus rapidement que d’habitude et dont l’industrie ne voulait pas assumer les conséquences… Comment s’étonner que des professionnels de santé responsables, à qui la loi impose d’informer le patient, aient refusé de cautionner une telle démarche ? Des praticiens ayant compris depuis longtemps qu’il valait qu’ils fassent confiance à leurs sources d’information scientifique habituelles plutôt qu’à des données fournies par les pouvoirs publics, y compris par l’intermédiaire d’un site comme pandemie-grippale.gouv.fr.
Comment s’étonner que des sites Internet sérieux, loin de quelques repères d’illuminés refusant les vaccins par idéologie ou par principe, aient eu tant de succès en n’occultant pas cette notion d’effets indésirables ? Comment s’étonner que des journalistes indépendants, même s’ils n’ont pas été nombreux, aient repris ces informations ? Comment s’étonner enfin que la population n’ait pas adhéré à un discours digne d’un mandarin hospitalier des années 70 en 2009 ?
Bien au contraire, la Cour des comptes semble regretter que le vaccin n’ait pas été rendu obligatoire. « Il est possible que le choix de rendre la campagne de vaccination facultative ait en fait résulté d’une application du principe de précaution relative aux vaccins pandémiques. En effet, le Haut conseil de la santé publique proposait une telle position dans son avis du 26 juin 2009 : « Du fait de l’impossibilité à évaluer la balance bénéfice/risque de la vaccination (incertitude sur la gravité de la maladie, aucune donnée d’efficacité et de tolérance) [le Haut Conseil] estime inopportun, dans l’état actuel des connaissances, que les vaccins pandémiques fassent l’objet d’une obligation vaccinale, tant en population générale que pour les personnes fragilisées ou les personnels de santé ».
Cet avis fournit une explication au fait que la vaccination des professionnels de santé, figurant parmi les personnes les plus exposées à l’épidémie et rendus prioritaires à ce titre, n’ait pas été rendue obligatoire. Cependant, leur exposition générale aux risques épidémiques les soumet à plusieurs obligations vaccinales. En particulier, ceux travaillant dans la plupart des établissements du secteur sanitaire ou médico-social doivent être vaccinés contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la grippe. Il aurait donc été techniquement possible et socialement acceptable de créer une obligation de vaccination contre la grippe A (H1N1)v. Le choix de ne pas le faire, même s’il était justifié par des arguments de fond ou relatifs à la liberté individuelle des professionnels de santé, a véhiculé un message peu motivant pour la population générale, laissant imaginer dès ce stade que l’épidémie n’était donc pas si grave.
Le choix d’une vaccination facultative contre un virus de gravité modérée n’a pas été pleinement cohérent avec l’achat d’un nombre très important de doses de vaccin en préparation d’une campagne de vaccination de masse. »

Des économies sur les acteurs de santé pour mieux payer les avocats et atténuer la responsabilité des laboratoires

Autre point sur lequel il convient d’insister : « De plus, sans l’avouer explicitement, le gouvernement avait l’intention de recourir à des centres de vaccination pour des raisons de coût, ceux-ci permettant de réaliser des économies d’échelle. La vaccination sans examen médical, telle qu’elle figure dans le plan variole ou dans les plans initiaux du gouvernement, coûte très peu. Même lorsqu’un examen préalable systématique est imposé, comme dans le cas de la grippe A(H1N1)v, l’organisation en centres permet de limiter sa durée. Évaluée dans les schémas initiaux à 2 minutes, la durée réelle des examens a été plus proche en moyenne de 5 minutes. Le coût moyen d’une heure de présence en centre d’un médecin étant proche de 50 euros, la partie médicale du coût de la vaccination est de 2,5 euros, auxquels il faut ajouter le coût infirmier de l’acte de vaccination. Cependant, même dans ce cas, le coût de la vaccination demeure maîtrisé, en comparaison avec des consultations en cabinet à 22 euros pour le même acte. À l’occasion du basculement de la vaccination en secteur libéral à partir de janvier, l’assurance maladie a cependant créé un nouvel acte dédié à la vaccination contre la grippe A(H1N1)v, codifié avec la lettre- clé VAC, correspondant à une séance de vaccination spécifique au cabinet ou au domicile du patient, rémunéré 6,60 €. Il semblait donc possible que la médecine libérale puisse effectuer des actes de vaccination pour un coût unitaire bien inférieur au tarif d’une consultation. Or, en pratique, les médecins libéraux ont eu recours à un nombre de vaccins monodoses bien supérieur aux nombres d’actes VAC. Il faut en déduire que la plupart des vaccinations ont pris la forme de consultations classiques, et que la crainte du ministère de la santé était justifiée. Il faut cependant relever que le tarif fixé rémunère mal l’ensemble des prestations demandées, comprenant l’entretien médical, la prescription, la préparation et l’injection du vaccin, le renseignement du bon et du certificat de vaccination. »
Que dire du fait que les professionnels de santé étaient payés au maximum 66 euros de l’heure pour vacciner dans les centres (33 euros pour les médecins retraités et moins pour les infirmiers), les honoraires des cabinets d’avocats engagés par le gouvernement quand il a fallu annuler les commandes de vaccins ont atteint 740 euros de l’heure hors taxes ?

Sur un plan financier, il est évident qu’il y a eu deux poids, deux mesures. Même si les négociations avec les laboratoires ont été menées dans l’urgence et que ces derniers ont réussi à mettre en concurrence les différents États, cela n’explique pas toutes les concessions faites aux fabricants. « L’impossibilité de faire jouer la concurrence entre laboratoires et la position défavorable de négociation dans lesquelles se sont trouvés placés les pouvoirs publics a découlé entièrement de l’objectif de quantités de vaccins que ceux-ci s’étaient assignés. » Au final, en raison des commandes passées puis annulées, chaque dose de vaccin utilisée a coûté au moins 61 euros au contribuable…
De plus, alors que les pouvoirs publics s’en défendaient, un dispositif a bien été mis en place pour atténuer la responsabilité des laboratoires : « Ce dispositif complexe conduit à ce que « si les vaccins sont conformes aux spécifications contenues dans l’autorisation de mise sur le marché » et que des effets secondaires apparaissent néanmoins, la responsabilité en incombe alors à l’État et non aux laboratoires ». Par rapport au droit commun, il revenait donc à obliger l’État à apporter la preuve de la faute. Cette dérogation aurait pu s’avérer lourde de conséquences dans l’hypothèse d’effets indésirables graves ou massifs dont l’origine aurait pu donner lieu à d’infinies contestations. »
Impossible de dire qu’une telle situation était sans précédent et qu’il a fallu trancher dans l’urgence puisque la Cour explique qu’à l’occasion de la grippe aviaire en 2005, les laboratoires avaient déjà usé des mêmes méthodes et avaient réclamé une clause spécifique atténuant leur responsabilité : « Il est à noter qu’une clause de nature assez voisine avait déjà été introduite, dans des conditions d’une régularité d’ailleurs douteuse, dans les marchés conclus en 2005 avec Novartis et Sanofi Pasteur. »

Une promesse de pharmacovigilance bafouée

La campagne de vaccination elle-même a souffert de graves dysfonctionnements et permet de remettre en question les dispositifs mis en place. « En outre, il était clairement établi à la mi-novembre que le virus H1N1 présentait une dangerosité beaucoup plus modérée que celle qui avait été envisagée. Par ailleurs, la campagne de vaccination n’ayant effectivement commencé qu’à cette date, son rythme au cours des premières semaines a vite rendu hors d’atteinte l’objectif d’une couverture quasi générale de la population. »
Le suivi des citoyens en bonne santé à qui l’on a injecté un produit sur lequel il existait des doutes n’a pas été réalisé correctement. « Alors même que la stratégie retenue visait à protéger les personnes les plus vulnérables en les invitant en priorité à venir se faire vacciner, conformément aux indications du comité consultatif national d’éthique (CCNE), il est impossible d’établir des statistiques par groupes, et donc de savoir si les personnes les plus vulnérables ont été vaccinées, ni dans quelles proportions. En d’autres termes, l’indicateur le plus important et le plus pertinent permettant d’évaluer la réussite de la campagne de vaccination n’est pas disponible. »
Alors que des doutes existaient sur de potentiels effets indésirables graves, le système visant à assurer la pharmacovigilance a failli : « En l’état actuel des chiffres, ce sont donc plus de 5 % des bons qui sont inexploitables, affectant d’autant la traçabilité et le suivi statistique de la vaccination. »

À la lecture d’un tel document, tout un chacun est en droit de s’étonner que personne n’ait à répondre de tels agissements et que les responsables de toute cette gabegie puissent continuer à vaquer à leurs occupations officielles sans avoir à se soucier d’être mis en cause. Si seulement il était possible d’espérer qu’ils fassent mieux la prochaine fois…

Le malaise de certains professionnels de santé dénoncé par le Médiateur de la République

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Le malaise des médecins hospitaliersAprès des débuts qui ressemblaient plutôt à une nouvelle façon de faire pression sur les médecins et autres professionnels de santé, les mauvaises langues disent qu’il semble que le pôle santé sécurité soins du Médiateur de la République, dont les valeurs sont l’humanisme, l’équité, le respect et l’impartialité selon la synthèse d’activité annuelle 2010 de cette institution, ait reçu de nouvelles instructions destinées à appuyer la nouvelle politique de médecine de proximité voulue par les pouvoirs publics à un peu plus d’un an d’une échéance électorale majeure. Les missions du Médiateur de la République, il convient de le rappeller, sont d’« améliorer les relations entre le citoyen et l’administration par la médiation », de « faire avancer le droit » et d’« agir au niveau international pour la promotion des droits de l’homme, de la démocratie et de la bonne gouvernance. »

Faut-il écouter ces railleries ? Mieux vaut penser que la prise de conscience du malaise des professionnels de santé par ce pôle santé sécurité soins (P3S) est due à la simple analyse des requêtes qu’il a reçues en deux ans d’existence. En effet, sur plus de 10 000 enregistrées en 2010, 18 % de celles-ci « proviennent de professionnels, en situation de dialogue bloqué avec un patient, subissant un isolement professionnel après un accident médical, ou menacé dans leur activité… ils sont à la recherche d’un interlocuteur indépendant et neutre. C’est pourquoi P3S a mis en place au cours de l’année une cellule d’accompagnement et de soutien des professionnels qui intervient dans la prise en charge du stress post traumatique de professionnels confrontés à des situations complexes et sensibles, associées à une rupture de dialogue avec les acteurs concernés sans perspective de solutions. » Une cellule qui ne semble concerner, pour l’heure, que les médecins anesthésistes.
Pas question pour autant de parler du malaise des professionnels libéraux dans leurs rapports avec l’administration, c’est celui des professionnels de santé hospitaliers qui est mis en avant. Victimes d’agressions physiques, surcharge de travail dans les services d’Urgence, c’est à eux que va la compassion du P3S. Une violence qui augmente au fil du temps : « la Sham (Société hospitalière d’assurance mutuelle), qui assure la majorité des établissements publics hospitaliers, a ainsi pu constater par rapport à 2008 une augmentation de plus de 25 %. La majorité d’entre elles relevant de violences physiques (80 % contre 70 % en 2008) suivies des injures ou menaces (13 %). »
La charge et les conditions de travail « nourrissent l’épuisement des professionnels », selon ce travail, et sont donc dénoncés. Réaffectation des agents épuisés, écoute et prévention feraient partie des solutions à ces problèmes dans les grands établissements. Dans les structures plus petites, sous l’égide et le contrôle des ARS [agences régionales de santé, NDLR], le cadre d’une communauté hospitalière de territoire pourrait être d’une aide précieuse, selon le P3S, appuyant ainsi les choix politiques récents en toute indépendance. Un soutien que l’on retrouve lorsqu’il est question de l’engorgement des urgences, source de stress à l’hôpital, et « l’installation de maisons médicales de garde, souhaitée par le ministre de la santé ».

Autre point intéressant mis en avant par le P3S, en pleine affaire du Mediator, il y a « une vraie réflexion à mener, quant à la protection des « signalants » et à la valorisation du signalement : un médecin, une équipe soignante signalant un événement indésirable grave continuent-ils à être soumis au même risque de sanction administrative ou judiciaire que s’ils s’abstenaient de cette déclaration ? […] La protection des signalants est donc une question fondamentale, un préalable à toute démarche efficace de mise en œuvre d’une politique nationale de gestion des risques dans les établissements de santé.
Déjà, en mai 2006, le comité des ministres du Conseil européen, recommandait aux États membres, de promouvoir le développement d’un système de notification des incidents relatifs à la sécurité des patients, non punitif, juste dans sa finalité et conçu dans l’esprit d’une démarche volontaire, anonyme et confidentielle.
Il s’agit donc que les enquêtes rétrospectives de recherche de causes soient entièrement anonymisées. Le caractère anonyme de ces enquêtes doit concerner tant le nom des professionnels de santé impliqués que celui de l’établissement, et bien entendu l’identité du malade. Ceci garantira aux professionnels de santé que les conclusions de l’enquête ne puissent être exploitées dans une procédure contentieuse future.
Par ailleurs, il apparaît nécessaire de soustraire au risque de sanction administrative les professionnels de santé qui, à la suite d’un signalement, pourraient se voir reprocher des fautes professionnelles sanctionnables.
Allant plus loin, la participation volontaire et responsable d’un professionnel de santé à l’objectif de sécurité des soins ne devrait-elle pas être un élément positif à prendre en compte dans son évaluation ? »

En parallèle, les services du Médiateur de la République insistent sur la maltraitance dans les établissements de soins. Problème rarement dénoncé par les patients ou leurs familles de peur de représailles, il est pourtant indispensable d’agir et le P3S peut être utile dans un tel cas. Il est aussi question de l’initiation « d’une mission d’enquête sur la “maltraitance financière” des personnes âgées dans les établissements de santé dont le rapport est attendu pour le premier trimestre 2011 ».
Accès au dossier médical, fin de vie, non-respect des droits des patients en psychiatrie, application du principe de laïcité à l’hôpital, difficultés d’accès aux soins des détenus sont d’autres sujets traités dans ce document.

À la lecture de cette synthèse annuelle, une évidence s’impose : la communication du P3S a été revue en profondeur. Fini le discours agressif envers les professionnels de santé et la partialité affichée en faveur des patients, c’est avec beaucoup plus de douceur que les messages sont diffusés : « Son rôle de médiateur dans des dossiers liés à un préjudice susceptible d’entraîner des poursuites disciplinaires ou d’engager une responsabilité pénale, civile ou administrative, fait de lui [le P3S, NDLR] un observateur privilégié des événements indésirables graves et des pratiques non conformes ou contraires à l’éthique. Ces situations susceptibles de mettre en danger la vie d’autrui ou de menacer des personnes vulnérables (enfants, personnes âgées…) nécessitent parfois le déclenchement du dispositif d’alerte de l’autorité concernée. »

Accessoirement et même si peu nombreux sont ceux qui attachent encore de l’importance à la chose, il est surprenant qu’un document qui est là pour donner une image de sérieux au travail réalisé par le P3S comporte autant de fautes d’orthographe. La maîtrise du français semble tout aussi ardue que l’exercice de la médecine…